Le Prince & L'Idiot
Chapitre 10 : La nuit de la fin du monde
7727 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 10/11/2016 00:41
LA NUIT DE LA FIN DU MONDE
Plus tard, Arthur ne se souviendra de cette nuit que par bribes et il mettra toujours cela sur le compte de la fièvre qui faisait rage sous son front.
Parce qu'il ne veut pas admettre que leur monde s'est écroulé devant ses yeux sans qu'il ne puisse faire un geste pour l'empêcher.
A commencer par Morgane.
Le récit qu'elle leur fait est incohérent, c'est le moins qu'on puisse dire. Gwaine démontre une patience inédite et réussit à remettre les évènements dans l'ordre tandis que leur petit groupe se hâte en direction des appartements de Gaius.
Apparemment la maladie du roi s'est aggravée pendant leur absence, au point qu'il s'est littéralement effondré pendant un conseil et a été alité depuis. Ensuite, tout s'est passé très vite : l'armée de Cenred a attaqué par surprise au crépuscule, il y a deux jours, et avant que les soldats ne puissent comprendre comment, ils étaient pris entre deux fronts par des mercenaires surgis de nulle part.
La citadelle est tombée le lendemain à l'aube.
- Un traître… ça ne peut pas être autre chose… quelqu'un a dû leur ouvrir le passage secret sous la crypte, grince Arthur en s'appuyant lourdement sur Merlin pour monter les escaliers.
Morgane lâche un petit cri étranglé derrière lui.
- Et notre père ? demande le prince.
Uther a disparu depuis le début de l'attaque, mais dans l'état où il était, ça ne peut être que parce que quelqu'un le cache. Sans doute un chevalier, parce que d'après la princesse les conseillers ont été exécutés ce matin.
- Cenred est furieux, balbutie Morgane en se tordant les mains. "Il cherche le roi partout. Il dit qu'il ne peut pas se proclamer vainqueur de Camelot tant qu'il ne l'a pas vu enchainé devant lui !"
Arthur s'arrête un instant, frotte ses yeux las en espérant arriver à se concentrer. Les marches ondulent devant lui et il doit constamment refouler la nausée qui vient avec les vagues de douleur qui le submergent. Il repousse Merlin et Gwaine et plaque sa main contre le mur pour se soutenir.
- Comment se fait-il que vous soyez libre ? interroge-t-il durement. "Certainement la priorité de Cenred était de capturer les membres de la famille royale…"
Les yeux gris perle de Morgane se remplissent de nouveau de larmes et elle mord ses jolies lèvres.
- Je… je-je ne sais p-pas, bredouille-t-elle. "Je me suis échappée… j'ai… je… je me suis cachée…"
La détresse crispe son visage de porcelaine. Sa robe est froissée, ses longues boucles de satin noir cascadent en désordre sur ses épaules et elle tremble violemment.
Arthur se radoucit.
- Tout va bien, Morgane, je suis là… vous ne craignez plus rien…
Il lui caresse la joue et la jeune femme s'accroche au bras de son frère.
- Il faut que vous m'aidiez à trouver le roi, supplie-t-elle dans un sanglot. "J'ai si peur de Cenred…"
Elle est si belle, si terrifiée, si frêle… Gwaine, qui se sent étrangement enivré alors qu'il n'a pas absorbé une goutte d'alcool depuis des jours, attrape le bras d'Arthur et le passe par-dessus son épaule.
- Allez, encore un étage et on y est, votre Altesse. On va trouver de quoi vous retaper chez le vieil homme et ensuite vous pourrez sauver le monde sur votre cheval blanc.
- Le cheval d'Arthur est alezan, corrige Merlin dans son dos, à voix basse.
Le serviteur se faufile en avant pour vérifier que la voie est libre, puis leur fait signe. Lorsqu'ils se sont engouffrés dans les appartements du médecin de la cour, Gwaine dépose Arthur sur un banc et fait volte-face sur ses talons pour tendre la main à Morgane qui l'ignore. Les yeux exorbités, elle fixe les panneaux en bois qui recouvrent l'un des murs de la pièce plongée dans la pénombre.
- Il y a quelque chose, souffle-t-elle en agrippant la manche de Merlin qui se détache d'elle et se place devant le prince.
Arthur est à moitié couché sur la table où s'entassent des potions et les restes d'un repas.
Gwaine tire son épée et s'approche à pas de loups – sauf que le sol est recouvert de bouts de verre qui craquent sous ses bottes.
- Qui est là ? Montrez-vous !
Une des planches frémit, puis se soulève et un visage ridé apparaît à la lueur de la lune.
- Gwaine ? Qu'est-ce que tu fais là ? Comment…
Sa voix est légèrement chevrotante et ses cheveux blancs pas très bien peignés, mais il est indemne et le visage de Merlin s'illumine alors qu'il court se jeter dans les bras du vieil homme.
