rencontre dans le parc (ship AlyaXAdrien
Après la dispute avec son père et son départ précipité de la demeure familiale, Adrien se demanda s’il n’avait pas fait une énorme erreur en claquant la porte. Comment allait-il subvenir à ses besoins ?
Il n’était pas complètement démuni pour autant, car il avait préparé sa fugue depuis un moment. L'idée lui était venue lorsque Nathalie, la secrétaire et assistante de son père, lui avait offert — parce que, bien sûr, son père n’allait pas se déranger à chercher lui-même un cadeau qui ferait plaisir à son fils, quand même — une carte de crédit avec un plafond virtuellement illimité en lui suggérant de se faire plaisir. Adrien avait apprécié le geste. Il ne doutait pas que, par ce cadeau, l'employée avait exprimé, dans les limites des restrictions qui lui étaient imposées, sa désapprobation quant aux méthodes de son patron.
Adrien y avait vu une occasion de se venger de la dictature paternelle, ainsi que de récupérer une partie de l’argent dont il ne verrait jamais la couleur, que ce soit dans sept ans ou même dans vingt ans.
Enfin, bref, son plan était simple. Remplacer chaque élément de sa chambre par ce qu’il y avait de plus cher sur le marché et revendre ce qu’il remplaçait sur Internet. Il n’y était pas allé de main morte, car il avait commencé par remplacer son PC gaming acheté trois ans plus tôt pour trois mille euros par un autre d’une valeur de quinze mille euros. Le mois suivant, il s’était acheté un canapé et un siège gaming d’une valeur de quatre mille euros, et le mois dernier, il avait acheté la TV la plus chère qu’il ait pu trouver pour une valeur de plus de sept mille euros.
Comme il revendait son ancien matériel sur Internet, il avait accumulé une petite somme. Pas grand-chose, à peine six mille euros, juste de quoi tenir un mois, peut-être deux, mais il n’en était pas sûr compte tenu du prix des logements dans la Cité Lumière. Sa petite combine avait tout de même été assez lucrative.
Cependant, s’il avait espéré se venger de son père, il fut déçu, car celui-ci ne lui fit aucune remarque sur ses achats. Les avait-il seulement remarqués ? Il était probable que non. À l’instar des autres super riches, Gabriel Agreste dépensait sans se soucier du prix. Dans le même ordre d’idées, il n’ouvrait que rarement son application bancaire pour surveiller l’état de son compte en banque et, même s’il l’avait fait, il était probable que des achats aussi modestes que ceux de son fils n’aient pas attiré son attention. Si son père lui avait refusé l’accès à son propre argent, ce n’était pas par avarice, mais bien pour le garder sous contrôle.
Nathalie lui avait promis d’envoyer tous les nouveaux achats qu’il avait faits ces trois derniers mois. En revendant tout ce fatras haut de gamme, il pouvait espérer tripler son pécule. Assez pour voir venir.
Mais ce n’était pas tout. Il avait toujours la carte de crédit et hésitait sur ce qu’il allait en faire. Il était possible que son père ignore l’existence de cette carte. En théorie, il pouvait espérer vivre aux crochets de son père encore longtemps en toute impunité. Son père, ignorant que cette fugue avait été planifiée depuis quatre mois, pensait qu’il reviendrait après un jour ou deux. Après quoi, il ne donnait pas une semaine avant qu’il ne lance ses gorilles à sa poursuite pour le ramener de force. Il hésitait donc à utiliser la carte, car elle lui permettrait de le tracer. Peut-être devrait-il quitter Paris.
Ses lèvres s’étirèrent en un sourire sournois alors qu’une idée germait dans son esprit. Il allait dépenser une fortune dans les prochains jours, après quoi il quitterait Paris pour faire un road trip à travers toute la France. Et le premier achat à faire était un véhicule. Adrien avait passé le permis C1 en secret, il pouvait donc conduire un gros mobile home. Ce type de véhicule était idéal, car il alliait à la fois mobilité et lui assurait un lieu où dormir. Un passage chez un concessionnaire et l’affaire fut conclue en moins d’une heure. Les choses allaient vite lorsque l’on n’avait pas de limite de budget, et aussi richissime que son illustre géniteur puisse être, il le sentirait passer. D’autant que ce n’était pas terminé pour autant.
Adrien n’avait jamais été comme Chloé, un enfant privilégié et insupportable qui pensait que tout lui était dû. Au contraire, il avait toujours essayé de faire de son mieux pour satisfaire son père et honorer la mémoire de sa mère, morte prématurément lorsqu’il avait treize ans. Malgré cela, il se sentait libéré d’un poids qui avait pesé sur ses épaules pendant trop longtemps, et faire payer à son père le prix de son indifférence était on ne peut plus jouissif.
