L'inconnue de Trafalgar Law.

Chapitre 17 : Baba Kudan et un lapin ?

5640 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a plus de 3 ans

Bonjour à toustes c’est l’heure du chapitre 17 ! Je ne vous retiens pas plus, bonne lecture !


Liv

 

- Bonjour Mémé.

- Oui c'est ça bonjour... bon du coup tu vas revenir à la maison ?

- Oui le temps de ma convalescence.

- Bon... d'accord, dans combien de temps ?

J'entends dans sa voix toute l'inquiétude contenue. Ça me serre le cœur, je devrais davantage faire attention à elle. Elle m'a tout donné, tout appris et moi... moi j'en ai toujours fait qu'à ma tête.

- Je dois rester quelques jours ici, apparemment je vais me faire interroger par des enquêteurs. Même si le coupable a déjà été arrêté il semblerait que certains points ne soient pas tout à fait clairs.

- Je t'attendrai alors, ta chambre sera prête quand tu arriveras... Je suis contente que tu ailles bien.

Elle s'apprête à raccrocher.

- Mémé attends ! J'ai beaucoup de choses à te raconter mais prépare-toi à rencontrer une personne importante pour moi... c'est lui qui m'a sauvé la vie.

- On verra tout ça quand tu rentreras.

 

Elle me raccroche au nez. Je ris. J'adore Baba Kudan, c'est la femme la plus aimante que je connaisse mais c'est aussi celle qui le montre le moins.

- Elle est toujours aussi retors ta Mémé.

- Ouaip, mais bon j'ai l'habitude et ce coup de téléphone, crois-moi, c'était une déclaration d'amour.

Nous rions toutes les deux, nous passons la soirée ensemble à papoter. Nous discutons de Law, de comment nos retrouvailles pourraient se passer. Nous discutons également de mon avenir en tant que chanteuse. Je ne lâcherai pas mon rêve, pas encore. Je veux continuer de chanter.

Cloé est endormie à côté de moi. Je lève les yeux sur l'affiche de Law toujours accrochée à mon plafond.

- Law...

Quand je prononce son prénom c'est comme déposer un baiser dans l'immensité. Il faut que je note cette idée dans un coin ! C'est très joli comme image...

Law, si tu savais comme j'ai hâte de te retrouver, de pouvoir à nouveau entendre ta voix, de ressentir ta présence. Je pousse un profond soupir. Encore quelques semaines et nous nous retrouverons. En attendant je n'ai qu'une seule chose à faire, me tenir à carreau et me soigner correctement. Ça va le faire.

 

- Liv... Liv réveille-toi, tu vas bientôt avoir de la visite.

La voix de Cloé me tire de mon sommeil. Je me redresse avec difficulté. Je ne dois pas trop solliciter mes abdominaux pour le moment. 

- Tiens je t'ai apporté ton petit-déjeuner. Je te laisse, Do voudrait me voir.

- Pas de souci vas-y. Je mange, je me lave, je m'habille et je serai présentable pour les enquêteurs.

- Je te conseille de cacher ton tatouage.

- Pas la peine.

- Mais...

- T'en fais pas tout ira bien, fais-moi confiance.

- Je te fais confiance.

- Tu es la meilleure.

- Je sais.

Elle franchit la porte en me laissant seule.

Je m'occupe donc de me préparer, je mange, me lave, m'habille et me maquille. Je reconstruis trait après trait, tache de couleur après tache de couleur, le visage de diva de Liv Valentine. Je la fixe dans la glace, elle colle un sourire de circonstance sur son visage et se lève.

 

- Bonjour Messieurs, pardonnez mon léger retard j'ai eu du mal à sortir du lit.

Je ris tout en m'asseyant en face d'eux. Ce sont deux marines que je ne connais pas.

- Ne vous en faites pas on ne vous a pas attendu, nous venons tout juste d'arriver.

Le second me fixe avec des yeux qui lui sortent presque de la tête. Je lui souris plus largement, son collègue lui met un coup de coude dans les côtes et lui chuchote.

- Reprend-toi enfin...

