Chapeau de Paille

Chapitre 3 : l'Aventure commence

10869 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 21 jours

CHAPITRE III

 

L’Institut Gold Roger, à la fois bastion de savoir et creuset d’excellence, n’est pas un simple établissement académique. C’est un sanctuaire dédié aux rêveurs, aux braves, et aux âmes inébranlables qui osent affronter les mystères insondables du monde. Niché sur une île oubliée de la mer, où les vents soufflent des légendes et où les vagues racontent des échos d’exploits passés, l’institut lui-même est une énigme vivante. Il respire l’histoire, transpire l’aventure, et murmure à chaque coin des secrets que seuls les plus audacieux oseraient tenter de dévoiler.

Dès l’arrivée, la gare de l’institut marque les esprits. Une structure colossale, bâtie de pierres noires luisantes comme de l’obsidienne, ornée de symboles gravés dans des langues anciennes que nul ne prétend comprendre. Au sommet de l’arche principale, une inscription se détache, écrite dans une calligraphie dorée et imposante : “À ceux qui osent rêver sans limite.” La lumière du soleil qui frappe ces mots semble les faire scintiller, comme un rappel constant de l’héritage du roi des pirates, Gold Roger lui-même.

L’institut est une véritable merveille d’architecture, un amalgame de styles et d’époques qui se sont entremêlés au fil des générations. À l’extérieur, d’immenses tours spirales pointent vers le ciel, chacune surmontée d’une flamme éternelle dansante, alimentée par un mystérieux feu bleu. Ces tours représentent les quatre grandes Maisons de l’institut, chacune distincte dans ses couleurs et ses motifs. Les murs de pierre vivante semblent respirer avec le vent, changeant de teinte au fil des heures comme un reflet de l’océan qui l’entoure.

À l’intérieur, le grand hall est l’âme de l’institut, un espace monumental où le plafond semble s’étendre à l’infini, tapissé de constellations mouvantes reflétant la carte stellaire du monde réel. Les tables sont divisées par Maison, et les élèves y trouvent rapidement leur place, selon une étrange mais indéniable harmonie. Des lustres massifs, faits de cristal et de métal ancien, descendent des hauteurs et illuminent la pièce d’une lueur chaude, presque mystique.

Les couloirs, quant à eux, sont un dédale intrigant. Chaque passage semble cacher des secrets – des tableaux animés murmurent entre eux, des escaliers bougent légèrement, et certaines portes n’apparaissent que lorsque l’on s’approche avec une intention pure. Les bibliothèques sont sans fin, débordant de livres sur des sujets allant de la cartographie ancienne aux récits de marins disparus, et les laboratoires regorgent de curiosités étranges, où des alchimistes en herbe testent leurs théories.

L’institut est divisé en quatre grandes Maisons, chacune inspirée par une figure légendaire ou un idéal façonné par les âges. Elles symbolisent les voies que peuvent emprunter les étudiants, les défis qu’ils devront relever, et les valeurs qu’ils doivent incarner pour devenir des légendes vivantes.

La Maison Gold Roger porte le nom du Roi des Pirates lui-même et incarne l’audace, la liberté et l’inspiration. Ceux qui y sont admis sont connus pour leur capacité à rallier les cœurs et à rêver sans limite, même face à l’impossible. Leur emblème est un chapeau de paille entouré d’une couronne d’or, et leurs couleurs sont le rouge vif et l’or.

Les élèves de cette Maison sont souvent des leaders naturels, des individus qui portent des convictions si fortes qu’elles inspirent ceux qui les entourent. Pourtant, cette ambition brûlante peut parfois les mener à des sacrifices personnels immenses.

La Maison Xebec, du nom de Rocks D. Xebec, représente le pouvoir brut, l’ambition dévorante, et la soif de domination. Ses couleurs sont le noir profond et l’argent, et son emblème est un dragon enchaîné, symbolisant la puissance contenue.

Les élèves de cette Maison sont souvent ceux qui comprennent que le monde est un jeu d’échecs où chaque mouvement compte. Manipulateurs, stratèges, et dotés d’une grande intelligence, ils sont aussi perçus comme dangereux, car leur ambition les pousse parfois à tout risquer pour atteindre leurs objectifs.

La Maison Zephyr, en hommage à l’amiral éponyme, valorise la discipline, la résilience et le respect des règles. Ses couleurs sont le vert forêt et le bronze, et son emblème est un faucon en vol.

Les élèves de Zephyr sont des individus pragmatiques, dotés d’une détermination inébranlable. Ils croient que la véritable force vient de la maîtrise de soi et du dévouement à une cause plus grande. Ils sont souvent des piliers sur lesquels les autres Maisons s’appuient en temps de crise.

L’Institut Gold Roger n’est pas seulement un lieu d’apprentissage. C’est une énigme en soi. Des rumeurs circulent parmi les anciens élèves et le personnel sur des chambres scellées, des artefacts légendaires hanteraient ses couloirs. Certains disent que l’institut a été bâti sur les ruines d’une civilisation oubliée, d’autres prétendent que Gold Roger lui-même aurait laissé des indices sur l’emplacement du One Piece entre ses murs.

Pour les nouveaux élèves, l’institut est un rêve, une promesse d’un avenir extraordinaire. Mais c’est aussi un défi, un lieu qui testera leurs limites et mettra en lumière leurs plus grandes forces… ainsi que leurs failles les plus profondes.

Et alors que le train s’arrête dans un crissement métallique, et que les portes s’ouvrent sur cette académie majestueuse, chaque élève ressent la même chose : un mélange de terreur et d’excitation. Car ils savent qu’en franchissant ces portes, leur vie ne sera plus jamais la même

Lorsque tous les nouveaux arrivants furent rassemblés dans le Grand Hall, un silence étrange s’abattit sur la pièce. Les murs, aussi hauts que des falaises, semblaient eux-mêmes retenir leur souffle. Les lustres cristallins projetaient des éclats dorés sur les visages tendus, tandis que les constellations mouvantes du plafond brillaient comme des juges célestes observant les âmes réunies.

Silvers Rayleigh, la légende vivante et bras droit du Roi des Pirates, se tenait sur une estrade légèrement surélevée. Sa présence était magnétique. Vêtu de son long manteau blanc, son regard perçant balayait l’assemblée. Même sans un mot, il imposait un respect presque écrasant. Lorsqu’il prit enfin la parole, sa voix grave résonna avec une intensité qui semblait frapper directement au cœur de chacun.

« Bienvenue, jeunes rêveurs et aspirants légendaires, au seuil de l’institut Gold Roger. »

Il marqua une pause, laissant ses mots imprégner l’air comme une lame tranchante.

Puis, d’un regard lent, il balaya l’assemblée. Chacun sentit que ses yeux s’attardaient un instant sur lui. Pas par hasard. Pas pour impressionner. Mais comme si Rayleigh savait déjà ce qu’ils portaient au fond d’eux — leur orgueil, leur douleur, leurs secrets.

« Vous êtes ici parce que le monde vous a laissés sur le pas de la porte de la vérité. Certains d’entre vous ont fui. D’autres ont été arrachés à leurs foyers. Certains sont venus de leur plein gré, avec le cœur enflammé par des idéaux. Et d’autres… sont là pour des raisons qu’ils ignorent eux-mêmes. »

Il descendit une marche. Le bois sous ses bottes ne craqua pas. Le silence se resserra encore.

« L’Institut Gold Roger n’est pas un abri. Ce n’est pas un havre de paix. Ce n’est pas un rêve. »

Il marqua un silence plus long. Puis, plus bas, plus grave :

« C’est un miroir. Et un creuset. Il vous reflétera tels que vous êtes. Et il vous brisera. Pas pour vous punir, mais pour révéler ce qui, en vous, mérite d’exister. »

Un frisson traversa la salle. Une peur ancienne. Le genre de peur qu’on ne comprend que bien après qu’elle vous ait touché.

