L'ombre de Kyuubi

Chapitre 7 : Maître des sceaux contre Maître des invocations, 3ème partie

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:18

Disclaimer : L’univers de Naruto appartient à Masashi Kishimoto, à l’exception du personnage de Leiko Amado.
Fanfiction réalisée à des fins non lucratives.
 
Format : Préquelle
 
Genre : Drame
 
Rating : Déconseillé  aux moins de 13 ans
  
 
 
 
 
L’ombre de Kyuubi 
 
CHAPITRE 6 : Maître des sceaux contre Maître des invocations, 3e partie
 
 
Par sevee
Janvier 2009
Merci à ma prélectrice, Akhésa

 
 
 
 
Dans la vaste région forestière qui abritait Konoha, un temps indécemment court avait suffit à défigurer une large étendue de terrain. La cicatrice restait petite au cœur des centaines d’hectares de forêt qui entourait le Village caché de la Feuille, mais monstrueuse au regard des responsables, deux shinobi, qui avaient réussi à saccager des arbres de cinquante fois leur taille et à balafrer la terre sur des centaines de mètres. Pour aboutir à un match nul, et à deux partis plus résolus que jamais à prendre le pas sur l’autre.
 
Le combat qui avait commencé dans une zone plus éclaircie s’était déplacé dans une part éloignée de la forêt, où les arbres commençaient à atteindre des hauteurs vertigineuses, culminant à 40, 60, voire 80 mètres, résultat d’un affrontement mythique où le Shodai Hokage avait utilisé sa technique Mokuton.
Au sol, Leiko Amado et le Quatrième Hokage se faisaient face, minuscules au milieu des troncs d’arbres colossaux. La fermeté, la dureté, se lisaient sur les deux visages, dans les yeux, dans la tension des corps fatigués. L’issue du combat était devenue imprévisible, remplacée par la certitude qu’aucun des deux adversaires ne cèderaient du terrain…
 
**
 
Bien, il semblait qu’elle n’avait plus vraiment le choix.
 
Dans toute la forêt l’air fut comme suspendu, alourdi, et la lumière prit soudain des reflets écarlates. Mais ce n’était pas le soleil de l’aube, ni celui du crépuscule qui donna sa teinte grenat aux particules en suspension dans l’air.
 
La chef de clan Amado utilisait son Jutsu Ultime.
 
 
***
 
 
« Comment puis-je gagner en puissance, Père ? »
 
« Quand tu fais rayonner l’aura d’un Démon… »
 
« Quel Démon, Père ? » interrompit la jeune élève.
 
« Celui que tu auras attiré, petite impatiente », rétorqua-t-il calmement. « Il n’en reste plus tellement de l’Autre Côté. Il y a… »
 
« Le Trois Queues ? »
 
« Mais non ! Ecoutes-tu vraiment pendant nos leçons ? Le Sanbi est à Tama depuis plusieurs générations, Leiko ! A l’intérieur de la jinchuuriki Akane Kubota, tu l’as déjà rencontré, tu te souviens ? »
 
La petite se concentra puis son visage s’éclaira : « Oui ! Akane-san est gentille ! Mais… » Elle fronça les sourcils : « Je me sens toujours drôle quand je passe à côté d’elle… » Son père allait lui répondre mais elle revint vivement à la conversation qui l’intéressait :
 
« Le Neuf Queues alors ? »
 
L’homme soupira.
 
« Par exemple, Leiko… par exemple. Donc, pour que rayonne l’aura du Kyuubi, il faudra affaiblir la frontière du Monde des Esprits. Plus tu amincis la frontière, et plus le chakra du Démon sortira. C’est comme une vanne de barrage, tu as déjà vu non ? »
 
La petite hocha vigoureusement la tête.
 
« Et donc en ouvrant ces vannes, tu peux te servir de ce chakra pour réaliser des techniques… Si tu arrives à t’entourer complètement d’une Carapace de chakra démon, c’est que tu as atteint la deuxième étape. Le chakra autour de toi te protège. »
 
La petite émit un couinement, à mi-chemin entre le soupir admiratif et l’approbation enthousiaste.
 
« Et selon le Démon dont tu te sers, la carapace n’aura pas le même pouvoir. Notre chef Amado-sama utilise le chakra du Neuf Queues pour réaliser sa technique de la Résine du Démon Renard ; c’est un chakra naturellement très dense et très nocif, il pourra donc engluer et agresser les ennemis. »
 
« Mais pourquoi Amado-sama n’est pas blessé, s’il se trouve à l’intérieur ? » demanda Leiko, captivée par son professeur improvisé.
 