- Haem ! Bien ! Si nous avons demandé à vous voir ,c’est que nous souhaitons vous poser quelques questions à propos du pirate Trafalgar Law.

Il attend une réaction de ma part.

- D'accord, je vous écoute, mais je ne vois pas ce que je pourrais vous dire à son sujet.

Allez Liv, sois ouverte et avenante, va vers eux, ne les laisse pas penser que tu caches quelque chose.

- Est-ce que vous le connaissez ?

- Non pas vraiment, je l'ai aperçu plusieurs fois à mes concerts avec son équipage mais c'est tout. On les remarque facilement avec l'ours polaire.

- Il n'a jamais essayé d'entrer en contact avec vous ?

- Non, jamais.

L'un d'eux est en train de prendre des notes.

- C'est lui qui vous a opéré et qui vous a volé votre cœur.

- Oui c'est ce qu'on m'a dit, mais je ne l'ai pas vu vous savez, je n'étais pas consciente.

- Vous semblez plutôt sereine face à ça.

- Écoutez, je ne sais pas comment c'est possible, mais c'est tellement incompréhensible que je préfère ne pas me prendre la tête sinon je vais devenir folle.

- Nous pensons que Trafalgar et votre agresseuse étaient de mèche.

Quoi ?! C'est quoi cette idée étrange, écoutons-les pour connaître la théorie farfelue.

- Vous croyez ?

- Et bien, peut-être a-t-il commandité l'attaque pour se rapprocher de vous.

Je prends mon air le plus choqué.

- Mais c'est terrible ! Enfin... pourquoi voudrait-il se rapprocher de moi ?

- Vous n'êtes pas sans savoir qu'un des membres de l'équipage de ce dernier a avoué qu'ils étaient fans de vous. Leur capitaine l'est peut-être lui aussi, un fan détraqué.

Il faut que je me retienne de rire. Law n'est absolument pas fan de Liv Valentine.

Le second pose les yeux sur mon tatouage.

- C'est quand même une drôle de coïncidence votre tatouage, et le fait que Trafalgar LAW vole à votre secours.

- À mon secours ? Je vous rappelle qu'il m'a volé mon cœur ! Ce tatouage je l'ai fait parce que l'homme que j'aime est dans la Marine. C'est pour lui cette phrase...

Je joue la fille gênée de partager son intimité.

Il écrit dans son carnet avec frénésie.

- Vous pourriez nous donner son nom ?

- Non je ne peux pas. Il n'a rien à voir avec tout ça et je ne veux pas lui créer de problèmes.

- Donc Trafalgar Law et vous n'avez jamais eu de contact, quel qu'il soit. 

- À part des contacts visuels lors de mes concerts et ses doigts qui ont très certainement trituré ma rate pendant qu'il m'opérait, non.

Je laisse un blanc puis je reprends.

- Peut-être qu'il a considéré que mon cœur était le prix à payer pour ma vie. Je serais morte s'il n'était pas intervenu.

- Il va sûrement s'en servir pour vous faire chanter.

- C'est ce que je fais de mieux.

 

Mon entrevue finit par se terminer. Je retourne dans ma chambre et me dirige vers l'aquarium de Doc. Je laisse tomber quelques copeaux de nourriture dans l'eau. Je regarde le joli poisson nager. J'ai envie de voir Law. Je m'assois à mon bureau pour répondre à sa dernière lettre.

 

Law

 

La peau douce, les hanches pleines dans mes mains, sa bouche de satin sur la mienne et sa poitrine tout contre moi. Ma main dans ses cheveux blonds, mes yeux qui se perdent dans les siens. C'est si bon... je respire son odeur de fleur directement sur son cou, nos ventres semblent se mélanger dans la chaleur de notre douce étreinte. Elle soupire, elle gémit doucement, sa voix est merveilleuse comme d'habitude. Liv, tu me rends complètement accro... à chaque fois que je te visite c'est pire que la fois précédente. Je...

 

Je me réveille en sursaut. Il faut croire que je vais très bien malgré la situation. J'arrive encore à faire des rêves érotiques. Je regarde autour de moi et rien n’a changé, toujours la même cellule aux barreaux de granit marin.

