Naruto Préquel | Le Prologue

Chapitre 1 : Secrets et Révélations

5882 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a plus d’un an

« On pensait autrefois que contrairement au clan Senju, qui fondait sa force sur l’amour, la force du clan Uchiha résidait dans la puissance de ses techniques. Cependant, la vérité est différente. Aucun clan ne ressent un amour plus profond que celui des Uchiha et c’est pourquoi ils l’ont scellé au fond d’eux. Lorsqu’un Uchiha connaît l’amour, c’est presque comme si toutes les émotions qu’il ou elle avait contrôlées et refoulées dès lors étaient libérées. Ils réveillent un amour et un pouvoir profonds qui dépassent ceux des Senju. Sauf que c’est assez problématique… Ce grand pouvoir cache en lui la possibilité de devenir incontrôlable. Une fois l’Uchiha qui a connu l’amour le perd, cet amour profond est remplacé par une haine encore plus forte qui transforme cette personne. Quand un Uchiha se tord d’agonie à cause de la perte d’un grand amour ou d’une immense déception en lui-même ou elle-même, un chakra unique se libère à l’intérieur de son cerveau et agit sur ses nerfs optiques… Des changements apparaissent dans les yeux de cette personne. Ce sont les yeux qui reflètent le cœur. Le sharingan. »

—Senju Tobirama

NARUTO – Chapitre 619


Octobre – Vingt-six Ans avant la Fondation du Village caché de Konoha

1.

Pays du Feu – Domaine du Clan Uchiha

Face à son miroir, Hanako tressa ses cheveux ébène en une natte. Même dans l’obscurité de sa chambre, faiblement éclairée par des lanternes, ses cernes criaient « insomnie ». Elle saisit une ceinture en cuir – sur le versant interne de laquelle de nombreux shuriken s’accrochaient – et l’attacha autour de l’obi rouge de son yukata noir au col brodé de fleurs de prunier.

Prenant une profonde inspiration, elle joignit ses mains en une prière. À dix-neuf ans, elle avait accompli plusieurs missions en tant que kunoichi, mais cette anxiété qui broyait ses viscères la hantait toujours. Était-ce la peur de la mort ou de l’inconnu ? Ou la mémoire de la chair ? Elle ne saurait le dire.

Hanako redoutait l’échec. La réaction de son père face à son échec. « Aucune erreur ne peut être tolérée. Tu es la fille du chef, l’avenir de notre clan dépend de ton succès ! », aimait-il lui rappeler. Aussitôt qu’elle quitta la demeure familiale, le remords quant aux heures qu’elle avait passées à s’agiter dans son futon la rongea. Et si cela affaiblissait ses performances ? Encore pire que sa crainte d’échouer, était pour elle le sentiment de constituer un fardeau pour autrui.

Une fine pluie tombait sur son wagasa carmin alors qu’elle dévalait les ruelles du quartier des Uchiha. La lueur rosée de l’aurore apparut à l’horizon, éclairant les éventails uchiwa – peints en blanc et en rouge – qui ornaient les façades principales des maisons en bois. Ce symbole l’avait tant intriguée…

Le jour où son père lui avait appris la technique de la Boule de Feu Suprême, il lui avait dit que leur clan était le plus notable au Pays du Feu : tout comme l’éventail qui accroissait la puissance d’une flamme. Elle n’y avait pas compris grand-chose, les propos de son père lui avaient toujours paru ambigus. Mais cela avait fait naître en elle, enfant, la fierté d’appartenir à ce clan si redoutable.

Là où les maisons s’arrêtaient, elle sortit dans une vaste plaine verte bordée par une forêt de pins géants. Un espace dédié aux entraînements. En le traversant, un fracas capta son attention. Elle tourna la tête vers la source du bruit et vit un jeune homme svelte et à la chevelure noire et soyeuse — coiffée en un chignon. Armé d’une large épée, l’Uchiha était entouré de piliers en bois brisés. Hanako esquissa un petit sourire. Elle ferma son parapluie et courut vers lui.

— Araya ! l’appela-t-elle d’un signe de la main.

— Hanako ? En route pour une mission ?

— Oui, affirma-t-elle en remettant une mèche derrière son oreille. C’est une mission secrète, comment tu l’as su ?

