Naruto Préquel | Le Prologue

Chapitre 5 : Hama

4935 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 1 an

Octobre – Vingt-six Ans avant la Fondation de Konoha

Pays du Feu

1.

Sautant d’arbre en arbre à la vitesse d’un éclair, Hideaki portait sur son dos Katana, plongé dans un sommeil non troublé par les gouttelettes de rosée qui se butaient contre son visage. Le capitaine espérait que sa mère sauverait le jeune homme, mais avec les faibles moyens et le niveau de médecine qui laissait à désirer dans son clan, cela serait comparable à un miracle. Après tout, beaucoup de ses compagnons mourraient de blessures bien moins graves que celle-ci.

— Nii-san ! tonna Nobara derrière lui, le faisant ressurgir de ses pensées.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu m’as percé les tympans ! dit-il en ralentissant sa cadence.

— Je t’appelle depuis une heure et, toi, tu m’ignores ! J’ai senti le chakra de Hama Senju, on s’en rapproche de plus en plus.

— Quoi ? s’écria l’aîné. Tu pouvais pas me le dire directement, bon sang ?! Arrêtons-nous ici, essaye de définir sa direction.

— Ne me parle pas sur ce ton et ne me donne pas des ordres ! Bien sûr que j’allais le faire !

Debout sur une branche, Nobara ferma les paupières et forma une mudra. Elle fronça les sourcils et transmit son chakra à travers la rosée, ce qui lui permit de suivre les mouvements de son ennemie. Le capitaine descendit de l’arbre et adossa Katana contre le tronc. Le regardant faire d’en haut, Hanako remua ses lèvres, mais aucun son n’en sortit. Quand Hideaki leva la tête vers elle, elle balbutia d’une voix à peine audible :

— Qui… est Hama ?

— La fille du chef des Senju, répondit-il d’un air nerveux. C’est la plus puissante utilisatrice de genjutsu dans son clan.

— Je vois…, balbutia Hanako, sans pouvoir cacher l’amertume qui accompagna son intonation.

— Elle peut piéger un grand nombre de personnes à la fois avec sa technique. Les méthodes classiques ne suffisent pas pour contrer son genjutsu.

— Pas même le sharingan ?

— L’utilisateur du sharingan ne peut pas s’en libérer seul, mais deux utilisateurs peuvent synchroniser leurs genjutsu. Chacun impose le sien sur l’autre, puis l’annule. Cela suffit à libérer les deux utilisateurs. C’est la tactique que nous avons adoptée, Nobara et moi, contre elle.

— Je comprends… donc si jamais nous nous battons contre elle, nous devons éviter de nous séparer.

— Exactement.

— Elle se dirige vers la forêt des Senju, déclara Nobara. Elle n’est pas seule, un shinobi lui tient compagnie. On fait quoi, nii-san ?

Hideaki porta son regard sur Katana qui venait d’ouvrir les yeux.

— Veux-tu qu’on laisse Hanako nee-chan accompagner Katana et qu’on l’affronte pour sécuriser leur arrivée au clan ?

— Mais Hideaki n’est pas dans la meilleure condition pour se battre, Nobara-chan, intervint Hanako. Je pense qu’on devrait chercher un moyen de les éviter carrément…

— Ne vous souciez pas de moi, dit Katana d’une voix lasse. Tôt ou tard, je vais mourir. Retirez-moi de vos calculs, je n’ai pas l’intention d’être un fardeau pour vous !

— Tu ne l’es pas ! rugit son aînée. Hors de question qu’on t’abandonne ! Tiens bon… on y sera bientôt et… Sayuri-sama va…

Katana lâcha un rire, vite étouffé par la douleur qui oppressa ses poumons.

— Cette vieille vipère va me tuer de ses propres mains.

Les bras croisés, le capitaine scruta son coéquipier.

— M’en veux pas, nii-chan… parler de ta maman comme ça, mais je vais mourir, je peux me permettre de dire mon avis au moins.

Incapable de refouler davantage la tristesse qui pesait sur son cœur depuis la veille, les larmes s’accumulèrent dans les yeux de Nobara, dont le sharingan s’activa aussitôt avec l’émergence d’un troisième tomoe. Elle descendit de son arbre et se jeta sur Katana en sanglotant.