Comment ça a pu arriver... comment j'ai pu me faire avoir aussi facilement !

Je me sens si faible avec les menottes aux poignets.

Je suis seul dans ma cellule, mes camarades sont dans celle d'à côté. Chaque jour l'un d'entre eux est emmené et atrocement battu. J'ai moi-même été passé à tabac plusieurs fois. Ils veulent absolument savoir qui nous a informés et qui est la personne qui a descendu une bonne partie de leur réseau. En ce qui me concerne je n'ai tué personne et je dois être le seul à connaître la réponse à cette question.

Liv... ne t'en fais pas, jamais je ne prononcerai ton nom, même si je dois crever ici. Ça me rend triste, ça fait plusieurs jours que je devrais être près d'elle. Je lui avais dit six semaines et nous sommes déjà à sept. J'espère qu'elle ne va pas croire que je me suis dégonflé et que je lui ai posé un lapin. Je croise le regard de Bepo dans la cellule d'à côté. Je n'ai vraiment pas de solution. Tout l'équipage a été capturé. Le polar Tang a été abandonné sur place. Nous sommes sur un bateau inconnu et nous voguons vers je ne sais où. Il faudra bien que je trouve une solution à un moment donné.

- Je comprends pas pourquoi on les descend pas.

- Joker veut celui-là vivant, et le patron veut savoir qui a descendu tous nos camarades. Étant donné qu'ils nous courent après depuis des mois, ils doivent bien savoir quelque chose.

Je préfère ne rien dire et garder mes forces.

Quand j'ouvre les yeux plus tard dans la nuit, la personne censée nous surveiller dort à point fermé.

Mon équipage se colle aux barreaux près de moi.

- T'as un plan capitaine ?

- Là tout de suite, pas du tout. Si seulement il était resté l'un d'entre nous au sous-marin...

Shachi s'approche ainsi que Pinguin et Bepo.

- Et Liv ? On devait la retrouver il y a plusieurs jours. Tu crois qu'elle va te chercher ?

Je soupire.

- Peut-être, mais dans son état je n'espère pas...et puis comment elle pourrait nous retrouver. En tout cas gardons nos forces en attendant le moment idéal pour nous échapper, ils finiront bien par commettre une erreur.

 

Liv

 

- C'est bon tu as tout ce qu'il te faut ?

- Yep ! Merci de m'avoir aidée Cloé.

- Mais de rien, c'est mieux que les gens croient que tu es partie sur un autre navire, comme ça personne ne posera de question. Allez, va !

Je la prends dans mes bras.

- Je reviens dès que Law me dit que je suis parfaitement guérie. J'ai tellement hâte de le revoir... plus que trois semaines !

- Tu me raconteras !

- Sans faute et dans les moindres détails.

- Les détails ne m'intéressent pas.

- Tu mens !

- Allez va-t’en, ta grand-mère déteste le manque de ponctualité.

J'attends que l'horloge affiche dix-huit heures et je passe la porte de ma chambre d'hôtel vers ma maison, celle où j'ai grandi.

J'ouvre la porte d'entrée et me retrouve dans le hall de la maison, c'est gris du sol au plafond. La maison a été taillée à même la pierre, troglodyte comme on dit. Je retrouve le petit tapis rond, la grande horloge qui ne fonctionne plus depuis des années, et le portemanteau de bois sur lequel sont suspendus les affaires et les nombreux chapeaux de Mémé. À droite deux grandes portes vitrées à rideaux donnent sur le salon. À gauche le même type de porte donne sur la cuisine. Je m'avance pour observer le mobilier, la table, le plan de travail et l'évier ont tous été sculptés directement dans la pierre grise, parfois au milieu de tout ce gris il y a des fragments d'un noir profond, lisses et luisants comme des miroirs. Mémé m'a dit un jour que c'étaient des morceaux d'obsidienne, du verre volcanique. J'enlève mes chaussures et les range près des autres. En chaussettes je peux ressentir la chaleur si familière qui émane du sol. Nous sommes sur un volcan perpétuellement en éruption. Il ne fait jamais froid ici, pourtant nous sommes sur une île hivernale.