— Tu es paresseuse, dit-il d’un ton apathique. Ça m’étonnerait de te voir t’entraîner ou te balader de si bonne heure.

— Ah ! Toi et ta franchise… Mais c’est une nouvelle épée que t’as ici, dis donc !

— Ouais, affirma-t-il en plantant son arme dans l’herbe. J’essaie de m’y habituer avant la bataille. Elle est un peu dure à maîtriser quand la cible n’est pas fixe.

— Je vois, ça n’a pas l’air pratique… en plus, elle est moche !

Elle souleva la poignée de son wagasa, révélant à moitié une lame tranchante qui refléta la lumière du petit matin. Araya émit un faible ricanement.

— Ça reste un outil, tout comme la beauté. Les Senju ne seraient pas aussi terrifiés de voir ton épée que la mienne, mais ils ne s’attendraient pas à ce qu’une femme d’allure angélique cache un truc pareil.

Hanako haussa les épaules. Il avait raison. Tout comme son sabre, son apparence n’était qu’un outil. Les kunoichi – contrairement aux soldates et aux infirmières – étaient choisies pour leur beauté. Assignées des missions d’espionnage et d’assassinat, elles utilisaient pour s’infiltrer aux territoires ennemis, à côté de leur talent d’actrices, leur pouvoir de séduction.

— Ce n’est pas faux, mais les choses laides restent laides, bien qu’utiles…

— Dans ce cas, je devrais être reconnaissant d’être beau, tu ne m’aurais jamais adressé un regard si je ne l’étais pas !

Ces mots – balancés avec un mélange de sérieux et de plaisanterie – suffirent pour remplacer le sourire de Hanako par un visage maussade. Pourquoi se considérait-il comme un objet ? Son père avait ramené l’orphelin Araya chez eux alors qu’il avait douze ans. Et depuis, il l’avait accompagnée dans d’innombrables missions. Sa place dans l’équipe était celle d’un bouclier.

« Araya a trucidé des combattants prometteurs de notre clan, il est censé être exécuté ! Mais ton père est un homme sage, il pense avant tout à l’intérêt du clan. Alors au lieu de gaspiller davantage de talents, je lui ai donné une chance d’expier ses péchés en se rendant serviable. Il est l’arme et l’armure du clan. C’est un prédateur que nous devons apprivoiser. », lui avait dit le chef. 

Hanako ne voulait pas voir les choses de cet angle, elle aimait considérer Araya comme l’un de ses frères. Toutefois, quand elle l’avait interrogé à propos de ces membres du clan, il n’avait pas nié les avoir tués.

Elle le dévisagea avec amertume. Sa peau laiteuse parsemée de taches de rousseur sur un nez droit à la pointe creusée et des pommettes saillantes virait au rouge. Certainement à cause du froid. Quelques mèches tombaient sur son front large et se mêlaient à ses cils épais et recourbés. Aussi ravissants qu’ils fussent, ses yeux noirs en amande, légèrement inclinés vers le bas, semblaient vides. Elle ne saurait dire à quoi il ressemblerait si ses lèvres charnues et son menton carré s’étiraient en un sourire joyeux, mais dans son for intérieur, elle le trouvait d’un charme à couper le souffle — presque troublant. Au point où elle se demandait si elle le verrait comme son père le voyait, s’il n’était pas aussi beau.

— Je dois partir, balbutia-t-elle. Je risque d’être en retard.

— Bon courage !

Elle hocha légèrement la tête et se précipita dans la forêt. Sous un pin géant, trois personnes, deux hommes et une jeune femme patientaient.

Le plus grand, un homme aux cheveux hérissés, était son frère aîné. Ses bras croisés, les coins de ses lèvres fines tirés vers le bas et ses yeux étroits froncés témoignaient de son mécontentement. Tajima était strict et ponctuel. Quelle idée de gaspiller deux précieuses minutes pour dire « Bonjour » à Araya ! Arrivant à sa hauteur, Hanako inclina la tête en balbutiant des justifications.

— C’est à Hideaki que tu dois tes excuses, dit-il d’un ton ferme. Pour cette mission, ça sera lui le capitaine.

— Hein ?

Le prénommé Hideaki – un homme de vingt-et-un ans, à la carrure musclée, aux cheveux courts ondulés et aux yeux tombants – la gratifia d’un petit sourire. En plus d’être le meilleur ami de Tajima, il était leur cousin.

