Overwatch : Recall
Chapitre 2 : Chemin de croix
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Précédemment : Adam Chillwell, agent spécial du gouvernement dépêché par le Pentagone pour retrouver les derniers agents d’Overwatch encore en cavale, a finalement récupérer toute leur localisation. Mais ils ne sont pas les seuls sur le coup : La Griffe aussi a des informations et ont bien l'intention de tuer dans l’œuf ce qui apparaît comme la renaissance d'Overwatch.
Jack baissa le regard sur la femme qu’il était sur le point de torturer. Seule la lueur de la lune filtrait par une fenêtre haute en marquant le sol d’un carré de lumière déformé et bleu. Autour d’eux, il y avait trois corps inanimés. Les quatre membres bardés de tatouages fluorescents étaient solidement attachés à une chaise en bois sur laquelle elle était assise. Avec un sang-froid obtenu après de nombreuses années sur le front, il agrippa ses cheveux par le bas pour lever son visage vers lui, et jeta un torchon sec sur elle, avant de s’emparer d’un seau d’eau de son autre main. Elle ne cessait de l’insulter et de se démener tant et si bien qu’elle était pourpre et suintante de sueur. La respiration haletante, le regard vague et fou comme celui d’un chien enragé, elle avait lâcher une dernière insulte avant d’être plongé dans l’obscurité par le morceau de tissu. Jack commença à verser tout doucement le liquide sur le torchon.
Le résultat fut immédiat.
La jeune femme se mit à convulser violemment à ouvrir grand la bouche à la recherche d’air qui ne venait pas, haletant comme un diable. C’était pire que tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Ses jambes étaient tendues au maximum et essayaient de temps à autre de faire bouger les piliers d’aciers qu’étaient celles de Jack sans succès. Tous ses muscles se bandaient, son corps tantôt se raidissaient, tantôt repartaient en folles vagues de douleurs et de suffocations, seule sa petite poitrine rebondissant de manière obscène, et rappelant à l’esprit désensibilisé de Jack l’eau qui s’agitait dans le seau avant de s’écouler de manière implacable pour la faire suffoquer.
Il enleva le torchon au bout d’une poignée de secondes qui avait semblé durer une éternité pour elle. Enfin délivrée elle inspira si profondément qu’un sanglot éclata lorsqu’elle expira, et elle poussa un cri de haine et douleur, un cri qui venait des tripes et qui aurait fait vibrer n’importe quel être humain... Mais pas Jack. De la morve coulait d’une de ses narines et ses yeux rouges larmoyaient lamentablement.
Le soldat enleva le torchon mouillé de son visage au bout d’une poignée de secondes qui dura une éternité pour elle, et lâcha ses cheveux. La jeune femme reprit sa respiration si profondément qu’un sanglot étouffé éclata dans l’obscurité du hangar, et elle poussa un cri de haine et douleur, un cri qui venait des tripes et qui aurait fait vibrer n’importe quel être humain... Mais pas Jack. De la morve coulait d’une de ses narines, ses yeux étaient gonflés d’eau et rouges et sa lèvre inférieure était gonflée, ensanglanté.
— Je peux faire ça toute la soirée, lui indiqua le soldat d’un ton placide. J’ai entendu que vous aviez une transaction sur les côtes du Mexique pour une transaction avec un
certain Hakim. C’est lui qui vous transmet les armes ? Depuis où et dans quel but ? Et qui est ton boss ?
Elle se pinça les lèvres, et essaya courageusement de reprendre sa respiration en fermant les yeux. La jeune femme resta silencieuse un moment, puis eut un rictus triste. Elle cracha avec rage sur son pantalon noir et éclata en baragouinant en espagnol d’une voix hystérique.
Jack lui rendit son rictus en poussant un soupir.
— Je sais que tu peux parler anglais, comme il y a quelques minutes, et dans un très bon accent en plus. Ne fais pas l’idiote. Je ne te le redemanderai pas.
Mais il n’y avait rien à faire. Il l’avait rencontré, elle et ses potes dans un bar aux abords du centre-ville de Mexico. Elle faisait partie de Los Muertos, un gang renommé au Mexique pour s’attaquer aux inégalités et être au service du peuple. Cependant, les décennies passant, et les têtes au sommet de l’organisation changeant, les mœurs ont profondément changé.
