Godzilla: Destroyers of World

Chapitre 7 : Carnage dans la mer de Sagami

8974 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/09/2024 08:38

Chapitre 7: Carnage dans la mer de Sagami



Alors que Daisuke prenait son vélo, il remarqua la présence de familles qui fuyaient le bord de mer. Il avait entendu dire que des volontaires prêtaient leurs maisons aux familles des réfugiés. C’était honorable, mais lui-même avait trop de soucis pour s’en préoccuper. Il devait refaire des essais et des mesures, mais la météo n’était guère clémente, l’orage menaçant dans le lointain annonçait une pluie diluvienne. Peut être aurait-il le temps de s’abriter dans le laboratoire avant qu’il n’éclate. Il prit la caisse à chat sur son guidon, il était certes encombrant mais pas très lourd, le chat feulait à l’intérieur, il n’était pas de bonne humeur. Alors qu’il se mit à pédaler, il ne remarqua pas Emiko sortir de la maison pour l’encourager. Elle sentit une pointe de déception en elle, mais cela n’importait que peu, le professeur Serizawa avait encore une journée de travail tendu. Il devait rendre au plus vite son projet. Alors qu’il disparaissait à un croisement, une famille composée de deux parents, trois enfants et une vieillarde arrivèrent devant la maison des Serizawa. 


Tenant la clé USB dans sa main, le sergent Woodshapes monta à bord de la SillyShiny, un FPC de nouvelle génération, avec une structure plus légère et un moteur plus puissant. Sa mobilité et maniabilité accrue compensait sa fragilité, il était armé de trois tourelles manuelles à autocanons, et était muni d’un émetteur subaquatique capable de communiquer par infrasons au reste d’une flotte hypothétique. Sa soute pouvait contenir des mines marines, et autres munitions en fonction des missions, mais en l'occurrence elle était vide ce jour-là. Tandis que Misu Kujira s’y dirigea d’un pas assuré depuis le quai, Rebecca la suivait de près, non pas qu’elle n’avait pas confiance en elle, mais plutôt pour assurer sa sécurité. La militante en droits des baleines le remarqua, mais elle s’avisa de tout commentaire, plus gênée qu’autres-choses. Lorsque les femmes montèrent sur le pont, Thierry se tourna vers la femme japonaise. 

_ Mademoiselle baleine, bienvenue à bord de la SillyShiny. Vous devez être épuisée. 

_ J’ai du mal à l’avouer, répondit la jeune femme, mais c’est vrai que fermer un peu les paupières devrait être réparateur. Mais réveillez-moi quand on arrivera à destination !

_ Marin Rebecca, accompagnez mademoiselle Yamazakura dans sa cabine. Nous avons un peu de navigation à faire, alors profitez du temps mort pour récupérer.

La japonaise remercia en joignant ses mains et faisant une petite courbette, puis les deux femmes entrèrent dans le navire. Les marins étaient trop occupés à la tâche pour se soucier d’elles, et lorsqu’elles arrivèrent devant la porte, Rebecca pris la parole à voix basse.

_ J’aimerai discuter avec vous, mademoiselle.

_ Je le sentais venir, répondit Mizu Kujira agacée. Faisons vite !

Lorsqu’elles pénétrèrent la cabine et que Rebecca referma la porte derrière elle, l’experte des baleines engagea la conversation.

_ Avant que cela ne devienne creepy, je ne suis pas gouine.

_ Je… commença la métisse avant de s’interrompre. Je… enfin là n’est pas le sujet. J’ai repéré le micro caché sous votre chemise. 

_ Dis donc, tu semble futée. Mais tant que j’ai encore le pied sur le sol japonais que tu ne peux rien contre moi.

_ Je ne suis pas là pour te balancer ! Je veux te sauver idiote ! Si moi, j’ai pu m’en rendre compte, alors Thierry va te griller direct, si ce n’est déjà fait. Il est encore temps pour toi de sauver ta vie, pourquoi prendre un tel risque ?!

La japonaise resta silencieuse un instant, elle se contenta de regarder fixement l’afro-américaine un moment avant de s’asseoir sur le lit. 

_ Je me doute de ce qu’est la créature avec laquelle nous tentons un contact. C’est le monstre qui a attaqué Izu Oshima. Je ne vois même pas pourquoi vous faites encore des cachotteries. J’ignore vos intentions réelles, peut-être que vous voulez sauver le Japon, peut-être le monstre, voir aucun des deux. J’ai besoin de ces preuves, elles peuvent sauver des millions de vies, aussi bien humaines que aquatiques. Même s’il y a des sales cons dessus, j’aime mon pays. Son océan est son plus grand trésor, et nous l’avons pillé sans pitié. Regarde les conséquences aujourd’hui, le Buri est plus rare que le pétrole. Si je veux sauver le Japon, je dois l’informer de ce qui se passe ici, maintenant. 

L’américaine se pencha pour se mettre au niveau de Misu Kujira, elle était visiblement en détresse, mais la chercheuse ne laissa rien transparaître sur son visage.

_ Tu ne comprends pas ! Si Thierry te chope, tu seras effacée ! Tu saisis ? ça veut dire qu’il te tuera ! Il a l’air d’être le gentil nerd à lunette trop doué, mais il cache une autre facette. Il est patriotique à fond, il a déjà commis bien pire au nom des USA. Pendant la guerre en Israël, au moment où notre armée est intervenue, Thierry s’est taillé une réputation. Dans l’unité, c’était le Boucher. Pas parce qu’il était un assassin trop doué qui tuait des vagues d’ennemis, mais parce que lorsqu’on avait besoin d’infos, tôt ou tard nos prisonniers les crachaient. Je te jure, crois moi, ce type est un   malade ! 

La chercheuse japonaise ne laissa transparaître aucune émotion, elle se contenta de regarder la militaire qui était en sueur. 

_ Je te conjure Aiichiro, supplia Rebecca, ne soit pas folle ! Il te reste de nombreuses années à vivre, il existe d’autres moyens de combattre pour ta cause, ce n’est pas en étant torturée par un psychopathe que tu sauveras les cétacés du Japon !

Misu Kujira laissa échapper une expression de dégoût, juste un bref instant. Elle répondit sèchement.

_ J’ai besoin de me reposer Soldate Rebecca. J’aimerai un peu d’intimité. Et ne m’appelez plus jamais par mon prénom, c’est mal vu au Japon. Vous devriez savoir.

Le cœur de Rebecca se fissura, un goût amer envahit sa bouche, un choc d’adrénaline certainement. Elle ne savait que répondre, elle était envahie d’une émotion mêlée de colère et de panique. Elle était impuissante, le plus terrible allait arriver, et elle ne pouvait rien y faire. Après un moment de désarroi, elle se leva et fit un salut militaire. 

