La Source de vie

Chapitre 1 : Auto-immune

3899 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/09/2020 15:37

Kiba renversa le baquet d'eau chaude au-dessus de lui et s'ébroua. Il releva la tête, et croisa son reflet dans le miroir. Son visage était encore couvert de boue séchée, et des brindilles dépassaient de ses cheveux, désormais aplatis sur son crâne. Cette mission n'avait pas été de tout repos, il était plus qu'heureux qu'elle se termine. Il saisit un gant de crin, et commença à se frotter vigoureusement le corps. Avec un peu de chance, toute la saleté partirait d'un seul coup.


— C'est la dernière fois que je pars en mission dans une région aussi humide, lança-t-il à l'adresse de Neji, déjà installé dans le bain depuis cinq minutes.


Ce dernier, le menton posé sur ses genoux repliés, quelques mèches de ses longs cheveux attachés en chignon trempant dans l'eau chaude, haussa les épaules d'un air absent.


— Tout va bien ? demanda Kiba. Tu es un peu… pâle.

— Oui, j'ai juste un peu mal à la tête. J'irai voir un médecin en rentrant.


Kiba observa son coéquipier pendant encore quelques secondes, et retourna à ses frictions. Le silence régna dans la salle de bain pendant encore un bon moment, et Kiba tenta désespérément de trouver un nouveau sujet de conversation. Il ne se l'expliquait pas vraiment, mais il ressentait le besoin de lui parler. Durant les quelques missions qu'ils avaient effectuées ensemble, il avait tenté de se rapprocher de lui. Il n'en avait pas cherché de raison, autre qu'une volonté de « rattraper le temps perdu ». Ils avaient passé le plus clair de leur temps à s'éviter depuis qu'ils se connaissaient, et depuis que Kiba avait compris que Neji n'était pas l'immonde salopard qu'il s'était imaginé jusque-là, il avait eu envie de creuser encore et encore. Il cherchait constamment le dialogue, et remuait tous les sujets qu'il pouvait comme un chercheur d'or écume les rivières. Il ne s'était jamais demandé s'il agaçait Neji en faisant cela. Mais, depuis la fameuse mission, depuis qu'ils étaient passés si près de la mort, il s'était rendu compte qu'il avait besoin de le connaître, au moins un peu, de dépasser cette relation de simples connaissances pour devenir véritablement son ami. C'était une pulsion, quelque chose d'inexplicable et qui pourtant le poussait à se rapprocher de lui. Quelle étrange sensation c'était, de regarder quelqu'un et de le vouloir, pas comme on veut une jolie fille, mais comme on veut un frère ou un compagnon de toujours.


— Et sinon, tu sais si tu participeras au prochain examen des chuunins ? demanda-t-il, faute de mieux.

— Je n'en sais encore rien. Lee ne pourra pas participer, avec tous ses problèmes de santé, et Tenten est un peu réticente aussi. Elle pense qu'elle n'est pas encore assez forte, à cause de ce qui s'est passé la dernière fois, avec la fille de Suna.

— Vous allez sauter cette session, alors ?

— Eux, oui. Moi, je ne sais pas encore. Maître Gaï m'a dit que ce serait une bonne idée de le faire maintenant, pour pouvoir commencer à travailler pour la promotion de jônin directement après. De toute façon, sans équipe, je ne peux pas faire grand-chose…

— Moi non plus, je sais pas trop si… Attends ! Jônin ? Carrément ?


Ils continuèrent à discuter du précédent examen, leurs combats respectifs et leur soulagement de savoir que Naruto ne participerait pas, cette fois-ci.


Kiba entra dans le bain, la peau rouge à force d'avoir frotté. Il se sentait bien, même les muscles engourdis par l'effort. Il serait sans doute couvert de bleus pour les semaines à venir, mais cette pensée ne le dérangeait pas. Il en avait vu d'autres.

Après avoir failli évoquer la mission de sauvetage de Sasuke, ils se turent tous les deux. Cet épisode était encore tabou entre eux, et ils l'évitaient autant qu'ils pouvaient. Kiba se souvenait parfaitement de l'attente interminable à l'hôpital, cloué au lit, incapable de faire le moindre mouvement pendant plus d'une semaine. Il n'avait pu que se faire du souci pour ses amis. Chôji avait mis plusieurs jours à se réveiller, mais Kiba avait pu poser toutes les questions, il avait pu agacer tout le monde avec son inquiétude démesurée. Il n'avait pas posé une seule question au sujet de Neji, il n'avait pas osé. Pourquoi aurait-il voulu des nouvelles d'un type qu'il était censé haïr de toutes ses tripes et que, dans un sens, il haïssait encore ? Il n'avait appris qu'il s'était réveillé que bien plus tard, au hasard d'une conversation avec Shikamaru, alors qu'il recommençait à peine à marcher. Ils ne s'étaient pas beaucoup parlé ensuite, et ne s'étaient recroisés que lorsqu'ils avaient été assignés à la même mission.


