Je t'attendrai
Chapitre 21 : Chapitre vingt-et-unième
6241 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 09/11/2016 20:34
Chapitre vingt-et-unième,
Les bruits de ses pas, de leurs pas, résonnaient entre les murs gris du sombre corridor. Luffy, chaussé de ses tongs habituelles courrait dans le couloir, suivi de près par Sanji et Zoro. Ils évoluaient silencieusement, bifurquant à chaque perforation qu’ils voyaient dans les murs, signe du passage de celle qu’ils cherchaient. Ils suivaient sa trace avec insistance et détermination, et pourtant, Sanji avait l’horrible impression de tourner en rond. Ce labyrinthe était d’une perversité sans nom, et il songea d’ailleurs que cela correspondait parfaitement au style de ce psychopathe prénommé Shado.
Luffy, quant à lui, avait le regard rivé devant lui, son chapeau rejeté sur sa nuque, et traçait sa route avec concentration. Il la revoyait, parmi les siens, un immense sourire au lèvres, un bonheur pur plaqué sur son visage.
« Tu sais, Luffy, lui avait-elle dit un jour, avec un sourire dans lequel il n’avait pas su déceler autre chose que de la simple nostalgie, à l’époque. J’aurais vraiment aimé vous rencontrer plus tôt... Vraiment... »
Luffy serra les dents. Il comprenait, maintenant. Ils devaient absolument retrouver Elena. Il ne la laisserait pas se battre seule.
C’était la première fois. La première fois qu’il rencontrait quelqu’un comme elle. Oui, c’était la première fois qu’il était confronté à une telle situation. La première fois qu’il se retrouvait face à une femme qui ne voulait pas être sauvée. Enfin, ce n’était pas vraiment ça. Plus exactement, elle ne voulait pas qu’il se batte pour elle, elle ne voulait pas qu’il la délivre. Elle voulait se battre elle-même. Elle voulait se sauver elle-même. Elle voulait briser ses chaînes elle-même. Par la force de ses sabres, par la force de sa volonté, exactement comme il l’aurait fait s’il avait été dans sa position.
Et maintenant, Luffy s’en rendait compte. Il s’était trompé. Il n’était pas là pour sauver Elena.
A chaque rencontre avec l’un de ses camarades, il avait presque inconsciemment pris ses sentiments avec lui, et s’était battu pour ce même camarade. A chaque fois, il lui, ou plutôt, il leur avait « suffi » d’arriver, de tout défoncer sur leur passage, et tout était réglé. Mais aujourd’hui, c’était différent. Il n’était pas là pour se battre à sa place. Même si elle ne l’avait peut-être pas interprété comme cela, Elena avait raison. Elle n’avait pas besoin d’être sauvée par qui que ce soit. Elle était la seule capable de se sauver, et il le voyait, maintenant. Tout ce dont elle avait besoin, c’était qu’on lui ouvre les yeux. Luffy était là pour ça. Il était là pour lui hurler qu’elle n’était plus seule. Il était là pour lui donner une raison de se battre, pour lui faire réaliser qu’elle avait une raison de se sauver, de se pardonner. Il était uniquement là pour l’aider, l’accepter, et surtout, l’aimer. Et ils étaient tous là pour ça.
Alors il le ferait. Il ne la laisserait plus jamais seule, comme il l’avait dit. Car, après tout, malgré tout ce qui s’était passé, elle restait sa précieuse nakama, et il ne l’abandonnerait pas.
« Oi... Attendez. Arrêtez-vous. »
Brusquement, Luffy fit freiner ses sandales déjà esquintées contre le sol et se retourna, considérant Zoro avec étonnement. Sur sa droite, Sanji fit de même et haussa un sourcil, agacé. Il s’apprêtait visiblement à faire une remarque, quand ses yeux se posèrent sur le visage de Zoro, qui semblait redoublé de concentration. Alors il se tut. Bon sang, mais qu’est-ce qu’il faisait encore, celui-là ?
On ne va pas dans la bonne direction, lâcha l’escrimeur.
Nani ?
Ce n’est pas par là.
Attends, attends, fit Sanji en soupirant. Tu es en train de nous dire que toi, Roronoa Zoro, l’homme avec le sens de l’orientation le plus pourri du monde, tu aurais soudainement acquis un don de clairvoyance ?
