Foxhound : Les débuts de Solid Snake
Chapitre 7
Mais qu’est ce qu’il pouvait détester ce genre d’environnement… Sa tête fit une lente rotation sur la droite analysant l’armoire vitrée qui arboraient toutes sortes de médicaments et autres produits de désinfection… Pouah !!! Insupportable cette odeur aseptisée… depuis combien de temps était-il là ? Trop… si ca continuait ainsi, il allait sans doute prendre très bientôt l’initiative de fuir ce lieu. Il n’y pouvait rien, c’était ainsi… tout ce qui se rapportait à un hôpital, clinique ou simple cabinet lui filait des boutons…
Le contact froid et particulièrement désagréable du stéthoscope parcourant ses omoplates provoqua chez David un petit réflexe de sursaut. Assis sur le bord d’une banquette, il sentit l’objet parcourir son dos et s’arrêter en des points précis.
« Respire profondément ! » ordonna le Docteur Clark, concentrée sur la détection éventuelle d’une anomalie cardiaque ou respiratoire.
Le jeune homme s’exécuta et aspira de grandes bouffées d’air pour ensuite vider ses poumons. L’experte médicale en blouse blanche se positionna à présent devant lui, plaquant maintenant le cercle métallique sur son torse.
Un souffle d’ennui lui échappa, David avait vraiment hâte d’en terminer avec ce contrôle médical inutile… il a allait parfaitement bien… mais les ordres étaient les mêmes pour tout le monde : convocation générale pour un bilan santé obligatoire.
« Dites Doc’, ca commence à faire long là ? Je peux y aller ? » Demanda t’il, impatient.
« Ma compagnie te déplait-elle à ce point ? » rétorqua Eileen sans relever la tête. Elle examina encore de longues minutes son patient avant de se convaincre de la très bonne santé de celui-ci.
« ... »
« Eh bien, tout cela me semble parfait… » S’exclama t’elle en ôtant enfin son stéthoscope de ses oreilles pour le laisser pendre autour de son cou. « Reflexes ok… tension ok… sens et acuité visuelle ok, imageries IRM ok…pas de soucis à signaler… »
« Cool !! Bon j’y vais !! » Se réjouit-il en se préparant à descendre de la banquette avec un engouement retrouvé.
« Pas si vite !! Il ne me reste plus qu’à te faire le rappel de tes vaccins… » Dit-elle en chantonnant.
Snake ravisa son sourire de soulagement face à la nouvelle, lui qui pensait en avoir terminé...
« Vaccins… » Répéta t’il en regardant le Docteur Clark s’agiter près de ses tiroirs et placards, préparant les seringues. « Merde ! » l’injure personnelle qui se voulait plus discrète, s’échappa finalement de ses lèvres pincées avec une intensité non contrôlée, ce qui fit doucement sourire Eileen devinant aisément la réticence de son patient, qu’elle ne connaissait que trop bien.
« Ne me dis pas que tu as toujours peur des piqures… ? » se moqua t’elle en agitant la seringue.
Snake froissa le nez et se renfrogna immédiatement « Je… Je n’ai pas peur des piqures… » Il détourna son visage sur le coté un peu vexé « Je les déteste ! J’en ai eu tellement… et j’ai jamais su la moitié que ce qu’on m’injectait dans le corps…»
« Tu n’en es pas mort !!! »
« Pas encore… » Maugréa t’il alors qu’il tendait son bras à contre cœur.
« Ce sont des vaccins antitétaniques et hépatites… te voilà rassuré… ? »
« Non ! Mais Allez-y… faites ce que vous avez à faire Docteur que je retourne vite à mes entrainements » S’exclama t’il en levant ses yeux bleus au plafond « De toute façon je vous crains plus que vos piqures !! »
« Ben voyons !! » s’esclaffa la cinquantenaire.
Un silence s’installa pendant que la femme médecin s’afférait à sa tache, désinfectant la partie de peau à piquer de quelques tâtonnements de coton sur le biceps gauche. Snake la regarda faire. Toutefois ce mutisme entre eux deux l’agaça quelque peu et se décida à le briser.