_ Reposez vous bien, mademoiselle Yamazakura. 

La militaire sortit de la cabine, fermant la porte fermement derrière elle, fit quelques pas en se courba de douleur. Elle avait une boule dans le ventre, elle pouvait sentir ses entrailles s’entremêler, elle avait envie de vomir. La femme qu’elle admirait, non, qu’elle aimait, allait mourir, et elle ne pouvait rien y faire. Prisonnière de ses devoirs, prisonnière de ses sentiments, le dilemme était insoutenable. Elle le savait, Thierry ne ferait qu’une bouchée de Misu Kujira, mais elle n’osait se dresser contre lui. Un marin passa par le couloir et demanda ce qui se passait.

_ Le mal de mer, mentit Rebecca. Mais ça va, je vais prendre un cachet. Ça va aller.


Une légère bruine commença à tomber lorsque le bateau prit le large, l’orage grondait au loin. La VHF commença à grésiller et une voix en sortie, Thierry qui était dans le cockpit décrocha le micro.

_ Cross SillyShiny de la capitainerie de Tokyo, Cross SillyShiny de la capitainerie de Tokyo, vous me recevez ? A vous !

_ Cross capitainerie de Tokyo de Sillyshiny, Cross capitainerie de Tokyo de Sillyshiny, Répondit mécaniquement Thierry à la voix japonaise dans la langue indigène, je vous reçois. A vous !

_ Votre navire n’est pas autorisé à sortir du port pour cause de tempête ! Je répète, le Sillyshiny n’est pas autorisé à sortir du port, à vous !

Thierry était un poil agacé par la situation. Il devait faire vite, alors il se montra vindicatif.

_ Sergent Thierry Woodshapes commande le navire, je vous somme de nous laisser le passage, mission spéciale !

La voix au bout de la radio resta silencieuse quelques minutes, et reprit.

_ Une tempête se prépare, par la clause d’alliance qui unit nos deux pays je vous demande de ne pas sortir du port, cela pourrait compromettre votre intégrité, à vous !

Thierry savait qu’un sous-marin nucléaire pouvait être à tout moment broyé par le monstre, les conséquences géopolitiques étaient trop grandes pour annuler la mission.

_ Que faisons nous ? demanda le capitaine du bateau.

Woodshapes réfléchit, il n’avait pas de marges de manoeuvres, alors il inventa un bobard.

_ Une menace a été détectée dans la baie de Sagami, peut-être les Russes. Vous voulez vraiment vous faire atomiser par surprise ?

La radio resta silencieuse, puis répondit quelques instants plus tard.

_ Accord donné, Sillyshiny est autorisé à quitter le port. Nous déclinons toutes formes de responsabilités quand aux risques que vous prenez. Et méfiez-vous du monstre, il me fait plus peur que quelques rigolos d’Europe de l’est. 

Le FPC quitta le port, se dirigeant droit vers la tempête. 


Le premier ministre regardait un écran devant lui, avec les membres de son parti à ses côtés, ainsi que quelques représentants de Mothra. Cette dernière était en voyage, son absence était toutefois comblée par la présence de son secrétaire, Bunta Arashi. L’opération Umi de no raimei prenait place. Les bombes sonores étaient disposées dans la baie, encerclant la baie de Tokyo. Inquiet, le premier ministre se pencha à l’oreille du secrétaire de Mothra.

_ Vous êtes certains de son succès ? C’est un prototype après tout, et le Kaiju a résisté à des tirs d'artillerie, quelle garantie j’ai ?

_ L’arme a été développée pour détruire des sous-marins nucléaires blindés, rassura Arashi, les infrasons émis par son émetteur peut tuer un homme à des miles à la ronde. Cela va affecter ses organes mous et les réduire en pulpe, même une baleine ne peut résister à une telle vague sonore. 

Le premier ministre ignorait comment il devait réagir, avec enthousiasme ou effroi. Il fixa l’écran, une sueur froide coula le long de son cou, jusque sous sa chemise. Il venait de condamner toute sortie en mer pour protéger les navires durant l’opération, la tempête servait de bon prétexte pour cacher son crime. Il avait sacrifié la mer de Sagami pour tuer le Roi des monstres, il ignorait lui-même s’il n’était pas pire que ce dernier. Il priait le Seigneur pour qu’il le pardonne. Un haut dignitaire de l’armée s’avança vers le premier ministre, saluant avec droiture. 

_ Monsieur le premier ministre, autorisation de lancer l’opération.

_ Autorisation accordée, répondit le politicien.

Le général alluma sa radio, donnant l’ordre de lancer les hostilités. Les marins des forces de défense japonaises allumèrent alors le minuteur, ils n’avaient qu’une heure pour évacuer la zone. Sur le ton de la plaisanterie, le secrétaire lança une réflexion:

_ Une fois la carcasse du Roi des monstres récupérée, nous bâtirons le Japon sur son squelette. Cela sera propice à la découverte.

Le premier ministre ne commenta pas, il voulait juste en finir. Le bureau d’état resta attentif, des drônes capturaient les images en temps réel de la mer. Le suspens était à son comble, l’attente allait être insoutenable. 


Emiko dépliait le canapé et invita la famille Shiawasena à prendre place. Natsuki, le plus jeune garçon, avait amené ses jouets de dinosaures et s’occupait dans le salon, il ne comprenait pas la situation. Sa mère, dépitée, pleurait dans le salon. Emiko s’approcha d’elle, s’asseyant à la table de la cuisine là où la femme s’était recluse.

_ Nous ne reverrons jamais notre maison, disait la femme larmoyante. Mon premier mari a donné sa vie pour nous donner cette chance, et maintenant mon seul souvenir de lui m’est arraché.

_ Madame Shiawasena, répondit Emiko avec un soutien sincère, tout n’est pas perdu. Le Kaiju ne s’est pas montré depuis des jours, peut être qu’il est parti.

_ Alors pourquoi nous ne sommes pas autorisés à revenir à la maison ?! S’offusqua la mère. 

_ Yuki, dit son mari, madame Serizawa a eu la gentillesse de nous accueillir chez elle. Ici nous sommes à l’abri.

Madame Shiawasena tenta de maîtriser ses émotions, elle voulait sembler forte devant son enfant. La peur dévorait ses entrailles. La vieille femme entra à l’auré de la cuisine et demanda à Emiko:

_ Pardon jeune fille, où est ma chambre ?

