Naruto Préquel | Le Prologue
1.
Pays du Feu – Domaine du Clan Yamanaka
Hanako attrapa du majeur son bracelet dans une tentative désespérée de le tirer de sous la corde qui liait ses poignets. Si seulement elle réussissait à extraire la lame tranchante qui se trouvait à l’intérieur, mais…
« Merde ! », lâcha-t-elle en cognant son front contre le parquet, les yeux larmoyants. Même si elle libérait ses mains, il lui resterait encore ses bras et ses jambes. Impossible qu’elle y aboutît sans se faire remarquer.
Un bruit de pas approchants retentit. Elle s’immobilisa, feignant l’évanouissement.
— On fout quoi avec cette pétasse, aniki ? Si on la vend à Tanzaku, on se fera une fortune.
— N’y pense même pas, crétin. C’est une source précieuse d’informations. Le chef va sans doute nous récompenser de l’avoir capturée.
— Tu parles… Il doit être mort ivre dans un quartier des plaisirs tandis qu’on est coincés dans ce sale trou avec un ennemi qui possède le sharingan.
— Fais gaffe à ce qui sort de ta gueule ! Si tu la laisses croire qu’elle te fait peur, elle va piquer une autre crise. Y en a marre de la calmer !
— Ça va, te fâche pas. Elle a épuisé son chakra, je ne pense pas qu’elle puisse encore se battre. Et puis…
L’œil à moitié ouvert, Hanako le vit s’emparer d’une tige métallique à l’extrémité aplatie et remuer le feu de l’irori qui réchauffait la pièce. Ses yeux, d’un bleu turquoise, brillaient de malice en reflétant les flammes alors que ses lèvres s’étirèrent en un sourire en coin. La jeune femme serra les dents.
— Dans ce cas… autant se la taper !
— Laisse-la tranquille, soupira son compagnon. Si tu dénoues ses liens, elle risque de s’échapper.
— Y a pas mille autres moyens de la faire cracher le morceau.
— Shinji va essayer de lire dans son esprit. Si l’on apprend davantage sur elle, on pourra facilement utiliser son corps pour s’infiltrer au domaine Uchiha.
— Pas avec cette saloperie de genjutsu. Les garces comme elles ne comprennent que le langage de la violence. Tu vas voir… je vais lui faire avouer jusqu’au nom de sa putain de mère, railla-t-il.
— Fais comme tu veux… mais tâche de lui fermer la gueule. Je n’aime pas entendre les femmes chialer.
— T’es trop faible !
Le grincement de ses pas sur le parquet alors qu’il s’approchait d’elle résonna dans sa tête. Son cœur battait la chamade. Le corps frissonnant de sueurs froides, Hanako se mordit la langue. Plus aucune prière ne pouvait la sauver…
— Désolé ma coquine, ça va te faire de jolies cicatrices… Ne m’en veux pas, tu n’m’as pas laissé d’autres choix !
2.
Pays des Tourbillons – Océan
Ouvrant grand les yeux, Hanako se leva d’un bond. Elle frôla ses bras de ses mains tremblantes, puis regarda autour d’elle. Dans le noir, le clair de lune émanant des hublots illuminait les traits fins de Nobara, endormie dans la couchette à côté.
La jeune Uchiha prit une profonde inspiration et écarta ses mèches moites. Elle s’empara de son wagasa et quitta la cabine. Au moins, elle avait réussi à somnoler quelques heures, bien que perturbée par des cauchemars. À son tour de monter la garde et laisser Hideaki se reposer. Au moment où ses pensées se dirigèrent vers son coéquipier, elle l’aperçut à la proue du navire. Dos à elle, il contemplait le ciel étoilé.
— Hanako, dit-il avant de se tourner vers elle.
Elle tressaillit, ne s’attendant pas à ce qu’il sentît sa présence aussi vite malgré ses pas prudents et le clapotis des vagues. Il semblait noyé dans ses pensées. Elle parcourut la moitié de la distance qui les séparait et s’arrêta devant le mât. Le vent soufflait fort, faisait voltiger sa tresse et comblait les voiles. À une telle cadence, ils atteindraient leur destination au petit matin.
— Va te reposer ! dit-elle en levant la voix. On a un autre trajet à faire demain.
Il avança vers elle et une fois à sa hauteur, il entoura d’un geste vif sa taille et la colla contre lui. Un frisson parcourut le corps de la jeune femme. Sentant ses doigts empoigner son derrière, elle recula, les yeux plissés.
— Bien dormi ?
— Un peu, balbutia-t-elle. J’ai fait le même cauchemar.
— Vraiment ? dit-il, enjoué.
Hanako hocha la tête. Elle s’attendait à ce qu’il lui posât des questions à propos de ce cauchemar, dont elle ne lui avait jamais fait part. Curieux, Hideaki ne manquait jamais de lui soutirer le moindre détail. Cependant, sa réponse la surprit plus que son comportement inhabituel.
— Et si… nous dormions ensemble ? Nous n’aurions pas froid… et tu ne verrais plus de cauchemars.