« Parce qu’il ouvre la Frontière autour de lui. Les Amado sont ralentis eux aussi dans ce chakra, mais il ne nous agressera pas. »
 
Le père marqua un silence, puis reprit :
 
« D’autre part, au fil des générations, les Amado se sont peu à peu habitués au chakra des Démons. Cela nous fait moins d’effet qu’aux autres, c’est incontestable. »
 
Leiko approuva solennellement.
 
« Et il y a une troisième étape, Père ? »
 
 
***
 
 
Elle ferma les yeux, inspira et expira profondément, jusqu’à sentir chaque fibre de son corps.
 
Comment puis-je gagner en puissance, Père ? Ce n’était que l’écho d’une vieille pensée, d’un autre temps, où les Amado étaient encore nombreux à occuper leurs quartiers. Mais ce souvenir resterait gravé à jamais.
 
Les battements de son cœur ralentirent, se pliant à l’exercice mental requis. Visualiser les frontières, mouvantes, que seule son hérédité pouvait détecter…
 
Les esprits des hommes qui se pressent, cherchant à repasser dans le monde des vivants…
Les esprits des créatures mythiques –salamandres, crapauds, serpents et autres espèces- qui attendent d’être invoquées…
Et enfin les esprits démons, enragés, mauvais, frappeurs, par-delà les frontières…
 
Effacer son corps, jusqu’à ce qu’il ne soit plus un obstacle, mais une ouverture... Et laisser filtrer le pouvoir, laisser couler le pouvoir…
 
 
***
 
 
« Il y a une troisième étape, Père ? »
 
La voix de l’homme tomba dans les graves : « Oui, Leiko, il y en a une. Mais si tu l’utilises, tu cours de graves dangers. »
 
Il fit une pause pour être sur que sa fille avait bien enregistré. C’était inutile. On ne pouvait trouver d’élève plus suspendue aux lèvres de son professeur qu’en ce moment même dans tout le monde ninja.
 
« Dans cette étape, reprit-il, tu ne te contentes pas d’amincir la Frontière... Tu y crées un trou. »
 
Leiko écarquilla de grands yeux.
 
« Comment ? »
 
 « En devenant toi-même la frontière, le chakra du démon passe alors par toi. C’est pour cela que tu risques ta vie ; c’est une puissance tellement incroyable que ton corps finit par craquer.  Et il n’est jamais bon de toucher directement le chakra d’un Démon.»
 
La petite garda le silence, effrayée.
 
« Il y a même un Amado qui était tellement doué, il y a trois générations de cela, qu’il a réussi à passer de l’Autre Côté. »
 
Leiko poussa une exclamation admirative.
 
« Mais… il n’a jamais pu revenir de notre côté. Il a du se faire tuer par le Démon qu’il a trouvé dans le monde des Esprits, avant d’avoir eu le temps de revenir. »
 
La petite murmura un oh de dépit, restant songeuse un moment.
 
« Et si jamais le Démon passait par moi pour rentrer dans notre monde ? »
 
L’homme éclata de rire.
 
« C’est une très bonne question, Leiko ! Il ne peut pas, tout simplement. Toi et moi sommes bien trop petits pour qu’il puisse passer dans le trou que l’on crée. Les esprits démons sont bien trop grands ! »
 
« Grands comment, Père ? »
 
« Grands comme les montagnes où nous habitons, Leiko… »
 
 
***
 
 
Visualise la Frontière comme un tissu, fait d’un réseau de mailles. Harmonise ton chakra avec la Frontière. Fusionne avec les mailles, et chasse-les jusqu’aux extrêmes limites de tes membres, vers la tête, les orteils, et les doigts, pour devenir un accroc dans le tissu, un trou dans la Frontière, entre notre monde et celui des esprits.
 
Devient le passage, devient le pont. Et puise directement dans la source de pouvoir.
 
 
Et obtient la puissance.
 
 
 
« ART DES FRONTIERES. LE CHAS DU DEMON. »
 
 
 
Il y eut comme un gémissement lorsqu’une coulée de pouvoir se déversa dans la réalité des deux ninjas. Le corps de l’Hogosha s’assombrit, et exhala un pouvoir orangé et poisseux, moitié bouillonnant, moitié coulant. Un immense magma de chakra se déversa dans un flot que le Quatrième devina plus pur, plus concentré qu’auparavant. Quelques bulles s’échappèrent du corps de la coulée et dérivèrent dans l’air, comme des tâches d’huile dans l’eau.
 