- Te voilà enfin Kaboomka*...

Ce surnom et ce ton autoritaire sont en totale contradiction, Mémé doit vraiment être perturbée, en même temps c'est la première fois que je frôle la mort d'aussi près.

- Tu es contente de me voir ou pas ? C'est un peu flou.

- Arrête de faire ta maligne, je suis surtout contente de te voir vivante ! J'ai cru faire une crise cardiaque en voyant le journal...

- Je suis désolée Mémé, ça n'aurait jamais dû arriver. J'aurais dû faire plus attention, je n'étais pas sur mes gardes. Elle ne m'a pas élevé comme ça... j'ai du mal à la regarder dans les yeux. J'ai baissé ma vigilance parce que je me croyais en sécurité. Ça ne se reproduira plus.

 

- Tu n'étais pas en mission Kaboomka... Évidemment que tu ne faisais pas attention. Si on devait être sur le qui-vive à chaque instant de nos vies on ne s'en sortirait pas.

Elle s'est approchée de moi pour prendre mon visage dans ses mains chaudes. Elle a toujours eu les mains chaudes, je pose mes mains sur les siennes, lui souris et me détends immédiatement. Malgré tout ce qu'elle m'a fait subir je ne connais pas une personne dans ce monde qui m'aime plus qu'elle. Je le vois dans son regard.

- Bon... ils t'ont bien soignée à l'hôpital ? Tu dois mourir de faim ! … Tu veux bien nous faire un gratin de pâtes ?

Et bien ça n'aura pas traîné, déjà des corvées. Je soupire mais je souris toujours. Les vieilles habitudes ont la vie dure. Ni elle ni moi n'avons jamais été très douées en cuisine mais de nous deux c'est moi qui m'en sortais le mieux. Tout ce qu'elle cuisinait avait tendance à nous arracher la tête.

 

- Je m'en occupe Baboomka*, je vais juste poser mes affaires dans ma chambre.

 

Je monte les escaliers de pierre, à cet étage du parquet avait été installé pour rendre ça un peu plus "doux", ce plancher qui craque a alerté ma grand-mère de mes escapades nocturnes si souvent que je finissais par passer par la fenêtre. Il y a tellement de souvenirs ici. J'ouvre la porte de ma chambre. Rien n'a changé à l'intérieur. Il y a tout ce que j'y ai laissé. Mon petit lit une place, mes vieux vêtements dans les placards recouverts de stickers multicolores, des posters aux murs et un nombre assez conséquent d'instruments de musique en tout genre. Je pose mon sac sur la chaise de mon bureau plein de carnets et de papiers griffonnés. Je récupère à l'intérieur l'affiche de Law que j'affectionne tant. J'y ai laissé une trace de rouge à lèvre. Je l'accroche au milieu des autres. Je sors également Doc, je n'ai pas voulu me séparer de lui, il m'aide à faire passer le temps.

Il fait si chaud dans cette maison. J'enlève mon pull-over et redescends à la cuisine.

Je prends les gants protecteurs pour me servir de l'eau et remplis l'une de nos casseroles d'eau déjà presque bouillante. Je l'installe sur notre gazinière et vérifie le gazomètre avant de la mettre en route.

- Je ne te demande pas si tu as fait bon voyage.

- Tu pourrais, je suis pas partie directement du bateau. Cloé a tout arrangé pour que je puisse m'en aller sans que ça pose de problèmes. Je suis allée sur l'île à côté et suis passée par un hôtel.

Je l'entends dans mon dos qui tire une de nos chaises de pierre.

- Tu voudrais pas des chaises plus légères Mémé ? Celles-ci pèsent trois tonnes.

- Non, elles sont parfaites et ça me permet de m'entretenir.

Je lui sers une tasse de thé fumant.

- Bon... raconte-moi. Et puis c'est quoi cette horreur sur ton buste ?

- Un tatouage...

- Ça je vois bien ! Qu'est-ce que tu as fichu ? Tu sais j'ai entendu dire que c'était dangereux ces trucs là...