« Vous apprendrez ici. À combattre, à survivre, à penser, à douter. À mourir, peut-être. Mais surtout… à choisir. »

Il leva les yeux vers les hauteurs de la salle, comme s’il invoquait les ombres suspendues dans les arches noires.

« Le monde est en train de changer. L’équilibre vacille. Des forces s’éveillent. D’autres reviennent. Et certaines… n’attendent que vous. »

Il redescendit lentement sur la dernière marche, puis ajouta, presque à voix basse, mais chaque mot était comme un coup de lame :

« Ici, on ne vous jugera pas pour ce que vous avez été. Mais pour ce que vous serez prêts à devenir. Et ce que vous serez prêts à perdre pour l’atteindre. »

Il marqua une ultime pause.

« Alors soyez les bienvenus, vous qui cherchez le ciel. Ici commence la fin de l’innocence. Et peut-être… le début de votre légende. »

 

Un instant plus tard, alors que le silence se faisait à nouveau pesant, Usopp glissa lentement jusqu’à Luffy, gardant ses mouvements discrets. Il murmura, presque en retenant son souffle :

« Hé… Luffy. Tu ne trouves pas que… cet endroit a l’air de sortir tout droit d’un cauchemar antique ? »n

Luffy ne répondit pas immédiatement. Il observait encore la salle, les visages, les détails que personne ne remarquait. Puis il tourna lentement la tête vers Usopp, son regard plus sérieux que d’ordinaire.

« Y a des gens ici… vraiment forts. »

Usopp déglutit.

« Tu veux dire… plus forts que toi ? »

Luffy haussa légèrement les épaules.

« J’m’en fiche de ça. Mais j’le sens. Leur présence. Ce n’est pas juste de la force… c’est un truc plus profond. Comme s’ils cachaient des armes dans leurs cœurs. »

Usopp frissonna. Il regarda autour de lui. Même certains qu’il ne connaissait pas encore semblaient enveloppés d’une brume menaçante.

« Tu crois qu’on est en danger ? »

Luffy pencha légèrement la tête.

« Pas encore. Mais ça viendra. L’institut va tester tout le monde. Pas juste nos capacités. Il va fouiller dans nos rêves… et dans nos faiblesses. »

Usopp blêmit.

« Tu veux dire… ils vont savoir que je panique quand je vois une araignée ? »

Luffy eut un léger sourire, presque tendre.

« Peut-être. Mais surtout, ils vont voir si t’es prêt à continuer… même avec la peur. Et ça, Usopp, je sais que tu l’es. »

Le tireur d’élite déglutit à nouveau, puis hocha la tête, doucement. Un soupir nerveux s’échappa de ses lèvres.

« D’accord. Alors… on reste ensemble, hein ? »

Luffy croisa les bras, un air déterminé sur le visage.

« Toujours. Mais t’endors pas. Les vrais monstres, ici… ce n’est peut-être pas ceux qui montrent les crocs. »

Et Usopp, pour une fois, ne rit pas.

Luffy détourna alors le regard, sondant la foule autour de lui. Il ne connaissait encore aucun de ces élèves, mais certains captèrent son attention.

 

Son regard s’attarda d’abord sur une jeune femme à la chevelure orange flamboyante, au port altier, mais au regard tranchant. Elle portait une cape aux reflets ambrés et tenait un carnet cartographique contre sa hanche, comme d’autres porteraient une arme. Nami. Tout en elle respirait la méfiance. Ses yeux passaient sans cesse de visage en visage, analysant, évaluant, anticipant. Elle n’était pas là pour se faire des amis. Elle était là pour survivre — ou pour quelque chose d’encore plus secret.

Puis ce fut un garçon blond, au regard charmeur mais nerveux, qui attirait involontairement l’attention par son élégance déplacée. Il portait une veste noire parfaitement coupée, un foulard autour du cou, et fumait comme pour cacher son malaise derrière des volutes de fumée. Sanji. Il observait surtout les jeunes femmes, avec un œil intéressé, mais son autre œil — celui qui restait dans l’ombre — semblait constamment sur le qui-vive, comme s’il savait déjà qu’ici, la séduction ne protégerait personne.

Luffy tourna légèrement la tête et croisa alors le regard le plus froid de la pièce. Trafalgar Law. Son nom, il ne le connaissait pas encore. Mais ses yeux… ces yeux-là avaient vu la mort et l’avaient regardée sans cligner. Il portait un long manteau sombre à capuche, les bras croisés, l’attitude fermée d’un médecin qui a renoncé à sauver. Il ne dégageait pas de haine, ni même de menace. Juste… une détermination implacable, enveloppée dans une fatigue profonde. Comme s’il portait un fardeau depuis longtemps.

Enfin, Luffy remarqua un homme massif, au teint mat et à la barbe taillée. Urouge. Il priait, les yeux clos, les mains jointes contre sa poitrine. Son sourire était paisible, presque bienveillant, mais la taille de ses bras, la densité de ses muscles, laissait deviner une force colossale. Il semblait hors du temps. Un moine dans un temple de guerre. Mais dans cette sérénité, Luffy perçut une vibration… comme un volcan en sommeil.

Il détourna les yeux. Il n’avait parlé à aucun d’eux. Il ne savait rien de leurs histoires. Mais son instinct était clair : ces quatre-là, d’une manière ou d’une autre, compteraient.

Dans l’aile supérieure, perchés à demi dans l’ombre derrière les piliers d’onyx, quelques élèves observaient la scène d’en haut. Deuxième année. Ils étaient passés par là. Ils connaissaient la peur dans les yeux des nouveaux, le silence du hall, l’éclat tranchant du regard de Rayleigh.

Marco se tenait appuyé contre le mur, les bras croisés, une cigarette éteinte au coin des lèvres. Sa tignasse blonde, décoiffée comme s’il sortait d’un combat, masquait à peine des yeux d’un bleu perçant. Il observait les premières années avec une certaine lassitude mêlée de curiosité discrète.

« Tu te souviens de ta répartition ? « demanda Margaret, accoudée au garde-corps, son regard brillant d’une intelligence froide. Elle portait l’uniforme de l’Institut avec une rigueur impeccable, mais son attitude trahissait un esprit insoumis.

« Comme si j’avais oublié, répondit Marco. Trois jours sans sommeil après. Je croyais que la Boîte allait m’arracher l’âme. »

« Elle a juste révélé ce que t’essayais d’enterrer. » souffla Vista, plus en retrait, adossé à une colonne. Sa voix grave vibrait comme une vieille corde de guitare. Il tenait un vieux livre en main, mais ses yeux étaient rivés sur la scène.

« Les cours n’ont rien arrangé derrière, ajouta Margaret. Le cours de Shanks sur la guerre tactique m’a laissée en sang. Littéralement. Tu te rappelles quand il a dit : « Vos tripes décideront plus que vos cerveaux ? »

« Ouais. Et Brook avait répondu : « Dommage, je n’ai ni l’un ni l’autre. »

Ils rirent à demi, un rire bref et contenu. Rien de joyeux. Plutôt un souvenir partagé d’avoir survécu.

Robin, silencieuse jusque-là, parla sans quitter les nouveaux des yeux.

« Ils ne savent pas encore que le pire, ce n’est pas la violence. C’est ce qu’on découvre de soi entre deux silences. »

Margaret haussa un sourcil, presque amusée.

« Poétique. Et sinistre. Fidèle à toi. »

« Je suis réaliste, répondit Robin calmement. L’Institut ne forme pas des héros. Il révèle ceux qui acceptent de regarder leur propre abîme sans reculer. »

Ils se turent un instant, comme si le poids de leurs mots venait d’emplir tout l’espace.