Quel âge avait-elle ? se demandait-il en soupirant. 20 ? 25 ? En tout cas, elle commençait à peine à comprendre dans quoi elle avait posé les pieds. Quand on voulait être dans un gang, quand on choisissait d’être un bandit, il n’y avait plus de marches en arrière. On disait oui à tout : L’argent facile, la renommée dans le quartier, le respect, la belle vie... et on récoltait les conséquences de ses actes. Elle ne mourrait pas ce soir, non, mais Jack Morrison allait faire en sorte de lui faire regretter. Derrière son masque, ses yeux clairs étaient devenus perçants, impitoyable comme ceux d’un aigle. Ils auraient peut-être dissuadé la jeune femme de gagner du temps si elles les avaient vu. Mais il était déjà trop tard. Frappée d’horreur, elle observait le torchon déjà imbibé d’eau retourner sur son visage, alors que le seau d’eau au-dessus de sa tête remplaçait à ses yeux la lueur de la fenêtre au-dessus de ses yeux.
— C’est dommage, soupira Jack. C’est Halloween, aujourd’hui... Tu aurais dû être dehors à demander des bonbons ou un mauvais sort... !
— Finalement, je l’ai eu le mauvais sort... rétorqua-t-elle avec haine.
Jack jeta le torchon sur son visage et l’aspergea à nouveau d’eau, le regard dans le vide, ses souvenirs noyant de nouveau son cerveau et le plongeant dans une nostalgie anesthésiante...
Juillet 2068, États-Unis
Un hélicoptère se déposa doucement sur le toit d'un grand et imposant bâtiment. Plusieurs personnes en sortirent, tous vêtues d'uniformes ou d'armures bleu ciel. L'une d'elle, qui était sortie en dernier, était une femme aux longs et lisses cheveux noirs. Elle avait la peau foncée, gorgée du soleil d'Egypte là où elle était née. Un léger sourire tordit les fines lèvres d'Ana alors qu'elle jetait un regard presque matériel sur son équipe devant elle. Elle logea son fusil sniper dans son dos, derrière sa longue veste bleue aux couleurs d'Overwatch, et vint finalement saluer le grand bond qui était venue les accueillir.
— Alors ? s'enquit-il de but en blanc, oubliant de la saluer. Comment s'est passé la mission ?
— Très bien, répondit Ana du tac-au-tac, en profitant pour analyser son visage carré et soucieux, ainsi que ses yeux fatigués.
Elle se retourna vers l'hélico et lui indiqua d'un mouvement du bras que le pilote pouvait retourner au garage. Ils suivirent l'équipe dans le Q.G d'Overwatch, continuant de discuter.
— Tu as pu poser les installations gouvernementales ?
— Non, répondit-t-elle sèchement.
Jack Morisson poussa un soupir à peine déguisé, en hochant désespérément la tête.
— Tu n'as pas pu, ou tu n'as pas voulu ?
Ana le regarda avec un sourire entendu. Jack ne put s'empêcher de lui répondre avec une grimace, son regard se fixant momentanément sur l'oudjat sous son œil droit.
— On va se faire taper sur le doigt par le gouvernement.
— Nous ne sommes pas à la solde du gouvernement, répliqua-t-elle à haute voix.
— Malheureusement, si !
— Eh bien pas moi ! Je ne suis pas américaine ! Ils n'ont pas à me dire quoi faire !
— Ana, tu as accepté la mission, tu l’a fait jusqu'au bout !
— Si les américains veulent continuer de voler les pays pauvres pleins de ressources en se cachant derrière des missions humanitaires, je n'en suis pas ! Ce n'est pas pour ça que je me suis engagée !
— Et pourtant, nous restons une branche spéciale de l'armée américaine ! rétorqua Jack, intraitable. Je comprends tes états d'âmes, mais nous ne sommes pas censés en avoir ! Nous avons des supérieurs à qui rendre des comptes ! Nous n'avons pas de prises sur les conséquences d'une mission, si ce n'est sa réussite ! Si tu veux vraiment changer les choses, prends leur place !
Ana Amari hocha la tête, dépitée.
— Comment fait tu pour leur être aussi obéissant ? se demanda-t-elle avec une pointe d'insolence qui fit tiquer l'interlocuteur.
— Ce n'est pas mon organisation ! rétorqua violemment Jack. Contrairement à toi, le poste de commandant ne m'est pas monté à la tête... !
— Qu'est-ce que tu d...
—Non, c'est bon ! Tu répondras de tes actes seule et devant Gérard. Je suis fatigué... de tout, en ce moment.