Elle fronça les sourcils en le dévisageant.
— J’aimerais bien, dit-elle d’un sourire. Mais l’un d’entre nous deux doit monter la garde, on ne peut pas compter sur Nobara. Je vais me contenter d’un câlin…
— Ah ! Avec plaisir.
Il passa ses bras autour du cou de la kunoichi et reposa son menton sur sa tête. Il tira un kunai de sous la manche de son haut et dirigea sa lame pointue vers sa nuque, les mains tremblantes.
« Pourquoi ? », lâcha-t-il, crispé, en recevant un coup dans l’entrejambe. Hanako contourna sa cheville avec son mollet et le bouscula. Il tomba sur le ventre, la mâchoire heurtant le plancher. La kunoichi s’assit sur son dos et s’empara de ses deux poignets, faisant pivoter en arrière ses épaules. À contre gré, il renonça à son arme.
— T’en as mis du temps, souffla-t-elle, ses iris devenant cramoisis. Je parie que tu n’as jamais tué quelqu’un…
— Ne te moque pas de moi ! tonna-t-il. Je n’arrive toujours pas à croire que tu m’as eu.
— Tu sous-estimes les Uchiha, gamin. Tu me prends pour qui, pour croire à ta comédie ?
Il grinça des dents, le poids de Hanako sur ses hanches rendait la douleur insupportable.
— Comment… l’as-tu su ? articula-t-il avec difficulté.
— Tu m’as reconnue avant même de me voir, je suppose que t’as senti mon chakra. Hideaki n’a pas une telle capacité. Tu étais vigilant, donc… stressé ?
Il pouffa de rire.
— Tu te fous de ma gueule ? riposta-t-il, le teint regorgé de sang. Tu ne peux pas attaquer ton amoureux pour une hypothèse aussi ridicule.
Hanako rit avec douceur.
— Tiens ! C’est adorable. Tu penses vraiment que nous sommes amoureux ?
— Je vois… je me suis trompé.
— À vrai dire… quand je t’ai vu ce matin, j’ai tout de suite su que je t’avais rencontré quelque part. Seulement, je ne pouvais plus me rappeler où… tu as changé.
— Tu veux que je te rafraichisse la mémoire ?
— Ce n’est pas nécessaire. C’était quand j’avais infiltré les montagnes du clan Yamanaka. C’était toi, n’est-ce pas, le gars qui m’avait aidée à m’échapper ?
— Je n’ai jamais pu oublier à quoi tu ressembles, malgré l’état lamentable dans lequel tu étais…
— Je n’en ai parlé à personne, tu sais… à propos de ton identité. Je ne savais pas que t’avais une dent contre moi. J’aurais dû avertir Hideaki.
Il lâcha un ricanement.
— Tu parles comme si nous étions de bons vieux amis ! Je n’ai jamais voulu t’aider, tu m’as séduit avec tes larmes de crocodile. Yamamaru était allé trop loin à t’amocher comme ça. Tu m’avais fait pitié, voilà tout. Mais si j’avais su qui tu étais, je l’aurais laissé te torturer jusqu’à la mort !
Hanako serra les dents alors qu’une vive douleur lui fendit le cœur et embruma sa vision.
— N’est-ce pas cruel pour un gamin de dire ça à une femme ? Est-ce que le fait que je sois une Uchiha rend le fait de me torturer et de me violer normal ?
Les larmes tombèrent sur le dos de sa main alors que ses ongles s’enfonçaient dans la chair de Hideaki.
— Tu me déçois. Je te croyais gentil… Si seulement, je ne t’avais plus jamais rencontré. Au moins, j’avais un bon souvenir de toi.
— Hypocrite ! Voilà ce que tu es, rétorqua-t-il d’un ton plus fort. Pourquoi ne serais-je quelqu’un de bien que si je t’aidais… alors que tu espionnais mon clan au profit de ses ennemis ?
Hanako déglutit sa salive bilieuse. Ses lèvres tremblèrent à la recherche d’une réponse, qui ne vint pas. Hypocrite. Était-elle une hypocrite ? Elle ne savait plus que penser ni pourquoi cela l’affectait tellement. Déçue. Était-elle déçue ? Pourquoi ce genre de sentiments envers un ennemi ?
Les palpitations résonnaient dans ses oreilles. Tout semblait recommencer. Comme à l’époque, avec cette jeune femme aux cheveux blonds… Si elle n’avait pas laissé ses sentiments envers elle se développer, elle n’aurait pas échoué dans l’accomplissement de sa mission. Elle devait se décider de son camp. Elle ne pouvait pas continuer à tromper tout le monde, à mener une vie brumeuse…
Elle ferma les yeux et inspira en profondeur. « Je suis Uchiha Hanako », se répéta-t-elle. La descendante d’Uchiha Hikaku, l’un des plus puissants chefs qu’avait connus son clan. En tant que kunoichi, elle avait juré devant la Stèle de Pierre de se consacrer corps et âme pour la gloire de son clan et d’honorer ses ancêtres, et elle en était fière.