Étant un garçon généreux, il voulut partager sa bonne fortune avec ses amis. Il prit la direction du Trocadéro, où la péniche de son ami et rival secret se trouvait amarrée. Il considérait Luka comme son rival parce qu’il sortait avec Marinette, qui n’était rien de moins que le tout premier crush d’Adrien. Il se flattait un peu cependant en se considérant comme son rival, car par deux fois Marinette lui avait fait comprendre que, si elle l’aimait bien en tant qu’ami, elle n’avait aucun intérêt romantique pour lui.
« Permission de monter à bord », lança-t-il avec bonne humeur en voyant Luka. « Bien sûr, monte. Qu’est-ce que tu fais là ? La prochaine répétition des Kitty Section n’est pas prévue avant la semaine prochaine. »
Les Kitty Section étaient le nom du groupe de musique que Luka avait formé et dont Adrien était un membre occasionnel.
« Elle n’aura pas lieu, si les choses se passent comme je l’espère. »
« Que veux-tu dire ? Ton père t’interdit encore de venir ? »
Gabriel n’appréciait pas que son fils traîne avec ce que, dans son snobisme, il considérait comme la plèbe.
« Luka, à qui est-ce que tu parles ? »
Le cœur d’Adrien battit un peu plus vite en voyant Marinette arriver. On n’oublie jamais vraiment son premier amour.
« Je parlais à ta future victime. »
« Future victime ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »
Lorsqu’elle vit Adrien, une expression sadique, bien différente des expressions habituelles de la jeune fille de seize ans, qui était la douceur et la féminité incarnées, apparut sur son visage.
« Ah, Agreste, on m’a raconté ce que tu as dit sur moi. On va régler nos comptes tous les deux. »
« Euh… Adrien. Je sais que tu m’as demandé si tu pouvais monter à bord, mais il vaudrait peut-être mieux que tu t’abstiennes. Elle est tout à fait capable de te faire passer par-dessus bord. »
« Oh, mais c’est une bonne idée. Cela m’embêtait un peu de devoir lui casser la gueule, mais la balancer est une bonne alternative. »
C’était quoi ce bordel ? Il ne voyait pas ce qu’il avait pu dire ou faire pour mettre en colère Marinette. Quoique… elle ne semblait pas en colère, juste un peu contrariée. Mais cela le contrariait qu’elle lui en veuille. Marinette n’était pas seulement la première fille qu’il avait aimée, — bien que ce soit un amour contrarié puisqu’à sens unique et donc non concrétisé — c’était aussi et surtout sa meilleure amie, sa confidente et sûrement la personne qui l’avait le plus aidé à s’intégrer lorsqu’il avait enfin pu aller au collège après des années de cours particuliers. Que Marinette soit en colère était inacceptable et cela ne pouvait pas durer.
Adrien était un jeune homme assez indécis qui tergiversait beaucoup avant de prendre des décisions importantes, mais là, ce fut différent. Seulement, il y avait des priorités dans la vie, et son amitié avec Marinette était la priorité des priorités.
Il n’hésita pas et agit sans se soucier davantage de ce qu’il avait fait pour mériter l’ire de son amour d’adolescent, ni du fait d’être victime d’une médisance ou d’une quelconque injustice.
Il monta donc sur la péniche et alla se planter devant son amie.
« Frappe-moi. »
La jeune fille écarquilla les yeux de surprise, visiblement, elle ne s’attendait pas à ce genre de réaction de sa part. Il est vrai qu’il n’était pas vraiment lui-même aujourd’hui, ou peut-être était-il enfin lui-même.
« Tu es dingue », fit Luka.
« Je ne sais pas ce que j’ai fait, et je m’en fous. Si j’ai fait de la peine à Marinette, qui est la personne la plus belle, gentille, altruiste et créative de Paris, même si c’est par maladresse et sans le vouloir, je mérite qu’on m’en colle une et qu’on me jette à la Seine. Il n’y a pas à discuter, point barre. »
Marinette rougit devant tant de compliments et de repentance de la part du mannequin, ce qui n’échappa pas à son copain.
« Adrien, tu pourrais arrêter de draguer ma copine
« Je ne la drague pas. De toute façon, je suis nul en drague. Je dis simplement ce que je pense.
— Justement. Tu dis ce que tu penses avec sincérité, et c’est bien pour ça que je te dis d’arrêter. Elle va retomber amoureuse de toi. »
Adrien se figea. Luka pensait-il vraiment que Marinette avait été amoureuse de lui ? C’était ridicule. Marinette lui avait clairement fait comprendre qu’elle n’était pas intéressée par ce genre de relation. D’un autre côté, Luka ne pouvait pas le savoir. L’amitié particulière qu’il partageait avec sa petite amie et leur complicité pouvaient prêter à confusion.