Non, répondit-il d’un air absent qui ne lui ressemblait pas. C’est juste que... Je sais où elle est.
Tu sais ? Comment pourrais-tu le savoir ?
Zoro, les yeux rivés dans le vide, porta sa main à son cœur. Puis, comme s’il ne se comprenait pas lui-même, il reprit d’un air évasif :
« Je le sens. »
Sanji plissa les yeux et redevint sérieux. Il le sentait ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Le cuistot jeta un coup d’œil à Luffy, qui fixait le bretteur de ses grands yeux sombres. Ça faisait bien longtemps qu’il n’avait pas vu son Capitaine aussi sérieux.
« Ok, déclara le concerné après quelques secondes de silence. On te suit. »
Et sans plus tarder, ils firent demi-tour, guidés par les pas de l’escrimeur aux cheveux verts. De derrière, Sanji l’observa, d’un œil nouveau. Il avait souvent été frappé par l’intensité de la liaison entre Elena et Zoro – intensité dont les concernés semblaient tout juste prendre conscience – et il avait d’ailleurs été le premier à saisir la nature de leur relation. Il se rappelait, un jour, les avoir vu tous deux accoudés sur le rebord du Sunny, en train de discuter. Il l’avait remarqué à plusieurs reprises : quand ils étaient seuls, c’était comme si le monde autour d’eux n’existait plus. Et cette fois-ci n’avait pas fait exception : malgré leurs instincts surdéveloppés, ils n’avaient même pas remarqué sa présence.
Et, sous ses yeux, leurs deux auras avaient semblé se toucher, se mêler l’une à l’autre, se découvrir, s’imprégner de leurs énergies respectives. Sanji avait d’abord cru halluciner. Et quand il avait rouvert les yeux, les auras avaient disparues ; ne restaient alors plus que les deux escrimeurs, le regard rivé sur un même horizon. Et c’était alors qu’il avait comprit qu’il n’avait pas halluciné. Elena et Zoro... Ils étaient comme des aimants. Enfin, ce n’était pas exact. Ils se ressemblaient, tout en restant différents. Ils se complétaient, tout en s’opposant paradoxalement. Ils s’attiraient, mais se repoussaient aussi mutuellement. Sanji l’avait vu. Ils avaient tous deux cette même part d’ombre en eux, ce même pouvoir monstrueux, ce même instinct animal et sauvage. C’était comme si la Providence elle-même avait fait en sorte qu’ils se rencontrent. Comme s’ils s’étaient cherchés, attendus, des années durant. Et aujourd’hui encore, le côté mystique et surnaturel de ce fil qui les reliait le surprenait encore. C’était comme si... Comme s’ils avaient été créés l’un pour l’autre.
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(https://www.youtube.com/watch?v=ceIl3cGib-c)
La salle était détruite. Complètement détruite et ravagée. La majorité des piliers blancs avaient été brisés, de grandes parties des murs de marbre étaient fissurées ou même désintégrées, le sol était ponctué de cratères plus grands les uns que les autres, et les deux combattants, eux, ne se portaient pas bien mieux.
Shado trancha l’air de son sabre, le débarrassant du sang qui le tâchait, avant de passer un doigt sur la plaie fraiche qui ornait son bras. Il se considéra lui-même avec un sourire : elle l’avait sacrément amoché, il fallait le dire. Ses habits étaient en lambeaux, quelques mèches de ses cheveux avaient été inégalement coupées, et du sang glissait de son abdomen. Sans le moindre gémissement, il arracha le haut de sa longue tunique, dévoilant au grand jour son torse ensanglanté décoré d’une large entaille en X dont il garderait la cicatrice à vie. Oui, elle l’avait amoché. Et c’était sans compter sa première plaie dans le dos dont l’écoulement de sang ne semblait pas vouloir s’arrêter.
