Pirates des temps modernes

Chapitre 4 : Chapitre 3

Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 13 ans

Within Temptation – It's the fear : http://www.youtube.com/watch?v=bGmykiHG0Yc

 

Ce n'était pas comme si c'était volontaire. Ce n'était pas comme si c'était ce qu'ils avaient souhaité. C'était juste arrivé, sans leur laisser l'occasion d'anticiper cette situation. Ils avaient cru que tout irait bien, que cette histoire se déroulerait sans problème. Comme quoi, c'était inutile de nourrir des espoirs, puisqu'ils finissaient forcément par être vains.

« C'est la dernière fois que je te fais confiance ! »

Zoro était énervé. Ils avaient marché durant des heures, uniquement pour se rendre compte qu'ils tournaient en rond depuis le début. Il avait pensé que Luffy saurait les guider dans cette immense ville, or cela s'était avéré faux. Pourquoi cet abruti avait-il dit qu'il avait un sens de l'orientation si c'était de toute évidence totalement faux ? Ils cherchaient un endroit où dormir, et, avec un peu de chance, de la nourriture. Comment cet idiot avait-il pu éviter tous les magasins dans son chemin ?

S'il avait su que la vie de pirate était aussi ennuyeuse et dénuée d'intérêt, il n'aurait jamais accepté. Ce que lui avait raconté Luffy sur ces histoires dont nul n'avait jamais entendu parler l'avait fortement intéressé. Malgré ses protestations contre son « capitaine » - il n'arrivait pas à croire qu'il devait l'appeler de la sorte -, Zoro savait pertinemment qu'il n'en ferait rien. Il sentait qu'une fois engagé dans cette histoire, il était impossible d'en sortir.

De même, il le regretterait s'il venait à se séparer de ce garçon. Il n'avait aucun endroit où se rendre et vivait en solitaire. Son maître et père adoptif lui avait dit de trouver son chemin, et ce n'était pas en continuant cette vie de chasseur de primes seul dans cette ville qu'il le trouverait. Bien que cela fût difficile à admettre, le bretteur sentait que leur rencontre n'était pas fortuite. Comme si elle était volontaire, provoquée par quelque chose...

Et le voilà qui parlait de choses totalement absurdes. Il se trouvait en compagnie de Luffy depuis seulement quelques jours et il commençait déjà à penser de manière étrange. Il avait l'impression de s'adoucir et cela l'effrayait. Il se moquait éperdument de sa réputation de démon incarné en humain, néanmoins il ne devait absolument pas perdre son objectif de vue : tuer cet homme. Baggy le Clown.

Comment aurait été sa vie si Kuina avait survécu ? Aurait-il finalement réussi à la surpasser ? Aurait-il trouvé des adversaires au Japon ou aurait-il voyagé, comme il le faisait actuellement ? Zoro n'était pas homme à ressasser le passé, il détestait la nostalgie et le regret. C'était pour cela qu'il tuerait cet homme. Kuina se vengerait elle-même au travers de son sabre qui boirait le sang de cet assassin qui avait osé lui retirer l'une des personnes auxquelles il tenait le plus.

Jetant un coup d'œil vers Luffy qui regardait autour de lui, comme s'il avait aperçu une auberge, Zoro soupira. Il y avait de moins en moins de maisons, les rues se faisaient de plus en plus désertes. Pas besoin d'être un génie pour se rendre compte qu'ils quittaient la ville et s'enfonçaient dans la campagne. Ils trouveraient difficilement un endroit pour la nuit dans ces conditions. Il ne savait pas pourquoi Luffy avait tellement besoin d'intimité, lui avait l'habitude de dormir à la belle étoile. Les nuits, cependant, se rafraîchissaient au fur et à mesure que l'hiver approchait.

Pour l'instant, ils étaient parvenus à trouver des petits parcs où dormir, toutefois l'adolescent avait subitement décidé qu'ils dormiraient dans un hôtel ce soir. Il n'était pas faux qu'une douche ne leur ferait aucun mal.

Mis à part explorer la ville, ils n'avaient absolument rien fait de particulier, ce qui décevait énormément l'épéiste. Il avait espéré plus de rebondissements dans sa vie en acceptant de faire équipe avec ce pirate. Il n'en revenait toujours pas qu'il ne l'avait pas encore tué. Comment était-il parvenu à réprimer ses pulsions meurtrières ? D'habitude, son sang s'enflammait dès qu'un pirate s'approchait de lui, et il ne se contrôlait plus jusqu'à la vue de son cadavre ensanglanté. Pourtant, ce gamin s'en était sorti indemne.