- Gaius !
Le médecin le serre contre lui et lui embrasse les cheveux dans un mélange de soulagement et de crainte.
- Mon garçon… vous êtes saufs... mais pourquoi êtes-vous revenus ? C'est beaucoup trop dangereux !
Merlin pointe du doigt le prince.
- Arthur est blessé. Il a de la fièvre.
- On est tombés sur des soldats de Cenred dans les Bois Ténébreux, explique Gwaine en rengainant son épée. "Il n'a pas arrêté de trotter depuis. Comment avez-vous réchappé à ce carnage, Gaius ?"
Le vieil homme n'a pas fait un pas en direction du prince, même s'il lui a lancé un regard inquiet. Il se tourne de nouveau vers la cachette, rattrape Merlin qui retournait vers son maître.
- Aide-moi, mon garçon, veux-tu… voilà.
Ils se penchent ensemble dans l'alcôve et lorsqu'ils se redressent, Morgane lâche un petit couinement.
- Père !
Arthur s'est redressé à ce cri et un peu d'espoir s'est rallumé dans ses yeux, même s'il n'a pas la force de se soulever du banc.
- Je ne pensais pas que cette vieille cachette qui date de la Grande Purge abriterait un jour le roi lui-même, soupire le médecin avec une pointe d'humour noir.
Gwaine vient à la rescousse du jeune serviteur qui titube sous le poids d'Uther. Le visage du souverain est blême, ses veines épaisses et violacées strient sa peau sèche et ses yeux sont étroitement clos. Son corps est froid, sa respiration à peine perceptible.
- Il est gravement malade, explique Gaius lorsqu'ils ont déposé leur fardeau sur le lit au milieu de la pièce. "J'ai pu le cacher ici avec l'aide de Sir Léon et Guenièvre, mais j'ai bien peur que ces deux-là n'aient été pris depuis…"
Il fourrage dans les boites sur les étagères, à la recherche de matériel pour soigner Arthur. Morgane allume une bougie, mais Gwaine l'éteint aussitôt : quelqu'un pourrait apercevoir la lueur par la fenêtre qui donne sur la cour.
- Pouvez-vous le guérir ? halète Arthur en étouffant ses gémissements pendant que le vieil homme défait le bandage sur sa cuisse et palpe la blessure.
- Pas tant que je ne saurais pas ce qui l'a empoisonné, répond sombrement Gaius, ses doigts âgés travaillant avec précision pour désinfecter la plaie. "Nous avons été piégés. Cette attaque était planifiée depuis des mois et quelqu'un à l'intérieur du château a commencé à affaiblir le roi bien avant que l'armée ne marche sur Camelot."
- Impossible, souffle le prince dont les ongles s'enfoncent dans le bras de Merlin qui le tient immobile pendant l'examen.
Le serviteur serre les dents, mais ne bouge pas.
- La blessure est infectée, Sire, dit finalement le médecin. "Et il va falloir recoudre."
- "Je sais", grogne Arthur, les ailes du nez pincées par la douleur, à deux doigts de s'évanouir. "Donnez-moi juste quelque chose qui me permette de continuer."
Gwaine ouvre la bouche pour protester, puis la referme sans dire un mot. Son poing se crispe sur le pommeau de son épée pendant que Gaius donne à son patient une petite fiole bleue.
Morgane se rapproche de son frère, ses yeux argentés fixés sur leur père de façon intense.
- Que comptez-vous faire, Arthur ? demande-t-elle.
Le prince avale goulument l'eau que lui tend Merlin (Gaius l'a envoyé chercher une outre dans la cachette), avant de répondre à voix lente.
La fièvre secoue ses épaules et sa transpiration colle ses cheveux sur son front comme s'il venait de se renverser un seau sur la tête.
- Nous devons emmener le roi hors d'ici, dit-il d'une voix rauque. "Nous avons des alliés et c'est le moment de faire appel à eux. Si nous pouvions atteindre la frontière de Nemeth, par exemple, nous serions en sécurité et le roi Rodor n'est pas homme à ignorer la détresse de son voisin."
- Mais les hommes de Cenred sont trop nombreux ! gémit la princesse. "Nous ne pourrons jamais sortir du château sans être pris !"
- Je pense pouvoir nous guider, dit lentement Gaius. "Aucun recoin du château n'a de secret pour moi."
- Mais si quelqu'un reconnait le roi, Cenred enverra tous ses chiens sur nous, avance Gwaine.
- On pourrait le déguiser, propose Merlin.
Morgane le regarde comme s'il avait deux têtes, mais Arthur, qui se sent beaucoup mieux depuis quelques instants, se permet un sourire.
- En voilà une idée qui pourrait marcher.
Le grand garçon maigre se redresse fièrement.
- On pourrait le déguiser en femme ! ajoute-t-il avec excitation.
