Chapeau de Paille
PROLOGUE
Fuschia était un village à la fois paisible et isolé, lové au cœur d’une baie oubliée par le Royaume de Goa. Mais pour Luffy, cette tranquillité n’était qu’une façade trompeuse. L’enfant au sourire éclatant, connu pour son rire contagieux et ses rêves d’aventure, n’était pas aussi insouciant qu’il paraissait. Sous la surface, son existence était marquée par des épreuves, des sacrifices, et une solitude qu’il tentait de masquer en jouant les têtes brûlées.
Luffy avait grandi sous l’œil sévère de son grand-père, Monkey D. Garp, un héros légendaire de la Marine, dont les méthodes d’éducation relevaient davantage du champ de bataille que du foyer familial. Dès son plus jeune âge, Luffy fut soumis à des entraînements impitoyables. Dans les forêts sauvages bordant Fuschia, il était abandonné sans vivres, contraint de survivre en affrontant des bêtes féroces. Bogart, le bras droit taciturne de Garp, veillait à ce que chaque échec de Luffy soit une leçon gravée dans sa chair. Les coups de bois, les chutes dans les ravins, et les nuits glaciales passées à combattre sa peur forgèrent en lui une résilience presque inhumaine. Mais à quel prix ? Chaque réussite l’éloignait un peu plus de l’innocence propre à son âge.
Le soleil déclinait sur le village de Fuschia, ses rayons dorés caressant les toits des maisons simples. Luffy s’entraînait sans relâche, frappant un tronc d’arbre avec ses poings bandés, jusqu’à ce que ses phalanges saignent. Il était encore jeune, mais déjà marqué par une volonté indomptable. Non loin de lui, Monkey D. Garp l’observait, les bras croisés, son regard impénétrable.
« Tu es lent, Luffy. Si un vrai pirate te voyait, il t’aurait déjà réduit en bouillie. »
« Je serai un pirate, j’en fais la promesse ! Un pirate libre, comme Shanks ! »
« Un pirate ? C’est ça, ta grande ambition ? Être un hors-la-loi, une racaille qui détruit des vies innocentes ? Je ne t’ai pas élevé pour devenir un moins-que-rien ! » Luffy s’arrêta net, le souffle court. Il planta son regard dans celui de son grand-père. Luffy :
« Et moi, je ne veux pas devenir comme toi, un homme qui suit aveuglément les règles d’un monde pourri jusqu’à la moelle. La liberté, tu ne sais même pas ce que c’est ! » Garp s’avança brusquement, sa présence écrasante faisant vaciller le jeune garçon.
« La liberté ? Tu crois que c’est une excuse pour tout faire exploser ? La justice, Luffy, c’est ce qui maintient ce monde debout. Tu verras un jour à quel point ces rêves idiots peuvent te détruire. »
Luffy détourna les yeux, les poings tremblants, mais il ne répondit pas. Leur relation oscillait constamment entre l’admiration et l’incompréhension. Garp voulait qu’il devienne un Marine exemplaire. Luffy, lui, rêvait de briser toutes les chaînes.
Le crépuscule s’installait lentement, teignant le ciel de nuances de pourpre et d’orange. Luffy se tenait droit, le torse en avant, essuyant la sueur de son front d’un revers de la main. Garp avançait vers lui, chaque pas écrasant l’herbe sèche sous ses bottes, son aura imposante réduisant le monde autour d’eux à néant.
« Tu veux vraiment devenir pirate, hein ? Et te mettre un jour en travers de ma route ? Tu sais ce que ça signifie, Luffy ? »
Sa voix grondait comme un tonnerre lointain. Mais Luffy, malgré son jeune âge, refusait de céder un pouce de terrain.
« Oui, je le sais ! Et je m’en fiche ! Je ne veux pas être un Marine comme toi, à obéir à des ordres stupides pour protéger des nobles corrompus. »
Garp plissa les yeux, et ses poings se crispèrent.
« Tu n’as aucune idée de ce que tu dis, morveux. La vie de pirate, ce n’est pas un jeu. Les gens comme Shanks… Ils peuvent sourire et faire les malins, mais leur vie est courte et remplie de violence. Tu finiras mort ou enchaîné, comme tous les autres ! »
« Alors quoi ?! Au moins, je serais libre ! Libre de choisir ma vie, même si ça veut dire mourir ! »
Ces mots frappèrent Garp comme un coup de poignard. Il s’approcha brusquement de Luffy, et sa voix monta en intensité, presque tremblante de rage.
« Libre ? Libre de devenir un criminel ? De jeter ta vie à la mer ? Libre de salir le nom de notre famille ? »
Luffy ne recula pas, malgré l’ombre intimidante de son grand-père qui le surplombait.
« Au moins, je ne serai pas un hypocrite ! Je n’obéirai pas à des ordres injustes, je ne protégerai pas des nobles comme ceux du Royaume de Goa ! Ceux qui laissent des enfants mourir dans les poubelles ! »
Ces paroles firent exploser Garp. Le vieil homme leva la main, son poing énorme se tenant à quelques centimètres du visage de Luffy. Le souffle du coup manqué fit trembler l’air autour d’eux. Luffy resta figé, mais son regard ne faiblit pas, brûlant d’une détermination qui faisait vaciller Garp lui-même.
Un silence pesant s’installa entre eux, seulement troublé par le bruissement des feuilles et le souffle court de Luffy. Garp baissa lentement son poing, son visage marqué par une fatigue qu’il n’avait jamais montrée auparavant.
« Je fais tout ça pour toi, Luffy… Je veux que tu survives. Que tu vives assez longtemps pour comprendre que le monde n’est pas aussi simple que tu le crois. » d’une voix basse, presque tremblante.
« Et moi, je veux vivre assez longtemps pour te prouver que tu as tort. » murmura Luffy, une pointe de tristesse dans la voix.
Garp recula d’un pas, regardant son petit-fils avec une douleur silencieuse. Ce n’était pas un garçon qu’il voyait devant lui, mais un homme en devenir, un homme qui choisissait déjà un chemin opposé au sien.
Après leur confrontation, Garp partit sans un mot, laissant Luffy seul dans la clairière. Makino, qui avait observé la scène de loin, s’approcha doucement avec une serviette et une bouteille d’eau.