Ils n'avaient pas vraiment parlé d'eux-mêmes, néanmoins Luffy lui avait vaguement dit qu'il était originaire du Brésil et qu'il était venu ici pour étudier. Vraisemblablement, son souhait était de devenir détective. Pourquoi, il n'en avait pas la moindre idée. Il parlait couramment le français comme s'il s'agissait de sa langue maternelle, mis à part un léger accent. Il avait sans doute un parent français. Enfin, ce n'était pas comme si c'était son problème.

Toutefois, si Luffy était venu étudier, pourquoi n'avait-il aucun logement ? Il avait dû y penser, n'est-ce pas ? Zoro s'arrêta et lui posa soudainement la question. Plutôt que d'errer dans les rues, ils auraient pu se retrouver dans un appartement depuis le début. Comment cet idiot avait-il pu oublier ? Enfin, il fallait déjà qu'il eût un endroit où habiter...

À sa question, Luffy se retourna et le fixa de son air dénué d'expression, les yeux grand ouverts. Oh non. Tout mais pas ça. Était-il possible d'être idiot à ce point ? Non seulement il n'avait aucun bagage, mais en plus il n'avait même pas songé un seul instant à trouver un logement ? Qu'avait-il fait pour mériter un sort pareil ?

« Aaah... T'es super intelligent, Zoro ! Pourquoi j'y ai pas pensé plus tôt ? »

Le voilà qui parlait avec sa voix d'abruti, une fois encore. C'était à se demander comment il était parvenu à être reçu pour faire ses études en France. Il avait probablement été pistonné, il n'y avait pas d'autre explication. L'épéiste ne croyait pas en Dieu, sinon il l'aurait maudit depuis longtemps. Que faisait-il en compagnie de ce gamin ? Il aurait dû le tuer depuis le début.

Aussi étrange que cela puisse paraître, le « démon » qu'il avait en lui, puisque c'était l'avis de tous, ne se manifestait pas lorsqu'il se trouvait en compagnie de Luffy. Au contraire, il restait calme, comme s'il s'agissait d'un simple humain, ce qu'il n'était, en toute évidence, pas du tout. Il ne comprenait pas pourquoi il ne l'avait pas tué dès leur première rencontre. Il aurait pu, même s'il aurait demandé plus d'efforts que les pirates précédents.

Malgré son attitude innocente, ce gamin savait parfaitement éviter ses coups, ce que nul n'était parvenu à faire jusque là. S'ils avaient continué leur combat, il aurait été fortement intéressant et enrichissant. Zoro avait l'impression de stagner depuis quelques temps, étant donné que les pirates n'étaient en général pas très coriaces. Luffy, au contraire, était plutôt un défi qu'il n'avait pas relevé. Pourquoi ?

Le jeune adolescent utilisait fréquemment ses pouvoirs, d'ailleurs, comme s'il cherchait à être tué. En général, il étendait son corps lorsqu'ils n'étaient que tous les deux, étant donné que Zoro ne le dénoncerait pas. Il avait un pouvoir plutôt banal, mais qui s'avérait rudement pratique. Par exemple, il résistait aux balles de pistolet. Néanmoins, il restait vulnérable aux lames. On ne pouvait pas tout avoir.

Zoro ne savait que peu de choses sur les fruits du démon, or il connaissait les trois types principaux : paramecia, zoan et logia. Son « capitaine » était lui-même un paramecia, même s'il s'apparentait avec un logia, dans le sens où son corps entier était en caoutchouc. Le bretteur n'avait jamais eu affaire à un logia, cependant il devrait s'y préparer, trouver un moyen pour le toucher. Il refusait de perdre contre quiconque.

Luffy était véritablement quelqu'un d'étrange. Déjà, il n'avait absolument, mais vraiment rien à voir avec un démon, bien qu'il eût mangé l'un de ces fruits maudits. Il était pourtant dit que quiconque avalait l'un de ces fruits perdait toute conscience et laissait un démon prendre possession de son corps. Or, il avait beau regarder dans tous les sens, il était impossible de trouver la moindre de trace de malice en lui. Il était terriblement normal. Peut-être que son idiotie l'avait sauvé ? Ou bien cette histoire de démon n'était qu'un mensonge depuis le début.

Une fois dotés de pouvoirs, les humains étaient capables de tout. Il suffisait d'un être maléfique de naissance pour obtenir quelqu'un de pire en ajoutant la puissance. Dans ce cas, pourquoi le Gouvernement mondial laissait-il les peuples croire de telles choses ? Était-ce pour les éloigner de ces fruits ? Après tout, il ne fallait pas oublier qu'il les utilisait sur ses propres hommes... Le Gouvernement mondial souhaitait-il monopoliser le pouvoir ?

