Disturbia

Chapitre 7

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:33

Robin, William Murdoch et George Crabtree étaient repartis au commissariat juste après l'incident. La jeune femme était choquée, elle avait encore du mal à croire qu'on ait voulu la tuer, elle n'avait rien fait de mal, elle n'avait même pas vu distinctement les visages de ces deux personnes, alors pourquoi vouloir l'éliminer ? Pour la première fois de sa vie, elle se sentait vraiment en danger. La réaction du jeune policier l'avait beaucoup marqué, ce réflexe de plonger sur elle pour la protéger, elle avait déjà vu ça au cinéma, mais c'était la première fois que cela lui arrivait. Elle n'aurait jamais cru quelqu'un capable de faire ça, et surtout pas pour elle. L'inspecteur Murdoch l'avait emmené dans son bureau, il la faisait patienter alors que lui et Crabtree s'entretenaient avec l'inspecteur Brackenreid. C'était un homme grand, massif, il avait les cheveux roux et une imposante moustache, ses yeux étaient bleus clair. Il imposait un certain respect par sa carrure, mais la première fois qu'elle l'avait aperçut, Robin avait tout de suite pensé au morse dans Alice au Pays des Merveilles... Assise près du bureau de l'inspecteur Murdoch, elle pouvait voir les trois hommes parler entre eux, sans entendre ce qu'ils se disaient.
- Comment ça le meurtrier a disparu ? s'étonna l'inspecteur Brackenreid, un verre de whisky à la main.
- L'agent Crabtree s'est lancé à sa poursuite, commença l'inspecteur Murdoch.
- Tout à fait Monsieur, continua Crabtree, je l'ai poursuivi jusqu'au fond d'une cour d'immeuble, je l'ai bien vu devant moi, et quand je suis arrivé... Il avait disparu.
- Comme de la fumée ? Volatilisé ?
- Il est sans doute entrer dans un des immeubles, renchérit Murdoch. C'est pour cette raison que j'ai envoyé plusieurs agents sur les lieux.
L'inspecteur Brackenreid jeta un regard indécis au jeune inspecteur. Il fit le tour de son bureau, faisant tanguer le whisky orange au fond de son verre.
- Et votre Miss machin là...
- Duncan, précisèrent les deux jeunes hommes en même temps.
- Oui voilà. Le meurtrier est à ses trousses, qu'est-ce que vous comptez faire d'elle ?
- L'agent Crabtree est chargé de sa protection, déclara Murdoch. J'ai pensé qu'il pourrait la garder en sûreté chez lui.
Derrière lui, le jeune policier avalait sa salive. Brackenreid haussa un sourcil.
- Ah, les bonnes femmes..., marmonna-t-il. Courage Crabtree.
- C'est à dire que..., bafouilla Crabtree. Je loue une simple chambre... Je ne sais pas où elle pourra dormir...
- George, voyons..., s'indigna Murdoch. Cette jeune femme a besoin d'être rassurée, de plus vous serez plus rapide si vous ne dormez pas dans votre lit. Imaginez que le meurtrier surgisse en plein milieu de la nuit, vous bondirez sur vos pieds en un rien de temps.
- L'instinct de sacrifice, Crabtree, lança Brackenreid. Les femmes adorent ça. Prévenez-moi de la suite de l'enquête.
- Nous en saurons plus quand nos agents rentrerons, conclut Murdoch. Pour l'heure, il se fait tard. George, je vous accompagne, vous et Miss Duncan, jusqu'à votre chambre.


