Je t'attendrai

Chapitre 9 : Chapitre neuvième

5834 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:51

Chapitre neuvième

 

  • Mais sérieux, qu'est-ce qu'elle fout ?

  • Il est midi et elle n'est toujours pas réveillée, c'est bizarre.

  • C'est pas grave si 'Lena n'est pas là, on aura plus de viande pour nous !

  • C'est vrai qu'elle se lève tôt, d'habitude.

  • Elle est peut-être malade ? Oh, non !

  • Moi je dis qu'elle a du s'enfuir.

  • Comment veux-tu qu'elle quitte ce bateau, crétin ? Il n'y a que la mer tout autour !

  • Maintenant que tu le d-

  • La ferme. Bon, je propose que quelqu'un aille voir si elle va bien, au moins.

A cette phrase, tous les regards se tournèrent automatiquement en direction d'un grand type aux cheveux verts qui manqua de s'étouffer en voyant les neuf paires d'yeux qui le fixaient avec intensité.

« Oi, vous êtes sérieux, là ? S'insurgea-t-il. Pourquoi ce serait à moi de... »

Mais lorsqu'il croisa le regard plein de sous-entendus de Nami, il fut forcé d'abdiquer et soupira bruyamment. Les sourcils froncés, une folle veine sur la tempe, il maugréa quelques jurons et repoussa sa chaise. Zoro était un bon comédien. Car même si il refusait de se l'avouer, même dans son for intérieur, même au plus profond de lui-même, ce n'était pas du tout une corvée pour lui d'aller voir comment allait Elena. Depuis qu'elle était là, le bretteur changeait. Petit à petit, mais il changeait quand même. Il découvrait d'autres parties de lui-même et élargissait son champ de vision. Elle le faisait évoluer inconsciemment, comme il la faisait changer, sans même s'en rendre compte.

Le lien qui s'était créé entre eux en à peine quelques jours n'était pas un lien que n'importe qui pouvait entretenir. C'était... Très compliqué à expliquer. Et pour être honnête, Zoro n'y comprenait pas tout non plus. Il enjamba les marches de l'escalier et ouvrit la porte qui menait à la chambre des filles. Instantanément, le parfum familier de la métisse enivra ses narines et il se surprit à humer ces effluves agréables. Il n'avait jamais senti rien de tel. Son odeur était affirmée et très particulière, assortiment de doux arômes fruités et légers. Cette chambre ne sentait pas aussi bon, avant qu'elle n'arrive.

« Elena, fit-il. Oi, Elena ! »

Mais la jeune femme était confortablement installée dans son petit lit douillet, plongée dans un profond sommeil. Prenant soin de refermer la porte derrière lui, il se rapprocha et prit place sur le bord du matelas. Elle était blottie contre son oreiller, le serrant tout contre elle. Ses draps avaient été repoussés et traînaient sur le sol, dévoilant son splendide corps bien trop couvert pour une nuit aussi chaude. Sans même s'en rendre compte, Zoro se pencha doucement et écarta une mèche de cheveux qui masquait son visage pour la replacer derrière son oreille. Surpris de lui-même, il se reprit vivement et se leva, affolé qu'on puisse le voir ainsi. Mais lorsqu'il remarqua que la jeune femme avait un visage crispé et le front plissé, il fronça les sourcils. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et ses lèvres frémissaient dans son sommeil visiblement agité.

Alors il fit le choix de la réveiller en douceur et la secoua légèrement, pour la première fois de sa vie. Et oui, il pouvait faire preuve de délicatesse, de temps en temps. Il n'en revenait pas lui-même. Quelques secondes plus tard, elle ouvrait brusquement les yeux, la respiration plutôt forte et saccadée. Étant de dos, elle ne l'avait visiblement pas vu et pensait être seule. Enfouissant son nez dans l'oreiller, elle poussa un soupir, visiblement soulagée de s'être réveillée. Ensuite, elle se passa une main sur le visage, comme préoccupée. Mais soudain, elle sembla sentir la présence de Zoro et se redressa vivement, lui faisant face, affolée.

  • Salut, lança-t-il d'une voix décontractée, avec ce demi-sourire qu'il avait pris l'habitude de lui adresser.