En rencontrant Luffy, Zoro avait comme l'impression d'avoir été plongé dans un nouveau monde rempli de questions sans réponse. Pour le moment. Viendrait-il à en apprendre plus sur ces secrets cachés en restant en sa compagnie ? Le seul moyen de le savoir était de rester à ses côtés le temps de l'apprendre. Si on regardait la situation sous cet angle, ce n'était pas trop mal, finalement.

Malgré tout, cela ne réglait pas cette histoire de logement pour la nuit. Après lui avoir posé la question, Luffy avait pris une direction différente, comme s'il avait su où se diriger. N'ayant de toute manière pas d'autre choix, Zoro le suivit, ses épées se balançant sur son côté. S'il ne les portait pas, il se sentait mal à l'aise. Tout comme les samouraïs, il dormait avec elles, assis. Le manque de confort ne le dérangeait absolument pas, ce qui était bien pratique étant donné les endroits où il s'assoupissait.

Les deux membres de l'équipage, quand bien même Zoro ne savait pas ce que cela signifiait réellement, marchèrent silencieusement dans la nuit qui tombait rapidement. Tandis que le capitaine sautillait et paraissait s'extasier devant tout et n'importe quoi, le second conservait un air blasé, en se demandant où ils allaient passer la nuit, ce qui n'était pas une question à ignorer.

Soudain, un coup de canon les sortit de leurs rêveries. Zoro, par instinct, posa une main sur Wadô Ichimonji, prêt à répliquer. Ils se trouvaient apparemment non loin d'une zone commerçante qu'ils avaient manquée et qui se faisait détruire. Néanmoins, ce n'était pas la raison pour laquelle l'épéiste était tout à coup immobile. Il avait déjà entendu ce coup de canon si particulier. Il avait déjà entendu ces cris de détresse.

Les yeux écarquillés, il se mit à courir en direction du lieu de l'attentat, le cœur battant, le sang bouillonnant comme à son habitude dans ces moments-là. Durant ces périodes où un pirate se trouvait non loin. Il avait juste besoin de ses yeux pour confirmer ce que ses oreilles avaient déjà reconnu. S'il avait raison, alors... Zoro se sentait prêt pour ce combat. Cette fois, il ne perdrait pas.

Des flammes consumaient les maisons ainsi que les commerces. Une foule de gens tentait de s'enfuir, craignant d'être attaquée. Zoro se frayait un chemin parmi eux, ne souhaitant pas être entraîné et remis à son point de départ. Il lui fallait atteindre ces êtres qui terrorisaient la ville. Un autre boulet de canon s'abattit sur une rangée de maisons à sa droite, pétrifiant tout le monde au passage, dont lui.

Il n'y avait aucun doute. Il s'agissait des mêmes boulets de canon avec le même dessin stupide. Et qui provoquaient les mêmes dégâts. Enfin, après toutes ces années, il l'avait retrouvé. Il allait pouvoir l'affronter et lui faire payer. Kuina se vengerait ce soir même. Wadô Ichimonji boirait le sang de cet assassin. Elle pourrait reposer en paix, après toutes ces années d'errance.

Déjà, il ne contrôlait plus son corps qui agissait de lui-même. Il retournait dans ces phases si familières où son seul objectif était d'abattre le pirate en face de lui. Zoro ne le voyait pas encore, mais il s'approchait un peu plus de lui à chaque seconde qui passait. Son sang bouillonnait et s'activait dans ses veines, lui donnant l'adrénaline nécessaire lui permettant d'aller plus vite. Luffy, les personnes qui l'entouraient ne comptaient plus ; il était plongé dans son monde où n'existait que lui-même ainsi que sa future victime.

Un rire strident résonna dans ses oreilles. Plus de doute possible, il s'agissait bien de lui. Baggy le clown. D'ici quelques minutes, il n'y aurait plus que son sang éclaboussé sur le sol. Nul ne le pleurerait de toute manière, il n'était que l'un de ces maudits pirates. Zoro l'aperçut soudain : il se tenait quelques mètres plus loin, un grand sourire aux lèvres. Il ordonnait à ses hommes de charger un autre boulet de canon et de tirer vers ce qu'il restait de bâtiments indemnes.