L'agent Crabtree louait une chambre dans un immeuble non loin du commissariat, il s'y était rendu avec l'inspecteur et la jeune femme. Même s'il faisait tout pour le cacher, le jeune policier éprouvait un grand sentiment de gêne à recevoir son supérieur et une demoiselle dans sa modeste chambre... Un lit près de la porte, deux fenêtres entourées de rideaux blancs, une armoire, un bureau mal rangé ; l'agent Crabtree se sentait plus que mal à l'aise. Après s'être assuré de la sûreté des lieux, l'inspecteur Murdoch était reparti au commissariat, afin de continuer l'enquête, et espérer trouver ce mystérieux agresseur fantôme. Après son départ, il y eut un grand silence dans la pièce. Robin n'osait pas regarder le jeune policier, quand à lui, il continuait de fixer alternativement le sol et le plafond.
- C'est..., se risqua Robin.
Mais elle croisa le regard de Crabtree, qui sembla la paralyser sur place. Elle essaya de continuer tant bien que mal :
- C'est très gentil de me protéger... Enfin... je veux dire... C'est votre métier de protéger les gens... Mais hem... ce vous avez fait... tout à l'heure...
- C'est mon devoir, Miss Duncan.
A force d'entendre cette expression à longueur de temps, Robin craqua et se vengea sur le jeune homme :
- J'ai l'impression d'être une vieille fille quand vous m'appelez comme ça, appelez-moi Robbie !
D'abord surpris, l'agent Crabtree eut un sourire face à la moue et au ton de Robin. Cette remarque sembla détendre l'atmosphère, les deux jeunes gens s'échangèrent des sourires amusés.
- Ne m'en voulez pas George... Mais si je m'emporte, c'est parce que je n'en peux plus d'être ici... Je ne veux pas dire ici avec vous, juste...
- Vous venez d'un autre monde, n'est-ce pas ?
Robin haussa un sourcil. Il avait donc tout compris, mais comment faire... Le jeune policier eut la forte impression d'avoir fait une bourde, son sourire s'estompa et son regard commença à parcourir la pièce, comme s'il cherchait une excuse. Robin tenta de le rassurer :
- C'est compliqué...
- Je trouve cela fascinant, au contraire ! Vous devez sans doute vivre l'aventure la plus trépidante de votre vie !
- Ce n'est pas vraiment le mot qui me venait à l'esprit, je vous rappelle quand même qu'on veut me tuer... Mais je dois avouer que vous n'avez pas tort, dans un sens, jamais je n'aurais imaginer vivre une expérience pareille dans ma vie.
En tournant les yeux vers le jeune policier, elle vit ses yeux verts pétiller, un sourire s'était installé sur son visage. Robin aurait tant voulu se confier à lui, George et le Docteur Ogden étaient les seules personnes en qui elle avait eu immédiatement confiance. Mais s'il en parlait à l'inspecteur Murdoch, cela risquerait vite de mal tourner, aussi bien pour Robin que pour George. William Murdoch aimait trop les sciences exactes pour croire à son récit, elle n'allait pas risquer un aller simple en maison de fous pour une conversation avec George, aussi plaisante soit elle... Robin alla vers une fenêtre bordée de rideaux blancs, mais elle s'en approcha d'à peine quelques centimètres que George la mit en garde :
- Miss Dun..., Robbie, vous ne devez pas. C'est une mesure de sécurité, votre agresseur pourrait vous tirer dessus.
Robin s'éloigna immédiatement de la fenêtre, elle lança à George un regard à mi-chemin entre le désespoir et la tentative de meurtre.
- Je suis navré..., murmura-t-il.
La jeune femme soupira, elle n'avait décidément droit à rien ! Elle se tourna vers sa droite, sa main buta contre le coin du bureau de George. Il y était disposé une machine à écrire, un tas de feuilles était rangé à côté. Crabtree s'avança vers Robin, celle-ci comprit alors que ce tas de feuilles n'était pas si anodin qu'il en avait l'air...
- Oh ce n'est rien..., s'empressa George.
- Vous en êtes sûr ? Demanda Robin sur un ton espiègle.
En se penchant, elle vit une présentation sur la première page : « George Crabtree – The Curse of the Lost Pharaohs ». Elle passa brièvement les pages, noircies de mots, de titres de chapitres et autres noms de personnages...
- C'est vous qui avez écrit ça, George ?
- Eh bien..., commença-t-il, embarrassé. Oui, à mes heures perdues... Souvent j'écris pendant mes gardes. Il ne se passe jamais rien de bien passionnant la nuit au Poste Quatre et je trouve...
- Je peux le lire ?
Les yeux de Robin étincelaient d'envie, elle avait enfin trouvé une occupation face à cette longue soirée. Occupation qui allait sans doute la sortir de ses idées noires, et lui faire oublier son poursuiveur... Il ne lui restait plus qu'à convaincre George, ce qui risquait d'être vite fait devant ses yeux de cocker...

Même si le roman de l'agent Crabtree l'avait captivé, Robin n'avait pas pu résister à la fatigue et s'était endormie sur le lit du jeune policier. Celui-ci ne s'était aperçu de rien car, quand Robin s'était assise afin de lire, il avait aussitôt repris son écriture dans un élan d'inspiration. La nuit avait envahi le ciel de Toronto, George avait allumé une petite lampe à pétrole sur son bureau pour s'éclairer. Il venait juste de terminer une troisième page relatant les aventures de ses héros, il enleva la feuille de papier de la machine :
- Je sais que mon histoire n'est pas un chef d'oeuvre de la littérature, dit-il en s'adressant à Robin, mais voyez-vous je...
Il s'arrêta soudain de parler car il découvrit Robin, endormie dans son lit sur le côté gauche. Les pages du roman étaient soigneusement rangées devant elle. George, emporté par son imagination, n'avait pas vu le temps passé, il n'avait même pas entendu la jeune femme bouger. Posant sa feuille près de lui, il se releva et s'approcha de Robin.   
- Je manque vraiment à tous mes devoirs..., se dit-il. Si quelqu'un était entré, peut-être ne l'aurais-je pas entendu...
Il recouvrit le corps de Robin d'une couverture, il la sentit remuer et soupirer. Crabtree eut un sourire, il posa sa main sur son épaule, comme pour la rassurer, lui dire qu'il était bien présent pour la protéger. Mais il entendit un grincement dans le couloir... Des bruits de pas, lents, faisaient grincer les planches en bois, quelqu'un venait vers sa chambre. A pas de loup, George alla éteindre la lampe à pétrole sur son bureau, et revint coller son oreille à sa porte. Il se sentit soudain étouffé, deux bras enserraient ses côtes derrière lui. Sous la surprise, il faillit bondir en hurlant. Il devina très vite que c'était Robin, elle se cramponnait à lui comme à une bouée de secours.
- Vous avez entendu, George ?..., murmura-t-elle, la gorge nouée.
- Robbie... Je ne peux plus respirer...
Elle relâcha alors son étreinte autour de sa cage thoracique, mais resta tout de même agrippée à son dos, ses doigts crochetant le tissu noir de son uniforme. Les bruits de pas s'arrêtèrent précisément derrière leur porte, Robin hésita entre griffer George et tomber dans les pommes. Après tout, peut-être que cela la ramènerait dans son époque... Crabtree prit son courage à deux mains, ou du moins la poignée de la porte et son arme, et ouvrit la porte en criant :
- Police ! Plus un... Higgins ? Mais que... ?
En effet, devant leurs yeux hébétés se tenait l'agent de police Higgins, la main gauche en l'air prête à frapper à la porte.
- Pour l'amour de... ! S'emporta George. Henry, j'ai bien failli vous tuer !
- Je ne pensais pas vous faire peur.
- C'est réussi ! Lança Robin, toujours cachée derrière Crabtree.
- Toutes mes excuses. Je venais vous prévenir, l'inspecteur Murdoch désire vous voir, nous avons trouvé un cadavre de femme. 

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