  • 'Lut, répondit-elle d'un ton beaucoup trop sec à son goût, prenant soin de ne pas croiser son regard.

De nouveau, il fronça les sourcils en interceptant l'éclair de tristesse et de douleur qui traversa les prunelles d'Elena. Ses yeux étaient gonflés, cernés, et il n'y avait pas cette étincelle qui brillait en temps normal dans ses iris dorées. Ses émotions masquées par un masque d'insensibilité, elle sortit de son lit sans un regard pour le bretteur, sans une seule remarque ou attention quelconque, et alla fouiller dans ses habits.

Elle semblait avoir gardé cette attitude étrangement froide qu'elle avait adoptée, hier, après la scène de la cuisine. Et Zoro n'aimait pas cela. Lui, ce qu'il aimait, c'était la Elena souriante qui ne cessait de le taquiner. La Elena au caractère bien trempé avec qui il passait son temps à se chamailler. L'audacieuse femme qui le poussait à bout et le défiait, le challengeait sans cesse. Cette incroyable escrimeuse avec qui il partageait une incroyable complicité, comme jamais auparavant. Cette superbe personne qui lui ouvrait son cœur, petit à petit et avec qui il n'avait pas crainte de s'ouvrir non plus.

Il se rapprocha d'elle et naturellement, posa une main sur son épaule pour la retourner. Mais sa réaction ne fut pas celle attendue. Elle tressaillit et se figea net. Il eut beau y mettre un peu de force pour tenter de la faire bouger, elle ne cilla pas et resta immobile, le corps crispé, les pieds plantés dans le sol. Sérieux, c'était quoi ce bordel ? Mais qu'est-ce qu'elle avait, putain ?

Zoro jura et dut faire un effort pour contenir sa colère, provoquée par l'incompréhension.

« Oi, ça va ? S'enquit-il le plus calmement possible. T'as pas l'air dans ton assiette. »

Pour toute réponse, elle se contenta de hocher la tête sans toutefois esquisser le moindre mouvement. Alors, frustré et assez inquiet, Zoro abandonna et se dirigea vers la porte. Il avait bien vu qu'elle fouillait, sans réellement chercher quelque chose. Avant de sortir, il la regarda une dernière fois du coin de l’œil et vit qu'elle serrait les dents et se mordait l'intérieur des joues.

La journée toute entière se passa ainsi. Elena ne fit aucune activité et resta la plupart du temps là où personne n'était. Elle faisait tout son possible pour être en décalé, s'arrangeant pour manger seule et éviter les lieux peuplés. Quand ils mangeaient, elle prétextait se rendre à la douche ou autre et partait, la mine sombre. Quelque chose clochait, et là, tout le monde l'avait compris.

« Elle est peut-être en pleine période de flux mensuel ? » Avait proposé ce débile de squelette aux cheveux afro.

« Brook, ta gueule. » Avait lâché Sanji, agacé et exaspéré.

Et à la fin de la journée, Nami vint même s'informer auprès de Zoro, cherchant à comprendre le pourquoi du comment. Mais non, il ne l'avait pas insultée, enfin pas plus que d'habitude. Non, il ne lui avait pas volé sa portion de viande. Non, il ne l'avait pas agressée sexuellement. Et non, il n'avait pas tenté de la virer du bateau ! Elle avait de ces idées, cette navigatrice ! Sérieux, c'était quoi cette équipage ?

Enfin, au bout de la deuxième tentative d'approche, le bretteur abandonna. Il avait comprit le message. Elle voulait être seule. Ou du moins, pas avec lui. Comme si la mauvaise humeur de la métisse avait déteint sur lui, il passa donc son après-midi à dormir et à ronchonner, ne prenant même pas la peine d'aller s'entraîner. Même Sanji, ayant compris qu'il ne fallait pas le chercher, s'abstint et ne lui fit aucune remarque. Au contraire, il l'avait regardé attentivement à plusieurs reprises, en tirant sur sa cigarette, avant d'esquisser un demi-sourire discret et de se détourner, à la plus grande surprise de son soit-disant « ennemi juré ».