- Tu sais ce qui est dangereux aussi ?

- ...

- La nitroglycérine.

- Oui bon...

Je la fixe avec un air entendu. J'ai manipulé ce genre de substances bien trop tôt.

- Il n'y avait aucun danger, j'étais avec toi.

- Tu as toujours eu une notion du danger bien à toi.

Je laisse les pâtes tomber dans l'eau et me sers à moi aussi un thé bien chaud.

Je lui raconte tout depuis ma rencontre avec Law jusqu'à aujourd'hui. Évidemment je passe sous silence certains événements qui ne nous mettent pas à notre avantage. Je devais avoir des paillettes dans les yeux.

- Et bien, tu es vraiment amoureuse de ce garçon...

- Quand tu le verras tu comprendras pourquoi.

- Je suis contente que tu reviennes passer un peu de temps à la maison.

- Moi aussi je suis contente d'être là.

Je me lève pour finir de cuisiner le gratin.

 

Les journées s'enchaînent, je n'ai pas le droit de m'entraîner donc j'aide Mémé avec les explosifs, je remplis des balles, je vais me promener dans la forêt de pins alentour. Je vais sur le champ de tir pour m'exercer.

 

Le vent souffle fort aujourd'hui, mon écharpe virevolte dans tous les sens. La cible est très loin, je ne me concentre que sur elle.

BAM !

J'expire.

- Même dans ces conditions tu arrives à tirer dans le mille.

- Et oui, il faut croire que je suis douée. Tu devrais rentrer Mémé, tu vas prendre froid.

- Ça fait des heures que tu es là Kaboomka, qu'est-ce qui ne va pas ? Depuis quelques jours tu n'es plus toi-même.

- C'est qu'il devrait déjà être arrivé... depuis une semaine en fait, au début je ne m'inquiétais pas mais là ça commence à faire long, surtout sans prévenir. J'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. Il n'y a rien dans le journal... je ne sais pas quoi faire. Il avait promis qu'il serait là.

 

Je suis si inquiète, depuis toujours je viens ici quand j'ai besoin de réfléchir ou justement de ne plus penser à quelque chose.

- Liv, ma chérie, tu sais parfois les hommes il faut leur secouer les puces !

Elle me fait sourire.

- Tu as raison, ce qui m'inquiète surtout c'est qu'il m'a dit devoir régler une affaire importante. Et s’il lui est arrivé quelque chose ?

- Je vais préparer tes affaires.

- Hein pourquoi ?

- Tu vas aller le chercher non ? 

- Heu... j'y ai pensé oui mais...

- Écoute Kaboomka, si tu as l'impression que quelque chose cloche, c'est que quelque chose cloche donc... si tu veux démêler tout ça tu ne seras jamais mieux servie que par toi-même.

Elle s'éloigne…

Je lui cours après.

- Mais je fais comment pour le trouver, par où je commence !?

- T'en fais pas, ta Baboomka est sur le coup. Je vais faire fonctionner mon réseau, on saura vite où il a été vu pour la dernière fois, tu n'auras même pas le temps de remonter ton fusil.

Mémé est dans la révolution depuis longtemps. Elle les fournit en explosifs mais pas en armes. Ses armes sont pour l'élite et selon elle, l'élite c'est moi.

"Elles sont bien trop meurtrières, je refuse que n'importe qui s'en serve." Ce sont ses mots. Elle allait beaucoup sur le terrain jusqu'à ce que je vienne au monde. Elle a tout abandonné pour moi, pour m'élever. Elle n'y est plus jamais retournée. Je me suis souvent demandé si ça l'a rendue triste et à chaque fois une voix dans ma tête me hurle "NON !". Ma grand-mère n'est pas le genre de personne à avoir des regrets.