« Luffy… Ça va ? »
Luffy hocha la tête, mais ses épaules tremblaient légèrement. Makino posa une main réconfortante sur son épaule, comme une grande sœur veillant sur son petit frère.
« Tu sais, Garp tient à toi. Il ne sait juste pas comment te le montrer autrement qu’en criant. »
« Il veut juste que je devienne un Marine comme lui. Il ne comprend rien… »
Makino s’accroupit pour être à sa hauteur et le regarda dans les yeux.
« Peut-être. Mais tu as le temps de lui prouver que tu peux suivre ton propre chemin sans te perdre. Et si jamais tu as besoin d’aide, tu sais que je serai toujours là, pas vrai ? »
Un sourire timide éclaira le visage de Luffy.
« Ouais… Merci, Makino. »
Elle ébouriffa ses cheveux comme elle le faisait toujours, et Luffy éclata de rire. Ces moments de douceur étaient rares, mais ils étaient essentiels pour lui rappeler qu’il n’était pas seul, même dans les conflits avec son grand-père.
Le soleil s’était couché depuis un moment, et le silence enveloppait désormais le village de Fuschia. Les lampes à huile brillaient faiblement dans les fenêtres des maisons, ajoutant une teinte chaleureuse à la nuit paisible. Makino tenait Luffy par la main alors qu’ils traversaient les petites ruelles menant à l’auberge qu’elle gérait seule depuis des années. Luffy traînait un peu les pieds, ses vêtements couverts de terre et de sueur, mais Makino gardait le sourire.
Ils arrivèrent enfin devant la maison de Makino. C’était une bâtisse simple mais accueillante, construite en bois clair, avec des volets verts légèrement écaillés par le temps. L’intérieur respirait la chaleur et la simplicité : des meubles en bois massif, des rideaux brodés à la main, et des étagères remplies de pots de confiture et d’épices soigneusement alignés. Une odeur douce de lavande flottait dans l’air.
« Allez, viens, p’tit frère. Tu ne peux pas rester dans cet état. File dans la salle de bain pendant que je prépare de quoi te remplir l’estomac. »
« Une salle de bain ? T’as une vraie baignoire ici ?! »
Makino éclata de rire en hochant la tête, amusée par la fascination de Luffy.
« Bien sûr ! Tu crois que je fais comment pour me détendre après une longue journée ? Mais toi, tu vas surtout l’utiliser pour te décrasser. Allez, hop, vas-y avant que l’eau ne refroidisse. »
Luffy, excité à l’idée d’un vrai bain chaud, monta à l’étage en courant, suivant les instructions de Makino. La salle de bain était modeste mais impeccablement propre. Une grande baignoire en cuivre trônait au centre, remplie d’eau fumante à laquelle Makino avait ajouté quelques gouttes d’huile essentielle. Sur le côté, des serviettes moelleuses étaient soigneusement pliées.
Luffy se déshabilla rapidement et plongea dans l’eau avec un soupir de soulagement.
« Wouah… C’est chaud… Trop bien… »
Makino s’affairait dans la cuisine. Elle sortit de grandes assiettes et commença à préparer un véritable festin pour Luffy. Du riz parfaitement cuit, des morceaux de viande marinée et grillée, des légumes sautés avec des épices, et une miche de pain encore tiède qu’elle avait cuite plus tôt dans la journée. Elle ajouta une petite tarte aux pommes en dessert, connaissant la gourmandise insatiable de Luffy.
Makino (à elle-même, en souriant) : « Avec tout ça, il devrait être content. »
Quelques minutes plus tard, Luffy descendit, les cheveux encore humides, une serviette autour du cou. Il portait un vieux t-shirt et un pantalon que Makino lui avait prêtés, beaucoup trop grands pour lui.
« Makino ! Ça sent trop bon ! J’ai faim, j’ai faaaaaiiiiim ! »
Elle secoua la tête, amusée, et lui fit signe de s’asseoir à la table. Luffy ne se fit pas prier. Ses yeux brillèrent en voyant la quantité de nourriture devant lui.
« J’peux pas… C’est trop bon ! »
Makino s’assit en face de lui, une tasse de thé chaud entre les mains, et l’observa manger avec une tendresse évidente. Luffy engloutissait tout avec un enthousiasme enfantin, mais au fur et à mesure que son estomac se remplissait, il ralentit, savourant davantage les saveurs.
Après avoir terminé la moitié du repas, Luffy posa ses baguettes et s’appuya contre sa chaise, les mains sur son ventre.
« Makino… pourquoi le monde est aussi compliqué ? »
Makino haussa un sourcil, surprise par cette question soudaine. Elle posa sa tasse de thé et le regarda avec sérieux.
« Compliqué, comment ? »
« Bah… Grand-père veut que je sois un Marine, mais moi, je veux être un pirate. Il dit que c’est mal, mais… Shanks, il n’est pas méchant. Les Marines sont censées protéger les gens, mais parfois ils font des trucs horribles. Alors, c’est quoi, la justice, au final ? »
Makino posa sa tasse de thé avec douceur, son regard posé sur Luffy, comme si elle pesait soigneusement ses mots.
« Tu sais, Luffy, la justice, ça dépend souvent de qui raconte l’histoire. Les Marines pensent qu’ils sont les héros parce qu’ils obéissent aux lois. Mais les lois, elles sont écrites par des hommes, pas par des dieux. Et les hommes… ils se trompent. Les lois ne sont pas toujours justes. Parfois, elles protègent ceux qui les ont écrites plutôt que ceux qui en ont besoin. »
Luffy fronça les sourcils, penché sur la table, les mains croisées sous son menton.
« Alors… ça veut dire que les Marines ne sont pas toujours bons ? Mais Grand-père, il pense qu’ils sont les seuls à pouvoir protéger les gens. Et Shanks, lui, c’est un pirate, mais il m’a sauvé. C’est ça que je ne comprends pas. »
Makino esquissa un sourire triste, admirant la sincérité dans les yeux de Luffy. Elle voyait déjà le jeune homme qu’il deviendrait, un garçon prêt à tout pour suivre son cœur.