Mais, alors qu'il était allongé sur son matelas, au beau milieu de la nuit, Zoro se rendit enfin compte qu'il n'allait pas pouvoir dormir, ou du moins, pour l'instant. L'attitude étrange d'Elena le préoccupait bien plus qu'il ne voulait le laisser paraître. Il avait l'impression de manquer quelque chose. Quelque chose d'important. Et cela l'inquiétait.

Alors, pour y voir plus clair, il sortit sur le pont comme il le faisait souvent, les mains dans les poches. Il se pencha quelques secondes et s'accouda sur le bois blanc, se passant les mains sur le visage. Il ferma les yeux et savoura l'air plutôt froid de la nuit, profitant de chaque coup de vent. Il n'y voyait pas plus clair, mais cela l'apaisait. Mais alors qu'il montait sur la terrasse pour avoir une meilleure vue de l'océan, il la vit. Son cœur reçut un violent tiraillement à la vue de ce triste spectacle et il ouvrit grand ses yeux. Stupéfait, il s'arrêta net et fit cligner ses paupières, sachant pourtant pertinemment que l'image ne disparaîtrait pas, qu'elle ne disparaîtrait pas.

Devant lui, se tenait Elena, les cheveux rejetés en arrière. Son visage éclairé par la lune était crispé et distordu par la souffrance. Elle se mordait la lèvre inférieure avec puissance et fixait l'horizon, le regard triste et empli de douleur. Ses mains agrippaient la rambarde avec tant de force que les extrémités de ses doigts en devenaient blanches. Et pour couronner le tout, elle versa une larme.

Oui, Elena pleurait. Une seule goutte perla sur sa joue, solitaire, glissant sur son visage, avant de venir se heurter contre le bois de la rambarde. Après s'être brusquement essuyé le visage d'un revers de main, la métisse abattit son poing avec violence contre la barre qui manqua de se fendre. Elle se prenait la tête d'un geste désespéré, quand soudain, elle sentit la présence de Zoro, comme toujours.

Aussitôt, elle se figea et écarquilla ses grands yeux. Cependant, il vit clairement qu'elle tentait de se maîtriser pour ne pas réagir avec affolement, ce fut donc en feignant le naturel qu'elle se retourna lentement pour qu'il ne puisse plus voir son visage. D'un pas nonchalant, il s'approcha et s'accouda également à la barrière, à ses côtés. Cette vue lui avait fait mal, il ne pouvait le nier. La voir pleurer lui avait fendu le cœur. Mais il ne devait pas le montrer. Ce serait gênant pour lui, mais surtout pour elle.

« C'est calme » Fit-il.

Elle ne répondit pas et resta immobile. Le bretteur la regarda et tendit la main pour la toucher. Mais comme si elle l'avait senti, elle se défila et s'écarta en prenant soin de ne pas croiser son regard.

« Excuse-moi, je dois aller dormir. »

Il la regarda, les sourcils froncés, fuir toute discussion d'un pas mal assuré et s'en aller. Il avait décidé de la laisser partir, une nouvelle fois, quand soudain, il fit volte-face et cria beaucoup plus fort que prévu :

  • Elena, putain, mais qu'est-ce qui se passe ?

  • Rien, rétorqua-t-elle froidement.

  • Rien ? Répéta-t-il. Me prends pas pour un con ! »

D'un pas décidé, il se rapprocha d'elle et cette fois-ci, usa de sa force pour la forcer à se retourner. Elle arborait un visage impassible et indifférent qu'il savait n'être qu'un masque. Ses yeux dorés étaient beaucoup trop expressifs et il la connaissait assez pour savoir qu'elle mentait et que quelque chose n'allait pas. Mais la voir ainsi, aussi fermée, aussi froide, lui faisait mal. Et même s'il savait qu'il ratait quelque chose d'important, il ne savait pas quoi et n'avait aucun moyen de le savoir.

La douleur qui torturait secrètement ses magnifiques iris ne le laissa pas indifférent. Cela lui donnait envie de la prendre dans ses bras, de la réconforter, chose qu'il ne comprenait pas. Alors il se contenta de dire d'une voix aussi rassurante que possible :

« Sérieux, parle-moi. »

Zoro faisait de gros efforts pour se maîtriser et rester calme. Elena, elle, eut un temps de réaction. Et l'espace d'une seconde, il crut voir son masque fondre pour réapparaître aussitôt. Elle avait hésité. Mais pourtant, elle se décida à voiler son regard et à simplement répondre :

« Je suis fatiguée. Bonne nuit. »

Et il la regarda partir, ignorant qu'elle traînait le pas dans l'espoir qu'il insiste.