Puis, il la regarda. Elle se tenait à une dizaine de mètres de là, droite, les cheveux bouclant sur son visage sombre et tâché de rouge. Elena était dans un état encore pire que le sien. A chaque mouvement qu’elle faisait, l’une de ses blessures se rouvrait, et une nouvelle coulée de sang prenait naissance. Tous les coups de fouets qu’elle avait reçus récemment lui portaient aujourd’hui préjudice. Elle souffrait comme jamais il n’avait souffert, et pourtant, elle tenait encore debout. Elle se battait encore, et pour ça, Shado ne l’en aimait que davantage. Elle lui donnait le plus beau combat qu’il aurait jamais pu espéré, et il souhaitait maintenant que cela ne s’arrête.
« Tu es la meilleure, Elena. »
Et de nouveau, il se rua sur elle. La concernée darda son regard métalliquement ensanglanté sur lui. Et lorsqu’il remarqua le léger sourire qui étirait ses lèvres, il redoubla de vitesse et ses yeux s’illuminèrent d’une excitation nouvelle. Il le savait ! Il savait qu’elle aimait ça, elle aussi. Le combat, le vrai.
Il fit un saut pour franchir les derniers mètres qui les séparaient, et leurs sabres se rencontrèrent presque naturellement. La violence inhumaine de leur échange fit craqueler les murs environnants et résonna dans leurs muscles. Puis, le prenant par surprise, Elena fit un tour sur elle, déviant ainsi ses sabres, tout en se déplaçant légèrement sur sa droite, pour ressurgir dans son angle mort. Mais Shado esquiva. S’il ne pouvait pas la voir tant elle était rapide, il pouvait essayer de deviner ses positions ou du moins, ressentir sa présence. Alors, quand il sentit l’air bouger dans son dos, sa réaction fut instantanée, et il bondit en avant pour esquiver l’attaque de justesse. Il entendit le sabre d’Elena trancher l’air et se retourna vivement pour lui faire face.
A cet instant même, la métisse fit un incroyable saut en l’air, ses sabres levés au-dessus de sa tête, et un cri hargneux s’échappa de ses lèvres. Dans un premier temps, Shado préféra contrer l’attaque. Mais lorsqu’il sentit ses jambes ployer sous la puissance de son adversaire, il utilisa sa propre vitesse pour se soustraire à l’emprise de ses lames. Elena continua dans sa lancée et le sol se souleva, se déchira sur des mètres et des mètres lorsque les pointes de ses armes le touchèrent.
Sans perdre une seconde, Shado revint à l’attaque. Il fit un demi-tour sur lui-même et lui asséna un terrible coup de pied qu’elle parvint cependant à contrer en collant ses deux avant-bras. Cette fois-ci, il empoigna son épée comme une lance, et avec une rapidité incroyable, la plongea vers le haut du buste d’Elena. Mais celle-ci, sans crier gare, s’arqua avec une facilité ahurissante, se courbant en arrière de telle sorte que la lame ne fit que frôler sa poitrine.
Alors qu’elle avait encore sa tête à quelques centimètres du sol, elle se redressa légèrement et traça un quart de cercle sur le sol de son pied pour changer d’appui, de telle sorte qu’elle parvint à se retourner et à atteindre les jambes de Shado. Il grimaça de plaisir. Elle était vraiment incroyable. Mais elle ne gagnerait pas. Il fit un saut en l’air, le sabre passa sous ses talons. Et dès l’instant où ses pieds eurent touché le sol, il bondit de nouveau avec une agilité sans faille. Son corps tourna sur lui-même, et le dessus de son pied alla impétueusement cogner la joue d’Elena qui cette fois-ci, fut envoyée valser au loin.
Mais à peine eu-t-il le temps de revenir sur terre qu’il la vit furieusement jaillir sur son côté gauche, et trancher l’air à seulement quelques millimètres de son bras. Il fit un pas en arrière, juste assez grand pour éviter son offensive, mais elle ne s’arrêta pas là. Son corps presque parallèle au sol, elle se propulsa, attaquant son adversaire de front. Shado se préparait à la recevoir, son sabre tendu devant lui, quand soudainement, elle se jeta au sol, disparaissant momentanément de la vision de son adversaire pris au dépourvu.
Déboussolé, Shado tenta de la suivre du regard, mais dès lors qu’il baissa les yeux vers le sol, elle n’était déjà plus là. Et lorsqu’il la sentit bondir dans son dos, il eut juste le temps de faire volte-face et de contrer ses lames. Mais la justesse de son acte ne lui permit pas de résister, et encore une fois, la puissance d’Elena l’envoya heurter l’un des piliers restants de plein fouet. La colonne de marbre se fendit verticalement en deux, et aussitôt, le bretteur aux cheveux violacés revint à l’attaque.