Si la Résine du Renard était une technique difficilement supportable, ce n’était rien comparé à ce qu’était devenue l’atmosphère maintenant. Le visage de la jeune femme devint méconnaissable. Terrible. Rougeâtre et un peu… transparent. La kunoichi avait perdu de la consistance. Etait-elle même encore dans ce monde ou dans une réalité vue par elle seule ? pensa-t-il fugitivement.
 
Le flanc de l’Hokage se remit à sourdre douloureusement, comme si le « quoi que ce soit » qui le rongeait se trouvait étrangement excité par le chakra ambiant. Le chakra rougeâtre fluctua par vagues au rythme des pulsations d’un immense cœur, ou peut-être d’une malfaisance qui prenait connaissance de son environnement. Mais quoique ce fût, cela battait au même rythme que sa blessure.
 
Les branches puis les troncs des arbres se plièrent, craquèrent, prirent feu tandis que le mur du temple invoqué par le Quatrième résistait… pour le moment. Le sol commença à s’affaler autour de la kunoichi, soumis aux mêmes distorsions que l’air. Il ramena les bras devant son visage, incapable de soutenir du regard la bouche de l’Enfer, le vent brûlant et dévastateur qui s’en échappait.
 
Une violente rafale le projeta à vingt mètres, et l’aurait sans doute traîné plus loin si le tronc d’arbre qu’il avait brisé en le heurtant ne l’avait pas ralenti. La dernière image claire qu’il eu d’elle fut un corps atrocement déformé qui rayonnait, non, expulsait tout ce qui se jouait maintenant. Comment pouvait-elle résister ? Comment pouvait-elle seulement survivre ?
 
Il se força à se remettre debout, à ne pas se laisser anéantir par les pulsations de sa blessure, par la sensation nauséeuse qui l’étreignit. Et cette soif de destruction, cette malfaisance, qui lui soufflait de se laisser prendre… Les battements dans son flanc devinrent des martèlements. Un bras tenant son côté, l’autre protégeant son visage, le jeune Hokage avança contre la puissance du souffle. Un pas… puis un autre, il ne pensa qu’à continuer à progresser.
 
Shhhh, ne résiste pas…
 
Ce fut comme un murmure dont il ne saisit que quelques échos.
 
Moucheron… croquerai…
 
Il lui sembla même sentir l’haleine chaude comme un four qui avait prononcé ces mots. Il ne pouvait l’avoir imaginé. Mais il ne put déterminer si cela venait de l’esprit qui s’échappait par l’Hogosha ou du cœur même de sa blessure. Les mâchoires contractées, l’estomac révulsé, il ne se concentra que sur son objectif, un pas devant l’autre.
 
Il atteignit enfin l’entrée du Temple de la Forêt miraculeusement resté debout et s’y abrita. L’accalmie fut immédiate. Les martèlements et la voix se turent, les sons de la tempête s’assourdirent. Ce n’était qu’une porte, pas un véritable abri au sens du terme –ni murs ni toit- mais le caractère sacré semblait agir même là, surtout là. Il tomba à genoux, s’appuyant contre l’un des immenses montants de pierre, et s’autorisa à reprendre sa respiration dans cette poche d’air pur.
 
Le flux de chakra passait à distance des montants, repoussé comme la pile d’un pont brisant le courant, et se rejoignait quelques mètres plus loin pour s’étendre encore au-delà de la porte. Le spectacle était à couper le souffle. Il eut la sensation d’observer une tempête de sable à l’abri d’une bulle de verre.
Ainsi, c’est ça la puissance d’un Bijuu… ce chakra terrible, cet esprit malfaisant. Une telle quantité de chakra ne peut être contrôlée ?! Je… je dois protéger le village de ce fléau. Coûte que coûte.
 
Soudain, quelque chose changea ; le flux de chakra s’accéléra, le rougeoiement dans l’air s’intensifia. La qualité même de l’air changea, se chargeant de relents moites et chauds. Un craquement se fit entendre et une fissure courut sur l’une des portes du temple. L’Hokage n’eut que le temps de bondir sur ses pieds que dans un autre craquement sinistre l’un des deux battants se brisa et qu’une colonne de chakra jaillit au travers des portes. Il s’éloigna du temple en plusieurs bonds alors qu’un fracas épouvantable retentit. Le linteau de pierre de plusieurs tonnes s’effondra, emportant avec lui la deuxième porte et l’un des piédroits.
 