 

 

Le lendemain, quand Zoro se leva, même Sanji n'était pas réveillé. Il avait à peine dormi quelques heures et avait besoin d'évacuer cette mauvaise énergie qui dormait en lui. Pour une raison qui lui échappait, il était anxieux. Était-ce à cause de l'attitude d'Elena ? Sûrement. Il osait enfin se l'avouer, cette femme avait beaucoup d'influence sur lui. Son sixième sens lui disait qu'il devait faire quelque chose. Mais quoi ?

Il n'y avait aucun bruit sur le bateau, tout était calme et reposant. Mais ce matin, l'homme aux cheveux verts ne s'attarda pas à contempler la mer et monta directement à l'observatoire, là où se trouvait sa salle de sport. Retirant son haut d'une traite, il se jeta sans perdre une seconde, corps et âme dans un entraînement des plus intensifs qui soient. Il avait besoin de ça, là, tout de suite.

Zoro était fier. Il avait un côté orgueilleux, comme beaucoup. Et hier, d'une certaine façon, Elena avait marché sur sa fierté. Il l'avait approchée, à plusieurs reprises, de manières différentes, mais elle l'avait fui et repoussé comme la peste. Et ça, ça ne passait pas. Alors, pour se défouler, il empoigna ses haltères et fit souffrir ses muscles. Il ne devait pas réfléchir. Car sinon, il savait très bien que toutes ses pensées allaient être tournées vers elle, et que son cœur le pousserait à aller la voir, pour comprendre ce qui se tramait dans sa petite tête.

Mais cette fois-ci, il ne céderait pas. Elle avait besoin d'être seule ? Et bien, il allait réaliser son souhait. Il ne restait qu'un ou deux jours avant qu'ils n'atteignent l'île. Et après, salut, Elena. Zoro ferma les yeux, exaspéré de lui-même. Non, ça n'allait pas du tout. Il avait beau tenter de se convaincre qu'il n'en avait rien à faire qu'elle s'en aille, il savait pertinemment qu'au fond, c'était faux. C'était la toute première fois qu'il rencontrait quelqu'un capable de se rapprocher autant de lui, quelqu'un capable de le comprendre, quelqu'un capable de toujours le surprendre et le repousser dans ses limites. Et là, simplement par fierté, il était en train de la laisser glisser entre ses doigts, même si il n'oubliait pas que c'était son choix.

Le jeune Roronoa, en sueur, jeta un coup d’œil à la fenêtre. Il ne voyait que le soleil, maintenant déjà haut dans le ciel. Cela faisait donc pas mal d'heures qu'il était enfermé ici, à transpirer et à sculpter son corps déjà superbement galbé. Zoro se passa une serviette sur le front, puis dans sa nuque. Maintenant qu'il avait pris l'habitude de s'entraîner avec elle, il ne se sentait plus à fond, lorsqu'il était seul.

Mais alors qu'il était en pleine réflexion, des cris vinrent le tirer de ses pensées. Interloqué, il se rendit lentement jusqu'à la fenêtre, inconscient de ce qui se tramait, et baissa les yeux sur le pont. Il ne mit pas longtemps à comprendre ce qui se passait, guidé par son instinct de prédateur. Des inconnus, des cris, des coups, de l'agitation.

Un bateau venait de les attaquer.

Zoro ouvrit sa bouche. Un gigantesque type à la carrure impressionnante, tout aussi costaud que Franky, doté de courts cheveux blonds, vint frapper Nami au crâne. Celle-ci perdit conscience instantanément et d'un bond, il sauta avec la rouquine sur son épaule pour retourner sur son bateau. De là, il disparut dans l'ombre du navire.

Sur le rebord du bateau ennemi, il y avait un petit monsieur, un peu rond et aux cheveux gris-noir qui regardait le spectacle avec satisfaction. A ses côtés se tenait un homme aux longs cheveux noirs dotés de reflets violets tressés en arrière avec un visage beaucoup trop parfait et d'étranges sabres accrochés à sa taille.