_ Attendez un instant madame, répondit Emiko qui lança un dernier regard vers Yuki. Elle lui renvoya une approbation d’un hochement de tête pour qu’elle aille s’occuper de sa mère. Sans autre commentaire, Emiko accompagna la grand-mère à l’étage. 


Elles arrivèrent devant la chambre de Kyohei, Emiko songea un instant à son père. Elle ignorait ce qu’il était advenu de lui, elle était inquiète. Mais elle savait qu’il aurait lui-même donné sa chambre à des gens dans le besoin. Elle posa la valise de la vieille femme sur le lit. 

_ La chambre de votre père ? demanda la sexagénaire.

_ Oui, effectivement, répondit Emiko en souriant pour masquer son propre chagrin. 

_ Je me disais bien, c’est très ordonné ici.

Elle s’approcha du bord du lit, et remarqua sur le chevet un cadre avec une photo de la mère d’Emiko. Elle était souriante, aux côtés de Kyohei. 

_ Elle n’est plus de ce monde ? C’est ça ?

Choquée, Emiko demanda à la femme:

_ Comment le savez-vous ?

L'aînée se pencha au-dessus du lit, il était étroit. 

_ Une seule place. Je sais ce que c’est que d’être veuf. Le miens aurait eu soixante-treize ans aujourd’hui. Disparu en mer. J’ai touché une pension pendant des années. Mais ils ont été incapable de me rendre mon époux. 

Emiko compatissait, mais ne se laissa pas submerger par ses propres émotions. L’invitée se retourna vers Emiko, courbaturée par la vieillesse. 

_ Il devrait être avec vous à l’heure qu’il est, remarqua t-elle. 

_ Il est là où on a besoin de lui, répondit Emiko. Il a rejoint les militaires pour donner son expertise, il tente de sauver le monde.

Elle ne put retenir une petite larme. Fierté ou mélancolie, elle ignorait elle-même. La femme s’assit sur le lit, l’air songeur. Elle leva la tête avec un sourire dessiné sur ses lèvres.

_ Vous devez être fière de lui, c’est un homme brave. Nous en manquons terriblement à notre époque. J’allumerai une bougie pour lui ce soir, je lui adresserai une prière pour qu’il réussisse à chasser le monstre. 

_ A vrai dire, avoua Emiko, il serait plutôt du genre à trouver une solution pour le sauver vu comment je le connais. 

Elle regarda une des maquettes de squelettes de dinosaures exposées sur un bureau face à elle. 

_ Il a un faible pour les grosses bêtes du passé.

Cela fit lâcher un hoquet de rire à la femme, elle fixa avec son hôte et lui dit.

_ Alors il est encore mieux que ce que je le pensais. 



Le temps se dégradait, ce qui avait commencé par une légère pluie était dorénavant devenu une averse. La mer était agitée. Le navire était malmené par les vagues. Misu Kujira avait du mal à trouver le sommeil, voire n’avait pas dormi du tout. Elle ignorait de qui devait-t-elle avoir vraiment peur: le monstre, Thierry ou cette gouine. Le stress la bouffait. Peut être qu’un chichon aurait aidé à la calmer. On entendait crépiter l’orage, des éclairs zébraient le ciel. Un bruit retentit, ce qui fit sursauter Aiichiro. 

_ Qui est là, demanda-t-elle inquiète.

_ Nous sommes arrivés à destination, dit une voix d’homme derrière la porte de la cabine. Vous vouliez voir l’opération avait insisté le sergent Woodshapes, alors voilà !

_ J’arrive ! Dit la japonaise qui sortit de son lit. 

Elle monta sur le pont, le chaos était total, si le bâteau n’était pas de conception si robuste, il aurait coulé depuis longtemps. Même elle, qui était habituée à l’océan, avait la nausée d’être autant balotée. Elle arriva au cockpit, Thierry lui sourit. Savait-t-il vraiment pour le micro entre ses seins ? Elle se sentait vulnérable. 

_ Mademoiselle Kujira ! S’exclama Thierry d’un air joyeux, nous allons avoir besoin de votre expertise. Nous allons parler au Roi des monstres. Alors assurons nous d’avoir les formules de politesse. 

Aiichiro se dirigea vers la console de bord, un clavier avec des post-it était posé dessus. Son fil était relié au système du bâteau de guerre. Chaque note correspondait à un des enregistrements du studio. 

_ Vous avez déjà conçu tout ça ? demanda stupéfaite la spécialiste. Vous êtes rapide !

_ Sauf au lit, plaisanta le sergent. Cette blague de mauvais goût ne rassura pas Misu Kujira. Allumez le micro marin !

Les marins s’exécutèrent et bientôt l'acoustique sous marine résonna dans les enceintes. Attentif, l’équipage sentait la pression monter. Misu Kujira se pencha sur le clavier, invitée d’un geste de la main par le superviseur de l’opération. 

_ Vous êtes certains qu’il est dans le secteur ? demanda Aiichiro.

_ Peut être. Répondit Thierry tout souriant. Tentons un petit Kon’nichiwa. 

Un éclair aveugla momentanément le cockpit un instant, suivi d’un tonnerre assourdissant. Misu Kujira le savait, plus que jamais, qu’elle avait la pression. Celle du succès de la mission. Et celle de la suspicion de Woodshapes. Elle trouva la note et appuya. Dans les enceintes, une longue plainte amicale résonna. Après plusieurs longues secondes, Thierry s’approcha de Misu Kujira. 

_ Rééssayez. 

La femme s’éxécuta, une nouvelle note longue et grave résonna dans le fond marin. Il s’écoula environ une minute avant que une voix lointaine ne réponde, elle semblait faible.



Hiroshi entra dans la maison, tenant fermement ses deux valises. Depuis que son appartement avait été ravagé, il avait dû évacuer le centre ville. Le Kaiju pouvait attaquer la côte à n’importe quel moment. Il souria à la femme qui avait accepté de l’héberger temporairement, cette initiative de la part des citoyens des quartiers exterieurs de la ville était la bienvenue en ce temps de crise. “Comment va Koushou-san ?” se demanda le jeune homme rêveur, avant de se faire interrompre par madame Serizawa.  

_ Je n’ai plus beaucoup de place, mais j’ai un matelas gonflable, je devrais pouvoir t’installer dans le salon.