Il se jeta sur elle et leurs sabres entrèrent de nouveau en collision. Les étincelles s’intensifièrent, les rafales de vent ébranlèrent la pièce. Leurs bras bougeaient avec une telle vitesse qu’il devenait difficile de les apercevoir. Ils avançaient, reculaient, sautaient, changeaient d’appui, tournaient. Cet échange-ci dura de longues secondes, durant lesquelles leurs lames semblaient comme emportées par une danse endiablée.
Shado leva son sabre au-dessus de sa tête, avant de l’abattre sur celui d’Elena, mais celle-ci, à sa plus grande surprise, se déplaça et se rapprocha juste à peine pour pouvoir attraper son bras au niveau du coude. Shado écarquilla ses yeux en la voyant faire un tour sur elle-même pour se rapprocher de lui, et du sang s’échappa de sa bouche lorsqu’elle vint violemment enfoncer son coude, puis sa garde, dans son abdomen.
Puis, consciente qu’elle se mettait en danger en restant aussi proche, elle s’éloigna bien vite, juste assez longtemps pour que Shado s’en remette. Et de nouveau, il se propulsa. Il empoigna son sabre à deux mains et le tendit devant lui pour atteindre Elena, mais celle-ci le bloqua entre ses deux sabres, et dévia sa lame dans un horrible crissement. Puis, dès lors que leurs armes furent séparées, elle exécuta deux roues arrières pour s’éloigner, ce qui laissa juste le temps à Shado de préparer son attaque. Une énième fois, il se propulsa et il la vit décroiser ses sabres en pliant ses jambes, prête à l’accueillir. Mais alors qu’il s’apprêtait à franchir les deux derniers mètres qui les séparait, il freina brusquement, plaça son sabre à l’horizontale et là, s’écria :
« Apocalyps ! »
Elena fronça les sourcils en voyant la salve d’énergie pourpre se jeter sur elle. Elle n’avait pas le temps d’esquiver. Alors elle plaça ses deux sabres devant elle, pointes vers le ciel : elle allait trancher son attaque. Elle attendit le bon moment, et alors, elle abattit ses armes sur l’afflux de puissance violacée. Mais à cet instant, une décharge électrique parcourut ses lames, avant de venir toucher son corps. Elena s’ébroua et du sang s’échappa de sa bouche.
Ses genoux flanchèrent et elle s’apprêtait à tomber au sol, mais elle se rattrapa sur sa main, tout en gardant son arme empoignée, et se redressa aussitôt. Elle plongea son regard écarlate dans celui de Shado, qui frissonna à la vue de son expression sauvage. Puis, elle se rua sur lui, toutes dents dévoilées. Elle l’assaillit de coups d’épées à une vitesse inimaginable, et lorsqu’il eut comprit, en se faisant lacérer la joue, qu’il ne pouvait pas toutes les contrer, Shado se baissa brusquement, passant sous le coude d’Elena, et dans un geste du haut vers le bas, essaya de taillader son abdomen d’Elena.
Mais celle-ci, bien plus rapide, fit un incroyable salto, tournoyant sur elle-même dans les airs, tête à l’envers, avant de se retrouver dans le dos de Shado, où elle revint à la charge. D’un seul sabre, elle bloqua son arme, et de l’autre, elle fit mine de l’attaquer par la droite. Shado y crut, et il dévia son premier sabre pour être sûr de bloquer l’autre. Mais à cet instant, contre toute attente, Elena jeta son épée de la main droite en l’air pour venir lui agripper le col. Son adversaire écarquilla les yeux, et il n’eut aucun moyen d’esquiver le titanesque coup de tête qu’elle lui assena. Un craquement se fit ressentir.
Complètement sonné, Shado perdit l’équilibre au moment où la seconde arme d’Elena revenait prendre place dans sa main et de nouveau, il ne put rien faire lorsqu’elle lui trancha une seconde fois le buste. Le visage du bretteur se décomposa de douleur l’espace d’un instant, puis il se reprit aussitôt, et au prix d’un immense effort, serra les dents et tenta de se redresser avec un cri de rage.