Hors du temple au trois quart écroulé, la tempête atteignit son paroxysme.
 
Désormais sans protection, le ninja risqua un regard vers son adversaire : Leiko Amado avait disparu, au profit d’une silhouette sombre aux traits impénétrables, une forme plus noire que rouge vaguement humaine. Au cœur de la silhouette naissait l’origine de la tempête et autour d’elle le magma de chakra continuait à s’épanouir en corolle. Au niveau de ce qui avait été un buste, un éclat blanc apparut. L’Hokage se força à regarder, ses yeux à vifs laissant couler malgré lui des larmes aussitôt séchées. Peu à peu sa vision se précisa. Occupant pratiquement tout l’espace du buste, blanc, brillant, affûté… des dents.
 
La rangée de dents descendit peu à peu et laissa apparaître un petit œil injecté de sang et cerné de noir. Il tourna un peu, fouillant son environnement.
Pendant un bref instant, tétanisé, une image s’imposa avec force à l’Hokage : un œil avide qui regardait par le trou d’une serrure.
 
L’œil de Kyuubi. 
 
Le globe continua son repérage avant de venir se poser sur lui. Le Quatrième frissonna. L’œil alors se plissa, et l’écho se fit à nouveau entendre, distinctement cette fois.
 
Moucheron, Je te croquerai… Je vous croquerai tous.
 
Le jeune homme eut un mouvement instinctif de recul. Comme un écho aux paroles, la tempête forcit encore. Des flammèches naquirent à distance de la silhouette et se répandirent aux alentours, laissant une plaie noire sur tout ce qu’elles léchaient. L’Hokage leva ses avant-bras pour se protéger du souffle blessant et posa péniblement un genou au sol, déterminé à ne pas reculer.
 
Se fut sa dernière action cohérente avant que le tumulte total de la tempête ne s’abatte sur lui.
 
Le Quatrième ne put littéralement plus bouger. Le moindre mouvement pour réaliser une technique menaçait de lui faire perdre l’équilibre précaire qui le maintenait en place. Les muscles tendus à l’extrême, douloureux, il lutta contre une nouvelle vague de nausée, sensation désormais familière du chakra.
Il ne pouvait plus utiliser ses sens, ne pouvait plus bouger, ni établir le moindre contact avec le monde physique. Il ressentit quelques terribles secondes de confusion totale avant de constater que ses pensées au moins étaient contrôlables.
 
Elle ne bouge pas. Elle ne fait strictement rien de cette énergie. Aucune technique, que cette tempête de chakra pur. Elle n’en est peut-être pas capable. Ou peut-être n’est-ce qu’une démonstration.
 
Une démonstration. L’Hokage repassa en tête toutes les techniques qu’il connaissait, et une douloureuse évidence le frappa ; il ne connaissait aucune parade, aucune, qui puisse stopper CA même temporairement sans qu’il y laisse des plumes. Des techniques interdites –et il en connaissait plus qu’il ne convenait à son âge–  qui le laisseraient plus mort que vif, pour avoir le dessus sur une femme qui lui faisait peut-être une démonstration.
 
Aucune assurance qu’il pourrait avec certitude briser sa technique et maîtriser la kunoichi en même temps.
 
Et l’arrière-pensée omniprésente qu’il ne pouvait pas mourir avant d’avoir mené à bien le Projet de Paix des Cinq Grandes Nations.
Il avait le charisme, il avait la réputation, il en avait la volonté et la conviction. Lui seul en était capable. Il n’avait pas peur de mourir. Mais ce n’était définitivement pas le moment.
 
Mais il était Hokage. Il existait pour les moments comme ça. La menace immédiate, la protection immédiate. Les projets et leur pérennité étaient un luxe quand on occupait cette place. Il n’avait pas vraiment le choix. Il devait maîtriser cette femme.
 
**
 
Pour l’Hogosha, la perception des événements s’était distordue au cœur du rayonnement, entre les frontières spirituelles et celles du monde réel. A un moment elle regardait le monde des humains, l’instant d’après c’était le monde des esprits qui s’étalait devant ces yeux. Elle n’avait pas vu le temple s’écrouler. Il lui semblait que des kunai explosifs lui avaient été lancés dessus, sans succès évidemment.
 
La jeune femme ne sut exactement combien de temps s’était passé quand son deuxième véritable repère arriva : l’Hokage qui se dressa devant elle, et qui stupidement, laborieusement, avança d’un pas malhabile dans sa direction. Ce fou tentait de s’approcher d’elle.
 