« Luffy, la justice, c’est une chose fragile. Les Marines protègent, oui, mais pas tout le monde. Parfois, ils obéissent à des ordres qui ne servent que les puissants. Les pirates, eux, brisent les lois, mais certains… certains vivent avec un code d’honneur. Ils ne détruisent pas pour le plaisir, ils cherchent quelque chose : la liberté, un rêve, ou même à protéger ce qui leur est cher. »
Elle s’arrêta un instant, cherchant ses mots.
« Ce n’est pas parce que quelqu’un porte un uniforme qu’il est juste. Ce n’est pas parce que quelqu’un porte un drapeau noir qu’il est mauvais et l’inverse également. Ce qui importe, Luffy, c’est ce que toi, tu fais. Ce que toi, tu choisis. »
Luffy sembla réfléchir à ces paroles, mais bientôt, ses yeux prirent une étincelle familière, celle de la détermination.
« Alors, moi, je vais devenir un pirate différent. Un pirate qui montre aux gens ce que c’est, la vraie liberté ! Je ne vais pas me contenter de briser des trucs ou de voler. Je vais faire ce qui est juste, même si c’est contre les Marines ou les Pirates, même si c’est contre tout le monde ! »
Makino le regarda avec surprise. Elle n’avait pas prévu une réponse aussi affirmée. Mais Luffy ne s’arrêta pas là. Il posa ses mains sur la table, le visage sérieux, presque solennel.
« Shanks, il m’a montré qu’un pirate, ça pouvait protéger les gens. Il a perdu son bras pour me sauver. Alors moi, je veux devenir quelqu’un qui protège. Pas comme Garp, pas comme les Marines. Je vais devenir un pirate qui donne de l’espoir aux gens, quelqu’un qui leur montre qu’ils peuvent rêver, qu’ils peuvent être libres. »
Makino sentit son cœur se serrer. Elle voyait dans ses mots une pureté, une innocence presque désarmante. Mais aussi une immense force. Ce garçon, avec sa jeunesse et son sourire naïf, portait déjà un idéal qui dépassait les adultes autour de lui.
« Et comment tu comptes faire ça, Luffy ? Être libre, c’est bien, mais ça peut être dangereux. Tout le monde ne comprendra pas ton rêve. »
Luffy serra le poing, ses yeux brillants d’une passion brûlante.
« J’m’en fiche. Si je dois me battre contre le monde entier pour montrer ce qu’est la liberté, alors je le ferai ! Je vais devenir le Roi des Pirates, Makino. Et ça veut dire que je serai le plus libre de tous. Personne ne pourra me dire quoi faire, ni où aller. Et si quelqu’un essaie d’empêcher les autres d’être libres, je l’arrêterai, même si c’est un Marine ! »
Makino le fixa un long moment, touchée par cette foi absolue qu’il portait en lui. Elle savait que ce qu’il disait n’était pas juste des mots. Luffy n’était pas comme les autres enfants du village. Il était spécial, destiné à quelque chose de bien plus grand qu’ils ne pouvaient imaginer.
Elle lui tendit la main et ébouriffa tendrement ses cheveux, comme elle aimait tant le faire.
« Eh bien, si c’est ce que tu veux faire, alors je crois en toi, Luffy. Mais promets-moi une chose : peu importe les épreuves, peu importe les choix que tu devras faire, garde ce cœur pur. C’est ça qui te rend différent. C’est ça qui te rend spécial. »
Luffy hocha la tête, le regard sérieux.
« Je te le promets, Makino. Je deviendrai quelqu’un dont tu seras fière. »
Makino sourit doucement.
« Je suis déjà fière de toi, Luffy. Maintenant, finis ton assiette. Un futur Roi des Pirates a besoin de forces pour son voyage, non ? »
Luffy se pencha un peu plus sur la table, son expression curieuse mêlée à un air malicieux.
« Non, mais vraiment, Makino… Pourquoi les filles, vous êtes si compliquées ? Parfois, vous êtes super sympas, et puis d’un coup, boum, vous ne vous fâchez pour rien ! Comme Dadan, l’autre jour… Elle m’a crié dessus juste parce que j’ai mangé son morceau de viande. Ce n’est pas ma faute si elle ne mange pas assez vite ! »
Makino éclata de rire, incapable de se retenir face à la sincérité désarmante de Luffy.
« Luffy, tu viens de répondre à ta propre question. Si tu manges quelque chose qui appartient à quelqu’un d’autre, c’est normal qu’elle se fâche. Ce n’est pas une question de comprendre les femmes , c’est juste du bon sens ! »
Luffy croisa les bras et gonfla les joues, boudeur.
« Mouais… Mais même quand je ne fais rien, parfois vous êtes bizarres. Genre, l’autre jour, une fille du village m’a offert un bouquet de fleurs, et quand j’ai dit que ça ne se mangeait pas, elle est partie en pleurant. C’est quoi le problème ? »
Makino secoua la tête en riant de plus belle, tout en essuyant une larme de joie.
« Oh, Luffy… Les fleurs, ça ne s’offre pas pour être mangées. C’est une façon de montrer qu’on tient à quelqu’un, qu’on veut lui faire plaisir. Elle espérait sûrement que tu lui dises quelque chose de gentil en retour. »
Luffy pencha la tête sur le côté, visiblement confus.
« Alors, j’aurais dû lui dire quoi ? Que ses fleurs étaient jolies ? Mais ce n’est pas vrai, elles étaient déjà en train de faner… »
Makino posa sa tête dans sa main, amusée par son honnêteté brute.
« Parfois, Luffy, ce qui compte, ce n’est pas ce que tu dis, mais comment tu le dis. Les femmes aiment qu’on fasse attention à leurs sentiments. Si quelqu’un t’offre quelque chose, c’est parce qu’elle a pensé à toi. Même si ce n’est pas parfait, ça mérite un petit “merci” sincère, tu vois ? »
Luffy réfléchit un instant, puis hocha la tête.
« Hmm… D’accord, je vais essayer de me souvenir. Mais Makino, toi, t’es différente. Tu ne cries jamais, tu fais toujours des trucs sympas pour moi… Pourquoi t’es pas bizarre comme les autres ? »
Makino rit doucement, touchée par ses paroles.