Kiba observait Neji du coin de l'œil. Il était pâle, et ses yeux étaient soulignés de cernes violacés, qui ne pouvaient pas simplement être attribués à la fatigue. Kiba regarda une goutte de sang glisser de la narine de son coéquipier, couler jusqu'à ses lèvres et tomber dans l'eau, où elle se diffusa avant de disparaître. Neji porta la main à son visage, et le sang s'écoula dans sa paume puis courut le long de son bras.


— Je crois qu'il est temps que je sorte, dit-il simplement en se levant.

— Est-ce que c'est la chaleur ou moi qui te fais cet effet-là ?

— Aucune idée, répondit Neji. Qui sait ?


Il sortit du bain, enjambant maladroitement le haut rebord, une main appuyant sur sa narine. Bien qu'il fût de dos, Kiba pouvait voir le sourire en coin qu'il avait esquissé.


— Est-ce que tu viens vraiment de plaisanter ? demanda-t-il, d'un air faussement choqué. Toi, le toujours très sérieux Neji Hyûga ?

— Ça m'arrive...


Il arracha une serviette en papier du rouleau qui traînait là, qui s'imbiba d'eau et ramollit sous ses doigts encore humides, et la pressa sur son nez. Kiba le regarda s'essuyer maladroitement de sa seule main libre, fasciné par le sillon rouge délavé qui séchait sur l'avant-bras de son coéquipier. Avant de se glisser derrière le rideau qui marquait la limite entre le bain et le vestiaire, Neji se retourna :


— Je vais aller me reposer un peu. Ne vous inquiétez pas si je ne suis pas réveillé pour manger.


Il ne laissa pas le temps à Kiba de répondre et s'éclipsa. La salle de bain replongea dans le silence. On n'entendait plus rien, à l'exception du ronronnement du chauffe-eau et du ploc ploc du tuyau de la douche qui dégouttait dans la bassine de bois. Kiba s'immergea dans l'eau chaude jusqu'à n'avoir plus que le visage qui dépassait de la surface, et resta dans une immobilité méditative jusqu'à en avoir la tête qui tourne.


À table, il se retrouva seul avec Akamaru, Ino et leur cliente, la petite vieille qui tenait cette auberge en compagnie de sa nièce. Elle leur avait préparé un véritable festin, il y avait assez de plats sur la table pour les nourrir pendant trois jours.


— Le jeune homme aux cheveux longs n'est pas encore arrivé ? demanda-t-elle en resservant un bol de riz à Kiba, déjà au bord de l'explosion. Est-ce qu'il est encore au bain ?

— C'est vrai, ça, remarqua Ino. Qu'est-ce qu'il fait ?

— Il ne se sentait pas bien, il est allé se reposer.


La vieille femme insista alors pour lui préparer une bouillie de riz aux légumes. Kiba eut beau insister, en lui expliquant que Neji ne souffrait probablement pas d'une grippe intestinale mais seulement de surmenage, rien n'y fit. Elle prépara le tout à une vitesse incroyable et grimpa l'escalier quatre à quatre. Kiba la suivit de loin durant tout le trajet, de peur qu'elle glisse sur le bord d'une marche, mais il n'y avait manifestement rien pour arrêter la volonté d'une grand-mère qui a quelqu'un à soigner. Il retourna alors à table, et continua à picorer dans son bol de riz jusqu'à ce qu'elle revienne.


Ils se couchèrent rapidement après ça. Ils occupaient tous trois la même chambre, sous les combles, la seule qui ne soit jamais occupée par les clients. Trois futons étaient disposés côte à côte sur les tatamis. Neji occupait celui qui se trouvait le plus près de la fenêtre, Ino celui à l'opposé. Elle avait décalé son matelas jusqu'au mur, pas ravie de devoir partager sa chambre avec deux garçons. Avant de se coucher, elle alla examiner Neji, qui s'était enroulé dans sa couverture, malgré la chaleur de ce début d'été. Elle posa deux doigts sur sa carotide, puis appuya son front contre le sien d'un air contrarié. Kiba l'observait de loin.


— Il est glacé, dit-elle en se relevant. Je vais voir si je peux emprunter une bouillotte. Tu peux regarder s'il y a des vêtements chauds ou des couvertures supplémentaires dans les placards, en attendant ?