Je me dirige vers la maison en silence, une fois à l'intérieur je vais à l'armurerie qui se trouve au sous-sol, je démonte mon fusil et le range dans son tiroir. Chacune des armes présentes ici a été fabriquée à la main par Baba Kudan. Elles sont toutes passées entre mes mains au moins une fois. Elle a un talent incroyable, c'est l'un des rares savoirs qu'elle possède mais ne m'a pas transmis. Je ne sais pas si elle le fera un jour. Il y a de tout ici, des fusils, des pistolets, des couteaux, des poings américains (que j'affectionne tout particulièrement quand je dois me rendre au corps à corps) mais aussi des combinaisons ignifugées pour se protéger du feu et des explosions dans une moindre mesure. Des manteaux pare-balles renforcés au niveau des organes vitaux. Il y a aussi des grenades lumineuses, sonores, à fumée ou au poivre (les seuls dispositifs strictement non-létaux de notre arsenal.), et surtout des explosifs à ne plus savoir quoi en faire ! Je sais que Mémé est un vrai génie de l'armement et que ça pouvait être très dangereux. Je m'en suis aperçu quand j'avais huit ou dix ans, des pirates étaient venus pour mettre la main sur son travail. Je ne savais pas à l'époque qu'elle avait dans la tête, et peut-être sur papier, les plans d'un explosif si terrible qu'il était capable de rayer de la carte des îles entières. Elle me l'a avoué bien plus tard. Il fallait protéger notre île, protéger notre maison, protéger son travail.

 

Jusque-là je ne l'avais jamais vue en situation de combat réel. Elle m'entraînait "gentiment". Je me souviens des cloches du village en contrebas qui se sont mises à sonner ; des explosions gigantesques qui ont ébranlé les côtes de l'île. Je me souviens que tout le monde a accouru vers notre maison, la maison de l'ancien maire, mon grand-père, et que tous se sont réfugiés dans le bunker creusé dans la montagne bouillonnante et ont attendu. Ce sont eux qui nous ont informés qu'il s'agissait de pirates qui étaient à sa recherche. C'est aussi ce jour-là que j'ai tué pour la première fois. Quand tout le monde a été mis à l'abri, Mémé m’a demandé de rejoindre la plateforme de sécurité et de tirer sur tous ceux qui s'approcheraient trop près de la maison. Elle a enfilé un gilets-part balle, a récupéré plusieurs types d'explosifs et un certain nombre d'armes. Elle m'a embrassé sur la tête et m'a dit :

- Liv, c'est aujourd'hui que nous allons savoir si tu as ce qu'il faut dans le ventre pour embrasser la voie de tes ancêtres. Allez, va !

J'ai couru jusqu'à la plateforme. Le mastodonte qui y trônait était solidement vissé au sol, je n'avais donc pas à craindre son recul. J'en fus soulagée. Il me fallut amener un tabouret et me hisser dessus afin d’atteindre la gâchette, signe évident que ce genre d’objets n’étaient pas fait pour être manipulé par de si petites mains. Une fois perché sur mon tabouret j’avais une vue parfaitement dégagée surplombant le village jusqu'à la mer. C'est en voyant ça que je compris que nous protégions ce village et ses habitants. Il y avait des bateaux aux voiles noires et des centaines d'hommes et de femmes armés qui couraient dans les rues et entraient dans les maisons pour les piller. Je n'ai pas revu Mémé avant le matin, et durant plusieurs heures j'ai tiré à vue sur tout ce qui bougeait et qui n'était ni elle ni un villageois qui rejoignait la zone de sécurité. Finalement les bateaux explosèrent, réduits en miettes et/ou dévorés par le feu, seul l'un d'entre eux repartit avec à son bord les survivants du carnage. J'étais épuisée, et quand j'ai vu Baba Kudan dans la lunette de visée, j'ai su que tout était fini, je suis tombée lourdement sur les fesses et ai vomi tripes et boyaux. Elle m'a retrouvée une dizaine de minutes plus tard évanouie dans mon vomi. Elle m'a secouée pour me réveiller, elle m'a lavée, séchée et couchée.

- Tu as fait ce qu'il fallait Kaboomka, nous en reparlerons demain.