Hiroshi la remercia en joignant ses mains, mais il se sentait lourd. Lourd du fardeau qu’il portait. Le cri démoniaque qu’il avait entendu à la radio devait être celui de la créature qui avait attaqué Izu-Oshima. S’ils avaient prévenu la côte, on aurait pu évacuer les civiles, peut-être même que l’armée l’aurait vaincue. Il se sentait fautif, des milliers de fantômes hantaient ses rêves depuis. Il s’avança dans le salon, il y avait déjà une famille, deux parents et leurs enfants qui jouaient. En voyant les gamins se défouler avec des bouts de plastiques ressemblant vaguement à des dinosaures, il se dit qu’il aurait bien aimé lui aussi se défouler sur une console de jeu, démolir des vagues d’ennemis sanguinaires à coup de fusil à pompe. 


Mais imaginer l'hémoglobine coulant sur l’écran l'écoeura instantanément. Il avait vu les ravages causés par l’onde de choc, des personnes avec du sang qui sortait des yeux, de la bouche et des oreilles, il revoyait sa proprio allongée de tout son long en travers des escaliers, le regard vide. Il ferma les yeux, c’était pire, plus de scènes horribles envahirent son esprit. Madame Serizawa saisit le jeune homme par l’épaule, le surprenant au passage, mais elle se montra rassurante, montrant une Switch.

_ Elle est un peu vieille, avoua-t-elle, mais elle marche encore. J’ai Animal Crossing dessus, ça devrait te détendre.

Il détestait ce genre de jeu, il avait l’habitude d’être un dur en matière de gaming. Un bon Devil May Cry, Street Fighter ou Doom, c’était plus sa came, les jeux Chill c’était bon pour les filles. Mais aujourd’hui, il n’avait vraiment pas le cœur à faire des jeux violents. Il saisit la console d’une main hésitante, regardant l’écran noir. 

_ Merci… dit-il hésitant, avant de s’asseoir dans le fauteuil. 

Serizawa souriait, mais elle avait une teinte pâle, et se grattait souvent la nuque. Koukougetsu alluma le jeu vidéo et la douce mélodie bucolique de Animal Crossing: Far Land l'accueillit chaleureusement. Il chargea la partie et vit la progression de madame Serizawa. Un raton laveur apparut et lui annonça qu’elle avait agrandi sa maison, mais par conséquence que sa dette en clochettes venait de grimper en flèche. 

“Il faudra redoubler d’effort, EMIKO !”. Lui dit Nook, avant de lui donner l’astuce de comment gagner de l’argent en accédant à de nouvelles zones. Il y avait une caverne au bord de la mer, on pouvait y ramasser des butins rares là-bas, donc de précieuses ressources l'attendaient. Etrangement, son angoisse s'apaisa au fur et à mesure qu’il explorait la caverne aux trésors, des énigmes à la portée d’enfants lui barraient temporairement la route. Il se prenait au jeu, finalement c’était plaisant malgré le manque totale de difficulté. 


Puis l’orage gronda, et les premières gouttes de pluies tombèrent. Cela fit lever les yeux à Hiroshi qui vit par la fenêtre une silhouette féminine portant de lourds bagages. Cet imperméable jaune avec des fleurs rouges lui rappela quelqu’un, c’était Koushou-san. Il posa la console sur le canapé et se dirigea vers la porte d’entrée. 

_ Où vas-tu Koukougetsu-san ? demanda l’hôte de la maison.

Il l’ignora, il s’avança sous la pluie, suivant la silhouette. Un éclair zébra le ciel, aveuglant pendant une seconde Hiroshi alors que la pluie redoubla d’effort. 

_ Hotaru ! Hurla à plein poumon le jeune diplômé pour se faire entendre malgré le tonnerre. La jeune femme se retourna, surprise, et dévoila son visage. Hotaru ne montra aucun sentiment. Ni joie, ni peine, ni même de la colère. 

_ Que fais-tu là ? demanda-t-elle sur un ton sec. Tu me suis ?

_ Euh… Le garçon était pris de court, son émotion de joie laissa place à de la déception. Non ! Je.. euh… Je suis hébergé juste ici ! Tu sais, Koushou-san, je voulais te demander… te demander…

La fille le fixa quelques secondes le temps que son interlocuteur trouve ses mots, la tempête hurlait depuis le large. Le vent devenait violent, et l’averse inondait déjà la rue. 

_ Me demander quoi ? S’impatienta Hotaru sur le ton de la colère. 

_ Pardon… Finit par conclure Koukougetsu. 


L’équipage du SillyShiny applaudir de joie à la réponse tardive de Godzilla. Bien que puissante, sa voix semblait douce, nulle hostilité, nul énervement, peut être un peu surpris, voire interrogateur. Misu Kujira était empli d’émotion. Thierry se pencha vers elle et lui demanda. 

_ J’ai l’impression que notre gros pépère nous a entendu, n’est-ce pas ?

_ Le contact est établi, confirma Aiichiro. Qu’est-ce que je dois dire dorénavant ? 

_ Mettez le en confiance, dit simplement l’ingénieur. Il doit nous prendre pour un ami.

L’experte des baleines appuya sur la note de l’expression de joie, lâchant une longue vocalise attendrissante. Le monstre marin lui répondit avec la même fréquence. Aiichiro pleurait de joie. C’était un exploit pour l’humanité. 

_ Ne perdez pas le cap, lui rappela Thierry en regardant à travers le hublot. 


La tempête était absolue, le navire tanguait dangereusement, mais ça allait, il était taillé pour le mauvais temps. Le soldat se saisit au tableau de bord et donna l’ordre.

_ Dites-lui de s’éloigner de la côte. 

La vidéaste s'exécuta, appuya sur la note dédiée à la vocalise du signalement du danger. L’émetteur du navire poussa une longue plainte grave qui finissait sur une note aigüe, dont l’écho retentit vers le large. Le talkie-walkie de Thierry s’alluma.

_ Où en est l’opération Kujira ? demanda la voix rauque du commandant Walter. 

_ Contact établi avec le spécimen, répondit Woodshapes calmement. L’opération suit son cours.

De longues minutes s’écoulèrent avant que le roi des monstres ne réponde par exactement la même vocalise, ajoutant deux notes aigües à la fin. D’abord sceptique, le meneur de l’opération se pencha en direction de Misu Kujira. 

_ C’était quoi ça ?

_ Je ne sais pas, avoua l’experte en baleines. Son langage n’est pas aussi littéral que le nôtre, il nous manque beaucoup de subtilité propre à ses pairs. Mais il nous a globalement signalé à son tour un danger.

_ Un danger ? s’interrogea Thierry. Mais c’est nous qui voulons signaler un danger !

_ Pour une raison ou une autre, il a peur du large…

Le monstre poussa une nouvelle longue plainte qui leur parvint, semblable à un râle mélancolique. Ces sons produits étaient inconnus à Woodshapes et Misu Kujira. Alors, la protectrice des cétacés tenta d'interpréter du mieux que possible en fonction des éléments qu’elle avait déjà.