« Nul ne peut s'opposer à Baggy le clown ! J'ai autant d'influence et de force que les capitaines corsaires ! »

Ces paroles l'enflammèrent encore plus. Comment osait-il se mettre au même plan que les capitaines corsaires ? Et quel était le rapport ? Zoro ne cherchait aucune réponse, seule la vue du sang de cet assassin le calmerait. Un sabre dans la bouche, les deux autres sortis, il se jeta vers le groupe de criminels qui obéissait à ce meurtrier, prêt à en finir.

Aucun d'entre eux ne l'avait vu arriver. L'épéiste, dans sa rage, trancha Baggy, pris lui aussi au dépourvu. Néanmoins, il savait que ce coup ne lui ferait rien du tout, il ne faisait que simplement l'avertir de sa présence. Ses subalternes eurent le souffle coupé quelques instants, avant de se rendre compte que cet adversaire se battait avec des épées : inutile de s'inquiéter. Leur chef ne serait jamais vaincu avec des lames.

Baggy se retrouva coupé en deux au niveau de l'abdomen. Ce coup l'avait surpris, il n'avait pas songé un instant que quelqu'un aurait le courage de l'attaquer. Posant son regard sur son attaquant, il remarqua que celui-ci n'était nullement surpris par ses pouvoirs : il était donc au courant. Se seraient-ils croisés quelque part ?

« Après toutes ces années, je te retrouve enfin, Baggy le clown. »

Reprenant sa forme originale, il fit signe à ses subalternes de rester sur le côté : il avait envie de s'amuser. Cet épéiste avait l'air de le connaître. S'agissait-il d'un chasseur de primes ? Sans aucun doute, puisqu'il avait vraisemblablement déjà vu ses pouvoirs. Toutefois, il avait l'air d'avoir autre chose derrière la tête, comme une vengeance personnelle. Avait-il été l'une de ses précédentes victimes ? Il les avait pourtant toutes tuées. Un témoin, alors ?

Ce garçon lui semblait vaguement familier. Et le sabre qu'il portait dans sa bouche aussi. Quelle technique étrange, qui aurait idée de se battre avec trois épées ? De même, celle dans sa bouche ne devait pas servir à grand-chose, comment pouvait-il la manier avec force et précision ? Il était décidément totalement stupide. La haine l'aurait-il rendu aveugle à ce point ?

Le clown fut interrompu dans ses pensées par une autre attaque. Son adversaire agitait ses sabres dans tous les sens, néanmoins cela était totalement inutile, puisqu'il pouvait se diviser et ainsi éviter la moindre blessure. Il continua à agir de la sorte pendant plusieurs minutes, sans se fatiguer. Pourquoi persistait-il à l'attaquer de cette façon, tout en sachant que cela ne servait absolument à rien ?

Une minute. Et si son but était justement de le diviser le plus possible ? Baggy eut des sueurs froides. C'était très mauvais signe. Il devait vite se rassembler, avant de...

« Eh, Zoro, je t'ai cherché partout ! Qu'est-ce que tu fais ? »

Un garçon avec un chapeau de paille se tenait à quelques mètres d'eux. Nul ne l'avait remarqué jusque là, tous avaient focalisé leur attention sur le combat. Luffy les regarda d'un air dénué d'expression : elle ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Cependant, en apercevant Zoro, son regard changea : pourquoi se battait-il ? Qui était son adversaire ?

L'équipage de Baggy détourna vite son attention du nouveau venu qui avait l'air totalement inoffensif et regarda à nouveau la bataille que se livrait les deux hommes. Luffy posa son regard sur l'adversaire de Zoro : il était bizarre, il était en plein de morceaux ! Mais pourquoi s'en prenait-il à son second ? Avait-il osé l'attaquer ?

Le capitaine aperçut tout d'un coup des pieds à quelques mètres d'elle. Pourquoi des pieds ? Riant un bon coup, elle sautilla jusqu'à eux puis les regarda sous chaque angle. Elle n'avait encore jamais vu cela ! Elle en toucha un du bout du doigt, comme pour s'assurer qu'il était réel et qu'il ne s'agissait pas d'une illusion. Lorsqu'elle entra en contact avec la peau du pied, son sourire s'élargit. C'était génial !

Luffy en saisit un qu'elle examina dans tous les sens : elle ne savait pas comment cela était possible, mais en tout cas elle était curieuse. Elle commença à le frapper contre le sol, tel un bébé avec un jouet. Elle ne remarquait pas les cris de douleur qui retentissaient plus loin, trop absorbée par son nouveau jeu. Ce n'était pas tous les jours qu'elle trouvait des pieds par-terre.