Je me suis endormie et j'ai rêvé de ce que j'avais ressenti, de l'exaltation que ça avait été, du plaisir de presser la détente et de voir la cible tomber. Je souriais en me réveillant. Je n'avais pas manqué une seule cible je le savais très bien, elles étaient toute tombées et j'étais très fière de moi. Quand je suis arrivée dans la cuisine Mémé n'était pas là. J'ai su plus tard qu'ils avaient jeté les corps au magma. Quand elle est rentrée je prenais docilement mon petit-déjeuner dans le canapé du salon en écoutant la radio. Elle m'a regardée avec une expression étrange comme si elle était à la fois émerveillée et terrifiée. Elle s'est assise près de moi.

- Tu as plus que ce qu'il faut ma chérie. C'est une certitude.

Elle m'a doucement caressé la tête, j’ai posé mon bol sur la table et me suis installée sur ses genoux.

- Tu as eu peur ? M'a-t-elle demandé.

- Non.

- Tu as compté le nombre de balles que tu as tiré ?

- Cent cinquante-trois.

Je l'ai sentie soupirer.

- J'ai bien compté cent cinquante-trois morts d'une balle dans la tête.

Je me suis redressée tout sourire pour voir son visage mais elle ne souriait pas du tout.

- Tu as vu je n'ai pas raté une seule cible ! Tu es contente !?

Elle me gifla, mes oreilles se mirent à siffler alors que le son de la radio sembla étouffé. Elle s'était mise à me crier dessus.

- Ce n'était pas des cibles Liv ! C'était des gens ! Et la vie des gens a un prix, la vie des gens compte ! Ils avaient des familles peut-être des enfants...

Ce fut la première et la dernière fois qu'elle leva la main sur moi. 

Je ne comprenais pas pourquoi elle s'énervait comme ça. C'était pourtant elle qui m'avait tout appris et elle aussi avait tué cette nuit-là.

- Une balle un mort... c'est toi qui me l'as dit. Tous ces gens nous voulaient du mal non ? Je n'aurais pas dû ? Je... tu as dit hier que j'avais fait ce qu'il fallait...

Toute sa colère retomba d'un coup.

- Tu as raison Liv, c'est de ma faute, pardonne-moi. Oui, ces gens nous auraient fait du mal s’ils en avaient eu l'occasion. Tu as fait ce qu'il fallait… tu as fait... ce que je t'ai appris à faire.

Quelques jours plus tard nous avons reçu la visite de mon pépé Leloup. Un soir alors qu'elle m'avait demandé d'aller me coucher je suis redescendue pour grappiller quelques minutes de plus avec eux quand j'entendis qu'elle pleurait.

- Tu aurais dû voir ça Wolfy, pas une seule balle n'a été perdue, elle les a tous abattus de sang-froid. Quand j'ai tiré pour la première fois sur quelqu'un j'ai visé sa jambe... on m'a dit que mon esprit était faible et enclin à la clémence. Elle... elle a tiré directement dans la tête... tout le cerveau réduit en bouillie. Elle n'a eu aucune pitié... elle... J'aurais dû l'envoyer avec les autres dans le bunker.

- Tu n'aurais eu personne pour te couvrir et si tu étais morte ils auraient pu s'en prendre à eux. Tu as fait ce qu'il fallait toi aussi.

- Mais regarde le résultat... j'ai l'impression d'avoir créé un m...

- Magy... elle a huit ans... elle ne peut pas savoir. Tu ne l'as pas encore emmenée chasser ?

- Non, j'attendais qu'elle soit un peu plus âgée.

- Emmène-la et explique-lui, elle n'est pas sans-cœur, elle est juste trop petite.

 

Ce mot manquant à la fin de la phrase de ma grand-mère. Ce n'est que bien plus tard que je l'ai moi-même ajouté... "Un monstre".

Je m'étais assise dans l'escalier pour écouter leur conversation. J'ai compris que j'avais fait quelque chose de mal. Quelque chose qui faisait pleurer ma grand-mère. Je suis remontée dans mon lit.

Quand nous avons repris l'entraînement, je manquais toutes mes cibles. Je ne voulais pas la rendre triste à nouveau. Je me mis à pleurer sans raison.

- Qu'est-ce qui t'arrive Liv ?!