_ J’ai l’impression qu’il essaie de nous dire qu’il est blessé, il a mal, il ne peut plus repartir au large.

_ Oui, reprit Thierry, il est malade. Il a peur du large, pour une raison ou une autre.

_ Que faisons nous alors ? demanda Aiichiro alors que l’animal pleurait dans les enceintes.

_ Pas le choix, répliqua Thierry, il doit y retourner. Répondez-lui !

A contrecoeur, la défenseuse de la vie marine envoya un nouveau signal de danger à Godzilla. Mais la réponse de l’animal resta inchangé, voire émit un son de surprise. Aiichiro comprenait qu’elle faisait face à un mur. Elle se retourna désespérée vers Thierry, à la fois pour elle-même, et pour le monstre.

_ Il ne peut pas retourner au large, insista-t-elle. Je l’ignore, mais cette créature est à cours d’option, elle doit fuir la mer.

Le sergent avait une expression entre l’agacement et la gêne, il se saisit du talkie walkie et appela son supérieur.

_ Sillyshiny à poste de commande, la mission est compromise. Le spécimen refuse de partir.

_ Bien, répondit Walter quelque peu déçu, nous allons commencer les préparatifs de défense. 

Misu Kujira entendit la conversation, et réagit immédiatement.

_ Je vous prie sergent ! Laissez-moi insister une dernière fois ! Pitié ne lui faites pas de mal !

Elle appuya instinctivement sur le bouton, envoyant une dernière vague sonore dans le lointain. Mais la réponse tarda.


Au bureau du premier ministre, le décompte était presque arrivé à son terme. Il ne restait plus que dix secondes. Les drônes survolant la mer capturaient les images en direct du large. Le général tenait le décompte. Dix, neuf, huit, sept, six, cinq…


Au bout de quelques secondes, alors que l’équipage préparait à faire demi-tour, Yamazakura était toujours au clavier, attentive à la réponse du monstre. Thierry s’approcha de la femme et l’invita à le suivre.

_ Vous avez fait de votre mieux, dit-il désolé. Ce n’est plus de notre ressort, mettons-nous à l’abri.

_ Je ne veux pas qu’il se fasse tuer, dit l’influenceuse. L’ami de mes amis est mon ami.

_ Je ne veux pas faire de peine, insista Thierry en saisissant la main de Misu Kujira, mais il se fit interrompre par la voix profonde de Godzilla. Un nouveau son qu’il n’avait jamais entendu. C’était quoi ça ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de la youtubeuse, elle regarda le large les yeux pleins d’espoirs.

_ On a réussi, conclut-t-elle. Il va quitter la mer.

Avant que Woodshapes ait le temps de formuler une réponse, s’apprêtant à féliciter Misu Kujira, une déflagration frappa la coque du bateau. Les instruments se brouillèrent à cause de la fréquence démente, puis un terrible mal de ventre frappa tout l’équipage. Si le FPC n’avait pas coulé, c’était dû à sa robustesse naturelle, mais plusieurs appareils avaient sévèrement été endommagés. 

_ C’était quoi ça ?! Demanda Thierry confu. 

Sur la surface de l’eau, des cadavres de poissons remontèrent à la surface. Misu Kujira s’effondra quand elle vit le corps inanimé de dauphins et de baleines jaillir des profondeurs. 

Thierry appela le commandant Walter, peut-être qu’il avait plus d’informations. 


_  J’avoue ignorer, répondit le commandant. Je demanderais à nos services secrets d’enquêter. Quels sont les signes de Godzilla ?

Au loin, un éclair illumina le ciel, d’énormes épines dorsales se découpaient dans l’horizon. On aurait pu le prendre pour une petite île vue d’ici. 

_ Cible éliminée, répondit amèrement Thierry. Et le sous-marin ?

_ Le contact a été coupé. Sa perte serait une tragédie.

Misu Kujira continuait de pleurer, Rebecca vint à ses côtés pour la réconforter. La morve coulait de son nez, mêlée au sel de ses larmes. La tempête devenait de plus en plus violente. Le bateau tanguait dangereusement. 

_ Vous l’avez tué ! Hurlait Aiichiro. Vous avez tout tué ! Sans discernement !

_ Ce n’était pas nous ! Répondit Rebecca. Ça ne venait pas de nous.

_ Alors de qui ? Demanda furieuse Misu Kujira.

_ Il est passé où ? demanda le capitaine. Où est le monstre ?

L’équipage regarda à travers la vitre avant, la panique les saisit instantanément, une terreur profonde. Godzilla avait de nouveau plongé. Une sueur froide coula le long de la tempe de Woodshape, fixant l’horizon. 

_ Allumez le micro sous-marin ! ordonna Thierry. 

Un marin appuya sur la commande, l'acoustique marine embrouillée reprit. Rien. Le pire n’était pas de savoir, mais d’imaginer le pire. Thierry saisit le capitaine à part.

_ On a un écho sonar sur ce navire ?

_ Affirmatif sergent !

_ Allumez le !

_ Et si ça l’énervait ?

_ Pour l’amour de Jésus, allumez ce putain d’écho radar !

Le capitaine s'exécuta puis dès la première émission une tâche énorme apparut sur l’écran, à cent mètres d’eux.

_ Il se dirige droit vers nous ! Hurla le capitaine avant qu’un rugissement de colère divine ne frappe le navire de plein fouet. 

Si son effet était terrifiant sur la terre ferme, son impact en milieu aquatique l’était d’autant plus. Le moteur explosa ainsi que les réserves de gasoil. Le Sillyshiny coulait à grande vitesse alors que l’équipage était saisit de nausée. L’équipage se dirigea vers les annexes de sauvetage. Alors que Rebecca passa la première et donna sa main à Misu Kujira pour la faire entrer dans l’embarcation de secour, une vague secoua le navire et la japonaise passa par-dessus bord. Thierry sauta dans l’annexe et ordonna de se mettre à l’eau. Avec les nuages noirs, la pluie et l’obscurité, il était difficile d’y discerner quoi que ce soit. Rebecca scruta la mer quand la chaloupe tomba à l’eau. 

_ Où est-elle ? Demanda Rebecca paniquée.

_ Oubliez-la ! Répondit Woodshapes. Elle est morte, personne ne peut survivre à la nage dans une tempête pareille, elle doit être noyée. 

Un éclair titanesque illumina le ciel, c’était le chaos dans l’océan. On aperçut juste une vague énorme transpercée de plusieurs plaques dorsales se diriger vers le SillyShiny. Et le regard de Rebecca tomba sur le corps de Misu Kujira qui s'agrippait désespérément à la carcasse du navire coulant. 