Hanako remarqua que – contrairement à ses deux camarades, dont le torse était protégé d’une armure – Tajima portait ses vêtements habituels ; un haori bleu foncé avec le fameux emblème de l’éventail sur le dos et un pantalon noir.

— Cela veut donc dire que vous ne viendrez pas avec nous, ani-sama ? demanda-t-elle, hésitante.

Tajima confia un parchemin à Hideaki et scruta sa sœur.

— Non, le chef t’a choisie… Obéissez aux ordres de Hideaki. Je m’adresse particulièrement à toi, Nobara.

La jeune femme gonfla ses joues et leva ses yeux de biche au ciel. Hanako mordit sa lippe, résistant à la tentation de s’esclaffer, tandis que Hideaki garda son air calme. Nobara était sa sœur cadette. L’arc et le carquois qu’elle portait mesuraient presque la moitié de sa taille. Hormis ses pommettes charnues, tout en elle était petit ; son nez, sa bouche. Coiffés en une haute queue de cheval, ses longs cheveux ondulés tombaient sur son épaule. À peine seize ans, elle était dotée d’un talent exceptionnel au combat. Hanako ne l’avait jamais vue retourner du champ de bataille avec une grave blessure. Le chef lui-même reconnaissait sa prouesse, faisant – à un moment donné – chavirer de jalousie sa cousine. Mais ses habilités s’oubliaient facilement face à son entêtement et impulsivité, traits de caractère indésirables dans un clan où les lois sociales et comportementales étaient gravées dans le marbre.

— Si tout se passe comme prévu, Katana serait en train de vous attendre à l’endroit indiqué sur la carte, dit Tajima. Et maintenant, dispersion !

Au signal de l’aîné, les trois shinobi sprintèrent dans la forêt d’une branche à une autre. Hideaki au premier plan, Hanako à sa droite et Nobara à sa gauche.

— Je suis impatiente de travailler avec toi, nee-chan ! s’exclama Nobara, ses yeux noirs pétillant d’excitation. Je pète le feu !

Hanako rit avec douceur, son regard souriant braqué sur sa cousine qui sautait avec des mouvements acrobatiques.

— Et moi aussi. On ne risque pas de s’ennuyer ensemble.

Oui, elle était contente. Il lui était difficile de ne pas aimer Nobara. En grandissant, Hanako s’était rendu compte de l’absurdité de l’envier alors qu’elles portaient toutes deux leurs cœurs sous leurs sabres. Elles enduraient.

Toutes les filles du clan étaient tenues d’apprendre le taijutsu, les bases du ninjutsu et le shurikenjutsu, et de garder une bonne forme ; en raison d’une conviction chez les Uchiha que les parents costauds donnaient naissance à des rejetons costauds. Mais les filles, contrairement aux garçons, n’étaient pas obligées de rejoindre l’armée. On les encourageait à se marier précocement et à élever et éduquer des enfants forts, capables de se battre pour le clan.

En ces temps de guerre, où la valeur d’un clan s’évaluait par la puissance de son armée, le système de conscription du clan Uchiha demeurait indiscutable : tout mâle âgé de sept ans devait s’engager dans l’armée, où il suivrait un entrainement intensif. Le fait qu’il fût élu pour participer aux batailles ou non dépendait de ses compétences et de l’appréciation des commandants. Les soldats les plus appréciés décrochaient des positions importantes, tandis que les autres pouvaient devenir des leurres. Sacrifices jugés nécessaires.

Les parents qui n’envoyaient pas leurs gamins à l’armée subissaient des sanctions. En revanche, ils recevaient une compensation financière pour chaque enfant et des récompenses pour ses exploits. C’était pourquoi les enfants-soldats se disputaient la possibilité de se faire remarquer, même si cela signifiait qu’ils fussent constamment confrontés à la mort.

Les familles sans garçons ou souhaitant améliorer leur revenu adressaient leurs filles également. Mais parce que les commandants ne s’attendaient pas à grand-chose d’elles sur le champ de bataille face à des ennemis aussi redoutables que les Senju, elles s’entrainaient pour la plupart à soigner les blessés. Sayuri, la mère de Hideaki et Nobara, et cheffe de l’unité médicale, prenait soin de les sélectionner et de superviser leur formation.