Marco expira longuement, bras croisés, puis désigna du menton les nouvelles silhouettes.

« Regarde-les. Tu as vu ce gosse au chapeau de paille ? »

Margaret plissa les yeux.

« Il ne sourit pas. Mais on dirait qu’il brûle de l’intérieur. Comme s’il attendait qu’on le provoque. »

« Et celui au long manteau noir, là. Froid comme un scalpel. Il a le regard de ceux qui ont déjà perdu trop de choses. »

« La grande aux cheveux orange aussi. Elle lit les gens comme on lit une carte au trésor. Je me méfierais d’elle. »

Vista referma lentement son livre.

— Ce sont toujours ceux qu’on ne remarque pas qui finissent par surprendre.

« Ou ceux qu’on sous-estime, « souffla Robin, le regard encore rivé sur la silhouette imposante de Luffy.

Un silence flotta à nouveau entre eux, presque solennel.

« Alors ? Qui, à votre avis, va marquer l’année ? « demanda Margaret.

Marco sourit, l’ombre d’un défi dans les yeux.

« Je n’en sais rien encore. Mais je parie qu’on va être secoués plus tôt qu’on le croit. »

Robin murmura, presque pour elle-même :

« Ils sont jeunes. Mais certains portent déjà la fin du monde dans leur regard. »

Et là, dans ce couloir suspendu au-dessus de l’histoire en marche, les anciens attendirent. Ils savaient que l’Institut n’offrait rien. Tout devait être conquis.

Et qu’un jour, ces visages anonymes en bas... deviendraient peut-être leurs ennemis, ou leurs légendes.

Non loin des hauteurs où les élèves de Gold Roger observaient en silence, une autre tribune avait été taillée dans la pierre, plus sombre, plus reculée. Là, les emblèmes de la Maison Xebec brillaient d’un éclat métallique et froid. Un dragon enchaîné, symbole d’une puissance que l’on garde sous contrôle, ou que l’on croit pouvoir contenir.

Ils étaient quatre, assis à distance raisonnable les uns des autres, chacun comme un fauve gardant son territoire. Pas un mot. Pas de regard complice. Juste une présence. Lourde. Inquiétante.

Jesus Burgess faisait craquer ses phalanges comme des boulets d’acier. Immense, massif, le torse nu sous une cape élimée, il dégageait une brutalité primitive. Ses yeux suivaient les nouveaux venus comme un prédateur suit un troupeau. Il ne cherchait pas des noms. Il cherchait des failles.

« Tch, grogna-t-il à voix basse. Beaucoup d’yeux vides. Rien que des agneaux. »

« Tu dis ça chaque année, souffla Crocodile en coin, sans le regarder. Puis certains de ces agneaux finissent par mordre. »

Crocodile était appuyé contre le dossier de pierre, une jambe croisée, ses doigts gantés jouant avec son cigare éteint. Il observait avec distance, presque avec ennui. Ses yeux plissés détaillaient les postures, les hésitations, les sourires mal dissimulés. Il lisait déjà leurs peurs.

« J’espère qu’ils tiendront plus que les précédents, ajouta-t-il. La Boîte n’a plus d’appétit sinon.

Bonney, accoudée sur la rambarde, mâchonnait une sucrerie sans la moindre discrétion. Sa jambe battait un rythme impatient. Elle avait un air de gamine insolente, mais son regard vif et tranchant contredisait l’apparence.

« J’parie que le blondinet qui fume va chialer, lança-t-elle en riant. Celui-là… il a les mains de quelqu’un qui a jamais creusé une tombe. Trop propre. »

Caribou, plus à l’écart, affalé sur une marche, riait doucement. Un rire qui glissait comme un filet d’huile sale.

« Ouais… mais y’en a un… celui avec le chapeau de paille. J’sais pas pourquoi… mais lui… il sent le sang sec. »

Bonney haussa un sourcil.

« Celui qui parle pas ? »

« Justement. Il parle pas. Et quand les types parlent pas… c’est souvent parce qu’ils écoutent trop bien. »

Crocodile prit une bouffée de son cigare sans l’allumer. Il souffla lentement.

« Peu importe qui ils sont. L’institut les brisera. Et ceux qui survivront… ils devront choisir leur camp. »

« Et s’ils choisissent le nôtre ? « demanda Bonney avec un sourire en coin.

Burgess craqua une autre phalange.

« Alors il faudra voir… s’ils ont les épaules. »

Un silence tendu flotta entre eux, puis Crocodile déclara, avec cette nonchalance glacée qui lui était propre :

« Le vrai test, ce n’est pas la Boîte. C’est ce qu’ils feront après. »

Et tous retinrent leur souffle, car en bas, dans le vestibule sacré, les battants d’obsidienne de la salle de Répartition venaient de frémir pour la première fois.

Dans une loge plus sobre, taillée dans le marbre clair et les dorures disciplinées de la Maison Zephyr, quatre silhouettes observaient sans un mot le déroulement de la cérémonie. Ici, tout respirait l’ordre. Pas une veste froissée. Pas un mot déplacé. L’ambiance y était tendue, retenue, presque militaire.

Smoker était debout, les bras croisés, la mâchoire contractée, son éternel cigare coincé entre les lèvres. Il fixait les nouveaux venus comme un homme jauge une cohorte de recrues trop enthousiastes. L’habitude du terrain se lisait dans son regard fatigué mais vigilant.

« Beaucoup de gueules. Pas sûr qu’elles tiennent la cadence. « lâcha-t-il sans détour.

« Ce n’est pas la cadence qui me préoccupe, répondit Kalifa en remettant en place la monture de ses lunettes d’un geste sec. C’est la discipline. Les émotions mal gérées sont les premières causes de chute ici. Et je vois déjà trop de regards désordonnés. »

Assise droite, impeccable, elle parlait comme un dossier parfaitement rédigé. Elle notait mentalement. Elle évaluait. Elle anticipait. Rien ne semblait lui échapper.

Vergo, immobile comme une statue, ne disait rien. Il mâchonnait lentement un morceau de viande séchée qu’il tenait entre deux doigts gantés. Mais son regard était perçant. Il avait vu des corps tomber pour moins qu’un regard mal placé. Il n’aimait pas les surprises. Il n’aimait pas les failles.

« C’est toujours pareil, intervint Kuzan, appuyé nonchalamment contre la rambarde. On s’échauffe sur des impressions, et à la fin… c’est celui qui n’a pas l’air de grand-chose qui change la donne. »

Son ton était lent, détaché, presque paresseux. Mais personne ici ne doutait qu’il observait plus que tous les autres réunis. Il avait l’air de s’ennuyer, et pourtant ses yeux suivaient chacun des nouveaux avec une précision clinique.

« Tu penses qu’on en tient un ? » demanda Smoker, en désignant d’un mouvement de tête le centre de la salle.

« Peut-être, répondit Kuzan. Ce gosse au chapeau de paille, il a quelque chose d’instable. Du genre à faire trembler une institution sans le vouloir. »

« Et ça, souffla Kalifa, c’est précisément le type de problème qu’on cherche à éviter. »

Vergo, sans bouger, laissa tomber :

« Ou à recruter. »

Un silence bref s’installa.

« Quoi qu’il arrive, ajouta Smoker en expirant une volute lente, ils devront apprendre. À obéir, à se contenir. Et à ne pas oublier que l’institut, ce n’est pas un jeu. C’est un champ de mines. »

Kuzan haussa légèrement les épaules, un sourire presque mélancolique aux lèvres.

« Peut-être. Mais parfois, il faut une explosion pour révéler la vérité. »

Ils se turent tous alors, fixant les battants d’obsidienne au fond de la salle.