« Docteur… ? »
« Hum… ? » Concentrée, Eileen plongea la seringue dans un petit flacon de verre.
« Avez-vous de la famille ? » se risqua t’il à demander comme un cheveu sur la soupe.
La question surprit quelque peu la femme qui se stoppa dans son action, redressant son dos.
« Pourquoi tu me demandes cela ? »
« C’est juste comme ça… je ne me souviens pas vous avoir entendu en parler une seule fois depuis que vous me suivez… »
« Ah… » Sourit-elle crispée, trahissant une mélancolie qui mit mal à l’aise le jeune patient.
« Je me mêle peut-être de ce qui me regarde pas… excusez moi… » Se ravisa immédiatement Snake en regardant par-dessus l’épaule du médecin.
« Non … Non… c’est juste que je n’ai pas l’habitude de parler de moi… c’est tout » Le Docteur Clark posa sa main droite sur le bras de David avant de le piquer, injectant progressivement le liquide « Ma dernière famille a été mon jeune frère, James, il est décédé d’un cancer il y a 6 ans... »
« … »
Un nouveau silence s’initia entre les deux personnes avant que le docteur ne se convainque de le briser, toujours avec ce petit rictus forcé qui essayait de tromper la difficulté de l’experte médicale à parler d’elle.
« Je ne me suis jamais mariée et je n’ai jamais eu d’enfants… j’ai consacré énormément de temps à mon travail et sans mon frère pour m’encourager… » Elle souffla de dédain « je me demande où j’en serai aujourd’hui… ».
« Donc vous ne regrettez pas vos choix… ? »
« Non… on m’offrirait une seconde vie, je ferai la même chose »
Snake s’apprêta à subir une seconde piqure, la seringue en approche. Le regard rivé sur ses pieds, il s’exclama soudain, « j’aurai aimé en avoir un moi aussi… un frère je veux dire… »
Ces dernières paroles firent tressaillir la femme médecin qui dérapa sa main et enfonça plus brutalement qu’elle ne l’aurait voulu, l’aiguille dans la peau du jeune homme, ce dernier qui grimaça furtivement au contact douloureux de l’objet.
« Dé…désolée… »
« Eh ben, vous n’avez pas la main douce Docteur… » Ironisa t’il.
Cette dernière s’empressa de lui tourner le dos pour jeter les seringues usagées dans une poubelle à proximité. Snake oublia cette malencontreuse maladresse et poursuivit :
« Je me demande ce qu’aurait été ma vie… si j’avais pu la partager avec un frère… » En sautant de la table, il attrapa son uniforme et commença à se rhabiller. « Le fait d’être orphelin encourage ce genre de questions…»
Eileen lui fit face avec une expression étrange que Snake ne remarqua pas.
« Vous savez… quand j’étais gosse, je devais avoir quoi… 9 ans… il m’arrivait de m’inventer un frère… Dans mes rêves… j’imaginais à quoi il pouvait ressembler… pourtant… ca m’était impossible… » Le jeune homme boutonna sa chemise, un petit ricanement lui échappant…
« Comment ça impossible ? » s’interrogea la femme médecin.
« Je n’ai jamais réussi à lui inventer un visage… le seul que j’ai toujours vu c’est le mien, comme faire face à mon reflet… » Snake se moqua de lui-même « je dois paraitre bien bête à vous raconter tout ça…»
« Pas du tout !! » s’exclama Eileen avec un regard insistant.
« Le subconscient a ses mystères… » Conclut Snake en se penchant en avant.
« Ses mystères… oui… » Répéta t’elle de sa toute petite voix aigue.
Elle restait là, raide comme un piquet, tandis que David s’occupait à remettre ses chaussures. Après son opération, il releva la tête sur le médecin et la découvrit complètement figé sur lui. Elle semblait partie dans une lointaine réflexion…
« Docteur ? Vous allez bien ? »
« Heu… Oui… ca va… » Se força t’elle de répondre, en se dépêchant de le détacher du regard.