Arthur fait la grimace.
- Non, ça, par contre…
Gwaine pouffe de rire.
- Peut-être qu'on devrait tous se déguiser en courtisanes ! C'est le plan du siècle, Merlin.
- Gwaine, la ferme, coupe le prince qui se lève et teste la solidité de sa jambe blessée.
Tout va bien, la potion de Gaius a complètement endormi la douleur.
Il considère gravement sa petite équipe dont les iris brillent dans la pénombre bleutée de la pièce.
- Voilà comment on va procéder : Merlin et Morgane, vous passerez devant. Merlin, tu connais le château comme le fond de ta poche, je veux que tu nous fasses passer par les endroits les plus discrets que tu connais.
Il défait le poignard accroché à sa ceinture et le tend à sa sœur.
- Morgane, vous êtes bonne escrimeuse, je compte sur vous pour écarter les gêneurs.
Gwaine écarquille les yeux : Arthur compte sur cette fleur fragile pour ouvrir la marche ? Mais pourtant la princesse n'a cessé de pleurer depuis qu'ils l'ont trouvée : sûrement, elle n'est pas de taille…
Il n'a pas le temps de protester, cependant, parce que le prince continue de distribuer ses instructions.
- Gaius, vous les suivrez. Emportez avec vous autant de choses que vous pouvez en bourrer dans votre boite à médecines, je ne sais pas quand nous serons de nouveau en mesure de donner à mon père les soins qu'il nécessite.
- Et à votre jambe aussi, interrompt Merlin vivement, avec un froncement de sourcils digne de son grand-père.
- J'en déduis que vous et moi nous chargeons du roi ? dit Gwaine. "Quel honneur."
- Tu t'en charges, rectifie Arthur. "Je vais fermer la marche."
- Je ne peux pas le soutenir tout seul, proteste le jeune homme barbu. "Il est inconscient !"
- C'est pour ça que tu vas le porter, grince le prince. "Avec autant de respect que tu peux en rassembler, bien sûr."
Les sourcils de Gwaine se tricotent avec mauvaise grâce, mais c'est avec précaution qu'il soulève le malade et l'installe sur son épaule comme un sac de pommes de terre en or.
- Wow. Il est lourd !
Les yeux d'Arthur le fusillent et il se tait avant de s'attirer davantage d'ennuis.
La nuit est tiède dans le couloir à peine éclairé de loin en loin par les torches qui boucanent les murs blancs du château. Dans la cour d'honneur, les soldats se sont couchés, enveloppés dans leurs capes, et dorment comme si les pavés étaient le meilleur matelas du monde. Les braises rougeoient dans les brasiers disséminés entre les rangs.
Tout est calme.
Un peu trop calme, même.
Arthur avance en réfléchissant malgré la fièvre qui obscurcit une partie de son cerveau. La potion miracle de Gaius lui permet peut-être de se tenir debout sans souffrir, mais elle ne l'aide pas à avoir les idées claires.
Pourquoi Cenred a-t-il cessé de retourner les moindres pièces pour trouver le roi ? Le croit-il déjà hors des murs du château ?
Où sont Sir Léon et Guenièvre ?
Qu'est-il arrivé aux serviteurs, au peuple, aux gens qui ont survécu ? Où ont-ils disparu ? Qu'a-t-on fait des captifs ?
Pourquoi personne ne cherche Morgane ?
Comment a-t-elle échappé à la furie des soldats ?
Et est-ce bien normal qu'ils aient pu s'introduire aussi facilement dans la citadelle, n'aient rencontré personne dans les couloirs en allant aux appartements de Gaius et puissent maintenant se faufiler presque sans écueil vers le pont-levis ?
Arthur doute que ce soit par chance.
Et d'ailleurs, si de la chance c'était, eh bien ils viennent d'en arriver au bout.
Ils sont presque au bout du couloir, à l'escalier qui descend aux communs, lorsque les arcades de pierre qui se croisent au-dessus de l'allée d'habitude grouillante de serviteurs s'illuminent soudain d'un halo de torches. Un groupe vient dans leur direction et, aux pas pesants qui se rapprochent, ce ne sont pas des fugitifs.
Arthur aperçoit de loin Morgane et Merlin qui s'engouffrent dans une chambre. Il entraine Gaius dans la plus proche pièce et barricade la porte une fois que Gwaine l'a suivi avec son chargement.
Le jeune homme barbu dépose le roi sur un lit défait, dans ce qui semble être les quartiers d'un serviteur.
- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demande-t-il à voix basse.
- On attend, chuchote Arthur, l'oreille collée contre le battant.
Marchent, marchent, marchent… ralentissent. S'arrêtent. Un bruit de voix étouffé. Repartent… non, restent.
Il grimace.
- Votre Majesté ? souffle Gaius en se penchant sur Uther qui remue faiblement.