Jetant celui qu'elle avait en main, elle porta cette fois son attention sur l'autre pied qui semblait trembler, appréhendant son châtiment. En plus, il était vivant ! Est-ce qu'il craignait les chatouilles ? Impatiente de le découvrir, elle ôta la chaussure puis se mit à chatouiller le pied qui frémit. Luffy continua, ravie de ses nouveaux jouets. Néanmoins, une voix énervée qui tentait de retenir un fou rire attira vaguement son attention.

« Abrutis, arrêtez de nous regarder et allez récupérer mes pieds ! »

Baggy avait cru être tombé sur un opposant peu différent des précédents. En temps normal, ils essayaient tous de le découper, sans grand succès, et il n'avait aucun mal à les mettre au tapis au final. Toutefois, l'attitude de cet épéiste était différente. Tout d'abord, il y avait sa haine. Il avait dû être lié à l'une de ses précédentes victimes et était venu réclamer vengeance.

Ensuite, sa technique prouvait qu'il connaissait l'un des points faibles de ses pouvoirs : plus il se divisait, moins il pouvait prêter attention à ses parties du corps. Il ne pouvait après tout pas être à plusieurs endroits à la fois. Il ne se découpait pas par instinct, il fallait qu'il le fît lui-même. En clair, il ne pouvait pas surveiller chaque parcelle de son corps et ainsi éviter chaque blessure. De plus, avec ses trois sabres, son adversaire pouvait toucher divers endroits en même temps.

Juste après s'être rendu compte de sa tactique, Baggy essaya de se rassembler tant bien que mal et saisit ses petits couteaux qu'il coinça entre chacun de ses doigts. Néanmoins, lorsqu'il chargea vers l'épéiste, celui-ci les para sans le moindre problème, comme s'il ne s'agissait que de misérables insectes. Aucun ne pouvait blesser l'autre, ce combat était destiné à continuer jusqu'à ce que l'un d'entre eux fatigue.

Baggy aurait pu continuer éternellement, ce qu'il faisait n'avait rien d'épuisant. Or, une douleur vive le déconcentra et il ne put prévenir l'un des coups de son adversaire. Ses pieds ! Le bretteur avait un complice qui s'attaquait à ses pieds ! Ils avaient mis au point un sacré plan. Si ses subalternes continuaient à les regarder sans rien faire, il finirait par perdre. Devant eux. Quelle honte. Il ne souhaitait pas subir un tel déshonneur.

Alors que la douleur s'estompait, autre chose vint le déconcentrer : des chatouilles. Jamais il n'avouerait qu'il était extrêmement chatouilleux, cela pourrait être utilisé à son encontre. Ne pouvant s'en empêcher, il commença à éclater de rire, provoquant un regard d'incompréhension de la part de son adversaire qui continuait malgré tout à l'attaquer.

Une nouvelle coupure au visage cette fois le força à se calmer. Il était très énervé. Il refusait de perdre, il avait encore du chemin à faire s'il souhaitait devenir plus puissant et influent encore. Rien ne pouvait l'arrêter, et certainement pas ce gamin. Il hurla à ses subalternes d'aller régler le compte de cet importun une bonne fois pour toute. Il n'avait pas l'air coriace et ne tiendrait pas le coup face à une vingtaine d'hommes.

Enfin, les chatouilles cessèrent et le combat reprit de plus belle. Il était le seul blessé. Pour l'instant. Il avait bien l'intention de changer la donne. L'une de ses mains pleine de couteaux alla derrière son adversaire et chargea. Les lames étaient sur le point de le toucher lorsqu'il fit un bond sur le côté au dernier moment. Pourquoi les épéistes sentaient-ils tous les coups venir ? Ce n'était pas normal.

Il lui était très vaguement familier, or il ne parvenait pas du tout à se remémorer où il avait bien pu le rencontrer. Il avait brisé les vies de tellement de gens qu'il en avait perdu le compte, pas comme s'il s'en souciait ne serait-ce qu'un petit peu. Ils n'avaient qu'à être plus forts et le vaincre. De toute manière, il ne faisait qu'obéir aux ordres. Si on lui demandait d'abattre quelqu'un, il était bien obligé de le faire, sinon on le condamnerait à mort.

Cela ne le dérangeait pas de devenir un tueur à gages, pourvu qu'il pût éviter la sentence. Baggy n'avait pas envie de mourir, il valait bien mieux. Et travailler pour eux n'était pas désagréable, ils passaient outre nombre de ses délits et continuaient à le payer grassement après chacune de ses missions. Décidément, ce fruit du démon qu'il avait mangé étant jeune par accident était devenu un don du ciel.