Une attaque à distance n’aurait pas plus marché, mais elle aurait compris. Ici il n’y avait aucune logique. En réponse, elle intensifia l’expulsion de chakra. Il ralentit, sans pour autant cesser de tenter d’avancer.
 
Pourquoi ne se met-il pas à couvert ? s’irrita-t-elle. Croit-il toujours que Kyuubi est une menace qu’il peut gérer ? Le pic d’irritation devint une colère sourde. Il va brûler avant d’avoir approché plus. Je vais lui montrer. Il va brûler, griller, étouffer. Je vais le tuer. Le souffle s’accéléra encore, et un hurlement enragé se fit entendre. A peine humain, mais l’on devina une tessiture de femme.
 
La lumière orangée prit des teintes rouges écarlates. L’air s’alourdit encore et les végétaux encore debout reflétèrent des teintes éclatantes, surnaturelles. L’environnement n’était plus sain, n’était plus viable.
 
**
 
Arrêter d’analyser pour ne pas affaiblir son esprit de crainte. Un pied devant l’autre, une technique interdite en préparation, et une bonne dose de suppositions. Supposer que l’Hogosha n’avait pas les moyens de réaliser une technique. Supposer que le flot allait se tarir avec l’épuisement de son adversaire, qui devenait facilement tête brûlée. Supposer qu’il ne se ferait pas toucher par les flammèches noires qui brûlaient autour de l’Hogosha.
 
Voilà ce qui constituait le va-tout du jeune Hokage. Il valait mieux faire abstraction des martèlements dans sa blessure qui s’affolaient. Et du fait qu’il était seul, qu’il les avait à nouveau enfermés dans un périmètre de quelques centaines de mètres, et qu’il ne pourrait pas plus s’échapper que des renforts survenir. C’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour contenir l’Hogosha et la Bête, ce chakra dévastateur, polluant, et d’éviter la mort des siens.
 
Il sentit que sa technique était fin prête, il devait juste s’approcher plus… Plus près… le Quatrième commença à distinguer des traits sur le trou noir qu’était devenu le visage de son adversaire. De temps en temps, il distinguait également un reflet blanc, l’œil cruel du neuvième démon, qui guettait, encore et encore. Encore un pas, puis un autre, si difficiles… Il jeta ces dernières forces dans les derniers mètres ; la jeune femme ne le menaçait toujours pas…
 
Un simple vecteur passif d’une puissance dépravée.
 
Il allait l’avoir. Ses mains le démangèrent, sa technique fourmilla sous sa peau, attendant le contact qui la libérerait…
 
Il s’arrêta net, à deux doigts de s’envoler. Il ne put aller plus loin. Il injecta plus de chakra dans ses pieds pour se maintenir au sol, plus de chakra autour de lui pour minimiser son contact avec l’air environnant.
 
Le jeune homme résista et força encore, alors qu’une vague chaude se répandit dans son ventre. Il n’y prit pas garde, concentré sur les derniers mètres à franchir. Il comprit son erreur lorsque des milliers d’aiguilles fusèrent dans son thorax. Le sceau qui contenait sa blessure avait craqué.
 
Il s’affaissa et emporté par les rafales, perdit des dizaines de mètres.
 
Perdit tout court.
 
**
 
La partie de l’Hogosha qui n’était pas mobilisée par le maintien de l’ouverture jubila quand l’Hokage tomba. Un sourire aurait pu naître sur le visage absent. Il ne lui fallait qu’un peu plus de puissance. Encore un peu plus, pensa-t-elle cruellement, et il brûlera.
 
Comme les autres, lui répondit une pensée.
 
Son corps se tendit sous l’effort. Encore un peu, juste un peu… C’était déjà si dur d’expulser ce chakra, et totalement incontrôlable. Elle résista et durcit son contrôle. L’écho fit à nouveau incursion dans son esprit :
 
Tu es faible.
 
Elle ne se laisserait pas déstabiliser.
 
Tu n’as pas la moitié de la force de ton clan. Tous ceux que J’ai croqués il y a douze ans. Brûlés. Veux-tu les rejoindre ?
 
La prise mentale sur sa technique se relâcha. Elle hurla sa pensée, haineuse : La ferme ! La ferme foutu Renard ! Maudit sois-tu Démon !
 