« Peut-être parce que je te connais depuis que tu es tout petit. Je sais comment tu es, Luffy. Mais même moi, je peux être compliquée parfois. On a tous nos moments, tu sais. »
Luffy la fixa avec un sérieux inattendu.
« Et toi, Makino ? T’as quelqu’un dans ta vie ? »
Makino s’arrêta un instant, surprise par la question. Un sourire mélancolique se dessina sur ses lèvres, et elle baissa légèrement les yeux.
« Non, Luffy. Je n’ai personne. »
Luffy plissa les yeux, l’air contrarié.
« Pourquoi ? T’es super gentille, t’es jolie, et tu fais les meilleurs repas du monde ! Si j’étais grand, je te choisirais tout de suite ! »
Makino rougit légèrement, un peu embarrassée, mais son cœur se réchauffa devant la spontanéité et la pureté des paroles de Luffy.
« Oh, Luffy… C’est gentil de dire ça. Mais parfois, les choses ne sont pas si simples. »
Luffy frappa la table avec enthousiasme, une idée traversant son esprit.
« Bon, alors c’est décidé ! Si je deviens Roi des Pirates et que t’as toujours personne, je te prendrai pour femme ! »
Makino éclata d’un rire sincère, incapable de contenir son amusement.
« Roi des Pirates, hein ? Tu sais que c’est une grande promesse que tu fais là. »
« Je suis sérieux ! Je veux être le plus libre de tous, et si t’es à mes côtés, tu seras libre aussi. Personne ne te fera jamais de mal, et tu pourras faire tout ce que tu veux ! »
Makino posa une main sur son cœur, émue par sa bienveillance et son innocence.
« Merci, Luffy. Tu sais, ça me fait vraiment plaisir de t’entendre dire ça. Mais d’ici là, concentre-toi sur ton rêve, d’accord ? Moi, je serai toujours là pour toi. »
Luffy hocha vigoureusement la tête, le sourire aux lèvres.
« Compte sur moi, Makino ! Je deviendrai le Roi des Pirates, et je te rendrai fière ! »
Makino, amusée et profondément touchée, se leva pour lui ébouriffer les cheveux une fois de plus.
« Tu me rends déjà fière, Luffy. Maintenant, finis ton assiette avant que je change d’avis ! »
Ils éclatèrent de rire, et l’atmosphère chaleureuse revint, chassant les ombres des doutes et des incompréhensions. Pour Makino, Luffy était plus qu’un simple gamin espiègle : il était une lueur d’espoir, un rappel que la pureté et la bonté pouvaient encore exister dans ce monde compliqué.
Le jeune Luffy, à peine sorti de l’enfance, arpentait les rues sombres de sa petite ville côtière. Sous la pluie battante, son uniforme déchiré à la boutonnière reflétait le chaos qui régnait en lui. Le ciel, teinté de pourpre et de gris, semblait pleurer avec lui. Chaque goutte qui glissait le long de son visage était une larme qu’il n’osait pas verser. La solitude était devenue son ombre fidèle, insaisissable mais toujours présente.
La transition vers l’adolescence était pour Luffy une lutte silencieuse, presque imperceptible pour ceux qui l’entouraient. Pourtant, en lui, c’était une tempête incessante. Il était hanté par l’éclat fantomatique de son propre reflet. Un reflet qu’il évitait dans les vitrines des boutiques défraîchies du quartier. Ses vêtements froissés, le teint livide, les yeux cernés de fatigue et d’incompréhension : à quoi bon se regarder quand tout ce qu’il voyait n’était qu’une version brisée de lui-même ?
La mort prématurée de son frère aîné, Sabo l’un des piliers de son existence, avait été la première fissure dans son âme. Depuis ce jour, Luffy cherchait à comprendre. Comprendre pourquoi son frère avait choisi de sombrer dans l’obscurité. Comprendre pourquoi cette même obscurité semblait maintenant vouloir l’engloutir, lui aussi.
Mais Luffy n’était pas qu’un jeune homme en proie à la mélancolie. Dans l’ombre, il menait une double vie empreinte d’audace et de danger. La nuit, il se transformait en un chef de bande intrépide, orchestrant des coups d’éclat avec sa petite troupe. Braquages de navires marchands, pillages de diligences traversant les routes poussiéreuses, et cambriolages audacieux de banques locales : Luffy faisait parler de lui sous un pseudonyme mystérieux. Avec son allure confiante et ses stratagèmes habiles, il passait parfois des soirées entières de fumée et d’alcool dans les tavernes, se faisant passer pour un bookmaker. Sa bande, composée d’âmes perdues et d’amis fidèles, était un refuge où il trouvait une sorte de camaraderie et une adrénaline à la fois grisante et dévorante.
Un soir, après une énième séance d’entraînement épuisante, Luffy s’était échappé de chez lui pour se réfugier sur une falaise surplombant l’océan. Assis en tailleur, les bras posés sur ses genoux, il observait les vagues s’écraser contre les rochers en contrebas. C’était son endroit préféré, un lieu où il pouvait respirer loin des attentes des autres.
Bogart, le bras droit taciturne de Garp, finit par le retrouver. Fidèle à lui-même, Bogart n’annonça pas sa présence. Il s’approcha simplement, ses pas étouffés par la mousse humide. Il s’assit à côté de Luffy, silencieux, sortant une flasque de sa poche. Il en but une gorgée avant de la tendre à Luffy sans un mot.
« Beurk... T’appelles ça une boisson ? On dirait de l’eau de mer mélangée à de la rouille. »
Bogart esquissa un sourire en coin, un geste rare pour lui.
« Ça brûle, mais ça réchauffe. »
Ils restèrent en silence un moment, écoutant le bruit des vagues. Bogart avait appris que, parfois, il valait mieux attendre que Luffy parle de lui-même.
« Pourquoi je dois toujours prouver quelque chose ? À Garp... Au monde entier... Même à moi-même. »
« Peut-être parce que tu refuses d’être comme les autres. »
« Tu parles comme si c’était une bonne chose. Mais tu n’as pas idée de ce que ça fait... D’être toujours celui qui doit se battre. »
Bogart croisa les bras, fixant l’horizon.
« Tu as raison, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que ceux qui refusent de se battre finissent par disparaître. »
« Peut-être que disparaître, ce serait plus simple. »
Bogart posa son regard sur Luffy, ses yeux sérieux mais dénués de jugement.
