L'inconnu du train Chicago - Los-Angeles
Dès son réveil, vers environ dix heures du matin, Jack sauta du lit. Il ne lui restait plus beaucoup de temps. La mission du jour : parler à ce bel inconnu. Un grand sourire aux lèvres, le journaliste était plus que motivé pour lui demander son nom (et peut-être un numéro?) pour qu'il ne quitte pas le train avec des regrets. Fort heureusement pour lui, la salle du déjeuné était vide vers dix heures et demi du matin. Il put donc manger tranquillement, mais avec une certaine hâte. Aujourd'hui était un grand jour pour lui ! Un petit rire lui échappa des lèvres. On aurait dit une adolescente qui s'était résignée à avouer son béguin pour un garçon du collège.
C'était à peu près ça, à bien y réfléchir. Heureusement que personne ne l'avait vu rire tout seul, d'ailleurs, sinon il aurait été bon pour finir taxé de fou jusqu'à la fin du voyage. Jack se leva de table et se dirigea de nouveau vers sa cabine, d'un pas décidé. Il fût cependant bien déçu de ne pas y trouver le beau musicien. Dommage. Sans doute était-il ailleurs dans le train ? Après tout, l'Amtrak avait fait halte à Albuquerque, dans le Nouveau-Mexique. Oui, il devait sans doute... Le cœur de Jack se mit à palpiter dangereusement tandis que son visage blêmit. Il dût s'accrocher à l'encadrement de la porte pour ne pas tomber, la respiration coupée, et les yeux grands ouverts. Et si il était descendu à cet arrêt ? Et si il ne le revoyait plus jamais ?
Ne voulant pas se faire à cette idée, le blond secoua ferment la tête avant de se précipiter vers l'avant du train, là où se trouvaient les portes. Non, ça ne pouvait pas se passer comme ça, il ne connaissait rien de lui. Ni son nom, ni rien... Cependant, à son plus grand malheur, avant même qu'il n'eut pu arriver devant les portes, celles-ci se fermèrent, annonçant le départ du train de la gare. Le cœur de Jack se serra. C'était trop tard. Par sa faute, et son manque de courage, il venait de laisser partir quelqu'un qui lui plaisait. Avec une mine déconfite, il retourna à son siège. Il eut envie de pleurer. Après tout, ce n'était pas tout les jours que l'on perdait une occasion pareille. Si ça se trouves, ils auraient pu devenir amis ! Et pourquoi pas plus... Il ne servait à rien de rester attachés à des rêves impossibles.
Avec un long soupir, il ouvrit la porte coulissante menant à la cabine avec les sièges... Et quelle ne fut pas sa surprise de voir le musicien. Son cœur frôla la crise cardiaque. Beaucoup trop d'émotions dans la même journée. Il fut tellement surpris, qu'il s'était reculé et caché derrière le mur en voyant le beau Latino, toujours en train de plancher sur son tas de feuilles. Le souffle de Jack s'accéléra. Son cœur entamait un rythme saccadé. Et lui, il avait l'air bien bête, caché derrière le mur, se tenant la poitrine et tentant désespérément de retrouver sa respiration, les joues rougies. Si Dieu existait, il avait décidé de lui laisser une seconde chance. C'était le moment de la saisir. Il prit une grande bouffée d'air, fit une petite prière dans sa tête, et retourna dans la pièce pour faire face à l'autre homme. Mais alors qu'il ouvrit la bouche pour parler, et enfin lui adresser fièrement la parole, un autre homme, que Jack avait identifié comme l'un des musiciens qui avaient joués avec le Latino la veille, entra dans la cabine sans prévenir, et s'adressa à la place de Jack à l'homme au teint basané.
« Hey ! Qu'est-ce que tu fais ? Tout le monde t'attends dans le wagon d'à côté ! Cornelius veux nous montrer comment il se débrouille avec sa trompette quand il joue du Jazz ! »
Visiblement, il n'en fallu pas plus au voisin du journaliste pour afficher un grand sourire, les yeux pétillants. Dieu qu'il était beau.
« Quoi ? On joue du Jazz et on ne m'as pas prévenu ? Attends un peu, et Cornelius va voir ce que c'est qu'un vrai musicien ! »
Dit-il en riant, avant de sortir de la pièce avec l'autre homme, comme si Jack n'existait pas. Comme si il ne l'avait pas vu. Il ne lui avait même pas adressé un regard. Mais ce n'était pas grave. Il avait rit. Et c'était définitivement le son le plus beau qu'il avait entendu depuis longtemps. Le chant des oiseaux dans sa campagne natale, ce n'était rien à côté. Et pourtant, Dieu sait à quel point Jack tenait à sa campagne... Jack poussa un long soupir, heureux, pour une raison qu'il ignorait. Ce fut le grognement de son ventre qui le ramena à la réalité. En effet, il était déjà 13h30. Si Jack n'avait pas vu son voisin de siège, c'était sûrement qu'il était allé manger, comme toute personne normale.