Sur le Sunny, par contre, c'était le grand bordel. Des dizaines de petits serpents violets clairs avaient envahis le bateau, ligotant Robin et s'acharnant sur Usopp. Il ne fallut pas longtemps à notre bretteur pour comprendre qu'ils étaient contrôlés par une femme à la gigantesque chevelure couleur lavande qui arborait un sourire psychopathe, accroupie devant Robin, sa langue pointue s'attardant sur le visage de l'archéologue. Avec elle, un adolescent aux cheveux argent ébouriffés qui tentait de frapper Sanji, sans grand succès. Chopper, Brook, Luffy et Franky, eux, étaient encerclés par une dizaine de soldats tous vêtus de noir qui les assaillaient de toutes parts.

Mais soudain, l'adolescent aux cheveux argentés abandonna Sanji et se rua sur Luffy. Celui-ci n'eut pas le temps d'esquiver, beaucoup trop occupé par son propre combat, et ce fut avec stupeur que dès lors qu'il sentit la main du jeune homme se poser sur lui, le poids tout entier du Capitaine disparu et il se mit à flotter dans les airs. Aussitôt, Franky se jeta sur son ami au chapeau de paille qui était sur le point de s'envoler dans les airs, devenu aussi léger qu'une plume.

Le sang de Zoro ne fit qu'un tour. Presque tout l'équipage avait été neutralisé en seulement quelques secondes. Bordel, mais où était donc Elena quand on avait besoin d'elle ? Il eut juste le temps d'apercevoir Sanji se jeter sur l'adolescent aux étranges pouvoirs, avant de sortir précipitamment, attrapant ses sabres à la volée.

Sur le pont en question, la situation était des plus critiques. Nami avait disparue dans l'ombre du bateau ennemie. Robin avait certes été délivrée de l'emprise des serpents, elle était mal en point. Un des reptiles l'avait piquée, et maintenant, elle ne parvenait plus à esquisser le moindre geste. Et Usopp, qui la protégeait du mieux qu'il pouvait, ne s'en tirait pas mieux. Franky, lui, s'acharnait à retenir Luffy qui était devenu poids plume et s'envolait vers le ciel. Brook et Chopper continuaient à se battre avec grande peine, à bout de forces. Et pour finir, Sanji tentait de repousser l'ennemi.

Mais lorsque ce dernier vit que l'assaillant de son Capitaine tentait d'emporter Robin comme la montagne de muscles l'avait fait avec Nami, son sang ne fit qu'un tour. Prenant appui dans l'air, il se propulsa à une vitesse extraordinaire et assena un titanesque coup de pied enflammé dans le crâne du jeune homme aux cheveux couleur argent. Sa victime cilla, et alors qu'il allait s'écrouler au sol, prêt à sombrer dans l'inconscience, l'agresseur de Nami, l'incroyable géant aux cheveux blonds, surgit de nulle part et le tint éveillé, au plus grand malheur de Luffy qui avait perdu toute chance de pouvoir se battre correctement.

Et ce fut à cet instant là que Zoro arriva pour les aider. Sautant depuis le haut du bateau, il fit son entrée par les airs, prenant pour cible le sabreur aux cheveux violets, qui n'avait pas bougé de son bateau depuis le début. Le petit vieux à côté de lui frôla la crise cardiaque en le voyant arriver, mais l'étrange homme, lui, ne bougea pas. Et alors que Zoro levait deux de ses sabres en l'air pour lui envoyer une attaque surpuissante, il vit avec stupeur que celui-ci se contenta de lui adresser un sourire satisfait et plutôt moqueur.

Le bretteur aux cheveux verts ne comprit pas tout de suite. Mais bientôt, un seul et unique sabre vint bloquer les siens. A l'aide d'une technique très particulière, la lame ennemie glissa contre les siennes pour les dévier et d'un coup sec, envoya voler plus loin les deux sabres de Zoro.

Mortifié, celui-ci recula par pur réflexe, avant de réaliser que celle qui l'avait bloqué n'était autre qu'Elena. Il la regarda, nageant dans l'incompréhension la plus totale. Il plissa les yeux et considéra les deux hommes de derrière, le petit vieux et celui à la tresse. Ce dernier ne regardait pas l'homme aux cheveux verts, mais le sourire narquois qu'il arborait lui était clairement adressé, et il ne comprenait pas pourquoi.