Ils savaient ce qui allait suivre. Et aucun d’eux ne l’enviait aux premières années

Bien au-dessus des tribunes, dans une galerie réservée aux membres du corps enseignant, plusieurs silhouettes se tenaient dans la pénombre, chacune projetant une ombre plus vaste que nature. Ils étaient la colonne vertébrale de l’Institut, ses gardiens, ses maîtres et parfois ses spectres.

Shanks, bras croisés, la cape écarlate tombant sur ses épaules, observait sans dire un mot. Un éclat silencieux dans le regard, entre vigilance et mélancolie. Il n'était pas seulement un professeur — il était un mythe vivant que même les autres enseignants regardaient avec une forme de respect prudent. Sa présence suffisait à imposer l'ordre sans jamais hausser la voix. Son œil unique scrutait les mouvements comme s’il lisait l’avenir dans les gestes.

À ses côtés, Mihawk tranchait l'espace de sa seule stature. Son manteau noir, son chapeau à plumes, son regard acéré comme la lame qu’il portait à son dos, tout en lui évoquait la rigueur impitoyable. Enseignant l’art du duel et la discipline du sabre, il ne parlait que lorsqu’il avait quelque chose de décisif à dire. Et lorsqu’il parlait, même les pierres semblaient écouter.

Non loin, Sengoku, bras croisés dans son uniforme traditionnel, veillait avec la prestance d’un général en campagne. En tant que directeur de la Maison Zephyr, il incarnait la droiture, la stratégie et le devoir. À ses côtés, l’ombre de Tsuru ne le quittait jamais, prête à intervenir d’un mot sec ou d’un regard tranchant. Ils formaient un duo implacable.

Assis plus en retrait, un squelette vêtu d’un costume sombre jouait quelques notes discrètes sur un violon ancien : Brook, professeur d’éveil mental et de musicalité martiale. Ses notes vibraient dans l’air comme des murmures d’âmes anciennes. Malgré son apparence farfelue, il possédait une sagesse infiniment plus vaste que son sourire éternel ne laissait supposer.

Shakky, calme et élégante, prenait des notes sur un carnet en cuir. Ancienne combattante redoutable, elle enseignait la manipulation, la lecture comportementale et les stratégies psychologiques. Son regard était celui d’une femme qui avait vu les ténèbres de trop près pour encore en avoir peur.

Plus loin, assis de travers sur la rambarde, une silhouette dorée oscillait au rythme de sa propre folie. Shiki le Lion d’Or, désormais professeur d’arts de guerre non-conventionnels, observait la scène avec un large sourire narquois. Son regard sautait d’un élève à l’autre comme s’il évaluait les dommages futurs.

Dans une alcôve tapissée de dossiers médicaux, la docteure Kureha croisait les bras, impassible. Elle était âgée, acariâtre, mais rien ne lui échappait. Chaque battement de cœur dans la pièce semblait enregistré par son oreille expérimentée. Elle enseignait la médecine de terrain, et personne ne ressortait de ses cours sans quelques points de suture — physiques ou mentaux.

À quelques pas, Ener était debout, les bras derrière le dos, le regard élevé comme s’il était le seul à réellement mériter de dominer cette scène. Son aura était électrique, littéralement. Enseignant les dynamiques de puissance et d’énergie intérieure, il inspirait autant de peur que de fascination.

Franky, quant à lui, était appuyé contre un mur, bras croisés, lunettes sur le nez, torse nu comme toujours. Inventeur de génie, professeur d’ingénierie de combat et de technologie, il avait construit bon nombre des mécanismes secrets de l’Institut. Son rire éclatait parfois, brisant le silence d’un « SUPER ! » désarmant.

Enfin, dans l’ombre d’un pilier, Caesar Clown griffonnait frénétiquement des formules chimiques dans un carnet. Instable, brillant, dangereux. Il était toléré plus que respecté, mais ses connaissances en poisons, gaz et altérations corporelles faisaient de lui un pilier inévitable de l’Institut.

Et gardien de tout cela, entre les murs mêmes, veillant sur les clefs des salles interdites, des couloirs oubliés et des passages scellés, se tenait Haguar D. Sauro. Immense, taillé comme une forteresse, il se déplaçait peu mais chacun savait que son pas pouvait faire trembler la pierre. Il ne parlait que rarement, mais il était là depuis plus longtemps que n’importe qui. Certains murmuraient qu’il avait même connu Gold Roger lui-même.

Il n’était pas un professeur. Il était la mémoire vivante de l’Institut. Et celui qui, lorsque tout vacille, garde la porte.

Ce soir, tous étaient là. En silence. À observer. À attendre.

La prochaine ère.

 

Puis un grondement profond, plus ancien que l’institution elle-même, résonna dans la structure. Il ne venait pas du sol, ni des murs. Il venait de la mémoire collective. Et aussitôt, les conversations s’interrompirent. Les regards se tournèrent. Les présences, même les plus puissantes, se redressèrent.

Il arrivait.

Barbe Blanche.

Le directeur de l’Institut Gold Roger.

On ne l’appelait presque jamais par son nom. Ici, il était simplement « le Vieux », ou « le Père ». Mais tous savaient que sa présence, même silencieuse, suffisait à recadrer les fondations de cette institution.

Sa silhouette apparut au sommet de la galerie haute, entre deux piliers gravés d’anciens dialectes marins. Immense. Menaçante. Majestueuse. Le manteau blanc aux épaulettes dorées tombait comme une cascade figée sur son dos. Sa barbe, imposante, oscillait au rythme de sa respiration. Ses yeux — deux soleils déclinants — observaient les élèves avec une gravité presque paternelle.

Il ne disait rien, et pourtant, le silence qu’il imposait valait tous les discours.

« Tu es encore en retard, Edward, murmura Shakky en le voyant approcher.

« J’étais avec Sauro. Les chaînes du port Nord ont été touchées par la marée noire. Il a fallu desceller le puits d’écoulement. »

Sa voix, basse, granuleuse, roulait comme une houle calme mais déterminée. Il s’assit au centre de la tribune des maîtres, dans un fauteuil de pierre sculpté à son image. Pas par arrogance, mais parce que personne d’autre ne pouvait l’occuper sans en briser l’équilibre.

Franky s’exclama, sans lever les yeux de ses plans :

« Il faut refaire toute la tuyauterie de la salle d'entraînement Est. Les vapeurs acides du dernier test de Caesar ont fendu le revêtement. »

« Et cette fois, pas question de faire exploser un escalier. » ajouta Mihawk d’un ton sec. 

« C’était expérimental ! répondit Caesar en haussant les épaules. »

Shanks soupira, un brin amusé.

« Tu dis ça tous les ans. »

Brook joua une note étrange sur son violon.

« La salle des illusions a encore piégé deux élèves pendant trois heures. On devrait revoir les balises de sortie. »

« Ce ne sont pas les salles qu’il faut revoir, intervint Sengoku. Ce sont les élèves. La dernière promotion a manqué de cohésion. Trop d’individualités. Trop de solitaires. »

« Et toi, Edward, dit Ener, debout dans l’ombre, tu comptes encore sélectionner les missions d’expédition tout seul ? »

Barbe Blanche grogna doucement, puis prit enfin la parole, de cette voix qui semblait secouer les piliers :

« Nous sommes là pour les rendre forts. Pas pour les couver. Ce lieu est fait pour révéler les âmes. Pas les protéger. Qu’ils trébuchent. Qu’ils tombent. Qu’ils pleurent. Mais qu’ils se relèvent. »

Un silence suivit. Même Caesar se tut.

« Et les nouveaux ? » demanda Brook, après quelques instants.

« Je les ai observés, répondit Barbe Blanche. Y’en a dans le lot… qui m’ont rappelé des visages anciens. Des regards que je n’avais plus vus depuis Roger.

Tous restèrent figés.

« Tu crois qu’ils tiendront ? demanda Kureha.