Leur regard se concentrèrent sur le groupe désormais loin d'eux : Reinhardt, Tracer, Torbjörn, Mercy, et récemment Winston qui avait récemment décider de sortir de son labo. Une équipe de monstre pour un mission monstrueuse au Inde
— Tu devrais prendre une pause, proposa la jeune femme en enlevant son béret.
— Hors de question... ! Qui sait ce que fera celui à qui je donne les commandes... !
Elle acquiesça lentement la tête en faisant la moue. Elle savait qu'il avait en tête leur ami Gabriel Reyes en disant cela. Ce dernier était parti en Italie, à Rialto, pour une mission secrète de routine dans l'un des Q.G de Talon. Au final, Antonio, un dealer d'armes, avait été retrouvé mort, ainsi qu'une dizaine de ses morts maculant de sang le gazon de son jardin. Les images avaient fait le tour du monde, n'hésitant pas à choquer les journalistes et éditorialistes qui s'étaient agréablement servis du sujet pour relancer l'actualité. La discrétion n'avait donc pas été respecté, et la mort du dealer n'allait probablement servir à rien, étant donné qu'un certain Vialli semblait prêt à le remplacer.
La guerre qui avait commencé entre Overwatch et Talon s'intensifiaient, mais auprès du public, l'association d'intervention américaine perdait de nombreux points de popularité, là où la Griffe était déjà au fond... !
— Où est Gabriel ? s'enquit-elle.
— Il attend devant le bureau de Gérard. Je vais bientôt le rejoindre.
— Je viendrai avec toi.
— Non, pas la peine...
— J'y tiens. Je suis ton second et veut être tenue au courant de ce qui se passe. Surtout maintenant que les temps sont compliqués.
— … Merci... Pour ça et... pour supporter mon mauvais caractère... !
Ana eut un petit rire sarcastique.
— Les bureaux ne te vont vraiment pas. J'ai hâte qu'on refasse une mission ensemble, un de ces jours.
— Oh, ça me manque tellement... souffla-t-il avec un sourire.
Il lui jeta un regard complice qui dura un peu plus longtemps que prévu. Malheureusement pour lui, Ana détourna ses yeux bruns avec malice, avant de changer de sujet.
— Nos agents s'améliorent de missions en missions...
— Et Winston ? Pas trop rouillé ?
— Non, tu le connais ! Il s'est entraîné comme un malade pour ça ! J'ai comme l'impression qu'il s'est lié d'une amitié particulièrement forte avec Léna. Et, au vu du déroulement de la mission... je pense qu'il a repris du service pour la protéger.
— C'est pas plus mal, avec son comportement suicidaire... !
— Toi aussi, tu as remarqué ? renchérit-elle. Je perds mon temps à expliquer la formation à adopter pour attaquer en groupe, et cette petite étincelle disparaît la seconde d'après pour réapparaître, seule, dans le dos de l'adversaire ! Donc Winston est forcé de sauter sur l'ennemi avec son bouclier dès qu'elle est repérée pour lui apporter son soutien. Mine de rien, avec son arrivée, nos techniques de combat sont devenues bien plus offensives. On "plonge" littéralement sur l'ennemi !
— Ça va pour des missions comme celle-ci, mais contre Talon ou une organisation plus aguerrie, il lui faudra plus que de la chance pour survivre... !
— Elle a réellement quelque chose, cependant... Avec encore un peu d'entraînement, je pourrais arrêter de concentrer mes tirs de soins sur elle pour m'occuper de l'équipe. Quant à lui râler dessus... Torbjörn le fait très bien !
Tous deux bifurquèrent sur la droite, alors que l'équipe avait continué tout droit. Ils marchèrent en silence quelques instant dans les larges couloirs du Q.G, passant de temps à autre devant des salles d'entraînements, où les membres d’Overwatch aguerris entraînaient les petits nouveaux. Jack reprit la parole.
— Tu te rappelles que j'ai envoyé Liao en reconnaissance en Europe ? Ce gars est extrêmement efficace, peut-être plus que n'importe lequel de nos agents. Il est né pour être espion.
— Il était infiltré dans un gang extrémiste de Roumanie contre l'existence des Omnics, n'est-ce-pas ? Il a recueilli assez d'informations ?
— Ana, il a démantelé le groupe à lui tout seul ! Les autorités roumaines ont repris l'affaire et la centaine d'adhérent interpellés répond de ses actes au tribunal !