« Je ne voulais pas vous rappeler de tristes souvenirs avec votre frère… je n’aurais pas du vous confier cela… » S’en voulut David.
«Non... au contraire… » Marmonna-t-elle d’une voix qui luttait pour retrouver un semblant de normalité « je suis toujours ravie de discuter avec toi…» le médecin tendit enfin un papier et lui demanda une signature, ce que Snake réalisa. Il gribouilla un rapide coup de crayon de la main droite avant de rendre le document à la femme. « Te voilà libéré à présent… tu vas pouvoir retourner subir le joug de ce cher Big Boss ! »
David ne put s’empêcher de réprimer un gloussement, le ton employé par Eileen indiqua une tentative volontaire de sarcasme vis-à-vis du Commandant.
« Il faut bien que Big boss nous donne du mal… après tout il a un principe qui est… »
« Je ne veux pas qu’il y ait de bons, je ne veux que les meilleurs ! » poursuivit-t-elle en mimant le vieux bougon coutumier de cette phrase d’une posture bien trop formelle, devenant presque ridicule.
« C’est bien cela… » Constata Snake d’un petit sourire, il se permit néanmoins aucune remarque sur l’improvisation théâtrale de l’experte médicale.
« Il y a des choses qui ne changent pas… surtout lui… » Eileen s’apprêta à ouvrir la porte, sa face soudain, obscurcie par un défilé de souvenirs. Elle avait tendance comme ça, de faire paraître aléatoirement des expressions différentes, tantôt enjouée et moqueuse, tantôt nostalgique et songeuse. David devina facilement la cause de ces bouleversements.
« Vous connaissez Big Boss depuis longtemps Docteur ? »
« Assez… oui » répondit-elle en jetant un œil par l’unique fenêtre de la salle d’examen. « J’ai eu l’occasion de le soutenir… lors de missions… »
Sans être plus explicite, Le médecin frotta son fin bracelet en argent, d’une manie tenace, signe d’une certaine nervosité. David n’exigea pas plus de détails, respectant sa volonté de garder pour elle les secrets de ce partenariat professionnel et les circonstances de celui-ci. Toutefois, il ne comprenait pas cette mésentente entre Big Boss et Eileen. Cette rancœur démontrée de son supérieur… il voulait se risquer à lui demander la raison.
« Pourquoi êtes-vous en froid… ? »
Eileen refixa brusquement son attention sur le jeune homme au regard insistant. Sa bouche resta à demi-ouverte, incertaine de la réponse adéquate à donner, à ce moment précis, une boule intérieure s’initia au creux de son estomac.
La femme souffla une longue expiration. « David, tu te souviens lorsque je disais que je ne regrettais pas mes choix ? »
« Oui… »
« Eh bien disons, que Big Boss a une opinion divergente sur ceux-ci… » Eileen ouvrit la porte, se décalant sur le coté pour laisser son patient prendre la sortie, ce dernier se retrouva sur le pas. « Le passé reste le passé… il est futile de tergiverser sur ce qu’on aurait du faire ou non »
« Je ne suis pas sûr de très bien comprendre… » Répondit le jeune homme en fronçant ses sourcils « que voulez vous dire… ? »
« Eh bien… Je…» Eileen n’arriva pas à sortir les mots, ils semblaient se coincés dans sa trachée. Elle affaissa ses épaules « Un jour… tu comprendras… »
Que voulait-elle dire par là ? Pourquoi le fixait-elle avec repentance ? comme pour l’implorer un pardon incompréhensible et tellement troublant. Ces yeux scintillants se plongèrent dans les pupilles océan du jeune homme, révélant le spectre de chagrin dissimulé dans chacune des âmes.
« Tu devrais arrêter de fumer David… » S’exclama t’elle soudain avec un sourire large éclairant son visage marqué par les années.
« … » Le hors sujet inattendu anima les iris du soldat qui affichèrent clairement leur surprise.
« Tu empestes autant que Big Boss… » Railla-t-elle.