« Je crois qu’ils n’ont pas le choix. »

Un battement sourd, comme le pouls de l’Institut, sembla accompagner ses mots. Shakky, en refermant son carnet, ajouta d’un ton mesuré :

« Il va falloir qu’on soit à la hauteur, nous aussi. »

« On l’a toujours été, répondit calmement Mihawk. C’est eux… qui doivent encore le devenir. »

Et dans le silence revenu, le directeur ferma un instant les yeux, comme pour se connecter à l’île elle-même.

L’Institut Gold Roger n’était pas seulement une école. C’était un fardeau, un feu, un espoir ancien. Et il était prêt à veiller une année de plus.

Dans les rangs silencieux des premières années, au cœur du grand vestibule, Luffy se tenait debout, le dos droit, les bras légèrement écartés, comme s’il respirait mieux que les autres dans ce lieu chargé d’attente et de mémoire. Il n’avait pas bougé depuis l’entrée de Barbe Blanche. Son regard était rivé vers les hauteurs, là où les maîtres du monde observaient. Il ne souriait pas. Mais il rayonnait d’une intensité calme, comme si le chaos lui-même pouvait trouver refuge dans sa poitrine.

À ses côtés, Usopp jetait des coups d’œil nerveux à gauche et à droite, les mains moites, le souffle court.

« Luffy… tu as vu… c’était Barbe Blanche, là-haut ? Le vrai ? Genre, en chair, en os… et en tremblements ? »

Luffy ne répondit pas tout de suite. Il semblait ailleurs, à la fois ancré ici et déjà projeté dans l’épreuve à venir. Enfin, il murmura :

« Ouais. Et il nous a regardés. »

Usopp déglutit.

« Il t’a regardé toi surtout. Moi, j’étais caché derrière une colonne. Je suis sûr qu’il ne m’a pas vu. »

Luffy baissa légèrement les yeux vers son ami. Il esquissa un sourire, celui qui rassure sans avoir besoin de mots.

« Il t’a vu. Il voit tout. »

« Super… génial… je vais mourir. »

« Tu as déjà survécu à pire, non ? »

« Je… je ne sais pas ?! C’est quoi le pire, Luffy ?! Je n’ai jamais eu une île entière qui me regarde comme un morceau de viande prêt à griller ! »

Luffy rit doucement, puis reprit plus posément, la voix grave, posée, mais jamais froide :

« T’inquiète. On est là pour ça. Pour être vus. Pour être testés. Pour montrer qu’on est plus que ce qu’ils croient. »

« Tu parles pour toi… Moi, je suis venu pour apprendre à pas mourir en courant ! »

« Alors tu es au bon endroit. Courir ici, c’est déjà survivre. »

Usopp l’observa un instant. Il ne disait rien, mais quelque chose le frappa. Luffy avait changé. Il n’était pas juste le gamin rêveur qu’il avait rencontré. Il y avait dans son regard une densité nouvelle. Une force tranquille, presque inquiétante, comme un feu qui n’attendait plus l’étincelle.

« Tu n’as pas peur ? » demanda-t-il finalement.

Luffy haussa les épaules.

« Pas vraiment. J’ai déjà tout perdu une fois. Là, j’ai juste plus envie de rater ce que je dois devenir. »

Usopp ne répondit pas. Il hocha lentement la tête. Pour la première fois depuis son arrivée, il sentit quelque chose d’autre que la peur : une chaleur étrange, un courage contagieux. Le genre de courage qui naît quand on ne se sait pas seul.

« Bon… souffla-t-il. Si on meurt… tu me promets que tu me ramèneras en un seul morceau ? »

Luffy éclata de rire, franc, clair, vibrant.

« Promis. Mais faudra courir vite. »

Usopp sourit malgré lui. Et à ce moment précis, dans ce temple de silence et de secrets, deux amis se tinrent plus droits qu’avant. Car l’un d’eux croyait déjà en l’autre.

Et cela, parfois, suffisait à déplacer les murs.

Un léger grincement métallique coupa le silence. Sur l’estrade, Rayleigh venait de faire un pas en avant. Ses yeux, clairs et perçants, scrutèrent les élèves réunis dans la salle comme un navigateur scrute l’horizon en quête de tempête. Il se tenait droit, les mains croisées dans le dos, son manteau flottant légèrement dans l’air glacé du hall.

Sa voix résonna, calme et ferme :

« Il est temps. »

Il laissa un silence s’installer avant de poursuivre :

« Bienvenue à la Cérémonie de Répartition. Ce rituel marque votre véritable entrée dans l’Institut Gold Roger. Ce n’est pas un test. Ce n’est pas un examen. C’est un dévoilement. »

Il descendit lentement les marches, chaque pas comme une note dans une musique oubliée.

« Vous n’avez rien à prouver. Ce que vous êtes décidera pour vous. Ce que vous portez au fond de vous — ambition, crainte, loyauté, rage, sacrifice, rêve — c’est cela que la Boîte Noire révélera. Et à partir de ce moment, vous ne serez plus jamais les mêmes. »

Son regard balaya les visages, s’attardant un instant sur Luffy, sur Kidd, sur Hancock, sur ceux qui ne baissaient pas les yeux.

« Vous serez appelés un par un. La Boîte ne parle qu’à ceux qui l’approchent. Elle lira ce que vous ne pouvez cacher. Et elle vous guidera vers la maison qui vous correspond. »

Il marqua une pause, puis ajouta d’un ton plus grave :

« C’est un acte de vérité. Et la vérité, mes enfants… a un prix. »

À ces mots, les grands battants de marbre situés à l’arrière de l’estrade s’ouvrirent lentement dans un grondement sourd. Une brume froide s’échappa du seuil, comme le souffle d’un monde ancien. Une lumière pâle, bleutée, envahit l’ouverture.

Au fond de cette nouvelle salle, un silence presque irréel régnait. On eût dit qu’aucun son n’y avait jamais existé. La pierre était plus sombre, les murs recouverts d’inscriptions anciennes, et au centre se trouvait une stèle de basalte brut, usée par le temps. Posée au sommet : la Boîte Noire.

Petite, sobre, presque banale. Un cube parfait, sans serrure, sans poignée. Son noir n’était pas une couleur. C’était une absence. Une faille. Une invitation.

Et juste devant elle, se tenait une femme entièrement voilée. Son voile noir tombait jusqu’au sol, masquant son visage, son corps, ses intentions. Seuls ses yeux, d’un gris profond, étaient visibles. Elle se tenait droite, immobile comme une statue, les mains croisées devant elle.

Shakky s’avança à son tour, depuis les coulisses, et déclara avec douceur mais fermeté :

« Veuillez avancer, un à un, lorsque votre nom sera prononcé. Écoutez ce que la Boîte vous murmure. Et ne trichez pas. Elle le saura. »

Elle s’écarta lentement, et Rayleigh reprit la parole, sa voix comme une lame dans la brume :

« Que la répartition commence. »

Et l’air sembla frissonner à l’unisson.

Un long silence suivit. Puis une voix s’éleva depuis l’estrade, claire, mesurée.

« Koby. »

Le jeune homme sursauta légèrement, inspira profondément, puis s’avança. Il était grand, plus musclé qu’on ne l’aurait cru. Son visage encore juvénile trahissait une naïveté tenace, mais ses pas étaient assurés. Chaque élève le suivait du regard.

Koby gravit lentement les marches, passa devant Rayleigh et pénétra dans la salle bleutée. L’air y était plus froid. Le silence y était... lourd, presque étouffant. Il s’approcha de la stèle.

La femme voilée inclina très légèrement la tête. Il tendit la main.

Le moment où sa peau entra en contact avec la Boîte Noire fut brutal.