Les plus agiles en combat se nommaient combattantes. Certaines d’entre elles participaient aux guerres, comme Nobara. D’autres devenaient des kunoichi. En d’autres termes : des espionnes. Et c’était le cas de Hanako.

Malgré leur importance, les kunoichi souffraient d’une mauvaise réputation : une femme douée à la tromperie et la séduction était loin d’être « une épouse idéale » dans les normes de la société. Ce n’était pas rare pour Hanako de se faire juger par des femmes dont le destin différait du sien, la condamnant à l’échec dans l’accomplissement de ce qui était – selon elles – la seule et unique mission de la femme dans ce monde : le mariage et la procréation. Loin de la blesser, cela nourrissait sa sympathie envers celles qui partageaient son sort. Et Nobara ne faisait pas l’exception.

2.

Les rayons de soleil de la matinée, le clapotis des vagues sur les navires et les sons des mouettes accueillirent le trio dans le port Est du Pays du Feu. Un brun barbu sauta d’un grand voilier et vint les saluer sur le quai d’un large sourire exposant ses dents jaunies par le temps.

— Kaito-san, bonjour ! Comment ça va ?

— Nickel, merci. Heureux de te revoir, Hana-chan. Je vois que tu es avec une équipe différente, je m’attendais à rencontrer ce beau jeune homme, dit-il en se grattant la barbe. Il s’appelait comment déjà ?

— Hana-chan ? balbutia Nobara. Vous vous connaissez ?

— Ô, oui. Kaito-san était le commandant lors de mon premier voyage au Pays des Tourbillons. Il connaît les meilleures voies pour éviter les remous et les pirates. Nous sommes en sécurité avec lui. Voici Hideaki, notre capitaine d’équipe. Et Nobara-chan.

— Ravi de vous rencontrer, dit-il en leur serrant la main. Tu n’as pas encore rencontré Shinya, n’est-ce pas ?

Hanako secoua la tête.

— Non… un nouveau marin ?

— Je l’ai recruté l’été dernier, les gaillards m’ont laissé en plan… il apprend assez vite pour un gars qui a passé sa vie sur terre, mais il est très peu loquace.

— Nous accompagnera-t-il aussi ? demanda Hideaki, doucement, malgré le mécontentement que Hanako ressentit dans sa voix.

— Évidemment, il est mon matelot après tout. Il s’est bien entendu avec Katana-chan. Je ne l’ai jamais vu bavarder ainsi avec un inconnu auparavant.

Nobara écarquilla les yeux.

— Katana-chan ?

L’image de la tête boudeuse et enfantine de son camarade face à cette appellation lui vola un petit rire enjoué.

Les quatre montèrent à bord et se dirigèrent vers la cabine. La porte de celle-ci s’ouvrit sur un adolescent au corps mince et à la peau hâlée, vêtu d’un haori vert virevoltant au gré du vent au même rythme que ses cheveux blonds attachés en une queue de cheval. Il fronça les sourcils à leur vue, enfonçant davantage ses yeux turquoise.

— Shinya, on largue les amarres !

Le blondinet leur céda le passage sans dire un mot.

— On dirait qu’il ne nous apprécie pas non plus, dit Hanako en s’adressant à Hideaki.

L’Uchiha haussa les épaules. Kaito força un sourire et les pria de se mettre à l’aise, car le bateau démarrerait dans un instant.

Nobara fonça la première dans la cabine. N’étant jamais montée à bord d’un bateau avant ce jour, la découverte de l’intérieur spacieux – éclairé par les rayons de soleil qui s’infiltraient par les hublots – l’étonna. Les shinobi prirent l’une des deux chambres avec quatre couchettes superposées, deux de chaque côté, et rangèrent leurs affaires dans les casiers au-dessous des couchettes inférieures. Une cuisine, des sanitaires et un carré – avec une table entourée de banquettes – constituaient le restant des pièces.

Lorsque les trois ninjas s’installèrent sur les banquettes, Hideaki étala la carte que lui avait confiée Tajima et tourna le regard vers sa sœur, toujours émerveillée par le décor.