Le prince abandonne immédiatement sa surveillance de la porte et se précipite vers le lit.
- Père ?
- Arthur… marmonne le roi d'une voix pâteuse. "Nous avons été trahis…"
Le prince s'agenouille, ignorant délibérément le pincement de douleur dans sa jambe.
- Je sais. Morgane m'a raconté… nous allons nous échapper, nous rassemblerons une armée…
Uther lève le bras et tâtonne, comme pour le faire taire. Son regard est vitreux.
- Morgause…
Arthur fronce les sourcils et ses mâchoires grincent.
- Que voulez-vous dire ?
Le roi tousse et s'étrangle un peu avec sa salive. Gaius lui essuie la bouche avec un linge, tandis que le jeune homme attrape les mains de son père et les serre dans les siennes.
- Père. Que voulez-vous dire ? Pourquoi parlez-vous de Morgause ? Qu'a-t-elle à voir avec Cenred ? Je ne comprends pas !
Sa voix a viré dans les aigus et s'est haussée, malgré lui. Gwaine lui fait frénétiquement signe de se taire depuis la porte contre laquelle il s'appuie pour écouter ce qui se passe dans le couloir, et le vieux médecin pose sa main sur l'épaule du prince pour l'apaiser.
Le visage du roi se contorsionne de chagrin.
- Je ne voulais pas y croire… mais c'est elle qui… murmure-t-il avant de sombrer de nouveau dans l'inconscience.
Arthur lève les yeux vers Gaius, éperdu.
- Qu'a-t-il voulu dire ? Vous savez quelque chose, n'est-ce pas ? Parlez ! ordonne-t-il.
Le vieil homme secoue la tête.
- Hélas, Sire, je ne sais pas… c'est la première fois que le roi reprend conscience depuis que Sir Léon et Guenièvre me l'ont amené. La citadelle était sur le point de tomber et j'étais dans la salle de l'infirmerie à ce moment-là…
- Mais où sont ces deux-là ? gronde le prince en s'attirant un deuxième coup d'œil fulminant de Gwaine dont les lèvres articulent silencieusement "bou-clez-la-vo-tre-al-tesse".
Gaius termine de prendre le pouls du roi et repose la main flasque sur le lit avec un soupir.
- Je ne sais pas, répète-t-il d'une voix lasse. "J'espère vraiment – vraiment – qu'ils n'ont pas été pris. Sir Léon savait quelque chose sur le traître, j'en suis sûr. Ce n'est pas de lui de quitter la première ligne de la bataille. S'il se déplaçait dans les couloirs en cachette alors que la guerre faisait rage, c'est qu'il devait avoir un but."
Arthur se redresse péniblement et s'assoit sur le bord du lit. Il mordille le cuir de son gant en réfléchissant désespérément.
- Il faut qu'on les retrouve.
Ses yeux parcourent la chambre rapidement. Il se lève, s'approche de la fenêtre le temps de jeter un coup d'œil à l'extérieur, puis revient vers le lit.
- Gaius, vous allez rester ici avec mon père. N'ouvrez à personne. Gwaine et moi allons descendre à l'armurerie. Il y a un passage secret derrière le plus grand des boucliers, qui mène à la ville basse. Nous y jouions étant enfants, avec Léon. S'il a trouvé refuge quelque part, ce sera là. Et il a peut-être réussi à y rassembler quelques hommes qui pourront nous aider.
Gwaine se rapproche à pas feutrés.
- Et Merlin ?
Arthur avale sa salive.
- Il est avec Morgane, ils se protègeront l'un l'autre. Ils sont au bout du couloir et je ne pense pas que les soldats les aient vus non plus. Tant qu'ils se tiennent tranquilles, ils seront saufs. Nous les récupérons en remontant de l'armurerie.
Gaius arque un de ses sourcils broussailleux.
- Et comment comptez-vous vous rendre à l'armurerie ? Les soldats de Cenred sont à la porte, pour ainsi dire.
Arthur boitille jusqu'à la fenêtre.
- Par là. Nous ne sommes qu'au premier étage, et il y a un tas de foin juste en dessous : ce sont les écuries.
- Et pour revenir ?
- Nous vous ferons signe depuis les étables. Déchirez cette couverture en lanières, fabriquez une corde. Nous vous aiderons à descendre.
Gwaine ricane silencieusement.
- Voilà un plan qui me plait.
Gaius grimace, cependant.
- Sire, cette potion que je vous ai donnée... L'effet est instantané mais je ne sais pas combien de temps il dure. Quant à imposer tant d'exercice sur votre jambe blessée, je n'ose imaginer quelles en seraient les conséquences…
- Nous sommes en guerre, Gaius, répond simplement Arthur.
La lune se cache derrière les nuages et la nuit a fraîchi.
Il ne reste que quelques heures avant l'aube.
oOoOoOo
Ils ont claqué la porte derrière eux et se sont adossés contre le battant, haletants, les doigts de leurs mains entrelacés dans leur frayeur.