Elle partit, déterminée, avec sur le visage l'air de celle qui a une mission à accomplir et Kiba suivit ses ordres. Il fouilla de fond en comble le grand placard et finit par dénicher une couette épaisse, qu'il alla étendre au-dessus de Neji. Puis, faute de savoir quoi faire d'utile, il s'assit à côté de lui et l'observa.


Il était couché sur le côté, emmitouflé dans sa couverture au point que seuls son visage et sa main droite en dépassaient. Il soufflait fort, par la bouche et, à chaque expiration, sa mâchoire se crispait très légèrement, faisant trembler sa lèvre inférieure. Il était pâle et de grosses gouttes de sueur perlaient sur tout son visage. Une mèche de cheveux bruns était collée sur sa joue. Du bout de l'index, Kiba la remit derrière l'oreille de Neji. Sa peau était moite et froide. De la joue, Kiba passa au front, où il appliqua le dos de sa main, puis laissa de nouveau ses doigts courir le long du visage. Ce ne fut qu'en effleurant le bord de ses lèvres que Kiba se rendit compte de ce qu'il faisait et retira promptement sa main. Le poing fermé appuyé contre la bouche, il souffla bruyamment. Heureusement, Neji n'avait pas bronché, il dormait toujours aussi profondément.


Kiba se leva et commença à faire les cent pas d'un bout à l'autre de la pièce.


— Merde, merde, merde, se chuchotait-il. Mais qu'est-ce qui te prend ?

Il ne pouvait pas expliquer son geste, il ne savait pas quelle force l'avait poussé à faire cela. Il prit de nouveau une grande inspiration, et tenta de se calmer.


Ce fut ce moment que choisit Ino pour revenir avec une bouillotte enroulée dans une serviette. Elle la plaça entre les deux couvertures et alla s'allonger.


— Tout va bien ? demanda-t-elle à Kiba.

— Oui, oui… Je me fais un peu de souci, c'est tout.

— Ne t'inquiète pas. Au pire, s'il ne va pas mieux demain matin, on appellera une équipe médicale. J'espère juste que ce n'est pas un virus, parce qu'on pourrait être contaminés nous aussi…


Kiba lança un regard à Neji. Ino avait sûrement raison, il ne fallait pas s'en faire. Il alla se coucher rapidement à son tour, Akamaru à ses pieds.


Kiba fut le premier à se réveiller le lendemain matin, en entendant Akamaru couiner à son oreille. Il avait passé une mauvaise nuit, agitée de rêves sans queue ni tête.


Il se redressa sur son futon, en sueur et repensa à ce qu'avait dit Ino la veille. Si c'était effectivement un virus, il devrait faire attention. Comme il constata qu'il n'avait pas de fièvre et qu'il se portait somme toute plutôt bien, et il alla vérifier l'état de Neji. Celui-ci n'était plus dans son lit, et une tache de sang, pas tout à fait sèche et aussi grosse que son poing, s'étalait à côté du futon.


Kiba réveilla Ino rapidement, après avoir demandé à Akamaru de partir à la recherche de leur coéquipier disparu. Ils se préparèrent rapidement et dévalèrent les escaliers. Peut-être leur hôtesse l'avait-elle aperçu. En tout cas, il ne fallait pas qu'il soit parti dans l'état dans lequel il se trouvait.


Avant qu'ils n'atteignent la salle à manger, Akamaru revint vers eux, sans s'alarmer. Il sauta dans les bras de Kiba, qui répondit au regard interrogateur d'Ino avec un haussement d'épaule. Il était aussi perplexe qu'elle.


La vieille femme faisait des allers-retours entre la cuisine et la salle à manger, empilant plat après plat sur la table, devant un Neji pâle et visiblement très embarrassé. Il remerciait la vieille femme avec un sourire plat et revenait à la contemplation de son bol de riz à peine entamé. Deux autres couverts étaient posés de chaque côté de lui, ainsi qu'une écuelle, sur le sol.

Kiba et Ino s'installèrent sans plus de questions. Apparemment, et heureusement, tout était rentré dans l'ordre.


— Ça va mieux, toi ? demanda tout de même Kiba.

— Ça va, répondit Neji, laconique.

— Si quelque chose ne va pas, tu nous le dis, et on appelle une équipe médicale, d'accord ?


Kiba se rendit compte trop tard qu'il en avait encore trop fait. Il ne pouvait pas s'en empêcher, il avait besoin de s'occuper des autres, même s'ils ne demandaient rien. Neji, lui, posa son bol de riz couvert d'une épaisse couche de natto odorant sur la table, et but une gorgée de thé avant de répondre :


— Je vais bien, ne t'en fais pas. Je dois simplement être un peu surmené. J'irai voir un médecin en rentrant.