— Nous devons discuter du plan. Nobara, reste vigilante, si tu sens approcher le chakra de l’un d’eux, préviens-nous.

— Pas besoin de me le dire, nii-san! Et puis… arrête de me donner des ordres comme si tu étais Ta… un taichou.

— Mais il est bel et bien le capitaine, fit remarquer Hanako.

— Onee-chan, se plaignit-elle. Dans quel camp es-tu ?

Kaito vint vers eux avec une assiette de poisson grillé qu’il leur offrit en disant qu’ils devaient avoir faim après avoir parcouru la distance jusqu’au port. Hideaki le remercia poliment en prenant le plat. Sentant la gêne de l’Uchiha, le marin s’excusa avant de quitter la cabine.

Succombant au gargouillement de son estomac, Nobara bondit sur son frère. Celui-ci l’évita et souleva l’assiette.

— Nii-san, geignit-elle. Sois pas si ridicule, je crève de faim.

— Nous avons apporté nos bentos !

— Mais je veux du poisson, moi !

La jeune femme s’accrocha au cou de son frère en battant des cils, mais cela ne suffit pas à troubler son air composé.

— Arrête de faire l’enfant, soupira-t-il. Nous ne pouvons pas manger quelque chose que des étrangers ont préparé. Un shinobi ne doit pas succomber à ses désirs !

— Mais ce serait du gaspillage si l’on ne le mange pas, n’est-ce pas, Hanako nee-chan ?

Hanako émergea de ses pensées. Elle tira Nobara par la taille et sourit à Hideaki.

— Ne t’en fais pas. Ani-sama fait confiance à Kaito-san. Nous pouvons lui faire confiance nous aussi.

Hideaki lâcha un faible grognement et fourra l’assiette dans les bras de sa sœur. Celle-ci le défia d’un sourire narquois. Il se réinstalla sur la banquette, s’adossa et croisa les bras. Sa coéquipière vint prendre place à côté de lui.

— Sérieusement, Hanako, dans quel camp es-tu ?

La kunoichi haussa les sourcils, laissa échapper quelques mots inintelligibles, avant de s’apercevoir de la pointe de sarcasme dans sa question et glousser.

Nobara ramena deux baguettes du coin cuisine et revint sur la pointe des pieds.

— Pas maintenant, dit calmement Hideaki.

Elle s’affala sur sa banquette en tapotant avec ses baguettes ses lèvres pincées en une moue boudeuse. Le capitaine l’ignora et reprit la parole.

— Katana n’a pas réussi à s’infiltrer dans le domaine du clan Uzumaki. Il dit dans sa lettre qu’ils ont renforcé leur système de sécurité par la détection de chakra… mais grâce à ses oiseaux, il a pu obtenir des informations précieuses. Nobara ?

— Ils ne peuvent pas nous entendre de là où ils sont… leurs oreilles sont bouchées de cérumen de toute façon ! Oka-sama avait raison, les autres gens n’ont aucune notion d’hygiène. Je me demande à quoi ils ressemblent, les Uzumaki…

— Nobara-chan, soupira Hanako, exaspérée.

Hideaki se racla la gorge.

— Ashina Uzumaki – leur chef de clan – fête la naissance de son enfant. Selon les rumeurs qui circulent, cette enfant a été tant convoitée qu’il avait organisé un festival pour l’occasion. Katana pense que l’on pourrait y profiter pour se faufiler et récupérer le parchemin, étant donné que tous les Uzumaki ainsi que d’autres connaissances du chef d’en dehors de leur domaine sont invités au banquet…

— Elle me plait déjà, cette mission, s’exclama Nobara. Quand est-ce qu’il aura lieu… ce festin ?

— Demain. Katana a cartographié les chemins d’accès au temple en détaillant les zones où l’on risque de tomber sur des gardes, mais…

— Si nous ne réussissons pas à nous infiltrer, ça ne servira à rien, murmura Hanako.

— Exactement. Ton expérience nous sera utile, vu que tu avais accédé au domaine Uzumaki. C’est pour cette raison que j’ai insisté auprès du chef pour que tu fasses partie de cette mission.

Hanako scruta Hideaki. C’était donc lui ? Oui, pourquoi son père lui confierait-il une mission qu’elle avait échoué à accomplir auparavant, sinon ? Une angoisse oppressante lui serra le cœur à ce souvenir.