« Elena, bouge de là ! C'est pas l'heure de s'amuser ! » lui cria-t-il en courant récupérer ses sabres.

Mais alors qu'il revenait à la charge, prêt pour une nouvelle attaque, Elena fit barrage, une nouvelle fois. Zoro dut freiner ses pieds pour ne pas la heurter de plein fouet et s'arrêta à quelques mètres de distance. Il fronça les sourcils et la fixa, perplexe. Elle avait la tête baissée, et ses cheveux tombaient sur son visage, masquant ainsi volontairement ses si beaux yeux dorés qu'il tentait de croiser, en vain. Son visage combinait crispation et impassibilité dans un masque des plus étranges qui soient. C'était bizarre. Bien trop bizarre.

« Oi, Elena, qu'est-ce que tu fous, bordel ? » Hurla-t-il.

Aucune réponse ne lui fut donnée. Une nouvelle fois, il brandit ses sabres et gronda d'une voix menaçante :

« Elena... »

Mais alors qu'il faisait un pas vers elle, elle recula et leva son épée, sur la défensive. Instantanément, le sang dans les veines de Zoro se figea et son visage se décomposa. Elle... Ce n'était pas... Comme s'il lisait dans ses pensées, le bretteur resté sur le bateau explosa d'un rire pourri et son visage parfait devint soudain très inquiétant et difforme.

  • Elena, cria Zoro une énième fois, la suppliant intérieurement de répondre.

  • Tu vas te briser la voix, si tu continus, railla l'ennemi en haussant l'un de ses sourcils parfaitement dessinés.

  • Kisama... Siffla-t-il entre ses dents serrées.

Refusant de se laisser submergé par l'incompréhension de ses pensées, Zoro contourna Elena à une vitesse ahurissante, visant le bel homme aux longs cheveux. Il vit clairement la métisse faire de même pour le bloquer à nouveau, mais cette fois-ci, elle n'arriva pas à temps.

L'ennemi avait sauté de son perchoir pour répondre à l'attaque de Zoro, et lorsque leurs sabres respectifs se rencontrèrent, une énorme bourrasque naquit et souleva le bois et la poussière.

« Tu es tombé sous le charme d'Elena, toi aussi, fit-il sur un ton qui ne laissait pas deviner s'il s'agissait d'une question ou d'une affirmation. Mais malheureusement pour toi, tu vas devoir apprendre à l'oublier, elle, ainsi que cette jolie rouquine que nous emportons avec nous. »

A cette allusion, la colère de Zoro se décupla. Il n'arrivait pas à penser correctement, perdant petit à petit son habituel sang-froid, et les questions se chevauchaient dans son esprit de guerrier. Mais il n'eut pas plus de temps pour y réfléchir, car soudainement, son adversaire dégaina un autre sabre et le prit par surprise. Usant d'un coup très puissant, il força notre ami pirate à s'écarter et le balaya d'un incroyable coup de vent.

Lorsque Zoro se releva, il ne porta même pas un regard à son assaillant. Toutes ses pensées étaient tournées vers Elena, elle occupait la totalité de son esprit. Les interrogations torturaient son esprit et il priait silencieusement pour qu'elles soient toutes complètement fausses et erronées.

Sans même lui adresser un regard, elle se détourna de lui et rejoignit le bateau ennemi d'un bond. Le souffle de notre ami pirate fut coupé et il resta figé, immobile, et complètement sous le choc en la voyant se poster aux côtés du petit vieux, celui qu'il avait identifié comme étant le chef.

Mais le cri de Robin le ramena vite à la réalité, et par pur réflexe, il bondit pour trancher les cinq serpents qu'elle n'avait pas réussi à neutraliser. Il regarda ses camarades un à un aussi rapidement que possible, évaluant la situation. Il était le seul, avec Sanji, à être encore capable de se battre. Autrement dit, c'était très mal barré.

