La flèche du destin

La clairière n’était que désolation. Là où coulait une rivière, il n’y avait plus qu’un océan de boue jonché de débris. Même si glissements de terrain étaient imprévisibles, Artémis aurait dû voir les signes – elle était la déesse de la chasse après tout. Des bêtes auraient pu être prises au piège, ou pire encore.

C’est alors qu’un son fusa : aigu, strident, paniqué. La chasseresse pataugea jusqu’à atteindre la source du glapissement, plongea la main et repêcha… un chat sauvage, aux poils collés par l’humidité. Paniqué, l’animal se débattit, toutes griffes dehors, avant que l’aura divine ne le calme. Ses oreilles en piteux état étaient autant de traces de son passé et sa patte avant avait quelque chose de curieux… Celle-ci était cassée, réalisa la déesse en émettant un son très doux avant d’emporter le rescapé.

Mais une fois dans la grotte sanctuaire, le chat commença à émettre des miaulements lancinants. Malgré sa patte endommagée, il essayait de progresser en direction de la sortie, et les chasseresses d’Artémis, perplexes, n’arrêtaient pas de le ramener en arrière – non sans s’extasier sur ses yeux couleur orage. Puis la conversation dériva sur la récente scène de ménage entre Héra et son époux Zeus, et lasse de telles futilités, la déesse guérit la blessure avant de suivre l’animal par curiosité. Ils sortirent de la caverne, évoluèrent sur un tapis de feuilles mortes, humant l’air chargé de pluie. Des arbres frissonnaient les uns contre les autres, semblant absorber la lumière, les pieds noyés dans un brouillard opalescent. Un lac apparut au loin. Alors que les premières gouttes de pluie commençaient à tomber, le chat… s’élança sans hésiter dans l’eau. Il se lavait, réalisa Artémis, qui n’avait jamais vu aucun félin se comporter de la sorte. Amusée, elle enleva sa tunique et rejoignit son protégé, heureuse de se débarrasser de la boue qui la couvrait, tandis que les nuages déchargeaient leur cargaison diluvienne.