Araya et Katana en faisaient également partie, mais en tant que capitaine d’équipe à l’époque, elle avait assumé à elle seule la responsabilité de son échec. Quitte à lui confier des missions desquelles elle revenait vivante par coup de chance – l’obligeant à surmonter des cruautés, l’empêchant toujours de dormir la nuit – Akira l’avait privée de son salaire durant ces deux ans. Chaque fois qu’elle avait espéré qu’il la recevrait avec fierté, il ne manquait jamais de lui rappeler à quel point c’était décevant qu’elle ne valût rien comparée à ses pairs.

Elle serra les poings sur le tissu de son yukata. Cette douleur au creux de son ventre n’allait décidément pas la quitter. Il était plus sage pour Tajima de mener cette mission, avec Hideaki et Nobara comme coéquipiers, se disait-elle. L’expérience de Katana leur aurait été suffisante. Il se débrouillait déjà bien, son frère cadet.

Hideaki la regarda dans les yeux.

— Comment as-tu fait pour t’infiltrer la première fois ?

Elle remplit ses poumons d’air. Ce n’était pas le moment de tourner autour du pot, autant se rendre utile cette fois.

— Eh bien… il y a des points de contrôle tout autour du domaine et pour les franchir, on doit bénéficier d’un laissez-passer. Les Uzumaki en ont, mais aussi les marchands qui se déplacent librement dans le Pays des Tourbillons. Les gardes les connaissent, ils ne s’attardent pas avec eux. Ils n’examinent même pas leurs marchandises. Je me suis cachée dans le chariot de l’un d’entre eux. Le risque que je tombe entre les mains des gardes était mince, mais pas nul. Cependant, mes chances de réussite étaient non négligeables.

— Passionnant ! dit Nobara. Et si tu t’étais fait gauler ?

— J’avais un plan pour chaque situation…

— Selon Katana, avec les mesures récentes de sécurité, nous ne pouvons pas prendre le risque de compter sur les marchands. Je lui ai demandé de trouver des invités d’en dehors du domaine Uzumaki. Nous allons prendre leurs laissez-passer et nous faire passer pour eux. Cela facilitera notre traversée sans éveiller des soupçons.

Nobara bondit sur son siège, les sourcils froncés.

— Attends une minute ! Me dis pas que c’est moi qui vais m’en débarrasser !

— Nous ne nous en débarrasserons pas. Nous ne pouvons pas risquer de laisser des traces derrière nous.

— Justement ! Si on les laisse en vie, on est foutus !

— Je les soumettrai à un puissant genjutsu. Si tout se passe bien, ils oublieront nos visages et revivront ces souvenirs comme s’ils étaient vraiment au festival.

— Tu vas manipuler leurs souvenirs en utilisant ton sharingan ? demanda Hanako, étonnée. Comment en es-tu capable ?

Hideaki hésita un instant, puis ferma les yeux. Quand il les rouvrit, révélant le sharingan, un motif autre que les trois tomoe standard s’y présentait : une sorte de shuriken noirs entremêlés sur un fond grenat.

— Mon mangekyou sharingan me donne la capacité de manipuler la mémoire des autres.

La bouche entrouverte, Hanako contempla les pupilles de Hideaki. Jamais elle n’aurait cru qu’il possédait une forme aussi développée du sharingan et, encore moins, qu’il fût doté d’un tel pouvoir. À sa juste connaissance, Tajima lui-même ne l’avait pas éveillé.

L’envie de l’interroger sur les circonstances dans lesquelles il l’avait obtenu effleura son esprit, mais sachant – de sa propre expérience – que l’évolution du sharingan accompagnait toujours des situations pénibles, tant sur le plan émotionnel que psychique, elle s’en abstint.

La voix de Nobara la fit ressurgir de ses pensées.

— Mais dis donc, nee-chan, pourquoi t’avais échoué la fois passée ?

Une boule se forma à la gorge de la kunoichi. Peut-être qu’elle aurait dû tourner la conversation vers le mangekyou sharingan de Hideaki après tout…

— En fait, je… j’ai de mauvais souvenirs de cette mission. Je n’aime pas trop en parler.