« Ne te fais pas d’idées. J’ai tenté ma chance deux fois avant que vous ne vous mettiez ensemble, et les deux fois, elle m’a clairement fait comprendre qu’elle ne me voyait que comme un ami. Mais, nous digressons. Marinette, frappe-moi, je le mérite. Et pas une simple gifle, mais un coup de poing, donné de toutes tes forces.
— Adrien, je suis sûr que tu ne sais même pas pourquoi elle est contrariée.
— C’est vrai, et je m’en fiche.
— Adrien, tu devrais savoir une chose quand même. Je sais que Marinette ne paie pas de mine avec son mètre soixante-cinq et ses cinquante kilos tout mouillé, mais…
Le mannequin le fit taire d’un geste de la main.
— On verra plus tard. Marinette, frappe-moi et ne retiens pas tes coups.
La jeune fille hésita avant de sembler se résoudre. Avec un sourire, elle lui demanda :
— Tu es sûr ? Je sais que tu me vois comme une petite fleur délicate, mais j’ai peut-être la meilleure gauche de Paris dans la catégorie poids plume.
Adrien pensa à Alya, qui l’avait maîtrisé et mis KO quelques heures plus tôt. Si cette expérience lui avait appris quelque chose, c’est que les apparences peuvent être trompeuses, et que certaines filles bien entraînées peuvent se révéler plus fortes qu’un garçon lambda pratiquant un sport en dilettante.
— Je sais, marmonna-t-il. J’ai appris ce matin que l’époque où les hommes étaient plus forts que les femmes est révolue.
La remarque fit rire la jeune fille. Adrien ne put s’empêcher d’en être content, car comme dit le dicton : "femme qui rit, à moitié dans ton lit". Même si je ne ferai sûrement jamais cette autre moitié du chemin, pensa-t-il amèrement.
— Allez, contracte tes abdos.
— Encore faudrait-il que j’en aie.
Cela la fit rire encore.
— Décidément, je découvre une nouvelle facette de ta personnalité.
— Oui, je sais. Je suis bizarre, aujourd’hui.
— Un peu, mais j’aime bien. Maintenant, ça ne va pas m’empêcher de te mettre une.
— Vas-y.
— Marinette… fit Luka, étrangement inquiet.
— Ne t’inquiète pas ! Je vais utiliser ma droite.
Le mannequin contracta ses abdos comme conseillé par son amie. Ce ne fut pas du luxe : le crochet du droit qu’elle lui envoya lui coupa la respiration. Il se rendit compte qu’en dépit de la raclée, il avait encore sous-estimé une représentante de la gent féminine. Décidément, le sexe faible n’était pas si faible que ça.
À peine le coup porté, ses jambes lui firent défaut, et le sol se déroba sous ses pieds. Le souffle coupé, il tomba à genoux et souilla le pont de la péniche en rendant le menu McDonald's qu’il avait mangé une heure plus tôt.
Cela provoqua, pour la troisième fois, l’hilarité de la jeune fille.
— Je… Je… suis dé… désolée, parvint-elle à dire entre deux éclats de rire nerveux.
— C’est ce que je voulais te dire, même si elle n’en a pas l’air, Marinette, malgré son petit gabarit, est très forte. En plus, elle fait du MMA.
— Ras le bol de toutes ces nanas plus fortes que moi, râla-t-il tout bas.
Luka fronça les sourcils, visiblement sans comprendre.
Adrien allait lui dire qu’il lui expliquerait ça plus tard, mais étonnamment, c’est Marinette qui répondit :
— Il a joué avec Alya à la bagarre dans le parc.
— Ah ! fit Luka avec un sourire comme si cela expliquait tout. Je suppose qu’elle a gagné.
— Elle l’a mis KO avec une prise d’étranglement.
Le mannequin aurait aimé demander comment il connaissait Alya et si c’était à cause de ça que Marinette était en colère contre lui, mais pour le moment, il en était incapable, car il subissait encore les effets délétères du puissant crochet de la jeune fille, essayant encore, presque une minute après, de retrouver son souffle. Si elle avait frappé les côtes au lieu du ventre, il était certain qu’elle les aurait cassées.
— Alors, mon petit Adrien, toujours aussi sûr de pouvoir me casser la gueule ?
C’était donc pour ça qu’elle était contrariée. Foutue Alya. Il décida de rentrer dans son jeu. Après tout, son humour avait amusé Alya.
— Hélas, My Fair Lady, j’étais bien bête à l’époque.