— Nous… ne nous battons pas pour la même cause. Le clan Uchiha… va apporter l’ordre et la paix à ce monde !
Son ennemi pouffa de rire.
— Ah, oui ? Je suis touché ! ricana-t-il. J’étais peut-être naïf… je ne savais rien de votre clan. Un orphelin qui apportait la nourriture aux prisonniers et nettoyait leurs excréments… Chaque jour, je m’entraînais avec mon maître pour rejoindre l’armée et devenir la fierté de mon clan. Tu as ruiné ma vie. À cause de toi… parce que j’avais eu pitié d’un démon comme toi et que je l’avais laissée s’échapper, mon clan a perdu la bataille contre les Uchiha. Nous avons perdu nos territoires. On m’a considéré comme un traître. On a tenté de me tuer. J’ai tout perdu à cause de vous, bande de diables !
L’amertume emplit la bouche de la kunoichi. Bien que ces choses-là fussent inévitables, il lui était désagréable – voire insupportable – d’écouter ces aveux. Elle se mordit la langue, le laissant vider son sac.
— Je vivais la vie d’un fugitif, je mangeais rarement à ma faim… mais je ne voyais pas où était le mal de venir en aide à une pauvre femme maltraitée. Pas avant qu’un autre clan ne m’accueille, car c’est là que j’ai compris pourquoi Yamamaru n’avait pas eu pitié de toi. J’ai vu de mes propres yeux les monstres que vous êtes ! Vous usez de votre force pour priver les faibles de leurs terres et s’ils protestent, vous vous amusez à exploiter leurs enfants, à violer leurs femmes et à les brûler vivants. De quelle paix est-ce que tu parles ? En réalité, ce monde irait beaucoup mieux sans vous… et vos autres hypocrites de Senju !
Ses membres s’engourdirent. Sa gorge se noua. Elle avait mal… mal au ventre, mal au cœur. Elle ne voulait pas entendre ça.
Il était vrai qu’elle n’avait jamais participé à une bataille, mais elle savait ce que cela représentait. Beaucoup de ses confrères en mouraient. Certains sur le champ de bataille, d’autres suite aux complications de leurs blessures. Les ennemis mouraient également. C’était ça la guerre. La devise des soldats étant : tuer ou être tué. Les enfants-soldats ne faisaient pas l’exception. Elle-même avait assassiné des soldats – des commandants même – quand ses missions l’exigeaient, mais elle n’avait jamais fait du mal à des non-combattants. Du moins qu’elle sût, il en était de même pour ses coéquipiers, Katana et Araya. Elle peinait d’imaginer ses confrères faire cela. Ils n’étaient certainement pas parfaits, mais la plupart des soldats qu’elle connaissait étaient de bons pères. Pourquoi s’en prendraient-ils à de faibles familles pacifistes ?
Non… il ment. Je ne dois pas rentrer dans son jeu. Il déforme les faits pour fonder ses arguments, pour justifier sa rancune. Otou-sama n’aime pas le gaspillage, pourquoi financerait-il une campagne contre un clan qui ne constitue aucune menace pour nous ? Et puis, notre armée offre sa protection aux autres clans… leurs terres sont notre droit légitime !
L’air de la nuit remplit ses poumons et rafraichit ses pensées. Hanako poursuivit son monologue sur ses convictions les plus intimes. La bénédiction de son clan, la puissance et le sharingan, lui donnait la responsabilité de mettre de l’ordre dans ce monde chaotique. Peu importe à quel point leurs moyens paraissaient sales, leur objectif demeurait noble. La kunoichi qu’elle était devenue savait pertinemment que l’équilibre de la nature se fondait sur un principe aussi limpide que « les forts mangent les faibles ». C’était pourquoi elle ne pouvait permettre à quiconque de réduire ses confrères à de simples monstres assoiffés de sang.
— Tu ne sais rien de nous, pratiquement rien… Alors, ferme-la ! rétorqua-t-elle d’un air glacial. Tu n’es qu’un idiot qui se croit intelligent. T’aurais dû le savoir pourtant… que je connais les techniques secrètes de ton clan ! Tu ne m’as même pas embêtée à essayer de voir clair dans ton jeu, tu t’es révélé toi-même ! Hideaki n’aurait jamais osé toucher mon cul, sale pervers ! Lui… est un Uchiha respectueux. Je ne te pardonnerai jamais d’avoir exploité son corps de cette manière. Et maintenant… ton jeu est terminé !
Elle serra les poignets de son capitaine d’une seule main et sortit de l’autre un aiguchi, dont le fourreau noir s’attachait par une ceinture à sa cuisse. Le bord tranchant de son petit sabre frôla le cou du jeune homme. Celui-ci ravala sa salive au contact de la lame froide qui perça sa peau.
— Puisque tu connais si bien nos techniques secrètes, tu dois être au courant que cela va tuer ton ami, mais ça n’a pas l’air de te déranger. C’est ça votre nindou, vous les Uchiha ? railla-t-il.
Hanako pesta et enfonça un peu plus son sabre, laissant couler un filet de sang le long du cou de l’Uchiha.