« Mais je ne… » Avant de réfuter quoique ce soit, il huma par précaution son col et constata les faits « bon d’accord j’empeste… pas très discret de ma part… » David baissa la tête penaud, décidément un fumeur est toujours le dernier à sentir la cendre froide « Difficile de vous cacher des choses Docteur… »
Elle déposa une délicate accolade au soldat avant de se fixer sur le prochain convoqué, qui se leva de sa chaise lors de la sortie du médecin. « Je suis désolée d’être celle qui doit par contre t’en cacher… »
Snake comprit par cette réponse que la discussion était close. Le Docteur Clark ne se confiera pas d’avantage et ainsi le laisserait sur des explications incomplètes.
« Prends soin de toi… David » conclut-elle.
« Vous aussi Docteur… »
La femme médecin adressa un signe au prochain patient et ce dernier pénétra dans le cabinet, la porte se refermant sur le jeune homme.
----------------
Le reste de la journée se déroula à un rythme effréné, une fois de retour dans son escouade David s’était vu mettre au défi de franchir des parcours jonchés de hauts murs de briques, de barbelés à ras terre, et de profonds fossés dont la distance était difficile à sauter. Des séances de tirs et de musculations avaient été également du programme avec toutes sortes d’entrainements plus ou moins physiques et techniques.
Après ces efforts, Tout être humain normalement constitué se serait effondré d’une traite sur son lit pour plonger dans une bonne nuit de sommeil…
Mais il ne devait pas être un humain comme les autres…
A croire que la nuit ne voulait pas laisser le répit mérité à son esprit, trop torturé par diverses pensées et souvenirs… toujours plongé dans la pénombre de sa chambre à attendre les yeux grands ouverts, David s’était tourné, retourné dans sa couche, de plus en plus agacé par le fait qu’aucune position ne le satisfaisait et l’encourageait à aller dans les bras de Morphée…
02h15… 02h39… 02h45…
« Bon là ça suffit !!! » S’adressa-t-il à la pièce vide avant de bondir hors de sa couchette.
Une fois à l’extérieur, Snake pencha la tête en arrière et étudia la position de la lune, tandis que cette dernière tentait tant bien que mal de percer l'épaisse couche de nuages.
Il marchait depuis maintenant bien quinze minutes se retrouvant à présent à proximité du centre sportif. Sa cigarette terminée, il la jeta au sol pour l’écraser du pied. Snake regarda autour de lui… pas âme qui vive… pourquoi ne pas trouver un moyen de se fatiguer après tout ? Au point ou il en était, il ne serait pas contre quelques frappes dans un sac.
Empruntant la cage d’ascenseur, David arriva trois étages en dessous, devant la porte d’entrée qui laissait échapper un filet de lumière.
« Tiens ? » Le jeune homme poussa discrètement le battant.
------
Il y avait Franck... torse et pieds nus, brandissant son katana comme un possédé.
Il se déplaçait rapidement d'une extrémité à l'autre du tatami, sa lame tournoyant au-dessus et autour de lui, tandis qu'il laissait échapper de courts grognements à la fin de chaque enchaînement. Puis il commença immédiatement une nouvelle séquence de rotations et d'assauts, au point que son corps et son épée ne formèrent plus qu'une seule et même entité...
David n'aurait pu dire où l'homme finissait, et où la lame commençait.
La vue de cette chorégraphie était... en fait, il n'y avait tout simplement pas d'autre mot pour décrire la situation : c'était magnifique.
Le jeune homme commença à penser que cela se poursuivrait toute la nuit, lorsque Franck s’arrêta enfin et se laissa tomber sur ses genoux, à même le sol, recouvert de sueur... son bras prenant appui sur le manche de son épée, sa respiration haletante.
« Très impressionnant ! » s’exclama Snake depuis le fond de la salle. Il se détacha du mur, se saisit au passage sur une étagère l’une des armes à feu déchargées utilisées pour des exercices et vint se rapprocher du tatami, tournoyant son révolver autour de son doigt avec nonchalance.
« Eh le gosse… tu ne devrais pas être au pieu à cette heure ci ? » se moqua Grayfox, entre deux aspirations alors qu’il se saisissait d’une serviette pour éponger son visage trempé.
