Breakouedo, le bruissement des bois

- Stéphania que plus personne n’appelle plus Stella depuis la nuit du 17 août 1992, ajoute quelques bûches dans le poêle de son appartement. Elle habite dans le centre-ville d’Ais. Elle a invité ses potes à fêter le nouvel an chinois chez elle. C’est l’année du Singe de Feu. Ça sent bon le riz thaï. Elle a fait des nems et des rouleaux de printemps tout l’après-midi et là elle les attend.

- Le premier qui arrive c’est Cornélius. Il envoie quelques pierres contre le carreau pour qu’elle lui envoie la clé. Il a apporté le film qu’ils avaient tourné quand ils étaient encore à l’IME de Breakouedo. Il l’a gardé pendant toutes ces années, dans le coffre de ses parents à Néant sur Yvel.

-Platypus que tout le monde appelle de son nom de naissance depuis qu’il a écrit son essai : « Nous n’avons plus besoin de la théorie du complot » flâne dans les rues. Il s’attarde un instant sur la pancarte d’un vieil homme.

Il trace dans le sable gris : « Avent je faisais la manche paske j’ai jamais réussi â me les retrouser. » Avec un haussement d’épaule dédaigneux, Cornélius lui confisque la parole :

- Ils ont pratiquement quarante ans et rien n’a changé entre eux depuis cette nuit-là. Parce qu’ils ne pourront jamais oublier. Ils sont liés pour toujours.

Stella enclenche le bouton play de son walkman. Elle pousse le volume à fond. Dans l’obscurité que le halo de leur bougie peine à repousser, la voix saturée et ténue de Freddy Mercury grézouille :

« Then came man to savage in the night

To run like thieves and to kill like knives

To take away the power from magic hand

To bring about the ruin to the promised land »