Leurs cœurs battent à tout rompre. Le parfum de Morgane se mêle à la transpiration de Merlin et ils ont l'impression qu'ils vont défaillir dans l'obscurité étouffante de la pièce.
- Ils ne nous ont pas vus… chuchote finalement la jeune femme en enlevant sa main délicate de celle, calleuse, du serviteur.
- Et Arthur ? s'inquiète aussitôt le garçon, prêt à ressortir dans le couloir.
- Ils ont dû se cacher plus loin, assure Morgane dont la voix s'affermit un peu. "Ecoute, il n'y a pas de bruit. Si les soldats les avaient trouvés, on l'aurait entendu."
Merlin hoche le menton et regarde autour de lui.
Ils sont dans la pièce réservée à l'intendant du château. Il y a un lit à la courtepointe bien tendue derrière le paravent, des livres sur les étagères, les coffres avec l'argenterie fine, des piles de serviettes brodées et un registre énorme sur le bureau à côté d'un encrier et d'une haute plume d'oie.
Le serviteur s'approche de la fenêtre, scrute la cour d'honneur que la lune baigne de sa clarté spectrale et sursaute soudain.
- Oh !
Morgane accourt aussitôt, dans un froissement de sa robe de velours émeraude.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Merlin pointe du doigt la femme qui est en train de traverser la cour, entourée d'une demi-douzaine de gardes en uniformes noirs et rouges qui réveillent les dormeurs à coups de pieds.
- C'est la dame blonde, chuchote-t-il. "Elle est méchante."
Morgane frappe les dalles de sa petite botte, impatiemment.
- Elle n'est pas méchante, Merlin. Pourquoi dis-tu une chose pareille ?
Le serviteur se tourne vers elle, incrédule.
- Vous avez vu ses yeux, ma Dame ? Ils sont froids comme ceux d'un serpent ! Et elle parle avec les soldats de Cenred ! Ce sont nos ennemis.
Le visage de Morgane se crispe et pendant un instant, colère et peur se disputent la place sur ses traits parfaits.
- Cenred est cruel, dit-elle finalement. "Mais Morgause ne ferait jamais de mal à personne. Elle ne voulait pas tous ces morts, j'en suis sûre. C'est la faute de Gaius ! S'il n'avait pas caché le roi, tout se serait terminé beaucoup plus tôt !"
Merlin recule d'un pas et ses yeux bleus contemplent la jeune femme avec confusion.
- Gaius a sauvé le roi, murmure-t-il. "Votre père."
Un éclair de rage fuse dans les yeux de perle.
- N'utilise pas ce mot ! Cela fait longtemps que je ne le considère plus comme mon père ! Il m'a menti toute ma vie et il a tué ma mère !
Ses lèvres se pincent et elle semble réaliser à qui elle s'adresse. Elle frissonne, ses joues pâles se radoucissent et elle tend la main vers le garçon.
- Merlin, dit-elle d'une cajoleuse. "Excuse-moi, je ne voulais pas crier. Je suis fatiguée et cette nuit est interminable."
Le garçon penche la tête de côté et fronce le nez.
- Morgause est une bonne personne et le roi est n'est plus votre père ? répète-t-il lentement. "C'est… bizarre."
- Ce n'est pas bizarre, proteste immédiatement Morgane avec un sourire enjôleur. "Pas du tout ! Ecoute, Merlin. Reste ici, veux-tu ? Je vais aller voir si je trouve Arthur."
Sa manche de velours frôle la joue du serviteur quand elle lui caresse la joue.
- Reste bien tranquille. Tu ne crains rien.
Merlin secoue la tête vivement.
- Vous ne pouvez pas sortir ! Les soldats vous attraperont !
- Morgause ne les laissera pas me faire de mal, promet Morgane. "Ecoute-moi attentivement. Tout ira bien. Je vais aller chercher Arthur et Gaius. Nous serons bientôt heureux et tranquilles, tu verras. Tu n'auras plus à craindre qu'Uther veuille te renvoyer du service d'Arthur, je demanderai à Morgause qu'il puisse te garder, d'accord ? Nous ne serons plus jamais seuls et soumis au caractère de cet homme horrible."
Merlin repousse les doigts qui jouent avec ses cheveux noirs et fait un pas en arrière.
- Le roi veut me renvoyer ? souffle-t-il.
Morgane lui sourit avec pitié.
- Oh, pauvre Merlin… tu ne savais pas ? Arthur ne te l'a pas dit… mais ce n'est pas grave. Morgause va tous nous sauver.
Elle frissonne malgré elle, parce qu'elle a beau répéter cette phrase comme un talisman depuis la veille, elle y croit de moins en moins.
