Sous l'affiche d'un film pornographique
Prologue
Cette histoire est une fiction.
Toute ressemblance avec des événements,
des organisations, ou des personnes existants
est une coïncidence inévitable.
Mais la réalité est bien plus cruelle. *
– Monologue – amazarashi
« rdv cet aprem? j ai ma journee
– Carrément ! 15h30, à côté de la fontaine ?
– ca marche biz »
Elle rangea son téléphone portable dans sa poche, un sourire se dessinant sur ses lèvres.
*
Une pièce circulaire et sombre, dallée d'un carrelage si minutieusement posé que l'espace situé entre chaque pierre ne se voyait pas à moins de se pencher au-dessus. Des bruits de pas, ceux d'un homme dont l'âge se trouvait certainement dans la quarantaine, résonnaient jusqu'à se taire, faisant à nouveau régner le silence. L'immense lucarne située sur le mur en face duquel il se trouvait s'ouvrit peu à peu, laissant entrer la lumière, et éclairant l'individu. Vêtu d'un costume à la veste violacée et au pantalon habillé foncé, une grande broche argentée de la forme d'un papillon luisait sous les rayons entrants. Il agita quelque peu la canne d'un sombre indigo qu'il tenait dans sa main droite, et laissa s'afficher un sourire sur son visage dissimulé sous un grand masque grisâtre laissant seulement paraître ses yeux bleus empreints d'une certaine appréhension.
J'espère que cette fois-ci sera la bonne, songea-t-il avant de se reprendre. Quel idiot faisait-il. Je me dis ça à chaque fois.
Une nuée de papillons blafards s'envola lorsqu'il tapa de sa canne contre le sol. Il en saisit un, et récita sa formule habituelle, en le prenant entre ses mains gantées de noir.
« Va, mon petit akuma, lança-t-il en le relâchant, le laissant s'envoler à travers la lucarne, et noircis son cœur ! »
Il ignorait qu'il venait de planter la graine d'une mauvaise herbe.
*
Du haut d'un toit terrassé de Paris, un adolescent se tenait là, assis, les jambes pendant dans le vide, la tête basse. Sa tenue était pour le moins peu ordinaire ; sa tignasse blonde en bataille était affublée d'une paire d'oreilles de chat en synthétique noir, et un masque de la même couleur recouvrait son nez ainsi que ses yeux, ne laissant entrevoir que deux iris verts. Du haut du cou jusqu'au bout de ses pieds, son corps tout entier était recouvert d'une combinaison en synthétique imitant quelque peu le cuir, accompagnée d'une paire de gants et de chaussures de la même matière et de la même couleur. Autour de sa taille avait été serrée une ceinture dont la mouvance était non sans rappeler celle d'une queue de félin, et comme pour accentuer cette comparaison, un grelot doré pendait légèrement à la base du cou, sur son sternum.
Il était un héros – un super-héros, même. Il possédait un super-pouvoir lui prodiguant de fantastiques capacités surhumaines. Il se faisait appeler Chat Noir lorsqu'il n'était pas en civil.
Mais ce jour-là, en ce début d'après-midi, il n'était pas d'humeur à jouer au super-héros et sauver la capitale française si la situation le demandait. Au contraire. Il était plutôt d'humeur à fermer les volets de sa fenêtre, s’emmitoufler sous la couette, et s'enfoncer le visage dans l'oreiller, afin de se laisser dépérir.
La raison était toute simple. C'était une peine de cœur.
Il avait une partenaire, Ladybug. Sa Lady. Une autre héroïne, dotée du même type de pouvoirs que lui. Il la trouvait si ravissante, à chaque fois qu'il la voyait, il ne pouvait s'empêcher de la dévorer du regard. Elle portait une combinaison moulante rouge à pois noirs, et un masque au même motif. Elle ressemblait à une coccinelle humaine, mais sans ailes – auquel cas elle aurait été un véritable ange. Il adorait la silhouette de l'adolescente, il adorait ses cheveux bruns noués en deux couettes basses, il adorait son regard bleu... Il n'y avait rien qui pouvait lui déplaire chez elle. Et quand bien même lui déclarait-il sa flamme, elle le repoussait sans cesse.
Il s'y était fait, convaincu qu'un jour il saurait trouver les mots et la faire chavirer. Mais si elle ne pouvait lui offrir son cœur, pouvait-elle seulement lui dire qui elle était ? Ils s'étaient jurés de garder leurs identités secrètes l'un de l'autre, convaincus que c'était pour leur bien. Mais était-ce le bon choix ? Il en doutait.
Il lui avait donné rendez-vous en ce lieu-même, environ une heure plus tôt. Il lui avait dit de l'attendre à l'endroit où il se tenait, sur le bord de la terrasse. De là, ils voyaient toute la ville, et personne ne les voyait en retour. Ils pouvaient être seuls, profiter un peu du calme avant la prochaine bataille pour sauver la ville.
Il s'était caché en attendant qu'elle arrivât. Il avait voulu lui faire la surprise. Il s'était dit qu'elle serait heureuse qu'il lui fît suffisamment confiance pour lui révéler son identité. Alors il s'était montré sous sa véritable apparence, celle d'un collégien de quatorze ans, cheveux blonds et yeux verts, tenue de civil comme une autre, et sa bague magique – son Miraculous – entourant son annulaire droit. Il n'allait pas lui dire son vrai nom, juste lui montrer son vrai visage, celui du jeune homme qu'il était derrière le super-héros.
« Ma Lady, ne te retourne pas s'il te plaît. J'ai une surprise pour toi. D'accord ?
– Chaton – il adorait quand elle le surnommait ainsi – qu'est-ce que tu manigances encore ? » avait-elle répondu en riant gaiement.