« Shado, on y va. »

Ses paroles résonnèrent violemment dans l'esprit de Zoro, retentissant même dans ses entrailles. En entendant la voix d'Elena, ses yeux s'écarquillèrent, ce qui ne se passait que très rarement. La voix de la métisse n'était pas comme d'habitude. Elle était plus grave, dépourvue de toute trace de gaieté, froide et extrêmement autoritaire.

Shado. C'était le prénom de ce singulier personnage qui le toisait avec amertume et suffisance. Et Elena le côtoyait. Il la regarda, cette incroyable femme à l'incroyable force qui lui tournait le dos, et soudainement, il lui sembla qu'il ne la connaissait pas.

« Zoro ! » S'écria Sanji, se chargeant de le couper dans ses pensées.

D'un hochement de tête, l'homme aux cheveux verts remercia le cuistot de lui avoir fait retrouvé ses esprits, et il se propulsa pour venir se confronter audit Shado. Il vit parfaitement Elena faire volte-face et ouvrir la bouche, comme pour protester, mais ne s'y attarda pas, sachant pertinemment qu'elle le déconcentrerait. De nouveau, il croisa le fer avec son ennemi, qui ne quittait pas cet agaçant sourire.

  • Qui êtes-vous ? Cracha Zoro du ton le plus hostile qu'il avait en réserve.

  • Tu n'as pas besoin de le savoir, Roronoa Zoro.

  • Onore... Qu'est-ce vous avez fait à Elena ? Continua-t-il sans ciller.

  • Qu'est-ce qu'on lui a fait ? Répéta-t-il en ricanant méchamment. Mais qu'est-ce qui te fais dire qu'on lui a fait quelque chose ? 

Zoro resta silencieux à cette annonce.

« Tu croyais la connaître ? Reprit-t-il. Oh, comme c'est mignon ! Je suis désolé de te décevoir, mais Elena est nôtre. Non, c'est faux. Elena est mienne. »

Il cracha son venin en tordant ses lèvres dans un sourire de fou-furieux avant de se lécher les lèvres. Il avait parlé de telle sorte à ce que Zoro soit le seul à pouvoir l'entendre. Sa rage attisée par ses paroles malsaines, l'ancien chasseur de pirates retrouva sa combativité. Mais alors qu'il reprenait le dessus dans l'affrontement, Shado se faufila et fit un saut en arrière, se soustrayant à son emprise.

Et avant qu'il puisse faire le moindre geste, l'homme aux longs cheveux tressés était de retour sur son bateau qui mettait déjà les voiles. Zoro se précipita vers le rebord du Sunny et s'apprêtait à sauter vers le navire ennemi, quand une main lui agrippa fermement le poignet, l'en empêchant. Le visage déformé par la haine, il se retourna et dévisagea Sanji, mal en point.

« Zoro. » Se contenta-t-il de dire, en lui désignant du regard ses camarades évanouis ou blessés.

L'escrimeur avait compris tout ce qu'avait voulu dire Sanji sans même avoir à l'entendre. Son cœur se serra en vue de l'affreux spectacle, et lorsqu'il se retourna vers la mer, le vaisseau était déjà hors d'atteinte. Il resserra sa poigne sur ses armes en distinguant parfaitement la jolie silhouette de celle qu'il considérait comme sa camarade, le dos tourné, les cheveux au vent.

Alors, dans un élan désespéré, il hurla avec force :

« ELENAAAAA !!! »

Son cri sonnait comme une supplication, mais il s'en moquait. Lorsque le son lui parvint, la concernée frémit, secouée de violents frissons, et il la vit serrer les poings, sans toutefois esquisser le moindre geste. Elle s'éloignait, petit à petit, parfaitement immobile, et la voix du pirate se perdit dans les vagues de l'océan. Elle s'éloignait, emportant au passage le cœur pourtant bien accroché de notre jeune Zoro. Son parfum s'atténuait au fur et à mesure que la distance augmentait et bientôt, son odeur ne devint qu'un triste souvenir, comme tout le reste.

Les images d'Elena se mirent à défiler inconsciemment dans sa tête, ressassant chaque moment qu'il avait passé avec elle, et une douleur intense lui compressa la poitrine. Il donna un violent coup de poing sur le bois blanc, le réduisant en éclats, et poussa un cri de haine.

Elena était partie. Avec Nami.

Et Zoro venait de découvrir le goût amer de la trahison.

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