La vice-commandante écarquilla les yeux de surprise. Si Liao Mingchem s'exposait médiatiquement, il serait un héros reconnu et acclamé, au même titre qu'Ana, Jack, Tracer, Winston ou encore Ange. Mais il préférait l'ombre qui lui offrait le métier d'espion. En y pensant, une de ses amis, Betty Obatala, et faisait partie du petit groupe formant l'élite d'Overwatch.
Les deux amis, après avoir descendu un étage, arrivèrent finalement à un espace circulaire. Des bancs y étaient installés contre le mur. Gabriel était assis dessus, en face de la porte du bureau de Gérard Lacroix, un bonnet noir vissé profondément sur sa tête, les bras croisés et la mine sombre. Il leva à peine la tête en les voyant arriver et eut un maigre sourire sarcastique.
— Commandant... Vice-commandante...
Jack s'assit sans rien dire, se caressant nerveusement le visage pour faire passer le temps plus vite.
— Avant que l'on entre Gabriel, commença Ana, dis-nous exactement les raisons qui t'ont poussé à tirer...
— Antonio se croyait intouchable... je lui ai prouvé que non.
— Tu étais censé lui garder une place pour le retour ! s'insurgea immédiatement le commandant Morrison. Je t'avais accordé ma confiance !
— Le message envoyé est plus fort ! répliqua Gabriel. Talon pensera à deux fois avant de nous attaquer !
— Tu parles ! répondit Jack du tac-au-tac sous l'air surpris d'Ana qui n'avait pas eu le temps d'en placer une. Il ne parlait pas de lui quand il disait qu'il était intouchable, Gabe ! Il sera remplacé aussi vite qu'il a disparu par un autre et leur business continuera de fleurir ! Talon est un monstre à plusieurs têtes, et chaque tête repousse après qu'on la coupe ! Ce n'est pas en tirant dessus qu'on le tuera, mais en mettant ce monstre à la lumière du jour et des médias ! Il faut le brûler jusqu'au cendres ! C'est-ce que j'ai essayé de te dire avant que tu ne partes !
— Tu es pourtant suffisamment intelligent pour comprendre... souffla le commandant Reyes. Nous sommes deux dans cette guerre, et l'un de nous ne respecte pas les règles ! Ils ont les mêmes moyens que nous, sont tout autant déterminés, et pourtant, tu es encore là à t'inquiéter de problèmes liés à ta popularité ou à l’administratif ! J'ai décidé de me battre pour le bien et d'utiliser toutes les armes qui mes sont donnés en conséquence ! Désormais, nous sommes pris au sérieux ! Et chaque mort de notre côté en vaudra dix de leur côté !
— Non mais tu t'entends parler !? Ana, dis quelque chose !
Ana ne trouva rien à répondre, trop surprise de se retrouver entre deux feux. Cependant, elle fut sauvée par le gong lorsqu'elle entendit une porte s'ouvrir.
Mais ce n’est pas Gérard qui apparut derrière le battant.
C’est Ana, qui venait d’ouvrir le portique de leur base temporaire, croulante et poussiéreuse, à Gizeh, dans le présent, une semaine après les évènements survenues au Mexique. Jack s’extirpa de ses souvenirs, et soupira avec légèreté.
— Alors, c’était quoi ?
— Une bande de rat, soupira-t-elle. Et quand je dis bande de rat, c’était littéralement des rongeurs grassouillets, pas les hommes d’Hakim. Donc, R.A.S. Bref, comment ça c’est fini cette histoire ?
— Et bien, elle m’a dit tout ce que j’avais envie de savoir... ! finit-il par dire, le regard impassible.
L’ex-soldat était assis sur une chaise en bois branlante, ses deux jambes croisées sur la table sale et illuminée par les rayons de la pleine lune qui passait à travers la fenêtre aux barreaux. Devant lui se trouvait une femme qui allait sur ses soixante et un ans. Plus que ses rides, pas si présentes que ça, c’était son regard brun qui trahissait son âge. On y sentait la lassitude, l’expérience. Une longue cape bleue la recouvrait, avec une capuche et un masque qu’elle avait posé sur la table.