Le voyant revenir vers elle à une vitesse incroyable, Elena écarquilla ses yeux de surprise et elle eut juste le temps de bondir en arrière pour esquiver la lame de Shado, qui s’enfonça dans l’air. Elle fit quelques bonds de plus pour être sûre d’échapper à son bourreau. Ce dernier, considéra la nouvelle blessure sur son torse qui venait se superposer sur la première et passa son pouce sur la plaie. Puis, lorsque celui-ci fut empli de sang, il le porta à sa bouche, le lécha, et à cet instant, son visage se fendit en un horrible sourire psychopathe, frôlant jusqu'à ses oreilles.
Elena plia ses jambes, prête à recommencer. Mais à l’instant même où le sol s’enfonça sous la puissance de ses muscles, une sorte d’explosion silencieuse se fit ressentir à même son cœur et elle faillit tomber à genoux. Les yeux écarquillés, elle se plia en deux. Dès que sa bouche fut ouverte, une fontaine de sang se mit à en découler.
Le déluge dura de longues secondes, et bientôt, une épaisse marre de sang s’était formée à ses pieds déjà rougis. Après avoir toussé toutes ses entrailles, Elena se redressa, l’esprit tournant à mille à l’heure. Pourquoi maintenant ? Pourquoi avait-il fallu que ses blessures se rouvrent ? Elle cracha encore un peu, avant de se relever non sans peine. Sa poitrine se soulevait violemment et son cerveau recommençait à prendre le contrôle sur son instinct, sur son pouvoir. Elena empoigna plus durement ses sabres et serra les dents. Non, elle devait encore se battre. Son enveloppe charnelle ne supportait pas son pouvoir, elle le savait, d’autant plus qu’elle était sur le point de se vider de tout son sang, mais ce n’était pas grave. Elle gagnerait. Elle l’avait juré.
Réveillée par la nouvelle poussée d’adrénaline, la nouvelle montée de pouvoir qui avait émergée en elle, Elena coupa court avec sa souffrance, et releva vers Shado un visage dur et déterminé. Elle devait se concentrer uniquement sur la bataille à mener. Il n’y avait que ça à faire. Shado n’en revint pas, lorsqu’il la vit se relever et essuyer d’un revers de la main le filet écarlate qui glissait le long de son menton. Mais il n’en avait pas moins espéré d’elle.
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Zoro tourna à droite, puis redoubla de vitesse. Luffy et Sanji, sur ses pas, firent de même. Depuis quelques minutes, les traces du passage d’Elena se faisaient de plus en plus fréquentes : ils étaient sur la bonne voix. Zoro la sentait, toute proche, et s’il se concentrait, il pouvait même entendre les faibles battements de son cœur ainsi que le crissement de ses épées contre celle de Shado. Ce fut donc sans la moindre hésitation qu’il déclara :
« On y est presque. »
Et il avait raison. Ils prirent de nouveau à gauche, avant de passer par l’immense cratère dans le mur. Ils traversèrent trois pièces, puis s’engagèrent dans un énième couloir, qui s’avéra être le dernier. Au fond, une grande voute éclairait le sombre corridor, et de cette grande voute provenait la musique d’un effroyable combat.
Sans plus attendre, les trois pirates se précipitèrent, et lorsqu’ils pénétrèrent la salle, ils furent aussitôt baignés par la lumière vive de la blancheur du marbre. Zoro n’eut pas besoin de chercher. Ses yeux trouvèrent instantanément la silhouette élancée d’Elena qui se confrontait à celle de Shado. Celle-ci sembla aussitôt prendre conscience de sa présence, et lorsqu’elle croisa son regard, ses yeux s’écarquillèrent et elle grimaça. Zoro plissa les yeux. De nouveau, elle semblait se cacher de lui.
Mais ce n’était pas le plus important, maintenant. Zoro était halluciné. L’état d’Elena était tout bonnement monstrueux. Comme un seul homme, les trois pirates écarquillèrent les yeux. Son corps tout entier saignait, la totalité de ses jambes nues était recouverte d’une couche écarlate, et c’était sans compter le liquide rouge qui traversait et s’échappait de ses bandages noirs. Et même si elle avait chassé toute trace de douleur de son visage, celle qui torturait ses yeux sombres et ensanglantés était bien perceptible.