- Je veux plus que tu pleures, tu as vu, j'ai rien touché, tu te sens mieux ? J'ai rien touché...

Elle est tombée à genoux et m'a ouvert ses bras. Je me suis précipitée pour qu'elle me serre contre elle.

- Oui ma chérie, j'ai bien vu, elle prit mon visage dans ses mains, mais le but d'une balle c'est d'atteindre sa cible.

- Mais la dernière fois ça t'a rendu triste...

- Je n'étais pas triste, j'avais très peur, parce que c'est moi qui t'ai tout appris et j'ai compris que j'avais fait une grosse bêtise. J'ai cru que tu savais déjà tout. Mais c'était faux, il te manque quelque chose encore pour comprendre parfaitement ce que je t'enseigne depuis trois ans maintenant. J'ai été bête de penser que ce genre de choses ne s'apprenait pas, que ce devait être inné, ça ne l'est pas. Pardonne-moi Kaboomka. On va reprendre ça depuis le début ensemble, d’accord ?

L'enseignement de Mémé s'est complexifié, elle y a incorporé des notions de morale, d'éthique et de justice.

J’ai compris au fur et à mesure, qu'effectivement je n'avais rien fait de mal cette nuit-là mais qu'en même temps je n'avais absolument pas compris ce que je faisais.

J'aurais agi exactement pareil si les choses s'étaient reproduites plus tard. J'aurais abattu nos assaillants avec la même précision, mais plus avec le même état d'esprit et en ayant conscience du poids de la mort.

 

Je quitte l'armurerie pour rejoindre ma chambre. En montant les escaliers je regarde les photos encadrées. Je m'arrête devant celle de mon grand-père. C'était un monsieur tout rond et jovial avec une moustache bien fournie. Je ne l'ai presque pas connu mais de ce que j'ai pu comprendre c'était vraiment l'amour de sa vie à Baboomka. Il est mort trop tôt pour que j'aie des souvenirs de lui mais j'ai vu quelques photos de nous dans les nombreux albums qu'ils gardaient précieusement. J'ai vu leur mariage, ils étaient magnifiques, il y avait pépé Leloup et tout un tas de gens que je ne connaissais pas. J'ai vu à quel point ils s'aimaient, j'ai vu le regard que mon grand-père avait quand il posait les yeux sur Mémé. Son visage était éclairé et parfaitement ouvert, il irradiait de joie.

Est-ce que Law me regardera comme ça un jour ? Mon rêve me revient en mémoire, nous marier ? Avoir une maison ? Avoir des enfants ? Je n'y avais jamais réfléchi, j'ai toujours été trop égoïste pour ça. Avant lui, je n'ai jamais eu de relation sérieuse. Enfin rien qui me pousse à réfléchir sur le mariage et les enfants. J'aspire à ça, je veux être liée à lui, je veux bien être mère si les enfants sont de lui. Est-ce que je pourrais vivre cette vie-là ? Je le revois lui, notre enfant dans les bras, et je souris. Oui... si c'est avec lui, je veux bien de cette vie.

 

Fun fact :

 

Pourquoi « Kaboomka » et « Baboomka » ?

Si Liv et sa grand-mère avait eu une nationalité de notre monde elles seraient des pays d’Europe de l’Est. Kaboomka est le premier mot que Liv ai dit et cela ressemble à un mot Russe. « Kaboom » est une onomatopée pour écrire le bruit d’une explosion de plus, en japonais, la particule « ka » montre une interrogation ce qui donne en langage d’enfant « est ce que c’est une explosion ? « Baboomka » est la suite logique « baba » signifiant « mémé » ou « grand-mère » en japonais. Cela donne d’adorable petits surnoms à nos deux protagonistes.

 

Voila, j’espère que ce chapitre vous a plus et que vous avez prit plaisir à le lire. Je sais que je ne suis plus très régulière ces derniers temps mais la motivation m’a quelque peu manquée. Sachez que je n’abandonne pas cette histoire et que je fais de mon mieux pour aller jusqu’au bout. Je vous souhaite un excellent week-enb et a dans deux semaines si la motive ne m’a pas quitté.

  

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