En effet, sa capacité à se diviser lui avait évité nombre de blessures et était idéale pour déstabiliser l'ennemi. De plus, étant un paramecia et non un logia, son pouvoir ne pouvait pas être annulé, à moins de se retrouver en contact avec du kairôseki. Il frissonnait rien qu'en songeant à cette pierre aussi redoutable que l'eau de mer. Le Gouvernement mondial s'en était servi lorsqu'il avait été capturé. Être privé de ses pouvoirs était une humiliation extrême.

On lui avait toujours dit qu'un démon résidait dans le fruit qu'il avait avalé (et non pas mangé) étant plus jeune. Pourtant, il ne s'en serait pas aperçu si on ne l'avait pas mis au courant, il ne s'était à vrai dire pas senti changé. Mais si on le disait, alors c'était vrai. Il n'avait aucune raison de douter de ces vérités, après tout.

Avec toutes ces distractions, Baggy se retrouva en désavantage dans ce combat. Il avait beau tenter de limiter la division de son corps, cet épéiste le dominait. Se battre avec trois sabres était redoutable, il ne parvenait pas à rassembler les morceaux de son corps sans risquer une blessure mortelle. Toutefois, il ne pouvait pas passer son temps à reculer, puisque son adversaire n'allait de toute évidence jamais se fatiguer.

C'était un démon, il n'y avait absolument aucun autre terme pour le désigner. Il était bien trop puissant pour être un véritable être humain, de plus il dégageait une aura terriblement maléfique qui le faisait presque trembler. Son regard était celui d'un monstre habité par une haine qu'un humain ne saurait jamais supporter.

Le clown commençait à paniquer sérieusement. Il était en désavantage. Il ne voulait pas perdre. Il ne perdrait pas. Jamais. Il avait encore de nombreuses choses à vivre, d'endroits à piller, d'individus à tuer. Ce gamin ne le vaincrait pas. Mais puisqu'il ne pourrait pas gagner à la loyale, il lui fallait trouver un autre moyen d'accéder à la victoire. Ce fut à ce moment-là qu'il repensa à ce garçon.

« Quel dommage, ton ami doit être mort à présent, il n'aurait jamais pu survivre face à ce groupe que j'ai envoyé après lui. »

Toutefois, l'épéiste ne parut même pas l'entendre, il continuait à se battre comme si de rien n'était. N'étaient-ils donc pas amis ? Dans ce cas, pourquoi ce garçon était-il arrivé juste après et semblait-il le connaître ? Même s'ils n'étaient que des connaissances, ne se souciait-il pas de lui ? Ou bien était-il réellement un démon, comme il l'avait pensé ?

« Si cet abruti meurt à cause de ça, alors il n'est pas qualifié pour être mon capitaine. »

Baggy, surpris par la réponse, perdit une seconde d'attention qui lui fut fatale. Le dos de la lame que l'homme aux cheveux verts portait dans sa bouche percuta sa tête qui tomba au sol et sur laquelle il posa son pied. Ses deux mains, qui auraient pu le sortir de cette situation, furent transpercées par les deux autres épées et clouées au sol. Le bretteur se retrouvait à présent au-dessus de lui, un pied sur sa tête et ses deux mains sur ses sabres qui maintenaient les siennes.

Sous la douleur, le clown hurla. Il avait éliminé les seules parties de son corps qui auraient pu le sauver, le reste lui était totalement inutile. Désespéré, il essaya d'agiter la tête afin de se défaire de son emprise, or il ne pouvait pas la diviser. Le pied de l'épéiste se trouvait sur sa joue. Celui-ci le regardait d'un air haineux, son sabre dans la main. Dans son esprit, il hurlait une phrase en boucle : il allait le tuer. Sa vie allait se terminer ce soir même.

Désespéré, Baggy poussa des gémissements en tentant vainement de dégager sa tête, ignorant du mieux qu'il pouvait la douleur qui traversait ses mains. Son adversaire semblait apprécier de le voir souffrir ; malgré son air meurtrier, il décelait une lueur de satisfaction dans son regard. Qu'avait-il donc fait pour mériter un tel sort ? Il ne se rappelait pas l'avoir eu comme victime, alors pourquoi tenait-il tant à le tuer ? Il baissa sa dernière lame lorsqu'une voix l'interrompit.

« Zoro, arrête ! »

Baggy écarquilla les yeux en entendant ces paroles. On le sauvait ! Quelqu'un allait l'empêcher de mettre fin à ses jours ! Une minute... Mais qui ?