_ Elle est là ! Hurla-t-elle désespérément à plein poumons pour que sa voix surpasse le rugissement de la tempête. 

Thierry ne réagit pas. Il se tourna vers le marin aux commandes du bateau et dit:

_ Allez, on y va. Ne traînons pas !

_ Misu Kujira est en danger ! Il faut la secourir !

Rebecca s’approcha de Thierry furieuse, alors que ce dernier ne semblait n’avoir aucune compassion pour la femme en danger. Il se contenta de sourire.

_ Vous avez raison soldate Rebecca, il faut la secourir.

Godzilla se frayait un chemin en éventrant les vagues, et Rebecca saisit toute l’horreur de la situation. Elle lança un regard plein de haine envers son supérieur et lui dit presque en lui crachant au visage.

_ Puisses-tu pourrir en enfer !

Thierry ne réagit que par un sourire mesquin. Rebecca se débarassa de son gilet par-balles et sauta de l’annexe. A peine elle quitta l'embarcation que Thierry ordonna de mettre cap sur Tokyo. Rebecca le savait, elle venait de signer son arrêt de mort, mais son honneur lui interdisait de tourner le dos. Elle avait l’impression de lutter face à un sumo dans cet océan déchaîné, elle était réputée bonne nageuse, pourtant elle semblait si lente comparé à Godzilla. Misu Kujira n’avait presque plus de force, elle lâcha prise et commença à couler. Le Kaiju était presque dessus, plus que vingt mètres. Rebecca plongea sous l’eau, le sel lui irritait les yeux, et elle était ballottée dans tous les sens. Elle disparut dans les eaux noires. Puis ce fut l’impact, Godzilla renversa le navire nonchalamment comme si il n' était rien. Il se dirigeait furieusement vers Tokyo. 


Voyant le monstre les dépasser, Thierry se saisit d’un micro branché à une clé usb. Il l’avait subtilisé à Misu Kujira. Il jeta les preuves dans l’océan. Il savait depuis le début que ça se passerait ainsi, au moins il n’avait pas eu besoin de se salir les mains. 


Deux têtes jaillirent des eaux sombres, Rebecca tenait de toutes ses forces la japonaise. Quand Misu Kujira reprit connaissance, elle tourna sa tête vers Rebecca. Elles étaient au bord de la noyade.

_ Tu es folle ! Lui dit Aiichiro avant qu’elles ne se fassent engloutir sous l’eau.

Elle ressortirent quelques secondes plus tard.

_ Tu vas mourir idiote ! Hurla la japonaise furieuse.

_ Ferme ta gueule grosse pute ! S’écria Rebecca encore plus en colère. Tu me remerciera quand je t’aurai sauvé la vie !

Une nouvelle vague les renversa, manquant de les broyer toutes les deux. Quand elles remontèrent à la surface, seule Rebecca était encore consciente. Elle se jura que si elles survivaient, elle tuerait son chef de ses propres mains. 


Koushou sourit d’un air moqueur, et répondit cyniquement.

_ Me demander pardon ? Tu me demandes pardon pourquoi ?

Koukougetsu resta bouche bée, il était pris de court. Il était sorti sans réfléchir. Son ancienne amie reprit vu que Hiroshi restait silencieux. 

_ Ah oui ! Je vois ! Tu me demandes pardon pour toutes ces morts que nous avons sur la conscience ? 

_ Je demande pardon. répéta bêtement le garçon. Je ne pensais pas…

_ Tu pensais quoi ? Sérieusement, tu avais peur de quoi ? Une tape sur les doigts ? Tu sais comment je me sens depuis ? Comme une merde ! Je suis une merde ! A cause de vous ! A cause de toi !

Hotaru pleurait aussi fort que la pluie dorénavant. Elle s’essuya d’un revers de sa manche. L’orage grondait furieusement. Hiroshi ne savait comment faire, il s’effondra à genoux, et s’inclina, les yeux inondés de larmes et son nez plein de morve, sous la pluie battante. 

_ Désolé… se contenta-t-il de chuchoter, incapable de parler à haute voix.

_ Ton pardon tu peux te le foutre au cul ! Hurla Hotaru énervée. Comment pourrais-je aimer un lâche comme toi ?!

Elle se retourna, d’un pas décidé, et continua son chemin sans calculer Hiroshi qui la suppliait de le pardonner. Mais une alarme retentit dans le lointain. Madame Serizawa saisit Koukougetsu par les épaules, le ramenant de force à l’intérieur. Une fois dans la maison, elle hurla sur le garçon.

_ Tu vas attraper froid idiot ! Couvre toi avec ça, tu es trempé !

_ Regardez ça ! Dit Steves en zappant à la télévision. Tokyo est sous attaque !

Tout le monde fixait le poste télévisé, une masse gigantesque se dirigeait vers les berges du port. 


L’armée américaine et japonaise se tenait aux abords des quais, prêts à accueillir comme il se devait le roi des monstres. Les batteries de missiles des tourelles de défense se déclenchèrent, ouvrant le feu vers l’immense créature. Les détonations étaient gargantuesques, mais ne freinaient qu’à peine l’animal en pleine furie. Attentif à son poste de télévision, Kyohei vit les images et se rappela de Izu-Oshima. Toute attaque implique une réaction. Il se saisit de son téléphone et appela le commandant Powder. 

_ Allô Y-208 ! Répondit la voix au bout du fil.

_ J’ai un nom, vous savez ?!

_ Plus maintenant Y-208, faites vite, Godzilla attaque Tokyo maintenant. 

_ Dites à vos hommes de cesser le feu ! 

_ Vous êtes tombés sur la tête ! Répliqua Walter furieux. Vous n’y tenez que si peu à votre petite capitale ?

_ Bien au contraire ! Répondit fermement le professeur. Il ne rugit que lorsqu’on l’attaque, il ne faut pas le menacer. Imaginez le rugir en plein cœur de Tokyo, ce serait l'hécatombe. Appelez vos hommes et l’armée japonaise, ils ne doivent pas menacer Godzilla !

Le commandant resta silencieux pendant quelques secondes, puis finit par répondre. 

_ Vous avez une autre solution pour le faire partir ? 

_ Le sergent Woodshapes a parlé de vocalises, utilisez-les ! Il sera désorienté sur la terre ferme, donnez lui une échappatoire. 

_ J’imagine que nous n’avons guère d’options, je vais appeler le premier ministre.