Hideaki ne pouvait se le nier, il voulait le savoir également. Le fait qu’elle refusait d’en parler attisait même sa curiosité. Il connaissait Hanako depuis qu’ils étaient tout petits ; et s’il y avait une chose qui n’avait pas changé chez elle, c’était son obsession à toujours réussir et sa hantise de décevoir son géniteur. Que s’était-il passé durant cette mission qui faisait qu’elle blêmissait rien qu’en y pensant ? Il posa une main amicale sur l’épaule de sa coéquipière. Surprise, elle sursauta.

— Si quelque chose de mal t’est arrivé, en discuter maintenant est l’occasion d’éviter que chose pareille ne se reproduise, tu ne penses pas ? Je te l’ai déjà dit, ton expérience nous est précieuse. N’hésite donc pas à nous raconter ce qu’il s’est passé.

Sa voix calme et bienveillante atténua son angoisse. La possibilité qu’elle se retrouvât dans la même situation était presque inexistante, y avait-il un intérêt de lui révéler son secret ? Elle n’avait pas pu rédiger les détails de cette mission dans son rapport. Pire, elle les avait falsifiés. Jusqu’à ce jour, son cousin avait été gentil avec elle, mais que penserait-il de ce qu’elle avait fait ? Quel serait son jugement ?

Sentant le muscle de l’épaule de sa coéquipière se détendre, Hideaki retira sa main.

— Une fois au domaine Uzumaki, la seconde chose que j’avais à faire était de trouver un moyen d’accéder au temple où est censé se trouver le parchemin. Il est situé dans le territoire du manoir du chef, c’était impossible de ne pas se faire remarquer par les gardes lorsqu’on n’a pas l’habitude de le fréquenter. Je devais trouver un moyen plus sûr d’y accéder…

Les yeux fixés sur elle, Hideaki et Nobara suivirent attentivement le récit de leur cousine.

— Plutôt que me précipiter, j’ai décidé de prendre mon temps à étudier la situation. Entretemps, j’ai travaillé en tant que serveuse dans une taverne fréquentée par des hommes fortunés, pour la plupart des marchands qui se rendaient régulièrement au manoir. J’écoutais leurs conversations, à la recherche d’informations qui pourraient m’être utiles… J’étais autorisée à passer la nuit tant que je m’occupais du nettoyage. Pour avancer dans mes recherches, j’ai envoyé mes chats ninja explorer les lieux et, grâce à eux, j’ai découvert un chemin souterrain qui mène à l’intérieur du temple. J’ai tracé les grandes lignes de mon plan, il ne me restait plus qu’à l’exécuter. J’avais parfois le sentiment de m’étouffer, mais je me suis dit que c’était certainement à cause de la moisissure à l’endroit où je dormais. Puis un matin comme les autres, quand je fréquentais un salon de thé pour prendre mon petit déjeuner, j’ai ressenti une douleur déchirante au ventre. Je suis sortie en titubant, et là, j’ai perdu connaissance.

Hanako serra ses jambes contre sa poitrine. Elle leva la tête, les prunelles logées aux coins de ses yeux.

— Ce dont je me souviens, c’est le visage d’une jeune femme qui m’avait aidée à me relever. Je me sentais étourdie et essoufflée, la douleur était insupportable, je n’avais pas résisté. Elle avait dit qu’elle vivait juste à côté et qu’elle était médecin.

— Ça alors, ma chère nee-chan ! Si tu n’étais pas tombée malade, tu aurais sans doute réussi, n’est-ce pas ?

Hanako secoua la tête.

— Non. Cette femme avait su que j’étais une étrangère et que je n’avais pas un permis d’accès au domaine Uzumaki.

— T’avait-elle dénoncée ? demanda Hideaki, étonné.

— Non. Elle m’avait soignée et avait pris soin de moi. Elle m’avait appris qu’elle était une étrangère, elle aussi. Cela ne m’avait pas étonnée… Elle était blonde, les Uzumaki se distinguent par leurs cheveux roux.

— Vraiment ? s’écria Nobara. Je ne le savais pas !

Hanako poursuivit son récit.