Face à lui se trouvait le jeune garçon de tout à l'heure qui avait osé s'amuser avec ses pieds. S'il avait paru naïf et illuminé lorsqu'il était arrivé, à présent il avait un regard sérieux et dur, ce qui s'était reflété dans le son de sa voix. Qui était-il pour donner un tel ordre à ce démon ? Un instant... S'il se tenait là, alors qu'en était-il de ses subalternes ?

Coulant un regard derrière le garçon au chapeau de paille, le pirate découvrit avec horreur que chacun de ses hommes se trouvait à terre. Les avait-il tous battus ? Comment cette crevette possédait-elle une puissance pareille ? Il avait dû être aidé, c'était tout bonnement impossible... Quoiqu'il était parvenu à stopper le mouvement de ce fameux « Zoro ». Mais... Par Zoro, entendait-il le célèbre chasseur de pirates ?

Sa terreur grandit à nouveau. Voilà qui expliquait tout. Était-il après sa prime ? Le Gouvernement mondial ne la lui donnerait pas, puisqu'il travaillait pour eux... Si ? Allait-il être trahi par ses employeurs ? Ne pouvait-il donc faire confiance à personne ? Il n'avait rien fait de mal... Enfin, presque. Mais ça ne comptait pas !

Baggy reporta son attention sur le jeune garçon qui avait interrompu la lame de son adversaire. Pourquoi se faisait-il appeler capitaine par celui-ci ? Qu'est-ce que cela signifiait, exactement ? S'agissait-il de la mafia ? Non, ils n'utilisaient pas de termes pareils. Et, Zoro, faire partie de la mafia ? Et puis quoi encore ! Il était réputé pour tuer les pirates, pas s'allier à eux. Alors, dans ce cas, que se passait-il réellement ?

En fait, le clown ne s'en souciait pas tellement. Il souhaitait surtout s'enfuir de là le plus vite possible. Pourtant, ses mains étaient meurtries et il était dans l'incapacité de bouger tellement la douleur se répandait dans son corps divisé en mille morceaux. Il avait sans doute une chance, étant donné que Zoro avait arrêté son geste en entendant son « capitaine ».

Le bretteur regardait Luffy d'un air dur, meurtrier. Comment osait-il l'interrompre ? Il était sur le point de venger Kuina. Wadô Ichimonji était sur le point de goûter le sang de ce meurtrier jusqu'à plus soif. Il allait enfin payer pour ses crimes, après toutes ces années de recherche. Néanmoins, en entendant sa voix, il s'était arrêté dans sa lancée. Il ne l'avait pas tué. Pourquoi l'avait-il écouté ?

« Il doit payer pour le meurtre de Kuina.

- En tant que ton capitaine, je t'ordonne d'arrêter. Je ne veux pas d'un compagnon qui est guidé par la haine. »

Ce gamin pouvait dire des choses intelligentes lorsqu'il le voulait. Zoro ne savait pas pourquoi il s'était embêté à répondre, ni même pourquoi il n'avait toujours pas transpercé la tête de cet assassin. Il aurait pu le faire depuis déjà de nombreuses minutes. Pourquoi écoutait-il Luffy ? Cela ne le concernait pas le moins du monde. Il s'agissait de son problème, pas du sien. Alors pourquoi intervenait-il ?

Son capitaine était un pirate. Dès que l'un d'entre eux se trouvait non loin de lui, il entrait dans un état second où il était dominé par la haine, l'envie de tuer. Auprès de Luffy, il échappait à cet état d'esprit. Il parvenait à rester calme, son sang ne bouillonnait pas. Dès qu'il avait su que Baggy se trouvait loin de lui, il était devenu absolument incontrôlable, à un point comme il n'avait jamais été auparavant. Autant de colère en lui aurait dû lui faire peur.

Cependant, depuis l'intervention de Luffy, Zoro sentait qu'il se calmait. Pourquoi ? Encore un mystère. Quel pouvoir ce jeune garçon exerçait-il sur lui ? Comment parvenait-il à le maîtriser, alors qu'il était lui-même un pirate ? Ce n'était pas normal. Il n'était pas normal. Lui non plus n'était pas normal, d'ailleurs. Ils étaient tous les deux différents, il s'agissait peut-être là l'explication.

Le capitaine et le second se regardaient les yeux dans les yeux sans faillir. Aucun des deux n'avait l'intention d'abandonner. Plus les minutes passaient, plus le sang dans les veines de l'épéiste reprenait une allure ainsi qu'une température normales. Ce jeune Brésilien avait un impact sur lui qu'aucun n'avait jamais exercé jusqu'alors. Il l'intriguait de plus en plus, il cachait de nombreux secrets qu'il entendait trouver.