Même si son visage paraissait de prime abord inexpressif, on pouvait voir, en y prêtant vraiment attention, que ses yeux s'étaient plissés en un sourire qui n'atteignait pas sa bouche. C'était le genre de sourire que Lee ou Tenten auraient immédiatement remarqué, mais Kiba se demanda longtemps s'il l'avait vu ou s'il ne s'était agi que de son imagination. Quant à Ino, elle ne semblait tout simplement pas s'en soucier. Puis, Neji reporta son attention sur son bol, écartant les haricots gluants pour picorer le riz encore blanc qui se trouvait dessous, grimaçant à chaque fois qu'un peu de natto avait touché sa baguette.


— Tiens, dit Kiba en échangeant le bol contre le sien, qui ne contenait que du riz blanc. Tu t'embêteras moins. En tout cas, c'est vrai qu'on a beaucoup de missions en ce moment. Heureusement qu'on a le droit à des horaires aménagés. Il faudra que tu redemandes, peut-être qu'ils pourront te le réduire encore. Je pense que tu pourrais même descendre à une mission par semaine, comme Chôji. C'est bien ça, Ino, une mission par semaine ?


L'intéressée hocha la tête.


— C'est ça, répondit-elle en mâchant du bout des dents un morceau de poisson. Enfin, ils calculent ça en volume horaire, donc, c'est un peu plus compliqué, mais, globalement, on arrive à une mission de rang C ou D par semaine, le temps qu'il se remette. Normalement, il ne devrait même pas travailler du tout, mais avec tout ce qu'il faut faire en ce moment, on est tous complètement débordés. Heureusement, qu'avec notre statut de genin, on a quand même des limites, sinon je me serais écroulée depuis longtemps. J'en ai fait quatre depuis le début de la semaine dernière. Dont une de rang B ! Ça va faire tellement de bien de rentrer au village et de se reposer un peu !


Kiba et Ino continuèrent d'échanger sur leurs emplois du temps respectifs, tandis que Neji, silencieux, terminait son déjeuner, les yeux fixés dans le vide, pensif.


Ils partirent rapidement après cela, malgré les insistances de leur hôtesse à les laisser rester pendant une soirée encore. Konoha se trouvait à une journée de marche de là, ils arriveraient, sans se dépêcher, en début de soirée. Les chemins qu'ils empruntaient étaient régulièrement empruntés par des marchands qui se rendaient dans le sud du pays, aussi étaient-ils très bien entretenus. Ils se trouvaient dans un secteur aux alentours du village du Feu, dans lequel l'ordre régnait et où les principaux problèmes étaient surtout liés aux éboulements et autres glissements de terrain. En résultait un relief chaotique, couvert d'une végétation rase mais abondante, traversée par l'éventuel bras de forêt éparse.


Ils progressaient lentement, faisant des pauses toutes les trois heures pour remplir leurs gourdes. C'était le début de l'été, et le soleil resta haut dans le ciel pendant ce qui sembla être une éternité. La marche était paisible, débarrassée de l'empressement du début de mission. Il n'existait rien de mieux que rentrer à la maison.


Ils avançaient sur un chemin de cailloux à la pente légère quand Neji s'arrêta pour la première fois. Bien que plus lent que d'habitude, il avait marché sans interruption depuis qu'ils étaient partis au matin, confortant Kiba dans l'idée qu'il n'avait rien de grave, finalement.


— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Ino en descendant vers lui.

— Rien. Un caillou dans ma sandale... Je vous rejoins.


Ils obtempérèrent et reprirent leur chemin. Kiba se força toutefois à avancer plus lentement, afin de réduire l'écart entre Neji et lui. Il avait beau être un peu rassuré sur son état, il ne l'était pas complètement pour autant et, se connaissant, il savait qu'il se ferait du souci jusqu'à ce que ses espoirs deviennent des certitudes. Akamaru, lui, trottait tranquillement derrière Ino, qu'il avait pris en affection depuis qu'elle lui avait discrètement glissé sous la table les restes du poisson grillé du petit-déjeuner.


Kiba sentit soudain qu'on tirait sur la manche de son manteau. Il se retourna et vit Neji, qui lui fit signe d'être discret. Ils ralentirent encore l'allure, laissant Ino prendre une dizaine de mètres d'avance sur eux. Neji raffermit sa prise sur la veste de Kiba. Ses paupières étaient lourdes, sa respiration difficile et de grosses gouttes de sueur perlaient sur tout son visage. Son teint, habituellement d'un beige clair de céramique, avait pris un sous-ton olivâtre.