— À l’époque ? Tu veux dire ce matin.
— Oui, avant que je ne découvre le complot millénaire de la gent féminine.
Bien qu’elle ne connaisse pas encore la chute des bouffonneries du garçon, Marinette décida de rentrer dans son jeu.
— Tu connais notre secret. C’est embêtant, ça ! Je ne sais pas si je peux te laisser en vie sachant cela.
Feignant la terreur, il se jeta aux pieds de la fille et la supplia :
— Je t’en prie. Je ne dirai rien. Je serai ton esclave, mais ne me tue pas.
Marinette était vraiment surprise. Cela ne ressemblait pas à Adrien d’agir de manière aussi excentrique. Cela ne lui déplaisait pas, bien au contraire. Sans doute parce que cela le rendait plus accessible.
— Hum… intéressant. Un beau garçon à mon service, cela ne serait pas pour me déplaire.
— Euh… je préfère pas, fit son petit ami.
— Pourquoi ? Tu es contre l’esclavage ?
— Non, mais là, c’est Adrien.
— Et alors ?
— Tu sais très bien ce que je veux dire. S’il devient ton esclave, ce ne sera pas un simple esclave, mais un esclave sexuel.
Le teint de Marinette passa aussitôt au rouge pivoine. Adrien, lui, était plutôt excité par cette idée et commençait à se demander si Luka pensait vraiment que sa copine avait un coup de cœur pour lui. Si tel était le cas, il ne pouvait pas se tromper davantage. Peut-être devrait-il éclaircir les choses.
Marinette, après un moment de panique où elle bredouilla d’incompréhensibles dénégations, reprit le contrôle d’elle-même.
— Et quand bien même, on est un couple libre. On a le droit de sortir avec d’autres personnes. C’est bien ce que tu voulais, non ? Tu as d’ailleurs bénéficié de cet accord beaucoup plus que moi, monsieur l’adepte du polyamour. Mais c’est peut-être ça le problème, ça ne marche que dans un sens.
Oh là, se dit Adrien en se demandant si cela ne devenait pas doucement une vraie dispute. Il ne savait pas s’il devait s’en réjouir ou pas.
— Je sais, mais…
— Mais rien du tout. Tu sais que mon fantasme ultime a toujours été un plan à trois avec toi et Adrien.
Adrien sursauta, car il avait dit presque la même chose un peu plus tôt.
— Toi aussi ?
Marinette et Luka tournèrent vers lui un regard interrogateur.
— J’ai dit la même chose à Alya, sur le plan à trois, avoua-t-il.
— Peut-être qu’on pourrait faire un plan à quatre, suggéra Luka, dont l’intérêt venait d’être ravivé, sûrement à l’idée de coucher avec Alya.
— Tu as vite changé d’avis, fit sa petite amie avant de lever les yeux au ciel et de dire : Ah, les hommes.
— C’est toi qui as amené le sujet du plan à trois sur le tapis, je te signale, se défendit Luka.
— Et puis, le problème avec le plan à trois, c’est qu’il y en a toujours un qui ne fait rien, ajouta Adrien, à moitié sérieux. Franchement, vous imaginez le malaise.
— Bon, ça va, céda Marinette. Peut-être un jour. Adrien, parle-en à Alya, la prochaine fois que tu la verras.
— Je n’y manquerai pas, répondit-il en se demandant si c’était vraiment sérieux.
— Bon, Luka, va chercher des serviettes pour Adrien.
Le musicien s’exécuta.
« À nous deux, Agreste. J’ai décidé d’accepter ton offre. À partir d’aujourd’hui, tu es mon esclave et tu feras ce que je te dis. C’est compris ? »
Le ton autoritaire de la fille, si douce et gentille d’ordinaire, l’excita. Serait-il un homme aimant être soumis par des filles belles, fortes et sexy ?
« Oui, maîtresse.
— Non, pas maîtresse. J’ai bien aimé quand tu m’as appelée My Fair Lady.
— Une très belle Lady, en effet. »
Soudain, elle se baissa et le souleva comme si de rien n’était.
« Les rôles sont inversés. Traditionnellement, c’est le prince qui porte ainsi la princesse.
— Ne t’en fais pas pour les traditions. Quelque chose me dit que cette princesse va tellement botter le cul de son prince que cela va devenir la nouvelle tradition.
— J’ai toujours su que tu étais obsédée par mes fesses.
— C’est l’hôpital qui se fout de la charité, là.
— Je n’ai jamais dit que ce n’était pas réciproque. »
Elle le passa par-dessus le garde-fou de la péniche.
« Eh bien, mon prince, votre royal bain est prêt, » lui murmura-t-elle avec un sourire avant de le lâcher dans la Seine.