Kuina, Kuina... Baggy cherchait dans sa tête où il avait déjà entendu ce nom. L'épéiste était-il le petit-ami de cette fille ? Le nom semblait plutôt asiatique, d'ailleurs il avait les yeux bridés et ressemblait à un... Japonais ! Mais oui ! Il se souvenait, à présent. Neuf années plus tôt, le Gouvernement mondial l'avait arrêté lorsqu'il se cachait dans un cirque. Il avait été condamné à mort, or on lui avait offert une alternative : il resterait en vie tant qu'il travaillerait dans l'ombre pour eux.

Sa première mission lui avait été donnée tout de suite après son approbation : il s'agissait en effet de mettre fin aux jours d'une fille au Japon. Apparemment, elle était la fille d'une certaine personne, et était recherchée depuis quelques années déjà. On ne lui avait pas donné le nom de Kuina, mais un autre. Néanmoins, cela ne changeant rien puisque le sang de cette personne coulait dans ses veines.

Cette gamine avait montré un certain talent au kendo, il ne pouvait pas le nier, pourtant cela n'avait pas été suffisant. Il avait laissé ses subalternes de l'époque saccager le village afin de leur faire croire qu'il s'agissait d'une simple attaque de pirates et non pas d'un ordre du Gouvernement. Il l'avait abattue de sang froid et un misérable moustique l'avait attaqué. S'agissait-il de Zoro ?

« Il a tué nombre de personnes. Tu veux le laisser s'enfuir ?

- Peu importe si tu me tues, chasseur de pirates ! Ta petite-amie est morte ! Même si on s'est trompé de cible, elle reste la fille de cette personne ! »

Luffy regardait les deux hommes face à elle. Elle avait à peu près saisi la situation : Zoro voulait tuer ce clown bizarre qui se découpait tout seul parce qu'il avait tué sa petite-amie. La cause paraissait noble. Or, elle ne souhaitait pas le voir ainsi dans cet état. Cela lui faisait de la peine. De même, elle refusait l'idée qu'il se laissât habiter par la haine. Elle savait par expérience que cela ne donnait jamais rien de bon. Elle ne voulait pas voir Zoro mal tourner.

Les dernières paroles du vaincu lui firent écarquiller les yeux : il s'agissait d'une erreur ? Zoro avait souffert de la sorte à cause d'une erreur ? Elle se moquait bien de la raison pour laquelle cette Kuina avait été tuée, mais si sa survie avait évité à Zoro toute cette peine et cette colère, alors elle ne lui pardonnerait jamais. Elle avait bien senti depuis ces quelques jours qu'il portait un lourd fardeau, comme elle.

« Je n'ai pas dit que tu ne pouvais pas le tuer. Je veux juste que tu chasses cette haine. Je ne veux plus jamais te voir comme ça. »

Zoro écarquilla les yeux puis les ferma quelques instants. Lorsqu'il les rouvrit, son regard avait changé : la colère semblait l'avoir quitté. Il ne savait pas comment cela était possible, surtout après la révélation que Baggy venait de faire : Kuina avait été tuée par accident. Il ne savait pas ce qu'il voulait dire lorsqu'il affirmait qu'elle était la fille d'une « certaine personne », cependant cela ne l'intéressait pas. Il s'agissait du passé dont il devait apprendre à s'affranchir.

L'épéiste retira les deux sabres qui transperçaient les mains de son adversaire et les rangea après avoir essuyé le sang. Il ne voulait pas abîmer les lames. Baggy ne s'enfuirait pas, déjà parce qu'il tenait toujours sa tête et parce que la douleur était intenable. De plus, il était pétrifié en raison des dernières paroles de Luffy. Il avait toutes les raisons de l'être.

Zoro sortit Wadô Ichimonji de sa bouche et le tint d'une main, en coulant un regard vers le visage de Baggy déformé par la terreur. Il n'avait aucune raison d'être habité par la haine, ce n'était pas lui qui se vengeait, mais Kuina. C'était elle qui devrait porter cette colère qui allait s'éteindre d'ici quelques secondes. Elle allait se venger, enfin, après neuf ans. Elle allait pouvoir reposer en paix.

Zoro abaissa la lame qui transperça le front de Baggy, lequel n'eut pas le temps de réagir. Il ne put que conserver cet air horrifié avant de regarder dans le vide pour toujours.

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