— Évidemment, j’avais menti concernant mon identité. J’ai prétendu fuguer mon clan parce qu’on m’avait forcée à épouser quelqu’un que je n’aimais pas. Elle semblait naïve, je ne m’étais pas cassé la tête à lui raconter une histoire plus plausible. Je ne sais pas si elle m’avait crue. Elle m’avait dit qu’elle vivait avec sa sœur mariée à un Uzumaki, qu’elle suivait des cours en médecine et que je lui avais donné le courage de réaliser son rêve de parcourir le monde. Elle était bizarre, à la fois sotte et intelligente, comme si elle n’était pas de ce monde… Je n’arrivais pas à la cerner.

— Était-elle une kunoichi ? s’enquit Hideaki, curieux.

— Je n’en sais rien… mais je suis sûre qu’elle était une Senju.

— Une Senju ? répétèrent à la fois Hideaki et Nobara, une amertume trahissant leurs voix.

— Oui. Elle m’avait prêté ses vêtements, j’y ai reconnu le symbole du clan Senju brodé sur le col. J’avais des sentiments compliqués quant à ça. J’étais reconnaissante envers cette femme qui était en fait mon ennemie.

— Qu’as-tu donc fait ?

— Sa sœur et son mari étaient rentrés quelques jours après… elle l’avait grondée de m’avoir gardée.

— Vraiment ? s’étonna Hideaki. Les Senju aiment faire preuve de générosité envers même les étrangers pourtant.

— Je pense que c’était plus fort qu’elle. Malgré les apparences de progrès, les Uzumaki parviennent à peine à assouvir les besoins de leurs familles. En cessant de faire la guerre et d’offrir leurs services, la plupart d’entre eux ont perdu leur travail en tant que ninjas et ont dû se consacrer à des boulots qui payent beaucoup moins. Contrairement au Pays du Feu où l’agriculture et l’industrie du bois prospèrent, le Pays des Tourbillons est une petite île constamment menacée par les désastres naturels, la vie là-bas est chère… Je pense qu’elle s’attendait à une telle réaction de la part de sa sœur, mais se rendant compte que je n’avais peut-être nulle part où aller, elle m’avait laissée rester pour s’assurer que mon état s’améliorait.

Hanako respira en profondeur et reprit d’une voix froide :

— Attiser la pitié des autres est un sentiment désagréable… et c’est encore pire quand il s’agit d’un ennemi.

— Elle ne savait pas que tu étais son ennemie, dit Hideaki. Elle n’a pas agi par pitié, les Senju ont tendance à se montrer généreux. Mais si elle avait su que tu étais une Uchiha, elle t’aurait peut-être laissée mourir dans la rue.

— J’en suis persuadée, mais…

La kunoichi ravala les larmes qui s’accumulèrent aux creux de ses yeux.

— J’allais vachement mieux grâce à elle. Je n’avais qu’à récupérer mes armes de la cachette où je les avais gardées dans la taverne et accomplir ma mission… mais tout ce dont je pensais, c’était que si je laissais mon père mettre la main sur un tel pouvoir dévastateur, il éliminerait les Senju et les Uzumaki… et cette femme envers qui j’avais une dette. J’avais donc abandonné ma mission, menti à mon équipe et à otou-sama. J’ai feint l’incompétence pour dissimuler ma faiblesse.

— Que ressens-tu à présent ? s’enquit le capitaine. Cette mission n’est pas différente de la précédente. Même si nous échouons, Akira-sama enverra une autre équipe pour récupérer le parchemin du sceau de Kyuubi, et il utilisera son pouvoir visuel pour le manipuler, exterminer les Senju et les Uzumaki, soumettre tous les autres clans et ainsi mettre fin à la guerre. Comptes-tu te mettre en travers de sa route encore une fois ?

Qui était-elle de toute façon pour mettre des bâtons dans les roues au puissant chef du clan Uchiha ? Elle ne se voyait pas plus embêtante qu’une mouche ! Une nouvelle histoire de la gloire du clan du sharingan s’inscrivait. Les Uchiha étaient la flamme qui illuminait le Pays du Feu et l’éventail qui veillait à raviver cette flamme. Le clan qui apporterait la paix véritable à ce monde chaotique. Elle en était convaincue, mais ce monde ne respectait que les forts. Donc, si le succès de cette mission allait permettre à son clan d’être à l’apogée de sa puissance, elle ne pouvait laisser une faiblesse telle que la gratitude envers ses ennemis freiner sa détermination.

— Non. Je suis prête.

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