Dans son bureau, le premier ministre japonais et ses partisans réfléchissaient à une approche stratégique minimisant les dégâts tout en repoussant la créature. Mais il fallait s’y faire, tous les civiles n’avaient pû évacuer la zone, il y aurait du dommage collatéral. Alors que les experts militaires élaboraient une zone de frappe par voie aérienne, un coup de fil retentit. C’était le téléphone du dirigeant. Il le saisit et répondit:

_ Qui est à l’appareil ?

Les gradés se turent, ils comprenaient la gravité de la situation. Le ministre n’émit aucun son, juste sa mine se fit de plus en plus sombre. La tempête battait son plein. La pluie clapotait contre la baie vitrée derrière le bureau, soutenue par le crépitement du tonnerre lointain. Lorsque le premier ministre raccrocha sans plus de cérémonie, il s’adressa à ses hommes.

_ Annulez toutes opérations militaires !

Les voix s’élevèrent d’indignation, mais le premier ministre fut ferme.

_ Aucune tentative d’attaque sur le Kaiju avant mon propre commandement. Dites aux soldats d’évacuer la zone.

Un gradé âgé se leva, la mine sévère, plaquant la paume de ses deux mains sur le bureau face à lui.

_ Tokyo est sur le point d’être attaqué et vous voulez rendre les armes ?! Je n’ai jamais servis homme moins digne que vous ! Expliquez-vous ! Bon sang, monsieur le premier ministre !

 _ Je ne peux pas donner tous les détails, expliqua le ministre calmement. Mais vous devez me faire confiance, les yankees ont peut être une solution.

_ Peut-être ?!! 

Le gradé saisit ses décorations et les jeta sur la table, d’un air furibond. 

_ Je donne ma démission ! Je préfèrerai me faire Hara Kiri plutôt que de laisser ma famille se faire piétiner par cette chose. Je défendrais ma patrie, avec votre accord ou non !

L’ex général quitta la pièce, claquant la porte derrière lui. Bientôt, plusieurs hommes de son unité le rejoignirent, laissant le bureau de la défense diminué. Le dirigeant s’assit, les mains croisées, l’air pensif. Un jeune gradé demanda au chef d’Etat: 

_ Que faisons-nous dorénavant ?

_ Attendre, répondit simplement le ministre. Nous pouvons commencer à élire un nouveau général des forces d’auto-défense pendant ce temps. 

Il espérait que ce Walter Powder serait en mesure de répondre à la nouvelle menace, que Tokyo ne soit pas juste un champ de ruines à la fin de la journée. 


Alors que Serizawa faisait des mesures, un chercheur l’interrompit dans ses travaux. 

_ Serizawa-sempai ! Nous devons évacuer !

_ Quoi encore ?! S’énerva le professeur. Je suis en plein travail !

_ Je ne plaisante pas ! Répondit agacé le scientifique. Mothra-sama a ordonné l’évacuation elle-même ! Vous tenez à être viré pour insubordination ?

Daisuke poussa un grognement de colère, il abandonna tout en plan, se saisissant juste de ses relevés. Alors qu’il quittait la pièce, le scientifique remarqua la cage du chat vide.

_ Serizawa-sempai, vous avez oublié quelque-chose.

_ Pas le temps, c’est Mothra-sama elle-même qui le dit. En route !

A contre-coeur, le collègue de Serizawa le suivi. Ce dernier était agacé par la tournure des événements, pas une journée tranquille. Il n’arriverait jamais à finir ses travaux à temps. Il perdrait son poste, tout ça à cause d’un gros lézard et d’une espèce de salope. Alors qu’ils atteignirent l’entrée, l’orage était apocalyptique. Les rues inondées ne permettaient plus la circulation. Daisuke regarda son collègue, d’un air presque moqueur, et lui dit:

_ On dirait qu’il est trop tard.

_ Et grâce à qui ? Répondit agacé le collègue. Si vous aviez plus prêté l’oreille aux infos, je ne serais pas coincé ici avec vous !

_ Rentrons, je ne tiens pas à tomber en arrêt maladie.


Les soldats avaient reçu l’ordre de stopper les tourelles et d’évacuer le secteur. La masse du colosse se faisait de plus en plus proche, il était rapide dans son élément naturel. Alors qu’il entra dans le port, un tsunami engloutit les quais, inondant tout sur son passage. Le matériel militaire laissé sur place fut emporté par la vague comme de vulgaires feuilles d’arbre. Les magasins de bord de mer furent bientôt submergés par le raz-de-marée. Alors que le roi des monstres n’avait même pas posé pied à terre, le bilan matériel était déjà désastreux, mais lorsque ce dernier se leva de tout son haut, dominant les quartiers résidentiels de sa royal splendeur, il poussa un grognement de colère. Il leva une de ses pattes arrière et aplati un pâté de maisons sur son passage. Sortant de la baie, il commença à semer un sillage de destruction. Les civils toujours coincés dans la circulation sortirent des voitures, pataugeant péniblement sur la route inondée. Les hurlements de terreur raisonnaient comme une symphonie de fin du monde. Semant la panique dans la zone de Yokosuka, le titan se dirigeant lentement vers le nord, en direction du quartier de Yokohama. Certaines maisons s’effondrèrent avant même que Godzilla ne les écrase, ses pas étaient semblables à des séismes. Interloqué par son reflet de l’un des immeubles, le Kaiju s’en approcha inquiet. Ne comprenant pas que c’était une réflection, il lui donna un violent coup de patte, faisant de ce fait s’effondrer la structure sur une centaine de personnes, écrasés par des centaines de tonnes de gravats. Les journalistes en hélicoptère se rapprochèrent de la scène, filmant l’inaction de l’armée japonaise et américaine. Mais alors qu’ils s’approchaient de la créature, les membres de l’équipage commencèrent à sentir des sensations de nausée. Finalement, l’appareil s’écrasa un kilomètre plus loin, en plein dans une zone résidentielle. 


Voyant les images choquantes à la télévision, Emiko ne put se retenir de se jeter dans les bras de Steves, elle était en larmes. 

_ Qu’est-ce qu’ils branlent ! se scandalisa Martin en voyant ses anciens camarades fuir le champ de bataille. C’est un vrai massacre ! Mais arrêtez-le !

Impuissants, ils ne purent que contempler la scène catastrophe avec horreur et effroi. Madame Shiawasena avait envoyé les enfants se coucher avec sa mère pour les empêcher de garder en mémoire ces scènes traumatisantes. Hiroshi fixait l’écran avec un air absent, il était absorbé par les images. Il le savait, du moins il le pensait, tout était sa faute. S’ils avaient prévenu les autorités, toutes ces morts auraient pu être évitées. Les journalistes filmaient tant bien que mal la progression du Kaiju, il allait vers Kawasaki dorénavant, réduisant à néant des milliers de vies humaines. 