« Disparaître, c’est facile. Mais vivre avec ce que tu es, avec ce que tu veux devenir... Ça, c’est difficile. »
« Et si je ne sais pas ce que je veux devenir ? »
Bogart prit une autre gorgée de sa flasque avant de la ranger.
« Tu es jeune, Luffy. Tu as encore le temps de te trouver. Mais une chose est sûre : si tu veux des réponses, tu dois être prêt à les chercher. Et parfois, elles feront plus mal que les questions. »
Luffy serra les poings, fixant l’océan comme s’il cherchait à y trouver un reflet de lui-même.
« J’ai juste l’impression que tout est flou. Mes parents... Ce maudit D. dans mon nom... Tout ça me donne l’impression que je dois porter un fardeau que je ne comprends même pas. »
Bogart, pour une fois, hésita avant de répondre
« Ce D., il ne te définit pas. Pas entièrement. Mais il fait partie de toi, que tu le veuilles ou non. Ce n’est pas un fardeau, Luffy. C’est une promesse. Une promesse que toi seul décideras de tenir ou non. »
« Une promesse ? »
« Ceux qui portent le D. sont... différents. Ils n’obéissent pas aux règles. Ils les brisent. Mais briser les règles, c’est facile. Construire quelque chose après, c’est là que ça devient compliqué. »
Luffy resta silencieux, absorbant les paroles de Bogart. Malgré son ton détaché, Bogart avait cette capacité à parler directement à l’âme de Luffy. Finalement, Luffy brisa le silence avec un léger sourire.
« Tu n’es pas si mauvais pour un type silencieux, tu sais ? »
Bogart haussa un sourcil, feignant l’indifférence.
« Retourne t’entraîner demain. Tu ne peux pas te permettre d’être lent, surtout si tu veux me dépasser un jour. »
Luffy éclata de rire, le poids sur ses épaules semblant un peu plus léger. Et même si les réponses à ses questions restaient floues, il se sentait prêt à continuer à les chercher. Car au fond, il savait qu’il n’était pas seul dans sa quête
Les jours de Luffy commençaient avant même que le soleil ne perce l’horizon. Garp, impitoyable mais étrangement fier, et Bogart, toujours silencieux mais méticuleux, lui avaient concocté un programme qui aurait brisé la volonté de bien des hommes.
Luffy courait des kilomètres chaque matin, souvent en terrain accidenté, tirant un traîneau chargé de lourds rochers. Sa respiration saccadée n'était qu'un rappel du fardeau qu'il portait, mais jamais un prétexte pour ralentir. Chaque pas résonnait comme une promesse faite à lui-même : devenir plus fort, encore et encore.
Après la course, c’était une séance de musculation olympique qui l’attendait.
Mais ce n’était pas juste une question de force. Bogart se chargeait des tactiques, testant Luffy sur sa capacité à anticiper, feinter, et désarmer. Luffy s'entraînait dans des duels simulés où il devait contrer des coups rapides, parfois imprévisibles. Chaque victoire lui apprenait une leçon, chaque défaite le rapprochait d’une nouvelle stratégie.
Un jour, après avoir esquivé un coup rapide de Bogart et placé un contre parfaitement calculé, ce dernier haussa un sourcil, un sourire imperceptible aux lèvres.
« Pas mal. Mais un vrai adversaire ne te laissera pas une seconde de répit. »
Luffy, haletant, répondit avec un sourire défiant :
« Alors, je deviendrai plus rapide que lui. »
Le jour se levait à peine, baignant l’horizon d’une lumière dorée, quand Luffy s’élança sur la plage rocailleuse. Ce matin-là, son entraînement atteindrait un sommet que même Garp et Bogart n’avaient pas osé imaginer. Les marins du port local étaient regroupés, chuchotant avec admiration et scepticisme en observant la silhouette élancée du jeune garçon s’approcher du rivage. Devant lui se tenait un défi insurmontable pour la plupart des hommes : un navire marchand de taille moyenne, échoué sur le sable après une tempête violente.
Garp criant depuis la falaise, les bras croisés :
« Si t’es assez fort pour porter le poids de ton héritage, alors ce bout de bois devrait être un jeu d’enfant ! »
Bogart était calme, observant Luffy d’un œil critique :
« Pas question de tricher. Utilise tout ce qu’on t’a appris. Force, souffle, et surtout, ta tête. »
Le bateau, en bois massif, mesurait bien vingt mètres de long, avec sa coque encore alourdie par l’eau. Les cordages et mâts abîmés pendaient comme des spectres d’un combat passé. Pourtant, Luffy ne détourna pas le regard. Il plaça ses mains sur ses genoux, prenant une grande inspiration.
Il attacha des chaînes solides aux poutres du navire, passant l’autre extrémité autour de ses épaules et de son torse. La tension dans l’air était palpable. Chaque muscle de son corps semblait prêt à exploser, ses veines saillant sous sa peau bronzée. Puis, d’un pas ferme, il commença à tirer.
Au début, le navire resta immobile, une masse inébranlable. Luffy grogna, serrant les dents alors que ses pieds s’enfonçaient dans le sable humide. Les spectateurs retenaient leur souffle. La sueur perla rapidement sur son front, glissant le long de ses joues comme une rivière silencieuse.
« Tu es encore trop tendre, gamin ! Tu crois que la mer attend les faibles ? Montre-lui de quoi t’es fait ! »
Mais Bogart, les bras croisés, observait en silence. Il savait. Il savait que Luffy ne reculerait pas.
Et puis, un déclic. Luffy planta ses pieds plus profondément dans le sable, son dos formant un arc parfait. Il poussa un cri, un rugissement primal qui sembla faire écho jusqu’aux falaises. Lentement, imperceptiblement, le bateau bougea.
Un centimètre. Puis deux. Et bientôt, le navire entier commença à glisser, traçant une ligne nette sur la plage. Les chaînes grinçaient, le sable volait, et chaque pas de Luffy résonnait comme une détonation.