— Espèce de crétin ! pesta-t-elle en frappant son torse. Ne parle pas ainsi de ma mère !

Un tendre sourire naquit sur les lèvres pâles de l’espion. Il entoura sa cousine de ses bras et la serra contre lui. Devait-il se réjouir du fait qu’il comptait pour elle ou se lamenter de lui avoir causé autant de chagrin ? Il ne saurait donner un nom à ce sentiment qui picotait son cœur.

— Ne pleure pas, Nobara-chan! C’est promis, mon esprit continuera à te hanter après ma mort.

La jeune combattante pouffa contre l’épaule de son ami, puis se redressa en essuyant ses larmes. Pourquoi pleurait-elle ? Pourquoi sa poitrine se serrait-elle ? Katana n’était qu’un imbécile après tout !

— Tu es incorrigible, marmonna-t-elle.

— J’ai un plan qui pourrait sauver Katana, déclara Hideaki.

— Vraiment ? s’écria Hanako, une lueur d’espoir brilla dans ses yeux. Comment ?

— On laissera les Senju le soigner…

— Quoi ?

L’aîné s’agenouilla devant son coéquipier et activa son mangekyou sharingan, déterminé à accomplir son plan.

— Katana, active ton sharingan et regarde-moi dans les yeux.

Avant que le jeune shinobi n’exécutât les instructions de son capitaine, Hanako agrippa le poignet de ce dernier.

— Arrête, Hideaki ! le réprimanda-t-elle. Pas cette technique ! Ton corps ne va pas supporter que tu t’en serves encore une fois.

— Je ne vais pas altérer ses souvenirs, seulement les sceller… ça ne consomme pas autant de chakra.

— Les sceller ? balbutia-t-elle.

— Oui. Mon œil droit possède le pouvoir de modifier les souvenirs, tandis que le gauche me permet de les sceller. Nous allons utiliser Katana comme appât. Afin d’obtenir les renseignements qu’ils désirent de lui, les Senju seront obligés de le soigner pour le maintenir en vie. Ce sceau va le protéger de dévoiler des informations sur nous et, en revanche, ce serait à lui de profiter de sa présence dans le domaine Senju pour les espionner.

— C’est comme tu veux, nii-chan. Si je dois mourir, autant me rendre serviable. En plus, notre mission a échoué à cause de moi, j’ai pas le culot d’affronter Akira…

Katana activa son sharingan aux deux tomoe et fixa celui de son cousin. Contrairement aux fois précédentes, où les victimes s’endormaient après avoir subi la technique de Hideaki, le jeune shinobi demeura conscient.

— Et si… ils le tuent ou le torturent ? maugréa sa grande sœur, toujours non convaincue. À mon avis, nous devons éviter de faire face à eux. Nous ne sommes pas sûrs qu’ils vont le soigner !

— Hanako, l’interrompit-il en retirant sa main. Fais-moi confiance, je suis tout aussi inquiet pour Katana que toi.

La jeune femme fixa son cadet d’un air triste. Elle avait déjà vu mourir un frère, l’idée de perdre un autre l’angoissait au plus haut point. Katana représentait ce qu’elle avait de plus cher dans ce monde. Il y avait à peine trois jours, elle avait dit à Hideaki qu’elle estimait ses qualités de capitaine, mais là n’était pas la question. Elle préférait se cramponner à l’espoir que Sayuri pourrait soigner Katana plutôt que de s’attendre de ses ennemis à le faire. Elle ne voulait rien leur devoir. Pas encore une fois !

— Je sais, mais…

— Hama Senju aime faire croire que son clan est fondé sur l’amour et l’amitié. Elle n’hésitera pas à faire preuve de générosité pour le démontrer et inviter Katana à rejoindre leur camp. Heureusement pour nous, c’est un espion et les Senju ne le connaissent pas.

Hanako hocha brièvement la tête. Comme pour contredire ses craintes, le souvenir de la jeune Senju – qu’elle avait rencontrée au Pays des Tourbillons – la frappa de plein fouet.