— En fait, c’est encore mieux de ce que j’avais prévu. N’hésite surtout pas à planter ce couteau dans sa gorge ! Au bon moment, je retournerai indemne à mon corps et lui… bah, il mourra ! C’est la meilleure des vengeances que je peux avoir. L’autre fille pourrait tenter de venger son frère, mais dans le meilleur des cas, ton clan t’exécutera pour avoir tué ton capitaine. N’est-ce pas l’ironie du sort ?
La jeune femme lâcha un petit ricanement.
— Merci d’avoir élucidé ton plan. Je me le disais bien… que tu n’étais qu’un idiot qui se considérait plus intelligent que tout le monde.
Enfoiré de Yamanaka… Comment avait-elle cru qu’il quitterait le corps de Hideaki si elle lui faisait imaginer qu’elle était prête à le tuer ? Elle ne pouvait pas se tromper davantage, il n’était pas aussi dupe. Ce n’était pas sage de le sous-estimer.
Resserrant ses jambes sur son silhouette, elle essuya de ses doigts le sang de Hideaki. Elle effectua une série de mudras, puis plaqua la paume de sa main contre le sol.
— Kuchiyose no jutsu !
Un chat gris bâillant apparut devant elle.
— J’étais au milieu d’un rêve plein de poissons, pourquoi me déranges-tu à un tel moment, nyan ? grommela le minet.
Surpris, l’animal écarquilla les yeux.
— Toi ! Qu’est-ce que tu fous au-dessus de Hideaki-chanya ?
— Un Yamanaka s’est emparé du corps de Hideaki avec une technique de transposition, il a le contrôle total sur lui. J’ai besoin que tu utilises ton odorat pour trouver le corps de l’utilisateur. Il est quelque part sur le bateau. Nous devons le trouver avant que son esprit ne lui revienne.
— Quoi-nya ? Tu me prends pour un chien, nyan ? Je ne reçois pas les ordres des humains, nyan !
— Mais… tu ne voudrais pas aider Hideaki ?
Le jeune homme éclata de rire et leva la tête vers Hanako, croisant ses iris flamboyants.
— Un chat qui parle ? Intéressant comme invocation, mais ça ne sert à rien contre moi. Une fois que tu auras baissé ta garde, je retournerai dans mon corps et finirai avec vous deux une fois pour toutes.
— Toujours à sous-estimer tes ennemis, hein ? De toute façon, c’est trop tard pour que tu fasses quoique ce soit… tu es déjà sous l’emprise de mon genjutsu.
Le jeune blond se trouva allongé sur le dos, le ciel étoilé au-dessus de lui avait disparu, ainsi que Hanako et le chat. Seul dans un endroit sombre et sans limites définies, des flammes l’entouraient, se reflétaient sur ses prunelles turquoise dilatées et s’approchaient de lui à une allure dangereuse, envahissant en quelques secondes toute la dimension. Terrifié, le visage renfrogné, il les chassa des mains et des pieds dans une vaine tentative de se protéger. Il cria de toutes ses forces à la vue de sa peau hâlée virer à un rouge écarlate. L’odeur de la chair brûlée et la chaleur qui le suffoquaient ne valaient rien devant la douleur vive qui battait sous son épiderme.
Je dois me ressaisir… Ce n’est qu’un genjutsu. Une illusion. Rien de cela n’est réel. Calme-toi, Shinya, calme-toi !
Il ferma ses paupières et concentra le chakra dans tout son corps, essayant de se libérer du genjutsu. La souffrance s’atténua jusqu’à disparaître. Le blondinet lâcha un soupir de soulagement. Une fois les yeux ouverts, il fondit en larmes tel un enfant cherchant sa maman. La déception l’envahit à la vue de son cadavre carbonisé au milieu des flammes qui continuaient à le dévorer.
3.
Hanako s’empara d’une baderne qu’elle coupa à l’aide de son petit sabre en quatre cordes. Elle lia les poignets et chevilles du corps inerte de Hideaki où l’esprit de Shinya – piégé dans son genjutsu – se trouvait. À côté, le chat léchait sa patte sans s’en soucier.
— Si t’as pas l’intention de m’aider, je vais faire appel à Tama-chan, et lui donner tous les poissons en récompense !
Le chat ninja suspendit sa toilette. La patte en l’air, il fixa la kunoichi avec de gros yeux ronds.
— Oh ! Cette grosse chatte, nyan ? Seul un chat agile comme moi nya pourra accomplir cette tâche !
Hanako s’agenouilla et lui caressa la tête en le gratifiant d’un sourire félin.
— Je savais que je pouvais compter sur toi nya, Haiiro-chan, t’es le meilleur !
Le minet se frotta contre sa jambe en ronronnant, puis courut à la recherche du corps de Shinya. Les sens aiguisés des chats ninjas – et plus particulièrement leur odorat – pouvaient localiser grand nombre d’effluves spécifiques, telles que celle des humains.
Hanako regagna la cabine et vérifia les deux chambres ainsi que l’ensemble des compartiments. Grâce à son sharingan, elle put distinguer le chakra de Nobara et de Kaito, toujours endormis dans leurs couchettes. Aucune trace de Shinya.