« C’est impossible... Un gamin ne devrait pas être capable de faire ça ! »
« Il n’est pas comme les autres. Il est fait d’un autre métal. »
Luffy, haletant, continuait de tirer. Son souffle était saccadé, mais son regard restait fixe, brûlant d’une détermination sans faille. À chaque instant, il semblait puiser dans des réserves de force invisibles, transcendantes.
« Il ne se contente pas de pousser ses limites. Il les détruit. » Bogart murmurant pour lui-même.
Après ce qui sembla une éternité, le bateau atteignit enfin l’eau. Luffy s’effondra sur les genoux, ses mains s’appuyant sur le sable humide, les chaînes tombant lourdement à ses côtés. Mais il souriait. Un sourire large, éclatant, qui défiait toute logique.
« C’est tout ? Vous n’avez pas un défi un peu plus dur ? » dit Luffy entre deux respirations.
Garp éclata de rire depuis la falaise.
« Ce morveux va vraiment nous enterrer tous. »
La nuit était tombée, enveloppant la petite clairière d’un manteau de silence, à peine troublé par le crépitement du feu. Garp, Bogart et Luffy étaient assis autour des flammes, un simple repas posé entre eux. Les étoiles brillaient timidement à travers les branches des arbres, comme pour témoigner d’une scène que peu avaient eu le privilège de voir : un moment vulnérable entre un grand-père, un mentor, et un jeune homme à l’âme tourmentée.
Luffy jouant avec un bâton qu’il faisait tourner dans ses mains :
« Vous savez, je pense souvent à mes parents. Je ne connais même pas leurs noms. C’est bizarre, non ? »
Garp arrêta un instant de mâcher, le regard fixant le feu. Bogart, lui, ne bougea pas, mais ses yeux s’assombrirent.
Garp, d’une voix plus basse que d’habitude :
« Je sais que je n’ai jamais parlé d’eux. Et je sais que c’est une erreur. »
Luffy leva les yeux vers lui, surpris. Garp n’admettait presque jamais ses fautes.
« Pourquoi ? Pourquoi tu ne m’as jamais rien dit ? Ce n’est pas comme si ça allait changer quoi que ce soit, mais... Je ne sais même pas à quoi ils ressemblent… »
Garp poussa un profond soupir, le genre de soupir qui portait le poids des regrets.
« Parce que je voulais te protéger, Luffy. Protéger ton cœur, protéger ton avenir. Ta mère... Elle était quelqu’un de bien. Forte, courageuse. Ton père... Eh bien, il est vivant, quelque part. Mais son chemin n’est pas le tien. »
Luffy serra les dents. La réponse lui semblait à la fois honnête et insuffisante.
« Ce que tu veux dire, c’est que tu avais peur que je devienne comme lui. C’est ça ? »
Le silence de Garp fut plus éloquent qu’une réponse.
Bogart intervint calmement :
« Ce n’est pas une question de peur. C’est une question de choix. Garp voulait que tu sois libre de choisir ton propre chemin, sans l’ombre de tes parents pour te guider ou te freiner. »
« Mais comment je peux choisir si je ne sais même pas d’où je viens ? »
Garp fronça les sourcils, mais cette fois, il ne répondit pas immédiatement avec sa voix tonitruante habituelle. À la place, il parla d’un ton grave, presque paternel.
« Écoute-moi, Luffy. Ce D. dans ton nom... Ce n’est pas une malédiction. Mais ce n’est pas non plus un passe-droit. Ceux qui le portent... ils ont une flamme en eux. Une flamme qui peut illuminer le monde ou le réduire en cendres. Tu dois décider ce que tu veux faire de cette flamme. »
Luffy baissa les yeux vers le feu, les flammes dansant dans ses pupilles.
« Une flamme, hein... Parfois, je me demande si je ne suis pas juste un gamin qui joue avec le feu. Peut-être que je finirai par tout brûler. »
« Ne dis pas ça. Tu n’es pas ton frère, Luffy. Tu n’es pas Ace. Et je t’interdis de penser que tu finiras comme lui. »
Luffy serra les poings, ses yeux brillant d’émotion.
« Mais comment tu peux être sûr ? Il était seul, comme moi. Il essayait de trouver sa place, comme moi. Et regarde où ça l’a mené. »
Garp se pencha en avant, son regard dur mais chargé d’une sincérité rare.
« Parce que tu n’es pas seul, Luffy. Tu as moi, t’as Bogart, t’as ce foutu village qui t’aime comme son propre fils. Mais surtout, tu as quelque chose qu’Ace n’a jamais eu : la capacité de voir au-delà du noir et du blanc. »
Luffy releva la tête, intrigué.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Là où tu iras, sur les mers, tu verras que tout n’est pas simple. Les pirates, la Marine... Ce ne sont que des étiquettes. Certains pirates sont des monstres, mais d’autres... d’autres ont un code d’honneur. Et la Marine, elle, n’est pas toujours le symbole de la justice que tu pourrais croire. »
Bogart hocha légèrement la tête, confirmant les paroles de Garp.
« Ce que Garp essaie de dire, c’est que le monde est gris, Luffy. Pas noir, pas blanc. Et toi, avec tes convictions, tu devras décider où te situer. Personne ne pourra te le dire. »
Luffy resta silencieux un moment, digérant ces paroles.
« Peut-être que c’est pour ça que je veux partir. Je veux voir ce gris dont vous parlez. Je veux comprendre... comprendre qui je suis. »
Garp le regarda longuement, ses traits marqués par une tristesse qu’il dissimulait mal.
« Tu veux partir, hein ? »
Luffy hocha la tête.
« Ouais. Je veux naviguer. Pas comme un pirate, pas comme un Marine. Juste... comme moi. »
Un silence s’installa, seulement troublé par le crépitement du feu. Finalement, Garp se leva, s’approcha de Luffy et posa une main lourde sur son épaule.
« Si c’est ce que tu veux, alors fais-le. Mais promets-moi une chose : ne perds jamais cette flamme en toi. Peu importe ce que le monde te dit, peu importe ce que tu vois. Reste toi-même, Luffy. »
Luffy leva les yeux vers son grand-père, ses lèvres tremblant légèrement sous le poids des émotions.
« Je te le promets. »
Bogart, toujours assis, observait la scène avec une certaine sérénité.
