Lettres de Kamura

Chapitre 20 : Vingtième lettre

1280 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/03/2023 14:41

Chapitre XX

Vingtième lettre


 

Ma très chère Dylis,

J’imagine ta douce expression de joie lorsque tu recevras cette lettre, alors que je te l’écris, et je regrette de ne pouvoir t’annoncer cette nouvelle de vive voix. Si tu savais combien j’aimerais célébrer notre victoire à tes côtés ! Mais l’amiral ne m’aurait jamais laissée repartir aussi vite. Alors je commence à t’écrire cette lettre dans le bateau qui nous ramènera à l’avant-poste. Pardonne les secousses et mes lettres un peu hésitantes…

Cela aura été une rude épreuve, mais nous sommes enfin parvenus à vaincre le malzeno. Il aura été un honorable adversaire, et si j’avais été seule, j’aurais sûrement battu en retraite. C’était effrayant de voir ses hordes de qurios fondre sur nous pour tenter de nous sucer le sang sous son commandement, et lui-même était aussi vif et agile qu’un nargacuga, en plus de se mouvoir dans les airs. Par chance, nous n’avons eu aucune mort à déplorer, et les blessures restent légères grâce aux soins attentifs de nos équipes de secours. Si le docteur Tadori n’avait pas confectionné son puissant antidote, peut-être serions-nous tous en ce moment même tordus de douleur à cause de l’étrange venin du malzeno.

J’imagine que là-bas, dans le Nouveau Monde, tu auras vu ou bien aperçu d’autres dragons anciens terriblement redoutables. Dame Fiorayne m’a fait savoir que nous avions, à Elgado, quelques chasseurs et chasseuses qui nous venaient d’Astera et de Seliana, les deux colonies que vos flottes avaient érigées là-bas, et que ces personnes aidaient le Royaume dans ces dures épreuves, aussi bien en chassant qu’en partageant des savoirs techniques qui leur sont d’une grande utilité. Je suis sûre qu’en échangeant avec eux, j’apprendrai quelles créatures fabuleuses vous avez pu rencontrer par-delà la mer. J’ai entendu parler de monstres immortels, de créatures recouvertes d’or, et d’une autre qui, presque éthérée, était née de son cocon sous vos yeux lorsque vous étiez venus à sa rencontre. Pardonne-moi si évoquer tout cela te déplaît. Sache que je ne souhaite pas te causer de tort. Je suis juste terriblement curieuse de connaître l’infinité de secrets que recèle encore notre monde.

Lorsque le malzeno s’est éteint, après une longue agonie, les qurios qui vivaient en symbiose avec lui se sont échappés, les uns après les autres. Étaient-ils déstabilisés par la disparition de leur hôte ? Fuyaient-ils ? Ou bien se dirigeaient-ils vers un nouveau corps adéquat avec lequel fusionner ? Difficile à dire… Je crains toutefois que cette histoire ne soit que temporairement finie, et que nous ayons à faire face à d’autres problèmes bien assez rapidement. Je ne peux en parler à Dame Fiorayne ou à l’amiral pour le moment – ils voudront très certainement célébrer notre réussite et dissiper la tension qui s’était accumulée ces dernières semaines. Mais à toi, je peux me confier plus librement. Je redoute la suite des événements.

Nous arrivons à présent au port d’Elgado. Je reprendrai l’écriture de ma lettre à la suite, dès lors que j’aurai un peu de temps pour moi. Je n’aime pas te faire attendre davantage, pardonne-moi, s’il te plaît.

 

Tous à Elgado étaient comblés de nous voir revenir, et de savoir la menace éradiquée. Mais il n’aura fallu que quelques jours pour que les mauvaises nouvelles tombent.

Les équipes de chercheurs ont tenté de pourchasser les qurios, à la fois pour les capturer et les anéantir, mais aussi pour les observer. Et c’est peine perdue, ils se sont tous répartis dans tout le royaume, de façon désordonnée et plutôt chaotique. Et donc, nous avons toujours autant de monstres infectés par ce virus qu’ils transmettent, et qui attaquent leurs congénères.

Je dois donc rester à l’avant-poste pour une durée indéterminée. L’amiral m’a déjà dépêchée sur plusieurs quêtes. En temps normal, j’en serais ravie, mais ne pas savoir combien de temps je devrai encore attendre avant de te retrouver me serre le cœur. J’espère seulement que tout va bien pour Llyr et toi. Vous me manquez terriblement, tous les deux.

L’amiral Galleus a commandé la construction, ou bien l’amélioration d’un bateau, je ne saurais dire. J’ai aperçu la conversation qu’il échangeait avec Bahari à ce sujet. Je sais que c’est malhonnête d’épier les discussions d’autres personnes, mais j’avais à lui parler, et je suis arrivée au mauvais moment. Bahari tente d’équiper en armes lourdes un navire, pour des raisons que j’ignore, et même s’il peine à réaliser le projet insensé qu’a commandé l’amiral, ce dernier semble affreusement pressé de le voir complété. J’espère que ça n’est que mon imagination, et qu’il ne se trame rien de plus dangereux encore dans l’ombre. Mais à écouter le ton de l’amiral, je ne pense pas me tromper. Pendant que nous étions affairés par les problèmes engendrés par le malzeno et les qurios, quelque chose d’autre grouillait sous nos yeux, et n’attend plus que de pouvoir lancer son offensive…

Je suis donc dépêchée sur trois traques. D’un côté, je dois me charger, avec l’aide de Sieur Jae et Dame Fiorayne, d’une bazelgeuse en furie qui ravage tout sur son passage, mais aussi d’un seregios et d’un rajang. Pour ces deux-là, j’attends encore de me trouver une équipe avec qui m’y atteler, ce serait du suicide que d’y aller seule. Tu dois connaître un peu ces monstres, ne serait-ce que de loin, et donc tu n’es pas sans savoir que ce sont de redoutables créatures en temps normal. Si en plus elles sont bel et bien infectées par le virus des qurios, ce ne sera pas une mince affaire…

Ce n’est pas grand-chose, mais j’ai joint à cette lettre un petit cadeau, pour Llyr et toi. Je connais votre amour des écailles de monstres, et ai demandé à Minayle de vous forger ces amulettes à partir d’écailles de malzeno. Elles sont tellement brillantes, j’ai du mal à ne pas rester hypnotisée en les regardant. Les croyances du Royaume veulent que quiconque porte des bijoux façonnés à partir de ces écailles se verra octroyer une force immense. J’ignore si cela est vrai, mais j’espère qu’elles vous aideront à affronter les périodes les plus compliquées de vos vies, et à laisser derrière vous ce qui vous chagrine pour que vous puissiez vous concentrer sur votre bel avenir.

Je te fais la promesse solennelle qu’une fois tout ceci terminé, dès lors que le Royaume ne nécessitera plus mon aide, je rentrerai pour toujours. Plus les jours passent et plus je réalise que je passe à côté de ce qui m’est le plus cher. Je veux corriger mes erreurs, et ne pas regretter mes décisions.

Je t’écrirai à nouveau dès que je serai rentrée de ces quêtes. D’ici là, prends soin de toi. Que les ancêtres veillent sur toi et ta famille.

Je t’embrasse,

Nozomi

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