Durant la première tranche de la nuit, c’était à Kaito de monter la garde. Hideaki ne l’avait probablement pas réveillée parce que Shinya s’était emparé de son corps avant qu’il ne le fît. Si Shinya avait déjà pris la place de Kaito, cela voulait dire… Le cockpit ?
Elle courut à la poupe du voilier et analysa les lieux : une barre, une carte et une boussole sur le tableau de bord ; mais le jeune homme ne se trouvait nulle part.
La proue alors ? En y pensant, c’est là que j’ai vu Hideaki. La kunoichi se tint face au bastingage, le regard fixé sur l’horizon, et essaya de se rappeler les détails de sa mission d’espionnage au domaine Yamanaka.
Lorsque le prénommé Yamamaru avait découvert son identité, un combat s’était enchaîné entre eux. Hanako avait lancé une boule de feu suprême en sa direction et couru à la sortie du domaine — une sorte de tunnel creusé au sein d’une montagne.
Haletante, elle avait jeté un œil derrière elle. Le torse nu, avec des plages de peau écarlate, Yamamaru la poursuivait. Brusquement, elle s’était cognée contre une silhouette imposante. « Attrape-la, aniki ! », avait résonné la voix de son adversaire dans le tunnel.
Elle avait pressé le pas, mais l’autre homme avait saisi son bras et l’avait tirée vers lui de sorte que son dos se heurtât à son torse. Elle avait ouvert la bouche, assoiffée d’air, mais le biceps de son ennemi qui écrasait sa gorge ne l’aidait pas trop.
Elle avait attrapé le poignet du Yamanaka et pivoté son corps dans une tentative de se libérer. Agitée, elle frôlait de l’autre main sa cuisse, essayant de s’emparer de son aiguchi.
« Merde ! Ne la laisse pas bouger, je vais utiliser shintenshin no jutsu ! », s’était écrié Yamamaru, à quelques mètres d’eux. Ce dernier avait formé la mudra d’oiseau avant de s’écrouler. Hanako n’avait pas compris pas ce qu’il s’était passé, mais l’homme l’avait lâchée. « C’est ma chance ! », s’était-elle dit, mais sa main avait refusé d’obéir à sa volonté, pas même ses jambes…
La jeune Uchiha se frotta les bras, ce genre de souvenirs la laissait toujours frissonnante. Shintenshin no jutsu... Le point faible de cette technique réside dans le fait que la cible doit demeurer fixe. Si la cible bouge au moment où l’utilisateur lance sa technique, son esprit quittera son corps sans parvenir à sa fin… Le corps de l’utilisateur restera inerte, ce qui fera de lui une proie facile. Cela veut dire que Hideaki n’avait probablement pas remarqué Shinya, il était peut-être debout ici, dos à lui. Shinya se tenait un peu loin, sinon il aurait senti sa présence.
Hanako s’ébouriffa les cheveux, énervée. Tout ça ne m’aide en rien… Shinya a dû cacher son corps quelque part après qu’il avait pris possession du corps de Hideaki. Mais où, bon sang ? J’ai cherché partout !
En faisant volte-face, son regard se posa sur la voile. Est-ce possible ? Elle courut jusqu’au mât et leva la tête. Sur la bôme, le corps du blondin se tenait devant Haiiro, ses bras et ses jambes – à peine dissimulés par la voile – pendaient telles des nouilles de part et d’autre de l’espar.
— Hanako-chan, je l’ai trouvé !
— Quel cinglé ! Un coup de vent et il se ferait écraser le crâne.
La kunoichi concentra le chakra dans ses pieds et grimpa le mât, puis poursuivit sa démarche sur le gui avec des pas prudents. Elle passa ses avant-bras sous les aisselles du Yamanaka et l’entraîna avec elle dans sa descente.
— Il est plus lourd qu’il en ait l’air !
— Tu aurais dû le jeter de là-haut ! dit Haiiro. Il ne mérite pas moins nyan !
— Je ne connais pas tous les secrets de cette technique. Leurs corps sont peut-être liés. Je ne veux pas que quelque chose de mal arrive à Hideaki…
Elle l’adossa contre le mât et lia ses chevilles et ses poignets. Un voile de tristesse envahit le visage de l’Uchiha quand ses paroles lui revinrent à l’esprit. Cette fois, je ne vais pas succomber à la faiblesse…
Elle se pencha sur le corps de son cousin pour le libérer du genjutsu, mais recula d’un sursaut quand il ouvrit les yeux avant qu’elle ne le fît.
— Lequel des deux… es-tu ? demanda-t-elle, hésitante.
— C’est Hideaki, dit-il en se redressant. J’ai découvert un moyen de me libérer de sa technique grâce à ton genjutsu, mais j’ai attendu que tu trouves d’abord son corps. Bien joué, Hanako.
— Je vois. Je suis désolée…
Elle s’agenouilla derrière lui et commença à défaire ses nœuds. Du coin de l’œil, elle remarqua que Shinya demeurait inconscient. Elle s’arrêta. Hideaki fronça les sourcils et lui lança un œil interrogateur. Elle se racla la gorge.
