Miyuki ( d'Après le manga de Mitsuru Adachi, 1980)

Chapitre 28 : Une folie qui coûte bien cher

1765 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:04

Arrivé près du petit muret en pierre non loin de l’entrée, j’ai laissé libre cours à mon chagrin qui n’en finissait plus et qui aux yeux des autres pouvait ressembler à de la folie. Je me croyais d’ailleurs fou. Seul un fou pouvait avoir avoué devant toute une assemblée qu’il aimait sa sœur et gâcher sa cérémonie de mariage. Je pleurais comme je ne l’avais pas fait depuis mes premières années de vie. J’avais peur et je ne savais pas comment les choses allaient désormais se finir. Le soulagement de l’aveu éprouvé ne pesait pas lourd à côté de l’angoisse qui me saisissait. Je mourais d’envie de disparaître des lieux mais mes jambes ne pouvaient plus me porter. Chose qui paraissait lamentable, je me suis assis, j’ai enfoui mon visage dans mes mains et j’ai attendu. Attendu que l’on vienne me cueillir et me punir pour ce que j’avais fait…

 

 

Quelques minutes plus tard, je sentis une main se poser sur ma tête. Loin de m’attendre à ce genre de contact, j’ai levé le regard en pensant d’abord à mon père. Mais c’était Seki. Ce dernier se tenait accroupi devant moi. Il ne disait rien, il ne souriait pas. Il se taisait tout en gardant sa main sur mes cheveux.

 

 

      «  Qu’est ce que tu fais ? ais-je réussi à dire. Tu devrais t’en aller, maintenant »

 

-C’est vraiment ce que tu veux ?

 

Je n’ais pas répondu. Je ne voulais plus mentir encore une fois en disant que je désirais être seul.

 

-Tu ne dis rien. Alors je ne m’en irai pas.

 

-Pourquoi ? Tu as vu, tu as entendu tout ce que j’ai dit et tu penses encore que je mérite un quelconque soutien ?

 

-Quand j’ai pleuré à Kamakura, tu ne m’as pas jugé. Je ne vois pas pourquoi je devrais t’en vouloir pour ce que tu as fait. Ce ne sont pas mes affaires. Mais on est amis, çà me suffit pour te consoler.

 

J’ai étouffé un sanglot puis grâce à ce geste chaleureux, je suis parvenu à me calmer. C’est alors que de l’ombre de l’entrée apparut au grand jour la silhouette de quelqu’un : mon père. Je me levai, imité par Seki tandis qu’il s’approchait de moi d’un pas vif. Puis sans rien dire, il me gifla pour la première fois avec une force et une rapidité qui m’avait pris de cours. La violence fut telle que je faillis en tomber au sol. Je passai ma main sur ma joue brûlante du coup reçu en prenant soin de ne pas regarder mon père dans les yeux.

 

 

-Tu me dégoutes. Tu me fais honte et je continue de penser que tu n’as plus toute ta raison pour avoir agi comme çà. Tu as saboté le mariage de Miyuki. Son mariage ! Le jour le plus important de sa vie ! Alors maintenant tu vas retourner à l’intérieur, reprendre ta place au pupitre et tu vas t’excuser devant tout le monde pour avoir dit de pareilles âneries !

 

-Je suis désolé papa…Mais je ne le ferai pas.

 

-Je saurai bien t’y forcer ! tonna t-il en levant à nouveau la main.

 

-Je ne le ferai pas car je ne le peux pas. Tout ce que j’ai dit était dur à entendre, mais c’était la vérité.

 

Mon père s’immobilisa, les traits tirés. Son visage était d’une pâleur inquiétante.

 

 

-Qu…Qu’est ce que tu veux dire ?

 

Voyant que je ne répondais pas, il me saisit par le col de ma veste en criant avec impatience.

 

-Mais c’est ta sœur bordel ! Ton unique sœur ! Tu comprends bien que çà n’a pas de sens tes sentiments ?! Que ce n’est pas normal ?! Pas possible ?!