Serrant le tissu du kimono dans ses poings, elle s’était efforcée d’esquisser un sourire afin de cacher la gêne qui la rongeait au contact de cet habit – qui portait le symbole de ses ennemis – contre sa peau. « Magnifique ! Tu le mets parfaitement en valeur avec tes rondeurs ! », s’était exclamée la blonde. Voyant sa figure crispée dans le miroir, des larmes avaient jailli aux coins des yeux de l’Uchiha.

— Qu’est-ce qu’il y a, Hanako ? s’était-elle enquise. La plaie te fait mal ? 

— Tu es très gentille… Nanami.

Chassant ce vieux souvenir, la kunoichi saisit le visage de son frère et posa ses lèvres sur son front.

— Fais attention à toi…

— Tu peux compter sur moi, nee-chan !

Hideaki esquissa un faible sourire et reprit la parole :

— Voici donc le plan…

2.

Hama prit appui sur une branche quand la silhouette d’un jeune homme défila devant ses yeux.

— Hama-sama, n’est-ce pas Hideaki Uchiha ?

La combattante tourna son regard vert et perçant vers l’endroit que le doigt de son compagnon lui indiquait. À quelques mètres derrière le jeune homme qu’elle venait de croiser, Nobara et Hideaki se frayaient un passage entre les pins.

— Nii-san, les Senju ! s’écria Nobara. Attire leur attention, je m’occupe de lui !

Un sourire narquois se dessina sur le visage de la Senju. Je me demande ce qu’ils veulent à ce type…

— Makoto, attrape-moi ce gars, l’ordonna-t-elle d’un ton grave et autoritaire. On doit savoir ce qu’ils lui cherchent. Et si la chance s’offre à toi, n’hésite pas à te débarrasser de la vermine.

— À vos ordres, capitaine !

Effectuant un grand saut, Hama atterrit sur une grosse branche et bloqua par la même occasion le chemin de Hideaki.

— Salut, beau gosse ! Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu, dit-elle d’une voix mielleuse. Je ne t’ai pas trop manquée, j’espère !

— J’ai bien peur que je n’aie pas le temps de bavarder avec toi, aujourd’hui.

— Allez… sois sympa ! Je vais te faire vivre un doux rêve avant de t’envoyer en enfer.

La combattante enfouit ses doigts dans sa pochette, tandis que Hideaki serra la poignée de son sabre d’une main et souleva son fourreau de l’autre.

— Vraiment ?

— Hum… que vas-tu faire, maintenant ? Tu es tout seul… penses-tu pouvoir m’échapper cette fois ?

— Qui sait ? La connaissance s’acquiert par l’expérience…

Hama éclata de rire. Lorsqu’elle sortit sa main, ses phalanges agrippaient une flûte qu’elle porta à sa bouche.

— Pourvu que ton expérience te serve dans l’autre monde !

En un clin d’œil, l’Uchiha brandit son arme et sauta en direction de son ennemie. Les yeux écarquillés, celle-ci rejeta son corps en arrière. Bien que son cou esquivât cette attaque surprenante, le sabre trancha sa haute queue de cheval avant de tracer une fente sur le tronc.

Debout à l’envers — tête en bas et pieds fixés à la branche, Hama souffla dans sa flûte. Une triste mélodie résonna dans la forêt et avec elle, les membres de Hideaki commencèrent à s’engourdir. Il sauta sur une autre branche avec l’impression de porter une montagne sur le dos. À peine une minute s’écoula depuis que cette musique enivrait ses sens, il se figea sur place, incapable de mouvoir un doigt.

***

Katana tourna la tête derrière lui en continuant sa course. Le Senju aux cheveux châtains le poursuivait toujours, deux mètres le séparaient de Nobara. La vision embrumée de l’Uchiha se substitua à un fond blanc et, puis, au néant. Il tomba des nues du haut de son arbre, mais avant que son corps ne heurtât le sol terreux, Makoto le porta dans ses bras et rebondit.

— Non ! s’écria Nobara.

— Oh, si ! dit-il, sarcastique.

Ce type est mourant, Hama-sama ne sera pas contente… Le Senju lança des grenades fumigènes en direction de son ennemie, puis positionna Katana sur son épaule et s’empara d’un parchemin qu’il ouvrit au sein du nuage noir créé par ses bombes.

