Disturbia

Lundi 25 février 2012.

La sonnerie annonçant la fin des cours tira Robin de sa léthargie. Surprise par ce son strident, sa tête glissa dans sa main où elle était appuyée, et vint se cogner sur la paillasse blanche, glaciale. Son ami assis à côté d'elle tenta de cacher un sourire d'amusement alors que le professeur continuait de parler malgré les bruits de rangements dans la salle:

- Et n'oubliez pas, je veux un exposé sur les structures atomiques pour lundi prochain, sans faute !

« Mais oui, mais oui... » songea Robin en mettant son classeur bleu dans son sac rouge. Il faut dire que ce professeur l'avait toujours un peu ennuyé, mais ce jour-là, il avait battu un record. Elle enroula son écharpe autour de son cou, rabattant sa frange noire devant son front et sortit de la salle. Son ami l'attendait à côté de la porte, son sac noir sur l'épaule droite :

- Pas trop brutal comme réveil ? Demanda-t-il.

- Je me suis réveillée en face d'un tableau rempli d'équations et une tête de psychopathe, à ton avis, c'est brutal? Heureusement, c'était le dernier cours de la journée.

Ils marchaient tous les deux à travers les couloirs grouillants d'étudiants, après avoir descendu les deux étages, ils sortirent enfin du bâtiment chimie et se dirigèrent vers l'immense portail de la faculté de sciences.

- Je te trouve très fatiguée, s'inquiéta son ami. Tu devrais te reposer un peu.

- Me reposer ? Mais quand voudrais-tu que je trouve le temps pour ça ? Samedi j'étais encore à une compétition, et avec ce vieux fou qui nous donne toujours des exposés tordus à faire...

- Comment ça s'est passé ta compétition ?

- Bof... J'étais déçue, j'ai fini deuxième... Si j'avais pas été aussi fatiguée, j'aurais peut-être fini première.

Son ami avala sa salive, Robin pratiquait le karaté depuis ses sept ans et faisait partie du club de la fac, il avait à côté de lui la deuxième étudiante la plus forte du Canada entier... Il n'avait jamais imaginé que quelqu'un pouvait la battre, même avec une arme à feu. Ils se connaissaient depuis leur enfance, elle l'avait toujours défendu, c'était peut-être pour ça qu'il avait tendance à la croire invincible. Ils passèrent enfin le portail, et continuèrent de parler sur le trottoir bordé de neige.

Robin alla chercher son vélo, attaché comme toujours à quelques mètres du portail.

- Je te raccompagne ? Proposa la jeune femme.

- Non, merci. J'ai dis à David que j'allais l'aider pour la chimie organique.

- Comme tu veux... On fait l'exposé ensemble, Jonny ?

- Oui bien sûr. Je dois y aller, fais attention à toi Robbie. A demain !

- Ça marche, à demain !

Il l'embrassa sur la joue et repartit vers le portail les mains dans les poches. Robin brancha son lecteur Mp3 sur sa chanson préférée, Alice Underground d'Avril Lavigne. « Ça va me motiver » pensa-t-elle. Enfourchant son vélo, elle fit un signe de la main à Jonny qui le lui rendit et commença à rouler avec prudence. La température avoisinait les moins deux degrés, la nuit commençait à tomber sur Toronto. Robin ne savait pas très bien si c'était le temps ou sa grande fatigue qui la troublait, mais sa tête commençait à tourner. Il fallait qu'elle tienne, son appartement n'était pas très loin de la fac, dix minutes au plus. Son front lui faisait affreusement mal, elle voyait une fumée blanche se former devant ses lèvres à chaque expiration, l'air froid rentrant dans sa gorge semblait la brûler de l'intérieur. Elle n'eut pas le temps de tendre son bras gauche pour tourner, sa tête lui faisait trop mal, les roues de son vélo glissèrent sur une plaque de verglas. Elle entendit juste le klaxon d'une voiture, se sentit tomber sur quelque chose de dur puis elle plongea dans les ténèbres, son esprit tourbillonnant.