Elle a besoin de retourner auprès de sa demi-sœur, d'entendre la voix douce comme de la soie qui lui assure que Cenred ne leur fera jamais de mal, que les gens oublieront bien vite le cauchemar, que Camelot sera prospère et qu'elles ne seront jamais séparées.
Morgause a raison.
Pour qu'Uther réalise qu'il n'aurait jamais dû laisser mourir Ygraine, il faut qu'il souffre.
Mais Arthur comprendra, n'est-ce pas ?
Morgane est terrifiée depuis qu'elle a vu comment Cenred parlait à ses troupes dans la grande salle du trône, pendant qu'elle restait cachée derrière le rideau pour jouer son rôle.
Tout semblait si normal, si logique, jusque-là.
Le poison distillé dans la coupe qu'elle offrait à Uther chaque soir, le roi qui payait pour les souffrances qu'il a fait endurer à tant de gens en hurlant de terreur pendant ses cauchemars, la crypte déverrouillée pour laisser passer les soldats "pour éviter un bain de sang", a dit Morgause, les mensonges débités à Arthur pour qu'il l'aide à trouver leur père que cet imbécile de Sir Léon a fait disparaître pendant la bataille…
Morgause a raison.
Morgause a raison et elle ne laissera pas Cenred faire de mal à Arthur ou à Guenièvre.
Elle pose ses doigts sur la porte qui les protège de ces brutes et respire un grand coup.
Alors pourquoi Guenièvre est-elle introuvable ? Morgane lui a dit, pourtant, avant le siège, qu'elle n'aurait rien à craindre des ennemis…
Est-ce que Cenred l'a tuée ?
Est-ce que Guenièvre l'a trahie ?
Morgause lui a dit qu'il fallait se méfier de tous, que les gens ne comprendraient pas que le royaume serait en de bien meilleures mains, qu'ils essaieraient stupidement de protéger leur roi sans savoir la noirceur du cœur d'Uther…
La main de Merlin se pose sur la sienne et elle sursaute, lève ses yeux pleins de larmes vers lui.
Il secoue la tête et elle est presque étourdie par la profondeur des saphirs qui la contemplent : comme si Merlin savait, comme s'il devinait son dilemme, comme s'il sentait ses doutes, comme s'il pleurait déjà sur la décision qu'elle va prendre.
- Il ne faut pas faire confiance à Morgause, chuchote-t-il. "Elle est mauvaise."
Morgane le fixe, furieuse, à travers les gouttes brillantes accrochées à ses longs cils.
- C'est ma sœur, siffle-t-elle. "Elle me comprend. Et sa mère est morte comme la mienne à cause de notre père. Morgause sait ce que je ressens et c'est la seule !"
Oh, ces yeux insondables qui la regardent avec tellement de sincérité, tellement de pureté… et qui disent qu'elle a tort.
- Et Arthur ? demande simplement Merlin. "Il vous aime, lui aussi."
La gorge de Morgane se serre.
Elle a si peur qu'Arthur ne comprenne pas.
Morgause a dit que le prince n'aurait pas d'autre choix que de voir et d'accepter… qu'elle lui ferait comprendre…
Elle renifle et essuie son visage du plat de sa paume, presque rageusement. Puis elle ramasse le pli de sa robe d'un air hautain et écarte le garçon résolument.
- Tu n'es qu'un idiot et un serviteur, Merlin, dit-elle en levant le menton, les lèvres pincées. "C'est pour ça que tu ne peux pas savoir. Laisse-moi sortir, maintenant."
Elle tourne le loquet et ouvre la porte, mais il lui attrape le poignet et la retient.
- Lâche-moi, articule la princesse d'une voix coupante.
- Non, dit Merlin
Ses yeux sont remplis de larmes et elle ne sait pas si c'est à cause des mots qu'elle vient de prononcer ou parce qu'il n'arrive pas à la faire changer d'avis.
Morgane soupire.
Je suis désolée, Merlin. Tu ne me laisses pas le choix.
Elle lève le bras et, d'un geste vif, elle assène un coup du tranchant de sa main sur la nuque du grand garçon maigre.
Il tombe en silence et elle se hâte sans un regard en arrière.
Morgause est toujours en bas, dans la cour, en quête de renseignements sur cette commotion qu'elle a aperçue depuis la salle du trône. Elle semble vraiment satisfaite d'apprendre qu'Arthur et le roi sont dans le bâtiment, pris au piège dans l'une des chambres.
- Tu as bien travaillé, ma sœur, dit-elle avec un sourire affectueux.
Morgane lui rend son sourire après avoir jeté un bref regard apeuré sur les soldats autour d'elle.
- Arthur sera libre, n'est-ce pas ? demande-t-elle d'une petite voix. "Vous m'avez assuré qu'Uther serait le seul à mourir."