— Dis-moi quelque chose que seuls nous deux savons. Juste… pour que je sois sûre que c’est toi !
Le capitaine pouffa de rire.
— Hum… voyons voir.
Elle rétrécit la fente de ses paupières et le fixa intensément.
— Alors ?
— Tu te souviens… de ma première bataille ? Non, pas ça… Arrête de me regarder comme ça, tu me déconcentres ! marmonna-t-il.
— Je m’en souviens…
Ce dont elle se rappelait était la colère de son père contre Tajima. Son frère aîné excellait en kenjutsu et en taijutsu. En tant que successeur au chef, il s’entraînait et étudiait sans relâche pour se perfectionner dans tous les domaines. Tout le monde avait une bonne opinion de lui, jusqu’à ce jour. Seulement, Hideaki possédait quelque chose que Tajima n’avait pas encore développé à un jeune âge. Leur cousin était né pour être un stratège. Il avait fait preuve de génie dès sa première participation à la guerre et Akira ne semblait pas apprécier cela.
— Eh bien… Je t’avais rencontrée ce matin-là à l’entrée du temple Nakano. Je crois que tu attendais ta mère. Tu portais un kimono blanc avec des fleurs de cerisier.
— Je me rappelle ce kimono… et puis, c’est vrai que ma mère priait tous les jours pour otou-sama et ani-sama.
Elle le débarrassa de la corde, mais il poursuivit son récit d’un air songeur :
— Tu m’avais souhaité bonne chance et tu m’avais dit…
Les joues de Hanako s’empourprèrent, elle baissa la tête et détourna son regard.
— Que j’avais intérêt à revenir indemne, car tu avais l’intention de m’épouser.
Ils rirent à l’unisson en s’admirant.
— Tu as une bonne mémoire. Je parie que je ne savais même pas ce que signifiait le mariage à cet âge… j’étais fascinée par le shiromuku, je m’imaginais belle en le portant. C’est tout.
Hideaki défit le nœud qui liait ses chevilles.
— Un jour, tu le porteras et tu seras encore plus jolie.
Hanako gloussa malgré le pincement dans son cœur.
— Je ne le crois pas. Regarde-moi un peu…
Il la gratifia d’un petit sourire et s’assis face à elle.
— Hanako, je…
— Je suis un gâchis, l’interrompit-elle. Je n’ai pas l’air d’une kunoichi… et je n’agis pas comme une. Je suis sincèrement désolée, Hideaki. Je ne t’ai apporté aucun bénéfice, je n’ai fait qu’aggraver les choses.
Les yeux tombants de Hideaki s’emplirent de tristesse.
— Est-ce que tu me fais confiance… en tant que capitaine ?
Elle haussa les sourcils.
— Ce n’est pas ça… Si je t’avais parlé de lui, j’aurais été obligée de te raconter les détails de cette mission. J’avais honte, c’est tout. Je suis vraiment désolée, je n’imaginais pas les choses arriver là.
Il lui donna une petite tape sur le bras.
— Tu n’as pas à t’excuser, je ne t’en veux pas. Nous sommes des shinobi et nous avons chacun des secrets que nous ne voulons partager avec personne… Mais pour mener à bien une mission, nous sommes obligés de laisser nos sentiments de côté.
— Tu as raison… je suis désolée, dit-elle d’une petite voix, la tête baissée.
Hideaki lâcha un soupir et lui souleva avec douceur le menton.
— Tu as fait du bon travail, ne sois pas si dure avec toi-même.
Son expression tendre la rassura, mais ne suffit pas à chasser son angoisse. Après ce qu’il avait fait, Shinya n’était décidément plus le bienvenu. Dans un combat ordinaire, elle l’aurait tué, mais sa mine meurtrie éveilla sa compassion. Ce n’est pas moment de céder, Hideaki va me prendre pour un boulet… Elle se redressa et ramassa son wagasa.
— Je vais m’occuper de lui… et expliquer la situation à Kaito-san.
Elle marcha vers Shinya d’un pas lent. Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, il détourna le visage, évitant son regard.
— De dernières paroles ? souffla-t-elle.
— Le plus vite possible, s’il te plaît.
Elle se mordit la lèvre et souleva des deux mains son katana au-dessus de sa tête, dont la lame étincela au clair de lune. D’un mouvement vif, elle projeta son arme en avant. Son geste s’interrompit avant que la pointe n’atteignît le cou du blondin. À sa droite, Hideaki agrippait son poignet. Elle le scruta d’un air dubitatif, la réponse vint sans mots : les yeux de l’Uchiha reflétaient le mangekyou sharingan.
— Hideaki, tu…, balbutia-t-elle.
— Oui.
Le Yamanaka leva la tête vers eux, contrit. Hideaki le regarda droit dans les yeux un bon moment, après lequel, le jeune homme s’endormit.