Thierry était encore à quatre ou cinq miles de la côte, mais entendait à travers sa radio tous les rapports de dégâts du monstre rapportés par les membres de l’Iron Shield. Il reçut un signal de Walter, il répondit immédiatement.

_ Allô ! Sergent Woodshapes au rapport !

_ Sergent, avez-vous toujours les vocalises destinées au monstre ? 

_ Affirmatif commandant !

_ Amenez-les le plus vite possible au studio d’enregistrement, nous avons besoin de vos services !

_ Que dois-je y faire là-bas ? demanda Thierry inquiet de la suite des événements.

_ Vous devrez prendre l’une des voitures avec les enceintes les plus puissantes et ramener Godzilla vers la mer.

Devant l’optique d’une mission suicide, le sergent Woodshapes n’était guère ravi. Mais son zèle lui interdisait de refuser, alors il affirma être prêt à accomplir la mission. Il en avait encore pour une heure de trajet, pourvu que le reptile ne soit pas trop du genre touriste pensa-t-il. 


Après avoir piétiné Kawasaki, le Kaiju se dirigea droit vers le cœur de Tokyo. Les habitants s’étaient réfugiés comme ils purent, dans le métro, les immeubles et sous les maisons, mais ils avaient conscience que cette maigre protection ne représentait rien pour le Roi des monstres. Celui-ci fit une halte dans le quartier de Shibuya, face aux grandes tours qui se dressaient au loin. L’orage était tel que même les imposants buildings tanguaient sous le vent. Les plaques dorsales du monstre étaient rougeoyantes, de la vapeur s’échappait du corps du monstre. 


Voyant les captures d’images de la créature à travers les différents reportages, le professeur Yamane continuait de prendre des notes et de réfléchir à une approche pour mettre un terme au carnage. Son corps montait en température, il fallait que le monstre retourne à l’eau pour éviter l’hyperthermie. Ou pire encore, nul ne connaissait la véritable étendue des capacités de la créature. Ils devaient faire vite. Alors que ses collègues cherchaient une solution au problème, le boom hypersonic d’avions à réaction retentit depuis le nord. Il se pencha par la fenêtre, difficile de discerner les avions dans le noir. Il lui semblait avoir été clair, il ne fallait pas attaquer Godzilla. Il craignait le pire. 


Un garde du corps entra dans le bureau du premier ministre, tendant un téléphone. 

_ Qui est-ce ? demanda le premier ministre japonais. Encore les Américains ?

_ Non monsieur. La Russie souhaite s’entretenir avec vous.


Les civils japonais encore coincés dans la cité entendirent une détonation, puis le silence. Godzilla ne sentit même pas les bombes lui tomber dessus, mais une terrible série d’explosions retentit. Plusieurs pâtés de maisons furent désintégrés instantanément, habitants compris. Une vague de flammes engloutit les quartiers avoisinants, incinérant tout sur son passage. Les vitres des maisons se brisèrent en éclat à plusieurs centaines de mètres. La déflagration était si intense que le son retentit jusqu’au laboratoire de Mothra en périphérie de la ville. 

_ Que se passes-t-il ? demanda inquiet le collègue de Serizawa.

Le scientifique ne calcula même pas l’explosion, toujours pensif à son projet. Le collègue offusqué, préféra juste tirer la tronche devant tant de dédain.

_ Vous avez raison, Ô grand professeur Serizawa ! Tokyo est attaqué, notre ville est menacé, ce n’est rien ! Qu’est-ce que la mort après tout ? 

_ Ne me dérangez pas docteur Morinoshika, dit calmement Daisuke en pleine concentration. Je refais des calculs. On ne risque rien ici.

_ On ne risque rien ? Vous voyez par la fenêtre ? Tokyo est en flammes !

Daisuke se moquait complètement du sort de cette ville, son grand projet était bien plus important. Il ne voulait pas se laisser distraire par un vulgaire dinosaure. Un éclair illumina la cité, la silhouette du monstre se détachait comme une montagne mouvante. 


Un moment de silence régna après l’explosion, la fumée se dispersa révélant Godzilla dans toute sa grandeur. Indemne. Il inspira profondément et ouvrit sa gueule béante. L’onde de choc retentit, de nombreuses vies furent fauchées en un éclair. Certains immeubles s’écroulèrent au plus proche du monstre, puis à environ cinq kilomètre les vitres explosèrent et les tympans saignaient,  tous les habitants de la cité ressentir l’effet des infrasons dans leurs entrailles, sensation horrible d’être trituré de l’intérieur, le cri comme le souffle d’une bombe, projeta débris et individus mal placés. 


Mais le pire était à venir. Les plaques dorsales du seigneur Gojira brillaient intensément d’une lueur bleutée, émanant une chaleur intense. Un nuage encerclait la peau du monstre, c’était la pluie qui frappait sa peau qui s’évaporait au contact, comme sur une plaque de cuisson trop chaude. Il ouvrit une nouvelle fois sa gueule. 


Le monde entier retint son souffle, de la gueule de la créature émanait une lueur. Puis il cracha des flammes. 

Instantanément, le magma désintégra le quartier de Shibuya, et incendia Setagaya, Meguro, Shinagawa et Minato-ku. La pression du souffle pulvérisa plusieurs immeubles en un éclair, le plasma craché par la créature était semblable à un soleil. Les gens couraient pour leur vie, face à une scène apocalyptique d’un dragon en pleine fureur. Mais c’était bien vain, ils étaient rattrapés par le souffle atomique, les incinérant sur place. Le faisceau se concentra au fur et à mesure, faisant fondre l’acier comme de vulgaire barrette de beurre, fondant mollement. La chaleur à côté du colosse était insupportable, tous les quartiers dans son secteur étaient en flammes. Il continua de cracher son laser de la mort en orientant sa tête vers le ciel, illuminant les nuages. Les avions russes revinrent à la charge. Ils lancèrent une vague de missiles qui frappèrent en plein dans le torse de la créature, ce qui lui coupa momentanément son souffle. Il tourna sa tête vers les frêles aéronefs, furieux, et quand ils le contournèrent, il les suivit du regard, puis cracha son faisceau d’énergie dans leur direction. Les aviateurs esquivèrent le rayon bleu de justesse, mais une explosion terrible retentit dans le lointain. La bête continua de maintenir son souffle, et l’intensité du souffle diminua. Bientôt les flammes redevinrent jaunes, puis rouges. Ses plaques dorsales baissaient en intensité de lumière. Bientôt, le souffle atomique cessa. Le titan commença à se rediriger vers le port.



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