Des secousses rauques –un rire ?- se firent entendre. La technique se brisa. Le flux commença lentement à se tarir. Un nouvel écho, rageur cette fois-ci, se fit entendre :
 
Tu es si faible, tu ne l’as pas eu. Je le voulais. Un moucheron à écraser. Un esprit à dévorer. Je te tuerai toi aussi. C’est une promesse, Amado. Je vous tuerai tous.
 
Ce fut les derniers mots du neuvième démon légendaire. L’ouverture entre les dimensions se ferma, et la jeune femme reprit de la subsistance. Le tumulte s’apaisa, et le silence qui s’ensuivit fut assourdissant. Son corps rayonnait d’une lueur orange, et ses yeux luirent un bref instant de la folie meurtrière de Kyuubi lorsqu’elle fixa le corps prostré au sol non loin d’elle.
 
Il y avait du chakra autour de lui, utilisé pour adhérer au sol. Il était à terre, à la merci d’un kunai. Elle aussi.
 
L’Hokage leva la tête et leurs regards se croisèrent. Ils s’observèrent sans bouger, harassés.
 
Il ne peut plus rien faire, constata-t-elle en observant le Quatrième serrer les poings et les dents de colère et de douleur, dans une vaine tentative pour se remettre debout. Il est allé au-delà de ces limites physiques. Elle fit un pas. Un rideau blanc lui tomba devant les yeux. Elle se fit violence pour ne pas s’évanouir. Dans le même état que moi, compléta-t-elle. Elle lutta un peu plus, le fixant du regard.
 
Je ne vais quand même pas l’épargner ? Si près ? Ne pas trouver la force de lancer un kunai ? L’Hogosha sentit des tremblements inréprimables monter du tréfonds d’elle-même et se répandre dans ses membres. Je dois partir. Mais pas avant qu’il ait compris.
 
« Maintenant qu’il semble évident que vous ne m’arrêterez pas… » Comment les mots pouvaient être aussi difficiles à prononcer, les pensées aussi décousues ? Elle se força, la bouche pâteuse. « Un mois… Vous avez un mois… », elle déglutit,  « …de réflexion, pour réfléchir à cette alliance. Passé ce délai… signifiez votre accord à Tama. »
 
Il n’était pas nécessaire de préciser le Ou sinon. Il baignait toute la scène. L’ombre de cette abomination s’étendait sur des kilomètres.
 
Ils s’observèrent encore une seconde, ne sachant si s’épargner était envisageable après tant d’efforts pour s’annihiler. Elle décida pour lui. Tournant les talons elle s’enfonça précipitamment dans la fournaise. Il la vit disparaître dans l’air brûlant, impuissant.
 
 
*****
 
Leiko avançait dans un état second, le pied incertain. Les mêmes pensées tourbillonnaient dans son esprit, ne s’arrêter sous aucun prétexte, continuer à avancer. Ne pas penser à la fatigue, à Kyuubi, à ce qui l’arrêterait. Penser à… C’était une sorte de victoire, ça ? La gardienne sentit un sentiment d’exultation qui la distrait un moment de son épuisement.
 
Elle avait réussi à échapper au Quatrième Hokage, laissé plus mort que vif, incapable de riposter. Pas plus que moi.  Elle réprima la pensée importune, et esquissa un simulacre de sourire. Je crois que je suis forte.
 
Il n’avait pas d’autre choix que de devenir un allié maintenant. Parce qu’il allait survivre, de ça elle en était certaine. L’un des plus talentueux ninjas du moment, allié aux Amado. Elle avait prouvé sa force auprès de l’Hokage. Et moyennant quelques arrangements avec la vérité auprès du Kuukikage, on pouvait considérer sa mission comme un succès total.
 
Alors qu’elle réfléchissait à un mensonge plausible, quelque chose de chaud coula sur ses doigts ; elle baissa distraitement les yeux et trébucha sous la surprise : ses mains enflées étaient rouges de sang et des lambeaux de peau s’étaient décollés par endroits. Sous ses yeux, ses avant-bras enflammés prirent une couleur inquiétante.
 
Leiko n’en avait pas pris conscience, dans l’intense concentration du combat ; ce n’est qu’à cet instant qu’elle prit la mesure de sa folie : la troisième étape.
 
« En devenant toi-même la frontière, le chakra du démon passe alors par toi. C’est pour cela que tu risques ta vie ; c’est une puissance tellement incroyable que ton corps finit par craquer.  Et il n’est jamais bon de toucher directement le chakra d’un démon.»
 