Hideaki lâcha un grognement plaintif et plaqua sa paume droite contre son visage. Une violente céphalée parcourut son crâne, suivie d’un vertige. Il appuya sa main gauche contre le mât pour tenir l’équilibre. Hanako empoigna ses épaules.
— Hideaki ! s’écria-t-elle. Qu’est-ce que t’as ?
— Ce n’est rien… ça doit être à cause de la technique.
— Tu te sens mieux ?
Il baissa ses mains et hocha la tête. Les traits du visage de sa coéquipière lui parurent flous.
— Oh ! Non… ton œil saigne, dit-elle en un trémolo.
Un sourire niais se dessina sur les lèvres de Hideaki.
— Pourquoi t’as fait ça ? Regarde-moi un peu dans quel état tu t’es mis !
— Je vais bien, Hanako. Ça ne sert à rien de le tuer, ça va nous apporter des ennuis.
— Tu veux dire avec Kaito-san ?
— Oui. Même si tu lui expliques qu’il a tenté de te tuer, et qu’il vient d’un clan ennemi, son absence nous posera un problème. Il semble compter beaucoup sur lui, je ne veux pas que cela affecte le cours de notre mission.
— Je vois…, balbutia-t-elle.
Il sortit un kunai de sa pochette à armes et coupa les liens de Shinya — toujours endormi, puis le porta dans ses bras et l’emmena dans la cabine.
4.
Hanako s’adossa contre le bastingage en contemplant les légers nuages. Au bout de quelques instants, elle vit Hideaki monter la descente avant de se joindre à elle, les yeux rivés sur les vagues qui butaient contre le bateau.
— Tu ferais mieux d’aller te reposer, c’est clair que ta technique t’a épuisé.
— Je vais dormir à la belle étoile.
— Tu n’es pas sérieux, j’espère. Il fait un froid de chien !
— Si ! affirma-t-il en lui montrant un petit sac à dos. J’ai apporté mon sac de couchage. Ce n’est pas comme si l’on avait l’habitude de dormir dans des circonstances meilleures.
— Pourquoi est-ce que les shinobi aiment se compliquer la vie ?
— Eh bien… « Un Dieu unique, à la recherche de stabilité, scindé en deux, yin et yang. Ces deux forces opposées, travaillant ensemble, donnent toutes choses dans la création. », je suppose que c’est en rapport avec ça.
— Oka-sama m’a dit que nos ancêtres avaient écrit ça sur la Stèle de Pierre pour nous servir de guide dans ce monde, mais le peu de versets que j’arrive à déchiffrer avec mon sharingan me semble si ambigu.
— Après avoir éveillé le mangekyou sharingan, j’ai réussi à lire des passages que j’étais incapable de déchiffrer avant, mais ce n’est pas simple de comprendre ce qui est écrit. J’ai souvent recours aux mémoires de mon père pour me faciliter l’interprétation. Ce verset me fait penser à la vie et aux shinobi. Je croyais que nous nous compliquions l’existence pour rien, seulement pour dire que nous sommes des ninjas, nous endurons… Mais otou-sama l’explique différemment. Il voit que le bonheur trouve son sens dans la souffrance, l’aisance dans la difficulté, la vie elle-même dans la mort… Sa vision m’a aidé à surmonter des temps difficiles de ma vie.
Entendre Hideaki évoquer son père attisa la curiosité de Hanako. Une certaine sérénité enjolivait sa voix, lui donnant envie de connaître son oncle. Elle s’attendait à ce que son cousin dît davantage, mais le silence s’installa, interrompu par moments par le clapotis des vagues. Le chef ne parlait jamais de son aîné et ses souvenirs à elle – le concernant – étaient vagues. Hideaki lui-même n’avait que sept ans à sa mort. Tajima lui avait dit qu’un conflit existait entre les deux frères et c’était la raison pour laquelle leur père ne supportait pas que son neveu ou sa nièce surpassassent ses propres enfants. À cette pensée, la kunoichi s’abstint de poser des questions.
— En fait… tu m’avais demandé si je te faisais confiance en tant que capitaine. Ma réponse est « oui ». Je pense que tu es une personne digne de confiance. Je tiens à ce que tu le saches.
Il la gratifia d’un tendre sourire qu’elle lui rendit, et il ne put qu’être ravi de pouvoir le voir avec clarté.
— Merci, Hanako, ça compte beaucoup pour moi. J’espère pouvoir être digne de ta confiance.
— Qu’est-ce que tu racontes ? Bien sûr que tu le seras, tu es notre génie !
— Tu exagères…
— Pas du tout. C’est tout le monde qui le dit.
Le sourire de Hideaki s’estompa. Il leva la tête vers la pleine lune qui ornait le ciel.
— La lune… est belle, n’est-ce pas ?*
— Oui, dit-elle en tapotant son épaule, enjouée. Tu as intérêt à dormir bien au chaud si tu veux être à la hauteur demain ! Allez, oust !
— J’y vais… je voulais juste discuter avec toi, marmonna-t-il.
— Nous aurons tout le temps de discuter demain !
5.