Nobara recula de plusieurs pas en toussant. Grâce à son sharingan, qui lui conféra une vision optimale, elle esquiva les nombreux kunai qui se jetèrent sur elle en une cascade d’explosions. Essoufflée, elle se laissa s’écrouler sur un tronc en se frottant les yeux. Enfoiré de Senju… si ce n’était pas pour Katana, je lui aurais fait bouffer son sale poison.

***

La musique s’arrêta. Cloîtrée contre un tronc, Hanako échangea un regard avec Hideaki, debout sur la branche en face d’elle. Les trois tomoe de leurs sharingan formèrent un cercle en synchronisation. La kunoichi réussit à lever sa main, constatant que l’effet du genjutsu s’était annulé, tout comme l’avait expliqué Hideaki. Elle lâcha un faible soupir et surveilla Hama, sa silhouette musclée – rendue plus imposante par son armure métallique – écrasait les feuilles mortes en un froissement sourd alors qu’elle se frayait un chemin sur l’herbe. Le dos droit, la Senju continua sa démarche le long du tronc de l’arbre sur lequel se trouvait Hideaki. Elle a l’air si forte et sûre d’elle-même… je ne doute pas qu’otou-sama se maudit d’avoir mis au monde une poule mouillée comme moi quand il la voit.

Hama retira son tanto de son fourreau et frôla avec sa pointe la joue de Hideaki avant de descendre le long de son cou. Le capitaine déglutit sa salive, mais ne cilla pas et n’effectua pas le moindre mouvement.

— Si seulement tu n’étais pas né un Uchiha… tu aurais été parfait pour moi.

Dissimulée par le feuillage sur une branche au-dessus d’eux, Hanako émit un rictus.

— Mais qui sait, peut-être… dans une vie ultérieure… nous naîtrons l’un pour l’autre, continua-t-elle en posant son index sur les lèvres de l’Uchiha.

Hanako grinça des dents et serra les poings. L’envie malsaine de réduire cette femme en lambeaux s’empara de son esprit.

Hama recula son bras, puis projeta son tanto en avant, mais avant que la pointe ne frôlât le cou de Hideaki, le dos de la guerrière heurta le sol. Assise sur son ventre, Hanako agrippa ses poignets.

— Hein ? Tu ne m’as pas dit que tu avais des renforts, Hideaki ! tonna-t-elle.

Hama souleva son bassin et ses jambes, projetant Hanako vers le haut. La kunoichi lâcha son emprise sur les poignets de son ennemie, qui ne tarda pas à s’emparer de son arme et à lui poignarder l’abdomen. Hanako bouscula son corps sur le côté, esquivant presque l’attaque qui déchira son vêtement et écorcha sa peau sans s’y enfoncer. L’Uchiha tira son aiguchi de sa cuisse et se mit en une position de défense.

La Senju gémit en prenant appui sur ses jambes. Elle s’éloigna de quelques pas, ignorant Hanako, dont la grimace transforma son visage d’angélique à démoniaque. Pétasse d’Uchiha… ce mal de chien, on dirait qu’elle m’a entassé une vertèbre !

— J’aurais aimé m’amuser encore avec vous…, souffla-t-elle d’un air las.

Elle sauta sur une branche, substitua son rictus de douleur à un sourire en coin et leur adressa un signe d’au revoir.

— …mais j’ai des trucs plus importants à faire. On se revoit sur le champ de bataille, beau gosse !

Hideaki descendit de son arbre et rejoignit Hanako, figée sur la pelouse. La déchirure de son yukata laissait apercevoir la cascade de sang qui dégoulinait sur son ventre.

— Je suis désolé…, balbutia-t-il. Je ne voulais pas qu’elle voie clair dans notre jeu.

— Non, t’as bien fait de ne pas intervenir. Je crois qu’elle a mordu à l’hameçon. La plaie est superficielle de toute façon.

— Retournons récupérer nos sacs. J’ai une trousse de premiers secours.

***

Installé à la racine d’un arbre, Hideaki mania son porte-aiguille, nouant des points de suture qui rapprochèrent les berges de la plaie nettoyée de son amie. Elle se mordit la lèvre et s’agrippa à son épaule. Une fois qu’il acheva son geste, la kunoichi entoura son abdomen d’un bandage et revêtit les manches de son yukata.