« Ce ne sont pas les vieux qui ont le plus besoin de sommeil ? » répliqua à son tour le soldat.
« Petit con !!! » rit Franck en lui balançant le linge en boule. « Qu’est ce que tu fous là ? Hein ? »
« Ben, Vu que je suis parti pour une nuit blanche… je me suis dis que je pourrais m’occuper en attendant le petit matin… » Il se rapprocha d’un pushing Ball et lui assena un puissant coup de pied, l’objet valdingua dans un effet de balancier. « A ce que je vois… l’idée n’est pas venu qu’à moi... ».
« Bienvenue au club, je déteste rester sans rien faire… » Franck s’assit un moment sur le tapis, jambes tendues devant lui.
« Tu manipules ça comme personne… » Snake indiqua du doigt le long sabre.
« Parce que je suis le seul à l’utiliser à Foxhound… » Il tapota son katana, posé à son coté.
« Tu t’en sers lors de tes missions… ? »
« Mais non… voyons, je fais des brochettes avec… » S’agaça Franck en levant les yeux au ciel avant de répondre plus sérieusement « Il m’arrive parfois de l’emmener… en effet »
« Ah ouais… donc tu penses vraiment que ça égale une arme à feu… ? »
« Fais gaffe Snake !! Rappelle-toi la dernière fois… lorsque tu as prétendu qu’une arme pouvait être plus rapide… Big Boss ne sera pas le seul à te donner une leçon… »
« Je demande à voir… » Le provoqua David avec un air supérieur.
Avant qu’il ne puisse terminer sa phrase, Franck Jaeger avait bondit avec souplesse, Snake réagit instinctivement et tendit son arme à feu droit sur la silhouette qui de son initiative plaça la lame tranchante sous la gorge du jeune homme. Tous deux se menaçaient… l’acier caressant la carotide de Snake, et le flingue pointant son orifice droit sur le front de GrayFox.
« T’es mort !!! » s’exclama Franck avec satisfaction.
« Toi aussi… ! » répondit Snake avec assurance.
L’agent Fox explosa de rire avant de baisser le premier son arme. « A vrai dire, je m’ennuyais un peu… tu sais ma proposition de te combattre tient toujours…»
« Maintenant ? »
« Et pourquoi pas ? Une occase comme ça ne se représentera pas… »
« Hum… je ne dis pas non… mais ce ne serait pas équilibré après tout tu t’es déjà bien fatigué et… »
« Fatigué ? Tu ne me connais pas… je suis une vraie machine ah ah ah » Plus qu’agacé par le fair-play du jeune homme, Franck enchaina par surprise, une série de coups de pieds qui furent esquivés avec une toute aussi grande vitesse.
« Putain !!! D’accord !!! Tu l’auras voulu… » Se convint Snake soudain aux aguets. « Pour un vieux tu tiens le coup…»
« A partir de maintenant, je ne suis ni ton ami, ni ton ennemi… » Annonça Franck en regardant David ôter son suet et le balancer machinalement dans un coin avant de le rejoindre sur le ring « Je suis juste un homme qui combat pour le plaisir... histoire de se divertir… »
« Alors ce n’est qu’un jeu pour toi… »
« Oui et j’adore m’amuser de mes adversaires… »
« C’est ce qui te rend plus dangereux… »
« Extrêmement ! » confirma malicieusement Franck en sautillant sur place.