Et pourtant, elle continuait le combat avec une volonté infaillible. Les trois pirates observèrent le combat pendant de longues minutes. Luffy serra les poings jusqu’à faire craquer ses os, Sanji se mordit les lèvres jusqu’à faire couler son sang, et Zoro s’empoigna le bras droit avec violence jusqu’à ne plus sentir le sang parcourir ses veines, comme pour s’empêcher de dégainer ses sabres et de se jeter sur lui. Ils n’avaient pas besoin d’échanger le moindre mot, car à cet instant précis, ils ressentaient tous exactement la même chose.
Ils l’avaient tous compris, et pourtant ils ne pouvaient rien faire. Ils savaient, que si cela continuait, Elena finirait par mourir, et pourtant, ils ne pouvaient pas intervenir. Et l’impuissance qu’ils ressentaient à cet instant précis aurait été capable de briser leurs cœurs. Lorsqu’il releva la tête, Zoro vit avec surprise qu’Elena les fixait avec une lueur triste, tous les trois, car elle avait saisi la direction de leurs pensées. Mais, alors qu’elle s’était déconcentrée l’espace d’une fraction de seconde, Shado profita de ce moment d’inattention, et disparut de son champ de vision.
Elena écarquilla les yeux et une grimace d’agacement vint crisper son visage. Elle s’était laissée distraire. Mais lorsqu’elle le retrouva, et le vit en train de se ruer sur les trois nouveaux arrivants, ou plus précisément, sur Zoro, son cœur se serra et sa rage se décupla. Il la sous-estimait vraiment.
Zoro, lui aussi, l’avait vu. Et à vrai dire, il n’aurait jamais espéré avoir mieux, dans cette situation. Elena était bien trop blessée, et il ne pouvait pas prendre volontairement sa place. Mais si Shado se ruait sur lui, il n’avait d’autres choix que de riposter, n’est-ce pas ? Il jeta un regard à Elena qui derrière, n’avait pas bougé, la mine sombre et ténébreuse. Il savait qu’elle lui en voudrait s’il prenait part au combat, et s’il avait été à sa place et qu’elle avait agit de la sorte, il ne lui aurait certainement pas pardonné de si tôt. Mais il n’arrivait pas à être objectif, lorsqu’il s’agissait d’elle. Et même si il savait que comme lui, elle accordait une importante sans nom à l’honneur, il préférait l’avoir froissée, humiliée ou même enragée que de la voir morte. Pour la première fois, il était prêt à passer outre les principes et les valeurs. Et tout cela afin qu’elle reste en vie.
« Tu es sûr ? »
Zoro, surpris, tourna la tête, et considéra Sanji, qui le regardait fixement. Il n’y avait pas la moindre trace de jugement dans ses yeux, et le bretteur fut surpris de constater à la lueur qui brillait dans les prunelles du cuistot que les pensées de ce dernier étaient exactement les mêmes. Il sentait qu’au fond de lui, le blond était partagé par le même dilemme. Zoro serra les poings.
« Et puis merde, songea-t-il avec fureur. Elle nous a trahi ! Elle n’a pas son mot à dire ! Et puis, on est quittes, comme ça ! »
Zoro n’avait jamais eu l’esprit si embrouillé, et sa rancœur n’avait pas disparu. Alors, avec un visage décomposé par une colère qu’il s’efforçait de contenir depuis des heures maintenant, il dégaina ses sabres.
« Oui, répondit-il à Sanji. Je vais le buter. »
Le bretteur aux cheveux verts plia ses jambes, et se posta en position offensive.
« Ramène-toi, onore. Naguruzo kora. » Gronda-t-il.
Mais soudainement, quelque chose d’incroyable, d’inattendu, d’inespéré, se produisit. Il n’y avait plus qu’une dizaine de mètres entre Zoro et Shado, et à l’inverse, une distance bien plus importante entre eux et Elena. N’importe quel humain normal, quelles que soient ses capacités physiques ou ses pouvoirs, n’aurait pu rattraper un tel écart. Et pourtant, elle le fit.