Elle frissonne inconsciemment, parce qu'une part d'elle-même, enfouie au plus profond, se révulse à l'idée du parricide. Elle s'est appliquée à empoisonner le roi parce qu'elle savait qu'elle ne tuerait que son esprit, mais elle n'est pas encore prête à voir le corps raide et froid de son père étendu sur les pavés de la cour comme les centaines de cadavres que les soldats ont évacué du château pendant cette journée.
Morgause sourit encore.
- Arthur aura le droit d'aller où il le souhaite, assure-t-elle suavement.
Morgane hoche le menton.
- Il y a un problème, dit-elle encore avec timidité. "Le serviteur d'Arthur, Merlin. Il ne vous aime pas, ma sœur. S'il parle à Arthur, il va le convaincre que vous êtes une personne dont il faut se méfier…"
Morgause glisse ses doigts dans sa longue chevelure dorée.
- Et où est ce serviteur en ce moment ? demande-t-elle d'un ton presque distrait.
- Chez l'intendant, répond la princesse. "Je l'ai assommé, comme vous me l'avez appris. Qu'allez-vous faire de lui ? Arthur est extrêmement attaché à lui, pour une raison que nous ignorons tous. S'il lui… arrive quelque chose, notre frère sera très fâché."
Morgause caresse la tête brune de la jeune fille.
- Eh bien, nous devons nous assurer que ce jeune homme change d'avis, dans ce cas, dit-elle doucement.
Les deux femmes montent les escaliers côte à côte, l'une vêtue de sa cotte de mailles sur laquelle ruisselle sa chevelure blonde, l'autre fine et souple dans sa robe de velours émeraude.
Quand elles entrent dans la pièce, Morgause fronce un sourcil.
- Où est-il ? demande-t-elle d'un ton un peu agacé.
Morgane regarde partout autour d'elle, étonnée.
- Je n'ai pas dû frapper assez fort, s'écrie-t-elle, dépitée. "Oh, pourvu qu'il ne soit pas allé rejoin'…"
Les mots s'étranglent dans sa gorge quand Merlin abat un énorme bouquin relié de fermetures en acier sur la tête de sa sœur qui s'écroule sans un cri.
- Qu'as-tu fait ? crie Morgane, horrifiée, en jetant sa dague de côté pour s'agenouiller près de la femme blonde inerte.
- Elle est méchante et vous devez arrêter de la croire, dit le garçon d'une voix précipitée. "Dame Morgane, elle va vous faire du mal ! Elle n'est ici que pour causer la perte de Camelot. Venez avec moi, je vous en prie. Nous devons nous enfuir très loin avec Arthur et le roi et sauver les gens et…"
Morgane relève les yeux et ses yeux de perle étincellent de fureur.
- Tu n'aurais pas dû faire cela !
- Je suis désolé, continue Merlin en s'accroupissant à côté d'elle. "Je suis vraiment désolé de vous faire de la peine, mais… s'il vous plaît…"
Il tend la main vers le poignet délicat de la jeune fille, avec l'intention visible de l'emmener, mais elle le repousse, le visage crispé.
- Laisse-moi, cingle-t-elle.
- Morgane…
- LAISSE-MOI !
Il perd l'équilibre et tombe sur une fesse, son regard bleu blessé et triste toujours fixé sur elle, et Morgane bouillonne de rage devant cette obstination.
Elle jette un coup d'œil autour d'elle, cherche quelque chose à lui jeter pour le faire partir, ne trouve rien. Sa dague est trop loin, près de la porte.
- Pars, siffle-t-elle.
Merlin hésite et pendant cette courte seconde, Morgause ouvre les paupières.
- Que s'est-il passé ? marmonne-t-elle en portant la main à sa tête.
Morgane l'aide à se redresser, la soutient jusqu'au bureau et l'aide à s'asseoir dans le fauteuil. Le serviteur recule vers la porte, mais il ne sort pas, comme hypnotisé par la femme blonde.
- Merlin vous a frappée avec un livre, explique Morgane avec irritation.
- Oh, vraiment, glousse Morgause avec une légère grimace lorsqu'elle touche l'endroit douloureux à l'arrière de sa tête. "Et cette grande perche qui ouvre la bouche comme un poisson, est-ce aussi Merlin ?"
- Oui, répond la jeune fille brune. "Il n'a pas toute sa tête et malheureusement il semblerait qu'il ne soit pas possible de le faire changer d'avis sur le peu qu'il y a dans son crâne !"
Elle ramasse vivement l'encrier et le lance en direction du garçon.
- Va-t'en, Merlin ! crie-t-elle.
Il n'a pas le temps de s'écarter et la boite s'ouvre en le percutant : l'encre éclate sur la tunique rouge du serviteur, éclaboussant son cou et ses manches et trempant le tissu rêche d'une ombre noire et visqueuse.
- Ne sois pas si impétueuse, Morgane, proteste Morgause en inclinant la tête d'un air amusé. "Merlin ? Approche. Viens, n'aie pas peur."