Il y avait quelque chose de gracieux et d’hypnotique dans les déplacements de l’agent. Cette manière de jauger sa proie comme un animal sauvage... de feinter un assaut par de petits bonds dans sa direction…
Snake était sur ses gardes, appréhendant chaque pas de son adversaire. Ce dernier ne cessait d’afficher un rictus laconique, cette expression de satisfaction le rendait d’autant plus méfiant…
Tout à coup, une série de poings s’abattirent avec violence dans le but de cogner le plexus de David. Ce dernier para sans mal les attaques et donna en retour un Uraken en direction du crane de Grayfox. Bien sûr, le mouvement fut immédiatement stoppé par l’agent qui maintint fermement le poignet de Snake avant de l’assener d’une frappe main tendue dans l’abdomen. La douleur ne put être ignorée mais avec un adversaire comme Franck en face de lui, le jeune soldat ne put ralentir la cadence. De ce fait, dans la foulée, Snake repoussa violement son acolyte du pied et se dégagea, pour de nouveau prendre son élan et se jeter devant lui, réalisant un mix de techniques reflétant toute l’élégance des arts martiaux. Néanmoins, Ses frappes de pieds ne ressemblaient en rien à ce que proposait Franck. Ce dernier était doté d’une souplesse et une vélocité remarquable offrant à ses confrontations un esthétisme non négligeable. Snake, quant à lui, avait une manière de combattre plus brutale, comparable à du Kick Boxing.
Assez prêt, David pu enfin offrir un hypercut bien placé à son adversaire qui, au contact, fut soulevé du tatami d’au moins quelques bons centimètres.
« Pas mal… » Félicita Grayfox avant d’effectuer en retour un balayage magistral qui étala lourdement le jeune homme. Ce dernier ne resta pas allongé sur le dos bien longtemps et se releva presque immédiatement en tournoyant ses jambes au dessus de lui telle une subtilité de la capoeira.
« Attention Snake !!! Je te ménage pour l’instant ! »
« Et moi qui pensais que tu avais déjà donné ton maximum » railla le jeune homme.
« Voyons, il fallait bien que tu t’échauffes… » Rétorqua l’agent non sans humour.
« Trop aimable… »
En guise de réponse, Franck offrit son plus éclatant sourire, ses muscles faciaux s’étirant jusqu’aux oreilles. Plus motivé que jamais, d’un enthousiasme débordant, l’agent entama le second acte avec plus d’hargne. Il effectua à maintes reprises des roues de côté, balançant dans le même temps ses plus beaux retournés.
Malheureusement pour Snake qui avait réussi jusqu’ici à anticiper les tentatives d’approche de son acolyte, un de ceux-ci se réceptionna avec force sur le haut de son bras qui accusa un choc violent. La puissance du coup pied fut telle que le jeune homme en perdit un instant l’équilibre.
« Tu te défends… Je savais que te combattre me permettrait de conforter mon idée à ton sujet… » Franck se pinça les lèvres au souvenir d’une anecdote.
David roula son épaule droite, puis secoua rapidement son bras, pour effacer la douleur lancinante du coup. Franck se contenta d’arborer cette mimique triomphante exaspérante. Snake n’attendit pas son bon vouloir et projeta son pied en avant, suivis de ses poings. Il esquiva ensuite une réplique de son adversaire avant d’effectuer un saut en diagonal. Les deux hommes semblaient à égalité, il n’y en avait pas un pour prendre le dessus sur l’autre.
Grayfox virevolta d’un salto arrière pour garder de la distance, mais fut immédiatement rejoint par son compagnon décidé à ne pas le lâcher. Il valdingua un magnifique crochet du gauche sorti tout droit d’un ring de boxe. Ainsi, Snake déstabilisa l’agent qui se pencha un instant en avant. Profitant de sa posture, le jeune homme l’obligea au tapis par un coup bien placé sur le dos.
« On s’arrête là ? » demanda Snake en ballant ses bras le long de son corps.
Immobile, ventre à terre, Franck émit un petit rire étouffé, pas ce rire adopté au début du combat, mais plutôt ce rire nerveux et inquiétant qui laisserait supposer à une certaine démence.
« Ca va pas ! » Répondit-il en levant la tête, ses yeux brillants d’une revanche.
« Je m’en doutais en même temps… » Se résigna Snake « c’est donc reparti pour un tour… »
« Même plusieurs !!! »
---------------------
01h30 plus tard…
« Ahhhhhh j’ai faim !!! » S’exclama Franck qui était allongé sur le tatami, bras écartés, avec un œil décoré d’un beau cocard qui deviendra proéminant d’ici quelques heures. « Je pourrais avaler au moins 4 steaks d’affilés, non 5 accompagnés de 3 grosses assiettes de frites ».