La troisième étape, celle où d’immenses puissances passaient au travers de son corps ; celles où elle drainait le chakra brut du démon Kyuubi, avec comme seule barrière protectrice une vague accoutumance héréditaire au fil d’expositions prolongées aux chakras démoniaques.
 
Ce qui n’avait jamais fait des Amado des immortels.
 
Et dans le même temps où elle prit conscience de ça, ses pieds se dérobèrent sous elle et la kunoichi s’écroula.
 
Ses avant-bras la cuisaient, sa peau entière était devenue une combinaison d’acide, et dans un éclair de lucidité et d’affolement elle comprit que jamais elle n’atteindrait Tama. Elle mobilisa ses dernières forces pour murmurer : Sawa…
 
Avant de fermer les yeux, alors qu’elle se laissait aller, ses pensées dérivèrent vers l’Hokage, qui lui ne possédait pas les défenses génétiques permettant de résister au chakra des démons légendaires… Il ne pourrait jamais résorber la blessure qu’elle lui avait faite au flanc. Jamais. Le danger du Kyuubi était gravé dans sa chair.
Sa dernière pensée, incongrue, fut d’espérer que convaincre cet homme valait le coup qu’elle flirte avec la troisième étape.
 
**
 
Plus tard, bien plus tard, des patrouilleurs de Tama signalèrent la présence d’une imposante salamandre, filant à toute allure vers les hauteurs du village, transportant sur son dos une silhouette immobile et rouge, et laissant dans son sillage une odeur de sang.
 
Plus tard encore, le vieux medic-nin Taira pinça les lèvres devant l’ampleur de la tâche qui l’attendait ; quand enfin il les desserra, ce fut pour ne lâcher qu’un mot : Kyuubi.
 
Cela faisait au bas mot une douzaine d’années qu’il n’avait plus vu un Amado arriver dans cet état ; si elle survivait, deux jours de soins intensifs, une semaine de surveillance et un mois de repos, sans missions ni entraînements seraient nécessaires pour remettre celle-là sur pied.
 
Mais il avait bon espoir : l’Hogosha était encore jeune et n’avait pas abusé de ce genre de jutsu. C’était même étonnant de sa part, elle qui avait la tête sur les épaules.
 
Et bien des progrès médicaux ont été accomplis en douze ans, lui fit remarquer une jeune assistante, mais ce fut avant de voir la patiente, recouverte d’une épaisse pellicule de sang qui masquait bienheureusement la détérioration des parties supérieures de l’épiderme, brûlées, et des dégâts subis en profondeur.
 
Il haussa les épaules : progrès médicaux ou pas, le chakra du Kyuubi était toujours aussi corrosif.
 
**
 
A plusieurs centaines de kilomètres de là, bien avant que la salamandre n’arrive à destination, une poignée d’anbus attendait l’arrivée du sannin Jiraya, encerclant leur Hokage, haletant, en faisant mine d’ignorer ses traits marqués par la souffrance. D’autres étaient occupés à éteindre les multiples foyers de feu à grand renfort de techniques d’eau. Tous semblaient affectés, un peu malades, par les relents de chakra qui polluaient l’air.
 
Plus d’un maudit l’absence de la magistrale Tsunade qui avait quitté le village, et deux medic-nins se relayèrent auprès du Quatrième en attendant Jiraya, en vadrouille comme à son habitude, qui scellerait temporairement la blessure que leur Hokage leur interdisait de toucher.
 
Une heure fut nécessaire pour trouver le sannin. Il arriva avec éclat, comme à son habitude, sortant de la bouche béante d’un crapaud de près d’un mètre cinquante soudainement apparu au beau milieu du cercle de ninjas.
 
« Oy ! On m’a demandé ? » dit-il en se redressant de toute sa carrure.
 
Il tourna la tête, observant le paysage alentour ; la végétation épargnée du feu rayonnait d’une lueur orangée, fluorescente, qui se reflétait sur le visage des ninjas alentour, leur donnant à tous un air fiévreux. Tous attendaient les premiers mots de l’ermite aux grenouilles, le verdict du grand sannin qui pourrait expliquer l’horreur et le mystère de cette scène. Jiraya observa encore un bref instant la vapeur s’élevant du sol fumant et des arbres noircis et se racla la gorge.
 