Il avait tout prévu. Il était confiant. Il s'approcha d'elle, et s'agenouilla dans son dos. Un genou au sol, il avança doucement le haut de son corps, et passa ses bras autour des épaules de l'adolescente. Elle resta un instant figée, surprise par ce rapprochement soudain, et sentit quelque peu la panique l'envahir lorsqu'elle sentit la tête de son compagnon d'armes se poser sur sa nuque. Mais surtout, elle manqua de hurler lorsqu'elle vit les bras nus la serrant. Elle avait vite compris qu'il se tenait près d'elle en étant dé-transformé. Et ça, c'était hors de question pour elle.
« Mais enfin, qu'est-ce qui te prend !? Tu oublies ta promesse, vociféra Ladybug en se débattant pour qu'il la lâchât et reculât. Transforme-toi maintenant, ou je pars !
– Je voulais te prouver combien je te fais confiance, argua-t-il. Tourne-toi, et regarde-moi s'il te plaît.
– C'est hors de question ! »
Il devinait facilement qu'elle était rouge de colère. Il s'en voulait. Il ne pensait pas qu'elle réagirait comme ça...
« Transforme-toi maintenant, sinon je pars, et je ne t'adresserai plus jamais la parole en-dehors de nos combats.
– Écoute-moi avant, s'il te plaît...
– Non. Tu as eu ta dernière chance. Laisse-moi tranquille à présent. »
Sur ces mots, elle empoigna le yo-yo dont elle se servait comme d'une arme lors des affrontements, et l'envoya s'accrocher sur un toit voisin. Naviguant de gouttière en gouttière et de cheminée en cheminée, elle disparut rapidement du regard du jeune homme, qui fixait le vide avec tristesse.
Il était resté là, amorphe, quelques minutes, avant de décider de se transformer. Il avait besoin d'être seul, et tant qu'il ne revêtait pas sa tenue de héros, il ne pouvait jamais l'être complètement. Et depuis qu'elle l’avait laissé seul derrière elle, il ruminait, encore et encore.
Il ne remarqua pas le petit papillon violacé s'approchant de lui, et se posant doucement sur le grelot pendant sur sa gorge. Il fusionna avec celui-ci, et une voix grave d'homme retentit alors dans la tête de Chat Noir.
« Lion Blanc, je suis le Papillon, lui dit-il. Tu vas montrer à cette insolente qu'elle a eu tort de te rejeter. À présent tu es d'autant plus majestueux que tu n'es puissant. Venge-toi d'elle en lui volant son Miraculous et en me l'apportant. Tu pourras aussi me remettre le tien, puisque tu n'en as plus besoin à présent. Tu peux détruire tout ce que tu le souhaites, sans limite. Veux-tu bien m'aider ?
– Pourquoi refuser ? » répondit-il simplement avant de regarder son corps se changer un peu plus.
Une épaisse crinière immaculée entoura son cou, le recouvrant jusqu'en haut des épaules. Sa tenue resta inchangée, à l'exception de sa couleur, qui vira au blanc pur digne des plus grands rois. Il poussa un intense rugissement, et commença alors à se promener en ville afin de recroiser celle qui venait de l'éloigner sans le moindre remords.
*
« Je fais un saut à la librairie avant. Appelle-moi quand tu arrives. »
Elle observa l'écran de son téléphone. L'heure du rendez-vous était passée de plusieurs minutes à présent, et il ne lui avait toujours pas répondu, et avait encore moins appelé. C'était peu habituel de sa part. Elle décida après quelques instants que ça ne servait à rien d'attendre un appel qui ne venait pas, et prit la route pour rejoindre la fontaine située sur la place voisine.
Elle fut cependant interrompue par le message d'une amie l'avertissant qu'un super-vilain, comme les appelaient les médias, faisait des ravages en ville. Et quels ravages ! Il semblait pouvoir détruire à volonté, à l'image du Chat Noir et de son pouvoir de destruction qui lui était propre. Elle ignora cependant la mise en garde ; si le « monstre » était dans le coin, il pouvait s'en prendre à lui.
Elle pressa le pas. Cela ne lui disait rien de bon.
Au loin elle entendait des éclats de voix. La super-héroïne habituelle se démenait contre la chose, qui abusait sans limite de son pouvoir. Elle parvint sur une place déserte, seule une silhouette s'y tenait, assise sur la fontaine. Elle le reconnaissait entre mille, et de près comme de loin. Mais il lui paraissait étrange.
Lorsqu'elle s'approcha pour lui toucher l'épaule, celle-ci se décomposa en tas de cendres. Le reste du corps ne bougea pas. Elle tomba en arrière, sur le séant, horrifiée. Il avait été touché par ce monstre, changé en statue inerte de carbone.
Si au loin elle entendit la coccinelle au pouvoir de création crier ses phrases habituelles ponctuant tout combat, et si elle vit les coccinelles magiques réparant les dégâts causés par le monstre qui avait ravagé les rues, elle ne les vit pas pour autant lui faire reprendre son apparence habituelle.
« Papa ! hurla-t-elle, une fois de nouveau debout, en mettant sa main sur l'épaule intacte de l'homme. Papa ! Reviens je t'en prie ! Reviens à la vie ! »
Elle perdit son équilibre, et se pencha dangereusement en avant. Elle put se rattraper à temps, mais à quel prix... Les reste du corps détruit par le pouvoir de destruction du Chat Noir possédé se mêlèrent doucement à l'eau claire de la fontaine, formant des ondulations argentées, avant de disparaître progressivement.
_______________________________
* 『この物語はフィクションであり、現在する事件、団体、人物との
いかなる類似も必然の一致だ
だが現実の方がよっぽど無慈悲だ』
「独白」 - amazarashi