« Et avec en final, une énooooorrme crème glacée !!! » compléta David qui n’était pas en reste avec une pommette gauche boursoufflée, pressentant un futur hématome.
« Miam !!! ca donne envie… »
«Arrêtes de rêver… ici on a uniquement droit à des rations dégueulasses… »
« Merci de m’avoir fait revenir si BRUTALEMENT sur terre… » Grimaça Franck avec répugnance.
« Je t’en prie… »
« … »
« Ah ! Je suis mort !! » Se plaignit le jeune homme, les paupières à demi-closes « je suis incapable de bouger… »
« Ben il va falloir gamin !! » souffla Grayfox en se mettant en position assise, appuyant ses avant-bras sur ses genoux.
« Tu ne m’as pas loupé !! »
« Toi aussi… » Rétorqua Franck en se frottant l’arrière de la nuque.
« Où as-tu appris à te battre comme ça ? »
« Longue… longue… très longue histoire ! Tu n’étais même pas né que je hantais déjà les champs de batailles…»
Snake pivota la tête en direction de son ami. Le silence éloquent de ce dernier lui indiqua néanmoins qu’il ne s’aventurerait pas au récit de sa jeunesse.
« Comment es-tu arrivé à Foxhound ? »
« Grâce à lui… »
« Qui ça… ? »
« Jack… je veux dire Big Boss… »
Franck étudia la surprise que causa cette révélation chez le jeune homme.
« Je n’ai pas toujours été l’homme que tu vois aujourd’hui, Snake… chacun de nous à une part d’ombre… j’ai la mienne…j’ai fait des choses impardonnables dans le passé… » L’agent de Foxhound devint si grave que l’expression de son acolyte se figea d’un sérieux contrastant.
« Big Boss m’a sauvé… ! »
« Il t’a sauvé ? »
« Oui… de moi-même… »
Grayfox leva les bras au dessus de sa tête, s’étirant de toute sa longueur.
« Tu l’admires… Hein ? » Affirma Snake en récupérant son vêtement.
« Oui… et je le respecte… je lui serai loyal jusqu’à la fin… »
Quelle dévotion ! se murmura intérieurement David en remarquant toute la conviction de Franck lors de ces paroles.
« Il m’a toujours encouragé à poursuivre dans ce que j’excelle le plus… »
« C’est-à-dire ? »
« Le combat… »
« … »
Snake positionna ses bras sous de sa tête, le regard perdu sur les néons du plafonnier.
Complexe et mystérieux, voilà ce qui définissait Franck. Etait-il possible de changer à ce point, de repartir à zéro si une chance était donnée ? David voulut y croire… mais n’était-il pas futile d’essayer d’enfuir nos actes passés dans une nouvelle vie ?
« AH !!! Qu’est ce que je suis content d’avoir gagné contre toi… !! » S’exclama Franck avec prétention, mettant ainsi à terme à la réflexion personnelle du jeune homme.
« Quoi ? » bondit David « je crois me rappeler que tu t’es écroulé le premier… »
« Non !! Juste après toi !!! »
« Ce sont les coups qui t’ont retourné le cerveau ou quoi ? Tu es tombé avant…»
« Après ! »
« Avant je te dis ! »
« Après ! »
« … »
« … »
Les deux hommes se toisèrent sévèrement droit dans les yeux laissant planer une longue minute de silence quand soudain ils déclarèrent à l’unisson.
« D’ACCORD… EN MEME TEMPS…! »
Des éclats de rire s’ensuivirent et se propagèrent en écho dans l’immense salle vide, leurs voix grave se réunissant dans une bonne humeur communicative. Ils eurent du mal à se relever tant leurs spasmes euphoriques les paralysaient. Se tenant le ventre tandis qu’ils se laissaient retomber sur la surface de combat.
--------
Cour de Foxhound – 7h48
Big Boss marchait lentement devant les rangs pour la rétrospection habituelle des troupes. Un soleil brulant annonçait les prémices d’une forte canicule et assaillait déjà l’unité de son implacable chaleur. Le vieux énumérait le programme prévu pour la journée et annonçait la répartition de groupes pour une excursion en dehors de Foxhound dans le but d’effectuer une nouvelle simulation d’intervention furtive.