Après le Mexique et la rencontre avec le Gang de Los Muertos, où il avait notamment fait subir une séance de torture pour avoir des informations, informations qu’il l’avait amené quelques jours plus tard ici, en Égypte. Arrivé à Gizeh, il avait toujours en tête ce nom d’”Hakim”. Il avait eu la confirmation que c’était lui qui vendait ses armes par-delà l’Atlantique et avait bien vite retrouvé sa trace en s’engageant dans un micro-trottoir musculeux en compagnie de petite frappe. La veille, il était arrivé devant un Riad surveillé qui ressemblait à la maison d’un riche touriste, mais qui était en fait la base secrète du dealer d’armes. Là-bas, à sa grande surprise, il était tombé sur un ancien, très ancien ami, devenu ennemi et qui était censé être mort il y a six ans : Gabriel Reyes, alias Faucheur, venu intercepter ses projets pour le tuer. Cependant, une chasseuse de prime locale était apparue au dernier moment pour lui sauver les fesses. Il s’était avérée que son héroïne était Ana Amari, une autre amie sensée être morte et qui était resté de son côté. Désormais, il était dans la base de l’égyptienne et avait essayé de fuir les hommes d’Hakim toute la journée d’hier. Ils semblaient les avoir semés et profitait de la fraîcheur de la nuit pour se prélasser dans leur nouvelle base.
Ana tourna la tête vers lui.
— Tu n’as pas eu à la torturer ? s'enquit-elle, en réponse au récit que Jack lui avait fait de ses aventures au Mexique.
— Si, mais rien de méchant, éluda Jack.
— Et leur boss ?
— J’aurai pu l’attendre mais j’ai décidé de nettoyer les lieux et de me tirer avant. Je ne voulais pas qu’il change le lieu de rendez-vous en sachant que je venais après avoir vu ses coéquipiers tabassés ainsi. Par contre je suis resté en retrait et j’ai un vu un gars tatoué rentrer dans le restau par la porte de derrière. Et du coup j’ai pu avoir affaire à lui directement quelques jours plus tard au port de Trampico. Il se fait appeler Juan.
— Hakim était là ?
— Non.
— Et ce Juan, tu lui as fait quoi ?
— Rien, soupira Jack. Je le garde sur le côté pour l’instant. A vrai dire, je voulu le suivre jusqu’à sa son trou mais je l’ai perdu de vue. Tu m’as dit que tu avais trouvé Hakim ?
— Ouais, je pense bien...
— Dans le quartier 7, numéro 24 de la rue des Oliviers. C’est un Riad. Mais c’est au centre-ville ça sera dur de faire dans la discrétion.
— On verra bien, conclut Jack avec un sourire. De toute façon, la discrétion n’a jamais été mon fort. En fait, comment tu as découvert cet Hakim ? lui demanda-t-il de but en blanc.
— C’est un marchand d’armes qui a des clients très particuliers... Tu sais, en ce moment en Egypte, il y a trois groupes politiques se disputent le pouvoir depuis quelques années. Le pays en est presque coupé en trois. Et depuis quelques semaines, des déclarations des leaders respectifs ainsi que des actes de représailles ont mené à des conflits armés. Conflits armés qui ne pourraient jamais arriver si quelqu’un n’était pas là pour le leur vendre au rabais.
— Ouais, mais de toute les façons, si c’était pas Hakim, c’était un autre, non ?
— Eh bien, non, justement ! répliqua-t-elle avec un maigre sourire. Les marchands capables d’alimenter à eux seuls un pays tout entier sont de moins en moins, et leurs clients sont de puissants États. Aucun d’eux n’auraient accepté de casser leurs pris en trois ou quatre pour de pauvres rixes en Egypte ! De plus, après une enquête poussée, j’ai pu voir qu’il avait des contacts privilégiés avec chaque groupe. Je pense qu’il a quelque chose derrière la tête.
— Comme créer le plus gros bordel possible et en profiter pour faire ce dont il a envie ?
— D’une manière ou d’une autre, le bain de sang vers lequel on se dirige lui convient, acquiesça la tireuse d’élite. Veut-il affaiblir les trois groupes et prendre le pouvoir ? Ou cherche-t-il à se faire un peu d’argent en vue de quelque chose de plus gros ? Dans tous les cas, qu’il se mette à saccager le pays ne me plaît pas. Le pays avait trouvé un certain équilibre depuis quelques mois.