Ses yeux s’écarquillèrent. Une pulsation noire traversa le sol. Et la Voix s’éleva, limpide, éternelle :

« Si tu détiens la Voix, la justice et le devoir, sont des valeurs que tu devras accomplir. Nul ne peut juger, uniquement la Voix. »

Koby recula légèrement, le souffle court. Un rayon pâle s’échappa de la boîte, et une lumière bleutée entoura son torse quelques secondes. Puis elle s’éteignit.

« Maison Zephyr, déclara Shakky depuis l’extérieur. »

Koby tourna les talons, tremblant mais droit, et regagna sa place sous les murmures de la foule.

« Boa Hancock. »

La jeune femme s’avança comme une impératrice, chaque pas chargé de fierté glacée. Sa robe aux reflets pourpres balayait le sol. Elle ne regardait personne. Le monde regardait Hancock, jamais l’inverse.

Dans la salle, elle s’approcha de la stèle avec une lenteur souveraine. Puis, sans hésiter, posa la main sur la boîte.

La Voix s’éleva, plus solennelle encore :

« Quiconque détient la Voix, s'il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Un léger frémissement traversa son expression. Puis elle hocha lentement la tête. Une lumière rouge et or entoura son épaule, telle une cape invisible.

« Maison Gold Roger. »

Hancock quitta la pièce comme elle était entrée. Droite. Intouchable.

« Eustass Kidd. »

Le silence devint électrique.

Kidd s’avança avec un sourire en coin, mains dans les poches, l’allure provocante. Il gravit les marches comme s’il allait les renverser. Arrivé dans la pièce, il lança un regard noir à la femme voilée, puis toucha la boîte sans cérémonie.

La Voix hurla presque, plus aiguë :

« De par le mal, j’ai vécu, de par le mal j’ai péri. Il n’y a aucun endroit, où mon pouvoir saurait trouver refuge. De par la Voix, tu détiens une volonté absolue. »

Un sourire sinistre étira les lèvres de Kidd.

« Maison Xebec, annonça Shakky. »

Kidd fit volte-face et lança un regard brûlant à la salle entière, comme un avertissement.

« Trafalgar Law. »

Le jeune homme s’avança sans un mot. Manteau noir, regard d’ombre. Lorsqu’il entra dans la pièce, un frisson parcourut la salle.

Sa main toucha la boîte. Immédiatement, la Voix résonna, froide, presque clinique :

« De par le mal, j’ai vécu, de par le mal j’ai péri. Il n’y a aucun endroit, où mon pouvoir saurait trouver refuge. De par la Voix, tu détiens une volonté absolue. »

Aucune émotion ne traversa son visage. Il hocha à peine la tête.

« Maison Xebec. »

« Tashigi. »

Elle s’avança, droite, le regard ferme malgré le stress visible sur ses traits. Dans la salle, elle inspira longuement avant de poser sa main.

La Voix fut douce, mais ferme :

« Si tu détiens la Voix, la justice et le devoir, sont des valeurs que tu devras accomplir. Nul ne peut juger, uniquement la Voix. »

Tashigi sembla presque soulagée.

« Maison Zephyr. »

« Nami. »

Elle monta lentement, ses yeux orange brillant d’une intensité rusée. Elle regardait tout, calculait tout. Une main posée sur sa hanche, l’autre tendue vers la boîte.

« Quiconque détient la Voix, s'il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Un éclair d’émotion traversa ses yeux. Mais elle ne dit rien.

« Maison Gold Roger. »

« Sanji. »

Il s’avança, l’air nonchalant, mais son œil masqué trahissait une tension contenue. Il monta, droit comme un épéiste, puis posa la main.

« Quiconque détient la Voix, s'il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Un mince sourire apparut sur ses lèvres.

« Maison Gold Roger. »

« Zoro. »

Pas un mot. Il monta sans un regard pour personne. Sa main se posa sur la boîte comme on saisit un sabre.

« Quiconque détient la Voix, s'il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Zoro recula d’un pas, impassible.

« Maison Gold Roger. »

« Usopp. »

Il inspira, tremblant mais résolu. Son pas fut hésitant, mais son regard se planta droit sur la boîte. Il posa la main.

La Voix, étrangement douce, résonna :

« Quiconque détient la Voix, s'il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Usopp eut un sursaut de surprise, puis sourit doucement, ému.

« Maison Gold Roger. »

Le premier acte de la cérémonie était en marche. Et déjà, les lignes de force commençaient à se dessiner.

Dans les galeries surélevées, les deuxièmes années observaient la scène avec une tension nouvelle. Jusqu’ici, il ne s’agissait que d’une cérémonie ancienne, presque mécanique. Mais maintenant, les visages avaient des noms. Et les noms, des présences.

Du côté de la Maison Gold Roger, Marco haussa un sourcil en voyant Nami, Sanji et Usopp recevoir l’appel de la Voix.

« Ils n’ont pas l’air les plus puissants… murmura-t-il à Margaret. »

« Et pourtant, tu sens leur cohérence. L’instinct, l’intuition. Et surtout… cette lumière, souffla-t-elle. »

Vista hocha lentement la tête.

« Gold Roger, ce n’est pas une maison pour les conquérants. C’est pour ceux qui portent quelque chose de plus grand qu’eux. »

Robin observa Hancock sans mot dire, mais ses yeux s’étrécirent imperceptiblement.

« Celle-là… a le feu et la glace. Si elle flanche, elle brûlera tout autour d’elle. »

Margaret croisa les bras, son regard déjà tourné vers les prochains.

« Cette génération va être explosive. »

 

Du côté de la Maison Xebec, Burgess claqua des phalanges en voyant Law rejoindre les siens.

« Héhé… Celui-là a la carrure. Le regard d’un type qui coupe avant de parler. »

Bonney mâchonna plus vite sa sucrerie.

« Kidd, Law dans la même Maison ? Ça va saigner dans les couloirs…

Crocodile, imperturbable, esquissa un sourire glacial.

« L’instinct de destruction est parfois plus pur que l’ambition. Mais ce sont deux tempéraments ingérables. Ça ne tiendra pas sans heurts. »

Caribou pouffa.

« Ou ça tiendra… par la terreur. Et j’ai hâte de voir ça. »

Dans la galerie de la Maison Zephyr, Kalifa tapotait déjà une fiche mentale.

« Koby, Tashigi. Les deux montrent une discipline intérieure forte. C’est bon. Mais trop de candeur. Ça peut les briser. »

Smoker hocha la tête.

« Faut qu’ils apprennent vite. Ici, l’erreur ne pardonne pas. »

Vergo ne dit rien, mais observa leurs postures en revenant dans les rangs. Il notait les détails. Les failles. Le non-dit.

Kuzan souffla dans l’air froid :

« J’les aime bien. Mais ils vont devoir se salir les mains. La justice, ce n’est jamais propre. »



Dans la galerie haute, les professeurs avaient gardé le silence pendant les premières répartitions. Mais à présent, les murmures naissaient. 

« Law et Kidd chez Xebec. Ça fait deux lames instables, constata Mihawk d’un ton neutre. Et très affûtées.

« C’est le feu, pas les lames, qui m’inquiète, répondit Shakky. Kidd est imprévisible. »

Brook hocha doucement la tête, les doigts toujours posés sur son violon.

« Mais c’est Hancock qui m’intrigue. Elle respire la maîtrise, mais son orgueil… est tranchant. »

« Elle a les yeux d’une impératrice, déclara Kureha. Mais pas encore le cœur. »

Ener, les bras derrière le dos, fixait Sanji d’un air vague.

« Celui-là cache plus qu’il ne dit. Et sa rage est bien camouflée sous le vernis. »

Franky lança un clin d’œil à Nami.

« Elle va aimer les salles de cartographie. Mais faudra qu’elle apprenne à se battre aussi vite qu’elle calcule. »

Caesar, quant à lui, se contenta de rire doucement en voyant le mélange d’idéaux et d’instincts dans les nouveaux venus.