« Hmm… Tu comptes ouvrir des bains publics ici ? »
 
Il observa son ancien élève, adossé au vestige d’un tronc d’arbre, suant à grosses gouttes, ainsi que les silhouettes blanches à ses côtés. L’élève en question grimaça un sourire :
 
« Se serait une idée... »
 
« Bon. Reculez les p’tits Tsunade ! » lança-t-il en ponctuant sa phrase d’un claquement de Gêta. Il s’agenouilla. « Tu es tendu… Un problème ? »
 
« Ici, désigna le jeune homme d’un vague geste de la main, ne relevant pas l’ironie de son sensei. Pendant le combat, je me suis apposé un sceau élémentaire… sur une blessure, faute de mieux. Ca a bien résisté… un temps. »
 
Jiraya fit une moue peu encourageante.
 
« Qu’est-ce que tu as scellé exactement ? »
 
« Une blessure de Démon. »
 
Le regard de Jiraya se fit encore plus attentif. Il écarta le pan du veston du jeune homme et observa attentivement la blessure, passant et repassant plusieurs fois la main au-dessus du ventre abîmé.
 
« La blessure a été faite sur ton flanc, non ? »
 
Un grognement lui répandit.
 
« C’est plus sombre à cet endroit, mais le mal se répand. Une grande partie de ton buste est contaminé. C’est sérieux… et instable. »
 
Il baissa la voix :
 
« Mais les docs auraient pu te faire un sceau temporaire et te ramener à l’hôpital, en attendant mon arrivée ?? »
 
« Jamais je ne rentrerais à Konoha sur une civière » gronda le Quatrième entre ses dents.
 
Jiraya resta interloqué face à cet aspect du jeune homme qu’il ne soupçonnait pas. Fierté déplacée ? Volonté de maintenir intacte son image de protecteur de Konoha ? Il ne put en apprendre plus car le jeune homme se calma aussitôt.
 
« J’ai donné l’ordre aux anbus de maîtriser la périmètre et de faire leur rapport au Troisième et à lui seul. »
 
« Quoiqu’il se soit passé ici, tu veux tenir ça secret, hein ? »
 
Face au mutisme du jeune homme, Jiraya sourit, et continua : « Et un Hokage à l’hôpital serait assez difficile à tenir secret n’est-ce pas ? Compris, je te refais le même sceau. L’essentiel pour l’instant est d’empêcher la blessure de progresser. On verra plus tard comment résorber ça. »
 
Et pendant qu’il effectuait les gestes, Jiraya murmura :
 
« Qui t’a fait ça ? »
 
« Une shinobi de Tama, coriace. Et accessoirement démoniaque. Elle a réussi à s’enfuir. »
 
Jiraya sourit. Alors c’était donc ça. La blessure la plus cuisante était celle de son amour-propre. Il termina le scellement, et planta ses yeux noirs dans les siens.
 
« Tu as raison, petit, les civières c’est dépassé. Pour le retour, tu préfères t’appuyer sur ton ancien sensei ou revenir à dos de crapaud ? C’est la dernière tendance… »
 
Il se mit à rire bruyamment, se releva et regarda la zone de combat.
 
« Hum, les traces de l’ennemie ne seront pas difficiles à suivre… »
 
« Inutile, je sais où elle est partie. »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
A suivre…
 
 
 
NOTES
 
Ce chapitre a été bien moins difficile à écrire que la partie deux du combat, même si je meurs de honte quand je vois le temps de publication entre chaque chapitre. Hum. Bref j’ai adoré écrire ce chapitre autant sur le fond que sur la forme. Sur la forme, quand je rejette un coup d’œil à mes anciens chapitres, je trouve mon style lourd. J’ai l’impression que c’est moins le cas maintenant, d’avoir gagné en fluidité. J’attends vos retours sur ce point, mais en attendant je suis contente sur la forme, donc. Sur le fond, on pourrait dire que ce chapitre clos « la première saison » de ma fanfic. Les éléments principaux sont mis en place, maintenant on va s’acheminer doucement vers l’inéluctable dénouement... entrecoupé  de quelques rebondissements.
J'essaie vraiment de faire une préquelle la plus vraisemblable possible, même si les derniers développements du manga ont rendu certains aspects de mon histoire "erronés".
Je sais que j’ai jamais bien fait la « quête aux commentaires » dans mes précédents chapitres mais… Si vous avez suivi cette fic jusqu'à présent –ou arrêté en cours de route- j’aimerais vraiment avoir des retours !
 
Gêta : Chaussures ouvertes japonaises à semelles de bois.
 
Hogosha : Gardien, Gardienne
 
(Kuukikage) Kuuki : Air, atmosphère
 
Mokuton : Technique élémentaire du Bois, résultant de la combinaison des éléments Eau et Terre.
 
Tama : Esprit, Ame
 

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