Il se dirigea donc vers le wagon destiné à la restauration, en traînant un peu des pieds, déçu de ne pas aller voir son béguin (oui, il pouvait le dire...) jouer de la musique. Mais les besoins naturels étaient plus importants, d'autant plus qu'il s'agissait du dernier repas offert par la compagnie de train avant l'entrée en gare à Los-Angeles. Autant dire qu'il ne restait vraiment plus beaucoup de temps à Jack pour faire connaissance, sans compter qu'il devait encore rassembler ses affaires, refaire sa valise... A peine eut-il le temps de manger que ton téléphone se mit à vibrer. Un petit sourire apparu sur les lèvres du journaliste tandis qu'il décrocha.
« Comment va mon reporter préféré ? »
Jack ne put que laisser échapper un rire.
« Je vais très bien, Ana. Et toi ? Au fait, tu peux toujours venir me chercher à la gare ce soir, hein ? »
Il ne pouvait pas s'en empêcher. Il ne voulait pas paraître paniquer, mais il était toujours bon de confirmer les plans que l'on avait prévus quelques mois à l'avance.
« Mais oui, bien sûr, tu sais très bien que je n'attends que ça. Ta visite m'as forcé à ranger la chambre d'amis, d'ailleurs. Je ne vais pas te mentir, mais jusqu'à présent elle servait surtout de grenier... »
« Je suis vraiment désolé de m'incruster chez toi, Ana... C'était vraiment gentil à toi de proposer de m’héberger pendant mes vacances, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que je serai un poids pour toi... Après tout, une bouche de plus à nourrir... Sachant que tu as déjà ton enfant... »
« Mais enfin, Jack, qu'est-ce que tu raconte ? Je suis plus que ravie de t'accueillir chez moi, et tu le sais ! Et puis, c'est moins cher que l'hôtel, non ? Et ne te sert pas de ma fille comme d'une excuse ! Fareeha est plus qu'heureuse de te revoir. »
« Elle doit avoir grandi depuis le temps que je ne l'ai vu... »
« Oui, un peu trop même ! Maintenant je ne peux même plus cacher les friandises sur les étagères, elle arrive à les attraper ! »
Jack éclata de rire. Ce que c'était bon de parler à sa meilleure amie. Même si ils allaient se voir dans quelques heures ce n'était pas grave. Ils passèrent quelques temps de plus au téléphone avant que Jack ne mette fin à la conversation, ayant vu qu'il était déjà 17h30 et qu'il avait une valise à préparer, ainsi qu'un beau jeune homme à rencontrer...
« Ça va, ça va, j'ai compris, va retrouver ton prince charmant... Tu crois que je pourrai le voir à la Gare de Los-Angeles ? Oh ! Et tu as des photos ? »
« Ana... Comme je viens de te le dire, je ne connais même pas son nom. Comment veux-tu que j'ai une photo de lui ? »
« Oui, bon, j'ai compris. Mais je veux plus de détails ce soir dans la voiture ! A tout à l'heure, Jack ! »
Jack raccrocha le téléphone et se dirigea vers sa cabine. Il était temps de mettre un peu d'ordre dans ses affaires, de tout ranger tout en faisant attention à ne rien oublier, ce qui n'était pas une mince à faire connaissant la nature brouillon de Jack. Il eut à peut près fini de faire sa valise (et de la fermer, ce qui avait été aussi difficile qu'une discipline olympique) vers 20h. Avec un grand sourire, Jack était satisfait. Jusqu'à-ce qu'il entendre une petite voix au haut-parleurs qui annonçaient l'entrée en gare de l'Amtrak à Los-Angeles.
« Déjà ?! »
Ils étaient n'étaient pas sensé arriver avant deux heures ! Jack se précipita vers l'avant du train pour avoir une meilleure vue sur la gare que l'on voyait déjà depuis les nombreuses fenêtres. Cependant cela ne fut pas facile étant donné le monde qui s'était dirigé en même temps vers le premier wagon. Et Jack n'avait toujours pas accompli la mission qu'il s'était donné. Il retourna dans sa cabine, et la voyant vide, à l'exception de sa valise, il s'était dit que le musicien avait déjà dû partir. Il prit donc sa valise et couru jusqu'aux portes.
Peut-être pourrait-il l'interpeller avant de sortir du train ? Mais ses espoirs furent de courte durée. Il y avait tellement de monde dans le hall. Jack avait beau se mettre sur la pointe des pieds ou sauter pour essayer d’apercevoir le Latino. Mais où était-il bon sang ? Quand les portes s'ouvrirent, Jack avait plus de marge de manœuvre et pouvait donc se déplacer à peu près correctement. Et c'est là qu'il le vit. Il était dos à lui, mais Jack savait que c'était lui. Sans vergogne, il poussa toute personne se trouvant sur son passage, ne prenant même pas le temps de s'excuser, pour essayer de l'atteindre.