— Je crois que... que quelque chose cloche vraiment.


Discrètement, Kiba entoura le dos de Neji de son bras pour l'aider à avancer. Il semblait prêt à s'effondrer au moindre pas. Kiba le sentit raidir sous ce brusque contact, avant de se détendre et il dut lutter contre le sentiment étrange, mais pas désagréable, qu'il ressentait en touchant à travers le tissu cette peau, chaude et douce, mais ferme, témoignant des muscles fins qu'elle recouvrait, par endroits érodée par les blessures et la rigueur des entraînements.


— Il faut que tu me dises ce qui ne va pas.

— Je ne sais pas.


Il passa un revers de main sur ses lèvres, essuyant le sang qui poignait au coin de sa bouche. Ils contemplèrent tous deux les doigts maculés de rouge, sans un mot. Kiba ne savait plus comment réagir cette fois, c'était sérieux. Il ne connaissait aucun virus, aucune maladie avec de tels symptômes, mais le sang n'était jamais bon signe, surtout sans un choc préalable. De toute la mission, aucun d'entre eux n'avait été blessé. Malmenés, soumis à la météo et à l'environnement, oui, mais pas blessés.


Il se passait quelque chose de grave.


— Dis-moi au moins où tu as mal.

— J'en sais rien... partout. À la tête, surtout.


Une veine bleue pulsait à sa tempe. Il tenait son visage au creux de sa main et passait de temps à autre un doigt sous son bandeau frontal pour laisser passer un peu d'air.


— Enlève-le, tu seras mieux...

— Non !


La réponse avait été abrupte, sèche. Elle ne laissait pas de place à la discussion.


Ils continuèrent à marcher, lentement, jusqu'au village. Ino avait fini par se rendre compte du problème et ouvrait la marche, quelques mètres devant eux. La main de Neji était fermement serrée sur l'épaule de Kiba et les derniers kilomètres se firent au ralenti.


Les portes de Konoha étaient en vue. Il était presque midi. Le ciel n'offrait aucun nuage derrière lequel cacher le soleil, la chaleur ne serait plus douce pendant plusieurs mois.


Deux gardes se tenaient à l'entrée, abrités sous une cabane en bois. Le premier, quand il vit l'équipe arriver mal en point, fit signe au deuxième, qui fit à son tour signe à un troisième. Neji ne tenait déjà presque plus sur ses jambes et Kiba le portait plus qu'il ne le soutenait.


— Asseyez-le ici, ordonna le garde, un homme assez jeune au visage strict, en désignant un coin ombragé près de la muraille.


Kiba s'exécuta. Quand il fut installé, Ino s'accroupit devant lui et commença à l'examiner. À vrai dire, elle ne savait pas vraiment ce qu'elle devait faire et n'agissait que pour se rassurer en attendant les professionnels. Elle n'avait commencé sa formation de ninja médecin que deux semaines auparavant, et c'était tout juste si elle savait refermer les petits bobos sans gravité. D'un geste de la main, elle demanda à Kiba de s'écarter. Après un rapide examen, elle sentit tout le sang tomber de son visage. Dans toute autre circonstance, elle aurait été embarrassée de l'allure qu'elle devait avoir. Cependant, son apparence était le dernier de ses soucis.


— Il ne respire plus, laissa-t-elle échapper.


Elle n'avait pas voulu le dire, sentant Kiba déjà bien trop inquiet. Elle se tourna vers lui, désemparée. Il n'avait pas l'air d'avoir entendu et fixait un point du vide en se mâchouillant la lèvre inférieure. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ? Une voix dans sa tête, qu'elle n'avait pas envie d'écouter, lui chuchotait que Sakura aurait su quoi faire, elle. Qu'elle ne serait pas restée les bras croisés et qu'elle aurait fait ce qu'il fallait.


Elle appliqua une main sur le dos de Neji et se concentra. Elle n'avait jamais fait une chose pareille de sa vie, elle n'avait jamais eu que la théorie. Elle parvint pourtant à insuffler une infime dose de chakra. Rien d'assez puissant pour le soigner mais, elle l'espérait, au moins de quoi leur faire gagner du temps. Elle ne pourrait rien faire de mieux toute seule.

Ino se releva, fit face à Kiba. Elle plaça sa main sur son épaule, dans un effort qui serait sans doute vain et gratta au passage la tête d'Akamaru, ramassé contre les jambes de son maître.


Les secours arrivèrent enfin, après de trop longues minutes. Quatre ninjas médecins dans leurs tenues blanches firent irruption devant le poste de garde et hissèrent Neji sur un brancard, sans même adresser un mot à son équipe.

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