 

-Ne joue pas au crétin ! Ais je hurlé plus fort que lui en me dégageant. Tu sais très bien qu’elle et moi nous ne sommes pas liés par le sang ! Il n’y a aucun lien sanguin entre elle et moi !

 

-Toi et elle vous êtes liés par le mariage, imbécile ! MON mariage et celui de ta mère ! Vous avez grandi ensemble ! Aux yeux de la loi et de tout le monde que tu le veuilles ou non, vous êtes frère et sœur ! Et vous le serez toujours, tu m’entends ?!

 

 

Seki tenta de s’interposer pour nous calmer mon père et moi.

 

-S’il vous plait, dominez-vous ! Essayez de discuter…Vous n’avancerez à rien en vous hurlant dessus…

 

-Monsieur, je crois que tout cela ne vous regarde en aucune façon, rétorqua méchamment mon père en pointant sur lui un regard aussi autoritaire que celui d’un nazi. Je vous demanderai donc de rester à l’écart !

 

-Je ne peux plus me mentir, dis-je avec regret. Je suis vraiment désolé, mais j’aime Miyuki. Non en tant que sœur, mais en tant que femme et je ne pense pas que çà changera. J’ai pourtant essayé mais…Est-ce que j’y peux quelque chose, dis moi ? Tu crois que çà m’enchante cette situation !?

 

-Il faudra bien que çà te passe parce que çà n’aboutira jamais à RIEN ! Que tu l’entendes ou non, ce sont des sentiments incestueux que tu éprouves !

 

 

Il cessa de hurler quelques secondes et passa sa main sur son front, à bout de souffle et de nerfs. J’en ais profité pour continuer, cette fois bien décidé à prendre un minimum mon parti. Je n’ais plus cherché à fuir son regard.

 

-Pourquoi crois-tu que je n’ais rien dit pendant tout ce temps ? Je sais mieux que quiconque que c’est mal ! La fois où je l’ais rencontré sur la plage, je ne l’ais pas reconnu. C’est à ce moment là, en pensant que c’était une fille comme une autre que je suis tombé amoureux. Depuis le jour où vous vous êtes cassés je ne l’avais jamais revu, pas une seule fois ! C’était une gamine ! Comment aurais-je pu penser un seul instant que c’était ma sœur !? Tu es injuste !

 

Il y eut un silence dont mon père profita pour rassembler ses esprits et surtout tenter de dominer sa colère. Il était rouge de rage et jamais je ne l’avais vu aussi furieux. Je comprenais fort bien sa réaction et je m’y attendais, je savais que j’avais commis quelque chose d’irréparable. Mais il fallait que lui aussi entende quelque chose, c’est que les sentiments ne se dominent pas et qu’il ne sera jamais personne pour juger la pureté d’un amour.

 

 

-Si tu n’arranges pas le mal que tu as fait, me dit-il d’un ton presque calme qui me faisait peur, je te renierai complètement.

 

Je me sentais pris à la gorge. Voilà que j’étais pris dans un immonde chantage qui me contraignait à faire des excuses ou à renoncer au dernier parent que je possédais. Bien que durant longtemps il n’avait pas été présent, nous avions quasiment fait la paix et je trouvais l’idée de le perdre définitivement bien difficile. Au bon moment, une voix surgit derrière lui :

 

-Tu ne penses pas ce que tu dis.

 

 

     Ma sœur Miyuki venait d’apparaître dans le dos de mon père. Elle s’arrêta à deux mètres de nous sans le quitter une seule fois des yeux ; de ce regard grave et amer, d’un sérieux, presque une froideur qui m’impressionna et que je ne lui avait encore jamais connu…

 

 

-J’ai toujours su…que mon frère et moi ne sommes pas liés par le sang.

 

 

Notre père transpirait. Il devenait de plus en plus rouge et à cela ne répondit rien. L’aveu, comme moi, le laissa interdit. Et c’est avec un regard de défi qu’elle lui demanda une chose incroyable tandis que Yuichi avait suivi ses pas de près:

 

 

- Si je te disais que j’aime aussi Onii-chan, tu me répondrais la même chose ?

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