« M-Monsieur ! Je... Monsieur s'il vous plaît ! Monsieur !! »
Mais hélas, rien ni fît. Avant même qu'il n'eut pu faire quoi que ce soit, il avait disparu. Jack était resté là, planté comme un piquet, au beau milieu de la foule qui se dissipait peu à peu, pensant à la chance qu'il venait de laisser filer. Ana lui avait certainement déjà dit des dizaines de fois auparavant, mais cette fois était plus vrai que toutes les autres : Jack était un idiot. Il eut envie de pleurer, mais les larmes ne vinrent pas. Le blond laissa s'échapper un long soupir tremblant tandis qu'il parti s'asseoir sur un banc dans la gare, seul, à attendre. Ana ne devrait pas tarder. Jack laissa ses pensées dériver. L'autre ne l'avait même pas entendu. Peut-être n'avait-il tout simplement pas envie de l'entendre ? Peut-être avait-il déjà remarqué depuis longtemps ces tentatives infructueuses pour l'aborder, mais qu'il n'était pas intéressé et qu'il ne voulait pas à avoir à refuser poliment ses avances ?
« Et bah, je t'ai connu dans des jours meilleurs ! Qu'est-ce qui t’arrive ? »
Ana. Évidemment, cela ne pouvait être qu'elle.
« Il est parti, Ana. Il est parti sans même que je ne puisse lui adresser la parole. Sans même que je ne puisse connaître son nom... »
La jeune femme égyptienne secoua la tête négativement, les sourcils froncés, comme signe de désapprobation.
« Rien n'est perdu, Jack. Premièrement, il est descendu à Los-Angeles. C'est vrai que la ville est grande, mais il est toujours possible que tu le croise pendant tes vacances. Ensuite, tu peux toujours demander de l'aide pour le retrouver ! Si tu te rappelle suffisamment de son visage, ça ne devrait pas être trop compliqué. Et enfin, si rien ne marche, dit toi qu'il s'agissait simplement d'un petit béguin de voyage. Ça fait mal, mais ça va passer. »
Sa meilleure amie avait toujours les mots pour le réconforter. Jack se permit un petit rire avant de se lever du banc, sa valise à la main, et de venir serrer Ana dans ses bras.
« Merci Ana... »
« De rien, mon grand. Maintenant viens, la voiture est sur le parking de la gare, et je n'ai pas plus envie que ça de payer une demi-heure de stationnement de plus ! »
Ainsi les deux amis se dirigèrent vers la voiture. Une fois la valise rangée dans le coffre et les deux amis installés, Jack s'allongea sur le siège passager de la voiture d'Ana, tout en regardant le ciel étoilé par la fenêtre.
« … Tu sais, Jack. Quand je disais que tu pouvait essayer de le retrouver, je ne plaisantait pas ! Avec les réseaux sociaux, on peut trouver n'importe qui de nos jours... »
Il ne savait pas pourquoi, mais Jack savait que ce n'était pas une mauvaise idée. Pourtant, il n'eut pas plus de temps que ça pour y penser puisqu'il s'était endormi. Quand il se réveilla, il était déjà arrivé au domicile d'Ana.
« Bienvenue chez les Amari, Jack ! »
Fit-elle avec un grand sourire. Jack lui rendit un sourire fatigué. Il devait avoir dormi 20 minutes, puisque le trajet n'était pas vraiment long depuis la gare jusqu'au centre-ville, et il était toujours très fatigué. Ana ouvrit la porte qui était fermée à clef, et n'alluma pas la lumière du salon.
« Fareeha dors à cette heure-ci... Mieux vaut ne pas la réveiller sinon il sera impossible de la faire se rendormir quand elle te verra. »
Avait-elle donné comme explication. Jack sourit et retint un petit rire. Fareeha était une enfant très dynamique pour son âge. Connaissant déjà un peu la maison, Jack ne perdit pas de temps et après avoir posé sa valise dans la chambre d'ami que lui avait préparé Ana, il parti se doucher, puis se coucher. Mais une fois dans son lit, le sommeil ne lui vint pas. Il passa de longues minutes à tourner dans son lit sans pouvoir fermer les yeux. Sans cesse, les mots de son amie lui revinrent en mémoire. « … Tu sais, Jack. Quand je disais que tu pouvait essayer de le retrouver, je ne plaisantait pas ! Avec les réseaux sociaux, on peut trouver n'importe qui de nos jours... ».
Oui, c'est sans doute vrai. Et si Jack avait une seule, une toute petite chance de retrouver le Latino ? Avec une grande inspiration, le journaliste prit le téléphone portable qui était situé sur la table de nuit, en train de charger, puis ouvrit le premier réseau social qui lui vint en tête : Twitter. Il lui fallu beaucoup de courage pour commencer à écrire son tweet. Il n'avait d'ailleurs pas vraiment réfléchit aux conséquences que ça allait porter sur son futur, trop fatigué pour cela. Et il écrivit.
J.F. Morrison: Nous avons pris l'Amtrak Chicago - Los-Angeles ensemble. Tu es musicien, latino, et je n'ai pas osé te parler... Aidez-moi. @Amtrak
Pourquoi avait-il posté cela ? Lui-même ne le savait pas. Mais en tout cas, il était bien décidé à tout essayer pour le retrouver. Et puis, il ne voyait vraiment pas ce qu'il risquait à le faire... Pas vrai ? Jack se mit à bayer. Il reposa son téléphone portable qu'il rebrancha pour le faire charger, s'allongea correctement dans son lit, et enfin, il put trouver un repos bien mérité.