« Alors, Luffy... Tu as intérêt à devenir quelqu’un qu’on n’oubliera jamais… »
Un moment passa, et Bogart se tourna vers Garp, ses traits sérieux, son ton empreint de respect et de détermination.
« Garp, il est prêt. Il a le potentiel. Tu devrais lui apprendre le Haki. »
Garp croisa les bras, le regard fixant Bogart, puis Luffy.
« Le Haki, hein... »
« Oui. S’il doit survivre sur ces mers, il aura besoin de plus que son pouvoir de fruit du démon. Le Haki, c’est le cadeau que tu peux lui faire avant qu’il parte. Pas juste une arme, mais un moyen de protéger ce qui compte pour lui. »
Luffy, intrigué, regarda tour à tour son grand-père et Bogart.
« Haki ? C’est quoi, ça ? »
Garp soupira, puis esquissa un sourire en coin, un sourire qui trahissait à la fois sa fierté et sa résignation.
« Tu veux savoir ? Alors prépare-toi, gamin. Si tu es sérieux à propos de ton voyage, alors t’as intérêt à être prêt ! »
Ce soir-là, sous les étoiles, trois générations d’âmes brisées trouvèrent un instant d’unité. Une promesse avait été faite. Et un jeune homme, portant le poids d’un héritage qu’il ne comprenait pas encore, venait de faire un pas de plus vers son destin.
Deux ans plus tard
Le soleil se couchait doucement sur le village de Fushia, baignant les collines environnantes d’une lumière dorée. La silhouette d’un jeune homme apparaissait à l’horizon, portant une grande caisse sur son épaule. Ses pas résonnaient avec une confiance tranquille, son corps sculpté par deux ans d’entraînements rigoureux.
Luffy avait changé.
Ses cheveux, mi-longs et légèrement ondulés, étaient plaqués en arrière, avec quelques fines mèches formant un demi-arc de cercle de gauche à droite, encadrant son visage marqué par la maturité. Ses traits, autrefois juvéniles, étaient devenus plus marqués, plus matures. Ses épaules larges, son corps qui était devenu plus massif et son torse puissant témoignaient des innombrables heures d’entraînement. Il n’était plus le simple chapeau de paille élancé, il était un homme au chapeau de paille puissant et massif avec une délicate mais parfaite finesse, signe de son fruit du démon, lui donnant un corps d’Apollon. Son regard, toujours vif, avait gagné une profondeur nouvelle, mélange de sérénité et de détermination.
Arrivé devant le bar de Makino, Luffy posa la caisse de confitures sur le sol avec une facilité déconcertante. Makino, qui nettoyait le comptoir à l’intérieur, leva les yeux et écarquilla les paupières en voyant son ancien protégé.
« Luffy ? C’est vraiment toi ? »
Un sourire éclatant illumina le visage de Luffy.
« C’est moi, Makino. Je suis rentré. »
Makino sortit précipitamment du bar, les larmes aux yeux.
« Regarde-toi... Tu as tellement changé ! »
Luffy éclata de rire, un rire plein de vie, et tendit les bras pour accueillir Makino dans une étreinte chaleureuse.
« Et toi, tu n’as pas changé d’un poil ! Toujours la meilleure cuisinière du village. »
Makino essuya rapidement ses larmes et observa la caisse.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Des confitures. Je les ai ramenées d’un des villages où je suis passé. Je me suis dit que ça te plairait. »
Makino sourit doucement, touchée par l’attention.
« Merci, Luffy. C’est gentil de penser à moi. »
Ils s’assirent près du comptoir, partageant des histoires de leurs vies respectives. L’alchimie entre eux, intacte, réchauffait l’atmosphère. Et tandis que la nuit tombait sur Fushia, Luffy savait que malgré les défis à venir, il avait un foyer où revenir, un endroit où il était aimé, et une famille qui croyait en lui.
Makino, tout en écoutant les histoires de Luffy, ne pouvait s’empêcher de le regarder sous un nouveau jour. Ce jeune garçon qu’elle avait connu, qui avait fait tant de bêtises et avait un corps frêle, avait désormais l’apparence d’un véritable guerrier, presque mythologique. Ses muscles évoquaient la puissance d’un Apollon, et chaque mouvement qu’il faisait semblait émettre une force tranquille.
Elle le regarda, ses yeux brillants d’émotion, avant de briser le silence qui s’était installé entre eux.
« Tu es vraiment… devenu un homme. »
Luffy, un sourire espiègle aux lèvres, se haussait un peu sur sa chaise, mettant en évidence sa carrure massive.
« Eh bien, c'est ce qu'il faut quand on prend la mer, non ? Mais ce n’est pas tout ça, il faut que je te parle de quelque chose d’important. »
Makino s’approcha un peu, ses sourcils froncés par la curiosité. Luffy baissa la tête un instant, comme pour se donner du courage, puis leva ses yeux pleins de détermination.
« Je vais prendre la mer, Makino. Je pars à l’aventure. »
Un silence lourd s’installa entre eux. Les mots de Luffy résonnaient, lourds de sens. Ce jeune homme qu’elle avait vu grandir, qui avait toujours rêvé de liberté, était enfin prêt à poursuivre son rêve. Mais elle savait aussi que cela signifiait qu’il ne reviendrait plus comme avant.
Elle inspira profondément avant de sourire tendrement.
« Je savais que ce jour viendrait. Tu as toujours été fait pour ça, Luffy. »
Il hocha la tête avec un sourire éclatant.
« J’ai mes rêves. Mais quoi qu’il arrive, ce sera toujours toi la meilleure cuisinière du village. Et tu sais quoi ? J'essaierai de ramener des ingrédients de l’autre bout du monde, juste pour te prouver que je n’ai pas oublié. »
Makino se sentit un peu émue. Elle savait que Luffy n’était pas un garçon ordinaire, mais un véritable aventurier dans l’âme. Un homme qui allait conquérir le monde, tout en restant fidèle à ses racines. Son rire, son enthousiasme, et cette musculature digne des plus grands héros, étaient la preuve vivante de son parcours déjà légendaire.
« Tu ne changeras jamais, hein ? » lança-t-elle avec un sourire attendri.
Luffy haussait les épaules, un peu gêné mais fier.