« Tant qu’ils ne meurent pas trop tôt, j’aurai de quoi tester quelques brumes… »

Sengoku, bras croisés, observa Koby avec gravité.

« Il a progressé. Mais la foi ne suffit pas. Il faudra de la stratégie. Et une vision. »

Barbe Blanche, assis dans l’ombre de sa propre légende, murmura enfin :

« Ce n’est pas leur puissance qui comptera. Mais ce qu’ils feront quand elle sera mise en doute. »

Shanks ne dit rien. Mais son regard, fixé sur Luffy, ne bougea pas.

Comme s’il attendait encore son tour.

Dans l’attente silencieuse entre deux appels de noms, alors que la salle semblait retenir son souffle, Luffy sentit une présence s’approcher sur sa droite. Il tourna la tête. Un homme-poisson, massif, droit, à la peau bleu sombre et au visage marqué par des années d’épreuves, se tenait à côté de lui. Ses mains étaient jointes devant lui, et ses yeux, d’un noir profond, évitaient ceux des autres.

« Jinbei, » murmura-t-il après une hésitation.

Luffy hocha la tête en signe de salut.

« Luffy. »

Un court silence s’installa. Puis, contre toute attente, Jinbei parla, à voix basse, presque pour lui-même.

« Je ne suis pas sûr d’avoir ma place ici. »

Luffy haussa un sourcil. Jinbei poursuivit, le ton grave, mais calme :

« J’ai vu des regards fuyants depuis mon arrivée. Des chuchotements. Pas de haine ouverte… mais cette gêne silencieuse. Comme si ma simple présence dérangeait l’ordre des choses. »

Luffy ne répondit pas tout de suite. Il observa l’homme-poisson. Il voyait l’armure. Mais il entendait la faille.

« Ce n’est pas l’Institut qui te juge, dit-il finalement. C’est ceux qui ont peur de voir autre chose qu’eux-mêmes dans un miroir. »

Jinbei baissa légèrement la tête. Il semblait peser chaque mot.

« Je ne crains pas le regard des autres. J’ai porté plus lourd. Mais ici… ce lieu est ancien. Il respire l’histoire. Et je me demande si… un homme-poisson comme moi… y a vraiment sa place. »

« Tu respires aussi l’histoire, répondit Luffy, le regard fixé devant lui. Elle n’est juste pas écrite dans les mêmes livres. »

Jinbei le fixa, surpris par la simplicité et la justesse de ses mots.

« Tu n’as pas l’air de douter, toi. »

« Si. Parfois. Mais pas de ce que je suis. Ni de pourquoi je suis là. C’est le monde qui doit douter de ses règles, pas moi de mon droit d’exister. »

Le silence les entoura comme un manteau. Jinbei inspira longuement. Puis il dit :

« Tu parles comme quelqu’un qui sait déjà ce qu’il va devenir. »

Luffy sourit. Un sourire calme. Inébranlable.

« Je sais surtout ce que je refuse d’être. »

Un nom retentit soudain :

« Jinbei. »

Il ferma les yeux une seconde. Puis les rouvrit, apaisé.

« Merci, Luffy. »

Il gravit les marches. Lentement. Mais cette fois, son pas n’était plus hésitant.

Et dans la salle silencieuse, Luffy, immobile, observa son nouveau camarade disparaître dans la lumière bleutée, certain qu’il reviendrait transformé.

Jinbei entra dans la salle avec la lenteur d’un sage approchant l’autel. Le froid ne semblait plus l’atteindre. La femme voilée l’attendait sans un mot. Il la salua d’un simple hochement de tête, puis posa sa main sur la Boîte Noire.

Elle vibra immédiatement.

La Voix s’éleva, douce, profonde, comme un chant marin :

« Quiconque détient la Voix, s'il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Un souffle sembla parcourir les murs. Une lumière rouge et or entoura Jinbei un instant, chaleureuse comme une bénédiction oubliée.

« Maison Gold Roger, annonça Shakky. »

Jinbei ressortit, droit, plus serein qu’il ne l’avait jamais été. Il croisa brièvement le regard de Luffy, et celui-ci lui adressa un sourire approbateur. C’était plus qu’une répartition. C’était une reconnaissance.

Hancock, debout un peu à l’écart, fixait le centre de la pièce sans ciller. Elle avait observé le retour de Jinbei sans un mot, puis, lentement, son regard avait glissé… jusqu’à Luffy.

Ils ne se connaissaient pas.

Et pourtant.

Leurs regards se croisèrent. Longtemps. Sans parole. Sans sourire. Luffy, d’ordinaire si distrait, restait immobile, les yeux légèrement plissés. Il ne dévorait pas Hancock du regard — il l’admirait. Comme on admire une œuvre inaccessible, ou une comète silencieuse traversant le ciel.

Elle, impassible en apparence, sentait son souffle s’altérer, presque imperceptiblement. Elle avait vu bien des hommes tomber à ses pieds, mais jamais ce regard-là. Pas d’adoration aveugle. Une attention calme, brute. Franche.

Enfin, Luffy s’avança. Droit. Paisible. Il s’arrêta devant elle, retirant délicatement son chapeau de paille puis, dans un geste simple, respectueux, inclina légèrement la tête.

« Monkey D. Luffy, dit-il. Ravi de faire votre connaissance. »

Elle haussa un sourcil, intriguée. Il n’avait ni bégayé, ni rougi. Il s’était présenté comme un gentleman, avec cette voix grave, posée, et une chaleur désarmante dans le ton. Comme si elle était quelqu’un. Pas un mythe.

« Boa Hancock, répondit-elle avec un sourire à peine esquissé. Tu as de bonnes manières… c’est surprenant. »

« On m’a appris à ne pas parler à une dame comme à un pirate. « 

Hancock laissa échapper un léger rire, cristallin et bref. Il ne cherchait pas à la séduire. Et c’était, peut-être, ce qui la troublait le plus.

« Alors, Luffy, dit-elle en penchant légèrement la tête. Où crois-tu que la Boîte va t’envoyer ? »

Il haussa les épaules, l’air détendu.

« J’sais pas encore. Mais j’ai hâte de le découvrir. »

« Tu n’as pas peur ? »

« Non. J’ai déjà assez couru dans ma vie. Maintenant, je veux marcher droit. »

Elle resta un moment, silencieuse. Le regard rivé à lui. Puis :

« Tu es différent. »

Il sourit.

« Toi aussi. »

Et il s’éloigna, simple, naturel. Mais Hancock, derrière lui, gardait ce demi-sourire étrange. Un entre-deux. Comme un rêve qu’on refuse d’interpréter trop vite.

 

« Monkey D. Luffy »

Le nom tomba comme une lame dans le silence.

Tous les regards se tournèrent. Et pour la première fois, même les plus bavards se turent.

Luffy inspira profondément, puis s’avança. Son pas était calme, sans fierté excessive. Mais chaque pas sonnait comme un tambour. Il franchit les marches lentement, ses sandales claquant contre la pierre glacée. Puis il pénétra dans la salle bleutée.

La femme voilée ne bougea pas. Elle semblait pourtant… tendue. Comme si la pierre elle-même frémissait sous sa robe noire.

Luffy approcha. Il tendit la main. Hésita une demi-seconde. Puis posa ses doigts sur la Boîte.

Ce fut immédiat.

Un choc. Une onde. Comme si la pièce venait d’être retournée sur elle-même.

Les murs tremblèrent.

Et Luffy hurla.

Pas un cri de peur. Un cri de douleur. Brutale. Sèche. Son bras fut pris de tremblements incontrôlables. Il serra les dents, chutant presque à genoux. Une lumière noire et rouge pulsa autour de lui.

La Voix s’éleva… mais elle était double.