Tous, exceptés Shado, virent Elena se baisser et s’accroupir, en arrière plan. Le sol sous ses pieds commençait à s'enfoncer, des gravillons voletaient autour d'elle, et ses cheveux étaient comme emportés par un vent inexistant. Et tous la virent disparaître au même instant. Un petit hoquet de surprise s’échappa de la bouche de Luffy lorsqu’il la vit, et Zoro écarquilla ses yeux. Ils ne rêvaient pas. Elena courrait. Mais elle courrait sur les murs. Oui, elle était littéralement en train de courir à la verticale, comme si de rien n’était, et qui plus est, à une vitesse monstrueusement inquiétante. Sanji en fit tomber sa cigarette. Elle était si rapide que ses yeux ne parvinrent pas à la suivre, et il ne pouvait déterminer sa position qu’à l’aide des cratères qui se formaient dans le marbre quelques secondes après son passage.
Et quand, à son tour, Shado se décida à tourner la tête pour comprendre ce qui se passait, il était déjà trop tard. Elena bondit, et après s’être réceptionnée, pareille à un félin, sur l’un des derniers piliers restants – pilier qui se fendit en deux dès qu’elle l’eut quitté – elle se propulsa, et hurla :
« C’EST NOTRE COMBAT, SHADO !!! »
Le concerné eut juste le temps d’écarquiller les yeux. Le poing droit et la garde du sabre bleu d’Elena vinrent magistralement s’enfoncer dans l’abdomen de Shado, qui se déforma sous la violence du choc. Aussitôt, ses organes semblèrent remonter, et il cracha une salve de salive ensanglantée, avant d’aller s’exploser contre le mur marbré, mur situé à une trentaine de mètres de lui et qui se fissura à l’impact.
Sanji et Luffy avaient leurs regards rivés sur Elena, qui leur tournait le dos et leurs bouches entrouvertes. Ils n’en revenaient tout bonnement pas. Zoro, sabres en mains, avait pour l’une des premières fois le visage décomposé par une stupéfaction sans nom qu’il lui était impossible de dissimuler. Comment... Comment avait-elle fait ça ?
De longues secondes s’écoulèrent, secondes durant lesquelles aucun des quatre ne bougea. Elle finit par lancer d’une voix calme :
« Quand allez-vous arrêter de vous inquiéter pour moi ? »
A ces mots, les trois hommes dans son dos sursautèrent et elle se retourna légèrement. Elle leur jeta un regard en coin, mais en croisant leurs yeux emplis d’émotions indescriptibles, elle sembla se rappeler la couleur obscure de ses yeux et détourna vivement la tête, une nouvelle fois. Puis, elle rajouta :
« Je vous l’ai déjà dit, non ? Que je gagnerais, coûte que coûte. »
Aucune réponse ne suivit son annonce, si ce n’était le silence lourd qui était retombé dans la pièce. Mais ce silence fut vite rompu quand ils remarquèrent chacun leur tour que le plafond se fissurait au-dessus de leur tête. Cela commença d’abord par de fines poussières, gênantes, qui après seulement quelques secondes, se transformèrent en cailloux. Les trois uniques piliers encore debout se mirent à tanguer, avant de s’écrouler à leur tour quelques dizaines de secondes plus tard. Et le sol se mit à trembler, déstabilisant la structure de la bâtisse toute. Les craquelures se propagèrent sur toute la surface et bientôt, les débris se firent de plus en plus gros. Le ciel marbré s’abattait sur eux.
Elena, comme hypnotisée par ce terrible spectacle, ne fit pas attention à l’énorme pierre qui menaçait de lui tomber sur la tête. Et ce fut Luffy qui se chargea de lui sauter dessus, la sauvant de justesse du monstrueux bloc de marbre qui l’aurait tout bonnement écrabouillé. Elena tomba au sol, et sur elle, Luffy. Sans la moindre hésitation, le Capitaine des Mugiwara détailla ses yeux, mélange de noir et de rouge, et y plongea. Ils se fixèrent avec intensité, ne ressentant pas la nécessité de parler. Leurs expressions, leurs regards étaient bien assez expressifs pour qu’ils puissent se comprendre sans un mot.
Et quelques secondes plus tard, tout s’effondra.