Il est vrai qu’il s’exerçait une démocratie particulière en Égypte. Trois groupuscules aux dissensions plus idéologiques que religieuses, étaient devenues de vraies parties avec de plus en plus de d’adhérents, au fur et à mesure que leurs débats endiablés étaient retranscrits à la télévision. Chacun, en vue des élections qui arrivaient, cherchait à faire son trou. Le résultat de ces dernières fut historique ; 25% pour chaque groupe, 18% de vote blanc, et 7% d’abstention. Une égalité quasi-totale entre les adversaires politiques qui a amené à une décision historique décidés par une assemblée de citoyens choisis au hasard : Il serait question d’une délibération politique sur dix ans sauf lors du mandat. La communauté internationale avait raillé la décision, mais au final, le pays avait grandement évolué, rapidement, et dans le bon sens. Les débats étaient (très) animés, voire insupportable à regarder tant ça partait dans tous les sens, mais l’obligation de trouver une solution avant une date donnée, et l’avis du peuple pris en compte accélérer les choses.
— Tu comptes le tuer ?
Ana leva le regard vers lui, un sourcil narquois levé.
— Tu connais la réponse.
— Je voulais voir si tes années de chasseuse de prime t’avaient changé, se justifia le soldat.
— J’ai changé, Jack... mais pas dans le mauvais sens.
— Tu serais prête à reprendre le combat, dans ce cas ? s'enquit-il en fronçant les sourcils.
— De quel combat parle-tu ?
— Celui qu’on a abandonné il y a six ans, par exemple ?
Ana le regarda longuement avec le sourire.
— Tu as reçu le message de Winston ?
— Ce satané bigleux, cracha Jack avec un sourire affectueux. A cause de lui, les polices de tous les pays doivent être à nos basques. Ça ne m’étonnerait pas que la présence de Faucheur soit liée au fait qu’il nous ait contacté. Et je suis de la partie ! Comme toi, je suppose. J’ai parlé avec Winston, depuis. Ils se cachent dans les montagnes au Nigéria, me rappelle plus le nom exactement. Ils ont dit qu’on pourrait se retrouver dans un pays perdu, genre l’Australie, l’Afrique du Sud, ou encore l’Ind...
— Je ne suis pas de la partie, Jack.
Ce dernier s’interrompit un moment et la toisa comme s’il la voyait pour la première fois.
— Tu veux dire que... attends... Que veux-tu dire par là ?
— J’ai refusé sa proposition, répondit-elle d’un ton implacable.
— Mais enfin, le monde a plus que jamais besoin de nous ! Tu ne te rappelés pas la promesse qu’on s’est faite au tout début, alors qu’on se connaissait à peine ?!
— Vous ferez un très bon travail sans moi, d’accord ? Moi, en l’occurrence, les années après-Overwatch m’ont permis de découvrir certaines choses... et de changer, contrairement à toi. Et je ne pense pas que reformer Overwatch soit la solution. Pas maintenant.
— On remet ça a dans un mois si ça te dérange... s’exclama-t-il avec sarcasme. Ou alors, carrément, on met nos emplois du temps, et on décide d’une date qui va bien à tout le monde. Comme les réunions d’anciens amis du lycée... !
Jack Morrison resta un moment silencieux.
— Hum... grommela-t-elle rêveusement. Faisons donc ça.
— Ecoute, je suis sûr que tu as de bonnes raisons. Je t’ai connu de tes vingt ans à tes soixante, et je ne pense pas que tu ais autant changer d’avis en huit ans. C’est juste que... j’ai l’impression que tu ne crois plus en ce que l’on fait. Ce que l’on a fait.
Ana ne daigna pas répondre. Ses yeux sombres étaient perdus dans la contemplation du mur derrière lui. Elle semblait nerveuse et préoccupée, mais le soldat n’arrivait pas à savoir ce qui l’a tracassait de la sorte.
— Tu sais, commença-t-il. Moi aussi, j’ai eu des doutes. J’ai longtemps pensé qu’Overwatch n’était pas la bonne solution après ce que j’ai vu...
— Qu’as-tu donc découvert, Jack ?
— Il faut encore que je m’en assure... répliqua-t-il doucement. Mais réfléchis, Ana. Overwatch a chuté à cause de quelque chose, de quelqu’un ! Le combat entre Gabriel et moi était l’excuse parfaite pour définitivement mettre la clé sous la porte par une bande de cols blancs. Alors recommencer à zéro, c’est une solution, mais c’est vrai que ça n'arrange toujours pas le problème ! Notre ennemi est toujours là, dehors, puissant et influent, et il ne veut toujours pas de nous dans ses pattes.