— Merci, murmura-t-elle en le fixant dans les yeux.

Il détourna le regard et se releva en lui tendant le bras. Elle le saisit et se redressa, le visage crispé par la douleur.

— Tu devrais te faire examiner quand même… elle risque de s’infecter.

— Oui, ne t’en fais pas.

Un bruissement de feuilles attira l’attention des deux shinobi. Nobara se joignit à eux d’un pas chancelant, une poussière grise saupoudrait ses joues charnues et des trous de brûlures parsemaient son pantalon noir.

— Ç’a marché, lança-t-elle de mauvaise humeur.

— Tu vas bien ? s’enquit son aîné.

— Rien de grave, l’enfoiré m’a tendu un piège, mais il a pris Katana.

— Rentrons chez nous dans ce cas.

Les trois Uchiha regagnèrent leur chemin à travers la forêt, le visage renfrogné. Encore incapables d’avaler la défaite qui leur avait coûté, si bêtement, la perte d’un pouvoir tant convoité.

— Hideaki… puisque tu as scellé les souvenirs de Katana et qu’il ne va rien leur dire sur nous, tu ne penses pas qu’ils vont employer la force pour le faire parler ?

— Aie confiance en lui, Hanako. En plus, Hama surestime ses compétences, elle ne soupçonnera pas les salades qu’il va lui raconter du moment qu’il est sous l’emprise de son genjutsu.

— Tu sembles plus optimiste que d’habitude, nii-san. Je me demande si tu me fais confiance autant que ça…

Hideaki passa un bras autour des épaules de sa sœur et la serra contre lui.

— Mais bien sûr, Nobara. Je sais que je peux toujours compter sur toi.

Un tendre sourire illumina la mine de la jeune combattante.

— On dirait que tu connais beaucoup de choses au sujet de cette « Hama », lança Hanako.

— Nous nous sommes affrontés plusieurs fois. Apprendre à connaître la personnalité de ton ennemi te permet de prédire ses attaques.

— Je vois…

Pays du Feu – Domaine du Clan Senju

3.

Au manoir du chef, Hama glissa la porte coulissante de la salle de thé et y pénétra. Installés sur des zabuton, l’un face à l’autre, Oyama et son fils aîné – Butsuma – jouaient au shōgi.

— Chichi-ue, tadaima !

Le chef des Senju leva ses yeux noirs et perçants vers sa fille. Sa bouche – fine et entourée de rides – s’étira en un sourire accueillant.

— Okaeri, Hama-yo.

La soldate, qui avait substitué sa tenue de combat à un kimono violet et taillé ses cheveux en une coupe carrée, s’assit en seiza entre son père et son frère et joignit ses mains sur ses genoux.

— Je vous apporte de bonnes nouvelles de la part de Saemon Mitarashi-dono. Il dit que notre équipement est prêt.

— Très bien. Nous discuterons des détails ce soir avant la réunion avec les commandants. Tiens Isayama au courant.

Hama hocha la tête en un « oui » d’obéissance.

— Et… Je vous emporte aussi un cadeau !

— Un cadeau ? s’enquit Butsuma en arquant un sourcil.

La cadette rit doucement.

— J’ai croisé Hideaki Uchiha sur mon chemin de retour. Il courait après un gars blessé, je l’ai donc sauvé et ramené avec moi.

— Pourquoi quoi faire ? Et s’il était d’un clan ennemi ?

— Comment ça, pourquoi faire ? Je suis sûre qu’il sait des trucs importants sur les Uchiha, Hideaki ne poursuit pas n’importe qui comme ça !

— Je croyais que tu allais me dire que tu t’es débarrassée de Hideaki. Je ne vois pas où est le cadeau dont tu parles !

— Butsuma-yo ! intervint le chef. Si tu ne risques rien sous prétexte de protéger ton roi, tu ne gagneras pas la bataille. Laisse Hama s’occuper de cet homme. Si c’est un ennemi des Uchiha, il pourra s’avérer utile pour nous. Si c’est notre ennemi, nous allons nous en débarrasser.

— C’est comme vous voulez, chichi-ue. Je dis seulement qu’on doit se méfier.