Au lever du jour, les mouettes survolèrent le navire. À l’horizon, Hanako pouvait distinguer une île. Le Pays des Tourbillons. L’excitation de revoir son frère cadet après plusieurs semaines d’absence la submergeait.
Shinya sortit de la cabine et tendit les bras en bâillant.
— Ohayo ! dit-il de bonne humeur.
L’Uchiha hésita à le saluer. Le Yamanaka ne semblait pas se rappeler les événements de la veille ni la mépriser. La technique de Hideaki fut un succès, constata-t-elle.
***
Tout le monde prit place autour de la table au carré pour le petit déjeuner : des makis fourrés de saumon avec de la sauce soja, des onigiris aux légumes et aux crevettes et du poisson grillé.
Alors que Nobara dévorait son dixième poisson, Hideaki avait à peine mangé deux onigiris. Son regard passa de Shinya à Kaito, puis se posa sur Hanako, qui avala son maki en une bouchée. La jeune femme le contempla d’un œil curieux. Elle avait elle-même aidé à préparer le repas, pourquoi mangeait-il si peu ?
— Hideaki, tu vas bien ?
— Pardon. J’ai le tournis…
— Ça doit être le mal de mer. C’est tout à fait normal, jeune homme ! dit Kaito. Shinya-kun en souffrait aussi lors de ses débuts, n’est-ce pas ?
— Vraiment ? murmura Shinya en fronçant les sourcils. Si vous le dites…
Kaito s’esclaffa en tapotant le dos du jeune marin.
— Sois pas si timide, voyons !
Hideaki s’essuya la bouche et s’excusa avant de regagner la chambre des shinobi. Hanako termina son assiette et se précipita à rejoindre son capitaine, tandis que Nobara aida Shinya à débarrasser la table et laver la vaisselle. Kaito sourit en regardant le blondinet raconter à la jeune femme ses aventures.
— Hum… comment s’appelait-il déjà ? balbutia-t-il en se grattant la tête.
— Takezo, dit Kaito.
— Oui, oui… et il y avait ce gars, Takezo. Il maniait son sabre comme un dieu ! Je t’le jure, il a même vaincu leur boss !
— Ha ? Puisque je te dis que je suis imbattable en kenjutsu ! se vanta Nobara en un battement de cils. Il ne tient aucune chance devant moi, ce type, aucune !
***
Hideaki rangea ses affaires dans son sac de voyage : shuriken, boites de médicaments et d’antidotes, corde kaginawa, produits de beauté, perruques rousses…
— Tu souffres toujours des effets secondaires de l’utilisation du mangekyou sharingan ?
— Je vais bien… mais ma technique semble avoir des défauts.
Elle prend place sur la couchette à côté de lui.
— Vraiment ? Je pense que ça a très bien marché… il a l’air d’une tout autre personne.
— Oui et non. En fait, les souvenirs ne sont pas des entités distinctes. Ils sont connectés les uns aux autres. C’est pourquoi un souvenir peut éveiller un autre. En tentant de manipuler des souvenirs spécifiques, j’ai dû altérer d’autres qui leur sont associés… ça va se traduire par des trous de mémoire. Comme ça peut créer une confusion chez lui. Une sorte de déjà-vu…
— Mais il ne pourra plus se souvenir de moi, n’est-ce pas ? Ou d’hier soir ?
— Non. J’ai complètement modifié ces souvenirs et coupé les liens qui permettent de les récupérer. C’est pourquoi son cerveau peut avoir recours à de faux souvenirs pour combler le vide…
— Il m’a l’air plus serein comme ça. Il est des souvenirs que j’aimerais pouvoir changer aussi… et vivre comme s’ils n’avaient jamais eu lieu. Je pense qu’il est chanceux.
— Certains souvenirs sont douloureux certes, mais grâce à eux nous avons mûri, et nous avons acquis la capacité d’affronter ce qui est pire. C’est le même principe de ce que je t’ai dit hier. Mais bon, c’est loin d’être une technique parfaite et ça demande beaucoup de concentration. La marge permise à l’erreur est très étroite.
Elle caressa son épaule et le gratifia d’un sourire.
— Je suis sûre que tu arriveras à la perfectionner. Tu es intelligent.
Il lui sourit en retour et plongea son regard d’onyx dans le sien. L’hiver était sur les portes, mais la chaleur qui envahit ses joues lui donna l’impression qu’on avait manqué d’un poil de le brûler avec la fameuse technique de la Boule de Feu Suprême. Hanako lui faisait confiance. Elle croyait en lui. Elle s’inquiétait pour lui. Elle le trouvait intelligent. Son cœur battait la chamade. À peine quelques centimètres l’éloignaient de lui, mais il la voulait plus proche. Les yeux du brun se posèrent sur ses lèvres pulpeuses. Il approcha son visage d’un brin, entrouvrant la bouche pour dire un mot, mais un courant d’air frais le poussa à reculer d’un sursaut. Nobara se tint au cadre de la porte et il remercia Dieu qu’elle fit irruption avant qu’il ne commît une bêtise.
— Qu’est-ce que vous faites tous les deux ? Nous sommes arrivés !