— Je pensais qu’on avait arrêté parce que l’opinion publique en avait voulu ainsi.
— En partie, mais ils ont été manipulés ! Pour moi, il y a clairement eu quelque chose qui s’est passé en interne, une brebis galeuse qui nous as fait du tort pour nous descendre de l’intérieur, parce que notre chute l’intéressait.
— Quand je t’entends parler, je pense forcément à La Griffe. Qui d’autre à essayer plus qu’eux de nous exterminer ?
— En effet. Mais il faudrait alors considérer le fait qu’un ou des membres de La Griffe ait été, ou soit toujours, suffisamment proche de l’administration américaine pour avoir un droit de parole sur le dossier Overwatch.
— Des exécutifs de notre organisation qui bosserait pour La Griffe, donc ? s'enquit Ana, sidérée. C’est ça ton hypothèse ? Des espions suffisamment puissants pour décider de nous faire tomber à tout jamais ?
— Pourquoi pas ?
Ana jeta son regard dans le vide à son tour. A force de problème, les États-Unis, notamment une poignée d’exécutifs tel que le président, quelques ministres et des députés, avaient décidés de fermer l’organisation. Y aurait-il un traître parmi eux ? Pour éviter cette éventualité, le taux de recrutement des postes importants reliés à Overwatch avait été extrêmement bas, de sorte à ne pas faire entrer de nouvelles têtes inconnues susceptibles de les mettre à mal. Cela voudrait dire qu’ils étaient avec La Griffe depuis le début... voire, avant même qu’Overwatch soit créé ? Et puis, il avait cet homme, Petras, qui avait fait voter une loi interdisant à OW de réapparaître ?
— Tu as pensé à Petras ? lui demanda-t-elle.
— Bien sûr, mais mes investigations n’ont rien donnés. En plus, il va bientôt aller à la retraite, et son fils va reprendre la relève.
— Alors qui d’autre aurait bien pu nous trahir ?
— J’en sais rien. A part Amélie et Gabriel, bien sûr, mais bon, eux n’avaient pas les pouvoirs de faire quelque chose...
— Tu n’en sais vraiment rien ? insista l’égyptienne, un sourcil sarcastique levé.
— Disons que j’ai quelques pistes, mais rien de sûr. Par contre, au niveau des relations desdits hauts placés de l’époque, j’ai trouvé quelques rats bien juteux. Des Russes, dans l’armement et la technologie chimique, des Argentins et des Brésiliens magouilleurs...
— C’est peut-être là qu’il faudrait chercher. En tout cas, ça fait une raison de plus de ne pas relancer Overwatch maintenant.
— Il y a plus de raisons de le faire renaître que de continuer à se terrer, répliqua Jack.
Mais il n’insista pas, alors qu’Ana laissait planer un petit silence. Ils étaient dans une tour de bureau en construction dont l’ascenseur était déjà en état de marche. Ils étaient montés jusqu’au quinzième étage et tous deux regardaient la ville en contrebas. Avec les lampadaires et les phares de voitures, on aurait dit un ballet d’étoiles, un spectacle nocturne juste pour leurs yeux.
— Jack, il va falloir que tu me dises ce qu’il s’est passé.
— Où ? Quand ?
— Tu sais très bien de quoi je parle. A Zurich, il y a six ans.
Il détourna le regard de nouveau vers la fenêtre, l’air impassible.
— Ça a été une longue journée, finit-il par souffler. Tu sauras tout demain, pour l’instant, il faut que je me repose.
Voyant qu’elle faisait une moue déçue, il ajouta avec un rictus ;
— Comme ça tu m’expliqueras qui t’a sauvé le jour où t’étais censée crever... !
Elle leva vers lui un visage imperceptible, barré d’un petit sourire qui illuminait ses yeux bruns et lui redonnait l’éclat solaire de sa jeunesse.
— Oui, dit-elle doucement, comme si elle lui confiait un secret.
Jack hocha de la tête et enleva ses lourdes bottes en ahanant sous l’effort. Il vérifia que son masque de visée automatique était bel et bien éteint.
— Réveille moi quand t’es fatigué, je prendrai mon tour de garde...
Merci beaucoup d'avoir lu ! Prochain chapitre déjà prêt et publié dans à peu près une semaine, Stay tuned !
Au passage, je cherche un prélecteur, qui connaît ou pas, c'est juste pour les fautes et la relectures. N'hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressé ! A la prochaine, ici ou ailleurs sur le site ;)