— Ce n’est pas comme s’il pouvait faire quoi que ce soit, soupira Hama. Il est gravement blessé.

***

Le corps inanimé de Katana gisait sur une table d’examen. Devant lui se tenait une jeune femme vêtue d’un kimono blanc, dont les manches retroussées laissaient voir ses avant-bras élancés qui effleuraient à peine la poitrine dénudée de l’Uchiha. Un halo vert et lumineux entoura ses mains et se concentra sur la plaie du blessé, où aucune goutte de sang ne persistait. Les berges roses de celle-ci se rapprochèrent lentement jusqu’à fermer la fente qui les séparait par un enduit laiteux.

La Senju prit un large bandage propre et l’enroula autour du torse de son patient. Elle plaça son oreille à différents endroits de sa poitrine et lâcha un faible soupir, les murmures de l’air dans ses voies respiratoires et ses battements de cœur réguliers la rassurèrent.

Hama et Butsuma franchirent l’entrée de l’infirmerie et pressèrent le pas entre les nombreux lits qui gisaient çà et là. Arrivant au fond de la grande salle, Hama glissa la porte coulissante. Une pièce moins spacieuse, circonscrite par de multiples étagères bordées de bocaux en verre – contenant herbes médicinales séchées, parchemins et livres – s’offrit à eux.

— Comment va-t-il, bichette ? retentit la voix mélodieuse de la fille du chef.

La ninja médicale tourna vers son interlocutrice et alla la rejoindre, retirant par la même occasion la charlotte blanche qui cachait ses cheveux blonds tressés en une couronne.

— Son état est stable, mais il a perdu une grande quantité de sang. Il aura besoin de temps pour récupérer.

— Qu’en est-il de sa blessure ?

— Il a été poignardé par un objet tranchant au niveau du poumon droit, ayant occasionné chez lui un hémothorax. Jugeant par la longueur et la profondeur de la plaie, je dirais qu’il s’agissait d’un poignard, plutôt qu’un kunai. D’après l’état de coagulabilité du sang, il est probable que l’agression ait eu lieu avant quatre heures tout au plus…

— Bien. Merci pour ce bon travail, Nanami.

La blonde hocha la tête en guise de politesse.

— Nous devons lui parler, tu peux disposer, dit Butsuma.

— Il…, balbutia-t-elle. Il n’a pas encore repris connaissance.

— Il bouge, indiqua le brun avec son menton.

Remarquant le tremblement des doigts de Katana, Nanami courut vers lui.

Où suis-je ? Cet endroit… Lorsqu’il entrouvrit les paupières, une blancheur éclatante aveugla Katana. Au sein de cette image onirique, les gros yeux azur de Nanami jaillirent. C’est vrai… je suis mort. Serait-ce… un ange ?

Butsuma posa sa main sur l’épaule de Nanami et la repoussa avec douceur, avant de prendre sa place à la tête de l’espion.

— Qu’est-ce qu’il a dit ? s’enquit-il d’un regard interrogateur.

— Des mots inintelligibles… le médicament que je lui ai administré peut causer des hallucinations. Il est préférable d’attendre qu’il se réveille, Butsuma-sama.

— On n’a pas l’éternité pour l’attendre ! s’impatienta-t-il. S’il meurt, on perdra notre chance de savoir ce qu’ils lui voulaient.

— Anija ! Regarde !

Une fois sa vue éclaircie, la figure d’un homme dans la vingtaine ou la trentaine occupa le champ de vision de Katana. Difficile de juger… mais les muscles proéminents de ses épaules et de son cou témoignaient de ses longues années d’expérience au combat. L’intensité de son regard marron et ses sourcils ébène froncés accentuaient ses traits anguleux, mis en valeur par ses fossettes et sa mâchoire rectangulaire. Je vois. Je suis vivant. Le plan de Hideaki nii-chan a marché, je suis chez les Senju…

— Salut, beau gosse ! la voix mélodieuse de Hama retentit. Comment tu te sens ?

Katana prit appui sur ses mains et s’assit sur la table. Il scruta les visages qui le fixaient, chacun arborant une expression différente : celui de Butsuma fermé, celui de Hama souriant avec malice et… quand ses yeux rencontrèrent les prunelles bleues de Nanami, il les retourna vers Hama, déstabilisé.