«Bon c’est vu pour ALPHA 32… et enfin pour l’escouade DELTA 56… je veux… je veux… » Jack plongea le nez sur son document papier, ne retrouvant plus la bonne page, il tourna rapidement les feuilles avant des revenir en arrière « Ah oui… Johnson, Harry, Dolwin, Gabe, Franck et Dav… hein ? »
Ayant relevé la tête au moment où il fit face à Snake, Big Boss ne cacha pas sa surprise en remarquant la joue du jeune homme qui avait doublé de volume.
« Mais qu’est ce que… ? »
Tournant ensuite la tête en direction de Franck, il se surprit à adopter une mine encore plus perplexe en le découvrant maquillé d’un magnifique œil au beurre noir.
« On peut m’expliquer ? » exigea Big Boss qui pensait à juste titre un règlement de comptes entre le deux hommes.
« Eh !!! Ce n’est pas ce que tu crois Jack ! » Se défendit Franck en agitant niaisement les bras devant lui.
« Ah tiens donc… ? »
Grayfox et Snake se regardèrent gênés, une moue indécise sur les pauvres visages blessés.
« Nuit blanche… » Répondirent-ils à nouveau en cœur.
« Pardon ? Vous voulez bien répéter… ? »
« Ben, n’arrivant pas à dormir nous nous sommes mis d’accord pour… »
« …Vous foutre dessus… ? » conclut Le commandant le sourcil arqué.
« … »
« … »
Par automatisme, Jack porta son expression pleine de reproche à Franck, comme s’il se doutait que c’était forcément lui l’initiateur de cette confrontation improvisée. Dans un certain sens il ne s’y trompait…
« C’était un beau combat Jack, ca valait le coup, t’aurai du voir ça !!! » se défendit Grayfox avec l’engouement d’un gosse de 10 ans.
« Un beau combat… hein ? »
« Oui…Commandant… » Compléta David avec la même expression alors qu’il se fit en retour foudroyer du regard.
« NON MAIS VOUS AVEZ VU VOS TRONCHES…? » gronda le vieux de sa voix imposante.
« … »
« JE VOUS PREVIENS, NUIT BLANCHE OU PAS… LA JOURNEE PROMET D’ETRE INTENSE… SI JE VOUS VOIS AVEC UNE BAISSE DE REGIME, JE VOUS FOUS DIRECT A L’ISOLEMENT POUR 15 JOURS !!! COMPRIS ? »
« Oui mon Commandant… » Franck et David furent comme deux gamins sermonnés. Certes, ils devaient s’y attendre, deux éléments de Foxhound se battant… amical ou non… voilà qui était peu coutumier et peu toléré.
« Je vous attends tous à 09h00 pour un briefing plus détaillé de cette mission, je vous ferai part des objectifs attendus lors de celle-ci… A présent rompez… »
Tandis que Big Boss s’éloignait enfin du groupe, Le regard des autres soldats s’attardèrent sur les deux individus pris à partie, cette insistance exaspérant l’agent Grayfox qui fit tout à coup fit profiter de son franc parlé.
« QUOI ? VOUS VOULEZ PEUT-ETRE QUE JE VOUS ARRANGE LE PORTRAIT, HISTOIRE DE NE PLUS DEPARAILLER … » s’exclama l’agent avec agacement.
« … »
Et bien sûr, tous détournèrent le visage, mais leurs sourires eux ne s’effacèrent point, certains se retenant même de pouffer de rire. Il était vrai, que tout le charisme du légendaire Grayfox s’était envolé avec cette magnifique tache bleutée cerclant son œil vert.
« Tu as une sale gueule Franck !!» se moqua David.
« Je t’emmerde Snake ! La tienne ressemble à un soufflé…»
« … »
« … »
« On se refera ça ? » demanda soudain Franck avec un large rictus.
« Quand tu veux !! »
A suivre…