« De par le mal, j’ai vécu… »

Puis une autre, plus claire :

« Quiconque détient la Voix, s’il en est digne… »

Les deux citations s’entrelacèrent, se superposèrent, comme si deux vérités luttaient pour le définir.

Luffy vit. Il vit des flashs. Des visages qu’il ne connaissait pas. Une mer rouge sang. Une île noire. Un homme aux yeux creux. Des chaînes. Un feu immense. Une silhouette immense… puis une main ensanglantée, tendue vers lui.

Il hurla encore. Sa main resta pourtant posée. Il refusait de lâcher. Refusait de céder. Ses genoux heurtèrent le sol, mais son regard… restait levé.

Et soudain, la Voix se tut.

Une lumière dorée, brûlante, jaillit de la Boîte.

Et une seule phrase résonna, limpide, indiscutable :

« Quiconque détient la Voix, s’il en est digne, sera libre de recevoir le pouvoir de la Maison Gold Roger. »

Le silence retomba comme un couperet.

Luffy retira lentement sa main. Haletant. Transpirant. Les yeux écarquillés. Mais debout. 

« Maison Gold Roger. » déclara Shakky, sa voix légèrement altérée.

Et dans la grande salle, nul ne bougea. Nul ne respira. Tous comprenaient, sans l’exprimer encore, qu’un point de bascule venait d’avoir lieu.

Quelque chose… avait reconnu Luffy.

Et quelque chose, peut-être, l’avait aussi averti.

 

La salle retrouva lentement son souffle.

Dans les rangs des premières années, les regards se firent plus lourds, plus chargés d’un mélange de crainte et d’admiration. Usopp fixait Luffy comme s’il venait de voir un dieu sortir d’une tempête. Sanji resta figé, sa main crispée sur sa cuisse. Nami, le regard voilé, ne savait plus si elle devait s’inquiéter ou s’émerveiller.

Hancock, elle, ne le quittait pas des yeux. Ce n’était plus une curiosité brûlante. C’était autre chose. Quelque chose de plus ancien. De plus profond. Un instinct qu’elle n’avait jamais connu.

Kidd plissa les yeux, comme si la scène lui déplaisait profondément. Law, quant à lui, avait légèrement incliné la tête, mais son regard restait fixé sur Luffy, analytique. Calculateur. Il avait vu ce que les autres n’avaient pas compris.

Zoro, bras croisés, souffla pour lui-même :

« Ce type n’est pas normal. »

Même Jinbei, pourtant solide, observa Luffy avec un respect nouveau. Pas pour sa puissance. Mais pour ce qu’il venait de supporter.



Chez les deuxièmes années, Marco échangea un regard rapide avec Robin.

« T’as senti ça ? »

« Comme un déchirement dans l’air, répondit-elle. La Boîte a failli céder. Ou refuser. Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus. »

Margaret posa une main sur la rambarde, le souffle plus court que d’habitude.

« Et pourtant, elle l’a accepté. »

« Elle l’a reconnu, » corrigea Vista, son regard rivé sur Luffy. Comme un roi que l’on attendait sans vouloir l’admettre.

Bonney cessa de mâchonner. Crocodile, lui, souriait faiblement.

« Ça y est, dit-il. Le vrai jeu commence. »



Du côté des professeurs, le silence était d’une densité oppressante. Brook ne touchait plus son violon. Kureha avait croisé les bras, les sourcils froncés. Caesar lui-même ne disait rien — et c’était peut-être le plus inquiétant.

Sengoku murmura, presque à lui-même :

« La Voix ne ment jamais… mais parfois, elle crie plus fort qu’on ne peut l’endurer. »

Franky soupira, un éclat de respect dans les yeux.

« Ce gosse vient de survivre à quelque chose que même des vétérans n’auraient pas supporté. »

Ener se contenta de hocher la tête, les yeux toujours posés sur Luffy.

« Il ne le sait pas encore, mais cette douleur… n’était qu’un prélude. »

Et alors, dans un silence glaçant, un rire sourd résonna.

Pas un son. Mais un frisson visuel. Tous les regards se tournèrent vers Shiki le Lion d’Or.

Il ne riait pas bruyamment. Il souriait. Grand. Largement. D’un sourire tordu, animal, presque satisfait. Il ne disait rien.

Il se contentait… de regarder Luffy.

Et ce regard seul fit frissonner même les murs.

Shanks, à ses côtés, tendit légèrement la main vers la garde de son sabre. Son visage n’exprimait rien. Mais son corps entier était tendu comme une corde prête à rompre.

Shiki croisa brièvement ses yeux.

Et son sourire… s’élargit encore…



Rayleigh descendit les marches sans un mot. Il s’approcha lentement de Luffy, toujours debout près de la stèle, le souffle court, trempé de sueur mais droit.

Il posa une main ferme sur son épaule.

« Ça va ? »

Luffy mit quelques secondes à répondre. Puis, sans bouger la tête, il murmura :

« J’ai vu des choses… que je ne comprends pas encore… »

Rayleigh hocha lentement la tête.

« Et tu ne les comprendras peut-être jamais. Mais ce n’est pas ce qui compte. »

Luffy tourna enfin le visage vers lui, les yeux encore hantés.

« Alors qu’est-ce qui compte ? »

Rayleigh le fixa, puis répondit simplement :

« Ce que tu fais avec ce que tu as vu. »

Un silence.

Puis Rayleigh tapota légèrement son épaule.

« Rejoins les tiens. Tu es l’un des leurs, désormais. »

Et alors que Luffy descendait lentement les marches, la salle entière… retenait encore son souffle.

Les derniers noms furent appelés. Les derniers élèves passèrent devant la Boîte Noire, certains avec fierté, d’autres avec crainte. Mais tous furent marqués. Lorsqu’enfin la lumière se stabilisa, et que la voix de Shakky annonça la fin officielle de la Cérémonie de Répartition, un soulagement discret parcourut l’assemblée.

Rayleigh revint sur l’estrade, plus grave que jamais.

« Ce soir, vous avez tous franchi une frontière. Ce n’est pas seulement votre maison qui a été révélée, mais une part de vous-même. Vous allez vivre, apprendre, tomber, vous relever. Vous allez haïr, aimer, douter. Mais souvenez-vous toujours : ce que vous êtes ne se limite pas à une seule voix. Vous êtes l’écho de toutes celles que vous croisez. »

Il marqua une pause, puis reprit :

« À compter de demain, vos emplois du temps seront affichés dans les vestibules de vos Maisons respectives. Vos dortoirs vous seront assignés ce soir. Et pour veiller au bon déroulement de la vie quotidienne à l’Institut, chaque Maison désignera un patrouilleur. »      

Des murmures étonnés parcoururent les élèves.

« Un patrouilleur, poursuivit Rayleigh, est un élève désigné pour servir d’intermédiaire entre votre Maison et le corps professoral. Il sera votre point de contact privilégié : pour signaler les tensions, les incidents, les demandes spécifiques. Il aura également accès à certaines zones réservées, et bénéficiera, une fois par mois, d’un droit de sortie temporaire hors de l’Institut. »

Il balaya la salle du regard.

« Ce n’est pas un rôle d’autorité. C’est un rôle de confiance. D’engagement. Et parfois, de solitude. Ceux qui seront choisis devront être à la hauteur. »

Des regards se croisèrent dans la foule. Certains baissèrent les yeux. D’autres, au contraire, se redressèrent imperceptiblement.

Rayleigh conclut :

« Reposez-vous. Demain commence votre véritable initiation. Et l’Institut ne pardonne ni les retardataires… ni les insouciants. »

Puis, lentement, les portes s’ouvrirent à nouveau. Et la lumière de la nuit enveloppa les nouveaux élus.

La cérémonie était terminée.

Mais le monde de Gold Roger… ne faisait que commencer.

 

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