— Comment t’appelles-tu, jeune homme ?

— Qui êtes-vous ? balbutia-t-il.

Hama laissa échapper un soupir et croisa les bras.

— Ah, nous ne nous sommes pas encore présentés ! Je m’appelle Hama et celui-là est mon frère : Butsuma, dit-elle en posant une main sur sa poitrine et l’autre sur l’épaule de son aîné. Nous sommes la fille et le fils du chef du clan Senju.

Butsuma leva fièrement le menton.

— Senju… ? Que me voulez-vous ? s’exclama Katana d’un air agité. Je ne suis pas un soldat !

— Quel est ton lien avec les Uchiha ? questionna Butsuma. Ce qu’on fera de toi dépendra de tes réponses.

Katana déglutit sa salive, ses doigts s’agrippèrent à la table d’examen.

— Je n’ai rien à voir avec eux ! répliqua-t-il d’une voix tremblante.

— Alors pourquoi te poursuivaient-ils ? haussa-t-il le ton. Tu travailles pour eux ? Ou bien… t’es un espion pour l’un de leurs ennemis ?

Ce type est méfiant, sceptique… et il ne le cache pas, tandis que sa sœur est… sournoise ?

— Écoute, bonhomme… les Uchiha voulaient ta peau et nous t’avons sauvé la vie, intervint-elle. Je suppose que tu connais le proverbe : « L’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Cela veut dire que nous sommes amis maintenant, t’as rien à craindre avec nous, car il n’y a pas plus grand ennemi des Uchiha que nous, tu sais !

— Ils voulaient me tuer alors qu’ils ne me connaissaient même pas, qu’est-ce qui prouve que vous êtes différents ? s’écria Katana en un sanglot. Je ne vous ai rien demandé ! Puisque je vous dis que je ne suis pas un soldat, je ne sais pas comment payer ma dette, mais…

L’Uchiha enfouit ses doigts dans sa chevelure ébouriffée et renifla ses larmes. Butsuma frappa sa paume contre le bureau, faisant vibrer les flacons qui s’y trouvaient et redresser Katana comme un i.

— Qu’est-ce que tu viens de dire, mauviette ? Tu oses nous comparer à ces démons ? As-tu la moindre conscience à qui tu parles ?

— Calme-toi, anija, tu lui fais peur, soupira Hama. Sérieusement, comment allons-nous gagner sa confiance si tu continues de crier comme ça ?

La fille du chef des Senju secoua la tête. Elle saisit les épaules de Nanami et l’approcha de l’étranger. Les yeux écarquillés, ils plongèrent l’un son regard dans celui de l’autre.

— Vois-tu cette brave femme ? renchérit Hama d’un ton chaleureux en prenant le menton de la blonde entre son pouce et son index. C’est notre jolie médecin : Nanami. Elle a tout fait pour te guérir ! Nous, les Senju, sommes différents des Uchiha. Nous sommes bienveillants, nous ne tuons jamais les innocents, seulement les méchants comme les Uchiha. Tu comprends ? Voilà pourquoi on nous surnomme « Le clan de l’Amour » !

Jolie ? Le visage en forme de cœur de Nanami lui parut gai, sans que ses lèvres semblables à des pétales de roses s’étirassent. Mais quelque chose le dérangeait dans ce sourire. Ses yeux ronds, pourtant voilés de candeur, lui semblèrent intimidants, pleins de reproches… ou de colère ? Il avait l’impression d’être vu à travers. Il ne put s’empêcher, encore une fois, de détourner le regard. Merde que oui… je croyais que la laideur était héréditaire chez les Senju.

— Merci, balbutia-t-il. Je vous dois ma vie.

— Pas besoin de me remercier. Hama-sama vous a sauvé en premier lieu.

Hama se racla la gorge, un sourire de satisfaction naquit sur ses lèvres fines, embellies par un rouge sanglant.

— Et maintenant que tu nous connais… Tu ne veux pas nous dire comment tu t’appelles ?

— Hama, je commence à perdre patience, marmonna Butsuma, adossé contre le bureau. Finissons-en… rapidement !

— Kat–… Katana.


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