« Eh bien, on ne peut pas changer ce qu’on est ! »
Ils échangèrent un dernier regard, leur complicité indéniable, avant que Luffy ne se lève, prêt à repartir. Il avait un monde à conquérir, mais Fushia resterait toujours son point d’ancrage.
La brise légère de la mer soufflait doucement, effleurant la peau rugueuse de Garp tandis qu'il se tenait sous le porche de la maison. Le soleil se couchait lentement, baignant la scène d’une lumière douce et dorée. À la main, il tenait une lettre pliée, un papier blanc marqué d’un sceau officiel. C’était une lettre que Luffy n’attendait pas, une lettre qu’il allait recevoir sans savoir ce que cela impliquait. L’Institut Gold Roger, l'entrée dans le Nouveau Monde. Un avenir que Garp, dans sa sagesse, avait vu venir bien avant lui, mais qu’il n'avait jamais voulu admettre.
Luffy approcha à l’horizon, sa silhouette familière se dessinant au milieu des rues du village. Il s'arrêta net en voyant son grand-père là, sous le porche. Un frisson traversa l'échine de Garp, mais il ne bougea pas, la lettre serrée dans sa main. Les années passées à se disputer, à se battre, à se comprendre sans jamais vraiment se comprendre, les moments partagés entre colère et déception… tout cela semblait peser lourdement dans l’air. La distance entre eux semblait plus tangible que jamais.
Luffy arriva enfin, son sourire éclatant habituel malgré la confusion dans ses yeux. Mais ce sourire s’effaça légèrement en voyant l’expression grave de Garp.
« Grand-père… Qu’est-ce qui se passe ? » demanda-t-il, froncé.
Garp prit une grande inspiration, comme s’il préparait son discours, mais les mots se bloquaient. Il se sentait à la fois fier et déçu, triste et soulagé. Tellement de choses à dire, tellement de regrets qu’il n’avait jamais formulés. Il tendit la lettre vers Luffy.
« Tu sais, gamin… j’ai souvent été dur avec toi, plus que je ne devrais l’être. Je t’ai poussé à être quelque chose que tu n’étais pas. »
Luffy regarda la lettre sans comprendre, ses yeux se posant sur le sceau. Il la prit lentement, sans répondre immédiatement, ses doigts se crispant légèrement autour du papier.
Garp continua, sa voix plus grave que d’habitude, remplie de sentiments qu’il n’avait jamais su exprimer.
« J’ai toujours cru que la dureté allait t’aider, que la discipline et la rigueur… t’empêcheraient de devenir un pirate. Mais j’ai vu, au fil des années, que je me trompais. Tu n’as pas besoin de moi pour ça, Luffy. Tu as toujours eu ton propre chemin, ta propre force. »
Un silence lourd se posa entre eux. Luffy leva les yeux vers Garp, cherchant dans son regard ce qu’il avait peine à lire. Une émotion qu’il n’avait jamais vue chez lui. Il s’ouvrait, lentement. Luffy pouvait sentir que ce moment était particulier, qu’il n’était pas juste une conversation banale. C’était autre chose.
« Grand-père… »
Garp baissa les yeux un instant, son visage marqué par les années et les combats qu’il avait menés, un air de regret creusant ses traits.
« Je suis désolé, Luffy… Je t’ai pris pour ce que tu n’étais pas. J’ai voulu te forcer à faire des choses qui n’étaient pas dans ton cœur. Et maintenant, je réalise… que c’est toi qui as toujours eu raison. » Il soupira, un geste désespéré. « Si j’avais été plus… ouvert, si j’avais juste cru en toi, tout ça aurait été bien plus simple. »
Luffy, touché mais toujours dans l’incompréhension, se tourna légèrement vers la lettre. Il s'apprêtait à poser une question, mais Garp leva une main pour l’arrêter.
« Cette lettre… elle vient de l’Institut Gold Roger. C’est une invitation. Une chance pour toi d’entrer dans le Nouveau Monde, de poursuivre ce rêve que tu poursuis depuis toujours. »
Les mots résonnèrent dans l’air, comme une vérité irréfutable. Garp ne voulait pas, au fond, que Luffy parte. Mais il savait que ce moment était inévitable. Il l’avait toujours su.
Luffy prit la lettre dans ses mains, les yeux fixés sur le sceau. Il n’arrivait pas à réaliser pleinement ce que cela signifiait. C’était comme si, à ce moment précis, tout s’effondrait autour de lui. Il n’avait jamais vraiment compris pourquoi Garp l’avait poussé si fort, pourquoi il l’avait traité comme un soldat et non comme un petit-fils. Mais aujourd’hui, il comprenait enfin.
Il leva les yeux vers Garp, une lueur de reconnaissance dans le regard, malgré la confusion.
« Grand-père, pourquoi ne m’as-tu jamais dit tout ça ? »
Garp se passa une main sur le visage, luttant contre ses propres démons intérieurs. C’était difficile. Tellement difficile.
« Parce que je pensais que je devais te préparer à un monde cruel, un monde qui n’épargne personne. Je pensais que tu devais être dur pour survivre. Mais je vois maintenant que c’est toi qui as trouvé ta voie. Pas à cause de ma dureté, mais malgré elle. »
Les yeux de Luffy se remplirent d’émotion. Ce grand-père qui l’avait toujours défié, lui avait donné une chance, d’une manière qu’il n’avait pas comprise. Mais ce n’était pas la dureté qui l’avait forgé. C’était l’amour silencieux et implicite, cet amour non exprimé qui les avait liés, malgré tout.
« Je ne t’abandonne pas, grand-père. Même si je pars. » murmura Luffy, sa voix tremblante pour la première fois.
Garp hocha la tête, un sourire triste apparaissant sur ses lèvres.
« Je sais, gamin. Je sais. »
Et pendant un instant, les années de tension, de malentendus et de silence se dissipèrent. Ils se regardèrent, sans avoir besoin de mots. Luffy savait ce qu’il devait faire, et Garp savait que son petit-fils avait déjà choisi son propre chemin. Un chemin où ils n’avaient plus besoin de se comprendre pour se soutenir.
Ils se serrèrent l’un contre l’autre dans un dernier geste, un dernier adieu, avant que Luffy ne prenne son envol, vers le monde qu’il avait toujours rêvé de découvrir.