Le garçon serre les poings et ne bouge pas d'un centimètre.
- Je n'ai pas peur, riposte-t-il en levant la mâchoire avec défi.
Son sourcil gauche tressaille cependant et le bout de ses oreilles a rosi dans l'obscurité. Morgane allume une bougie et la pose sur le bureau à côté de sa sœur.
La faible lueur jette une ombre macabre sur le visage aristocratique de Morgause.
- Viens, Merlin… répète-t-elle doucement.
Gentiment.
Innocemment.
Le serviteur fait juste un pas en avant.
- Vous devez vous en aller, dit-il d'une voix un peu rauque. "Vous, et Cenred aussi. Et tous les soldats."
Morgause pouffe de rire.
- Oh. Et pourquoi ?
Les joues de Merlin se creusent à la lueur de la bougie. Il s'approche encore. Ses doigts moites tripotent la couture de sa tunique mouillée et l'odeur de l'encre l'étourdit un peu.
- C'est le royaume d'Arthur, ici. Camelot, c'est sa maison. Vous n'avez pas le droit de le lui prendre. Vous avez tué des enfants et des tas de gens. Vous devez partir. S'il vous plait.
Morgause cligne un peu des cils, son sourire glacé retroussant ses lèvres écarlates sur ses dents blanches.
- Je comprends, dit-elle d'un ton onctueux. "Morgane, tu comprends aussi, n'est-ce pas ?"
La jeune fille brune secoue la tête.
- Non, grogne-t-elle.
Morgause se permet un petit rire, cristallin, si froid que la nuit d'été semble soudain perdre toute chaleur.
Elle se lève dans un cliquetis de mailles d'acier et repousse en arrière ses longues boucles dorées. La main négligemment posée sur le pommeau de son épée, elle s'approche lentement de Merlin.
- Je ne sais pas trop si tu es très courageux ou incroyablement stupide, jeune homme, susurre-t-elle. "Mais tu fais erreur si tu crois que tu peux m'empêcher d'accomplir mes plans."
Pendant un instant, Merlin ne respire plus, persuadé qu'elle va le tuer sur place, puis elle sourit.
- Viens, Morgane, dit-elle tranquillement avant de sortir de la pièce.
La princesse la suit après avoir jeté un regard de défi au serviteur qui est resté figé sur place.
Merlin se tâte la poitrine, la tête, les jambes, un peu abasourdi d'être encore en vie, puis il fait volte-face en se rappelant qu'il faut aller prévenir Arthur que Morgane et la dame blonde sont de connivence.
Arthur doit être…
- … dans l'une des pièces de ce couloir. Trouvez-le et vous trouverez aussi le roi. S'il résiste, vous pouvez utiliser vos épées.
- Morgause, non ! se récrie Morgane dans le couloir.
- Il suffit, ma chère sœur, répond la dame blonde d'une voix qui pourrait presque passer pour bienveillante si elle n'était pas accompagné d'un éclat dangereux dans les yeux pâles de la femme. "Je pensais pourtant que cela était clair. Si cet idiot de serviteur est borné à ce point, Arthur le sera aussi, voyons. Il est temps de cesser de croire que le prince comprendra nos intentions."
- Mais vous aviez dit que…
- J'avais dit que nous lui laisserions le choix, et il l'aura, Morgane. Tout ce qu'il doit faire c'est se rendre, pour l'instant.
Merlin contemple la porte, hébété. Ses yeux tombent sur la dague que la lune ourle d'un reflet bleu sur les dalles.
Arthur.
Arthur est en danger.
Il se penche, ramasse le poignard et le sort de la gaine.
Pour protéger Arthur, il ferait n'importe quoi.
Ses longs doigts s'enroulent autour du manche avec résolution et il se glisse dans le couloir. Morgause est occupée à donner des ordres aux soldats, Morgane est à quelques pas d'elle, ses fins sourcils arqués tandis qu'elle réfléchit intensément si sa sœur a raison ou non.
Merlin se glisse derrière elle avec le poignard.
Il va la ceinturer, faire croire à Morgause qu'il risque de la tuer si celle-ci ne s'en va pas immédiatement et tout le monde sera sauvé. Le roi sera tellement content qu'il ne le renverra pas et Morgane ne sera même pas blessée. Et sans doute, dès qu'elle ne sera plus sous l'influence néfaste de la dame blonde, elle redeviendra la gentille princesse que tout le monde aime.
Morgause sent la menace avant même d'apercevoir de voir le mouvement du coin de son œil.
Un sourire s'entortille dans le coin de sa bouche.
Parfait, c'était juste ce qu'il lui fallait pour terminer de convaincre Morgane. Elle a eu raison de laisser cet idiot en vie… elle pensait s'en servir pour faire pression sur Arthur, mais finalement, avec ce coup de chance, elle pourra certainement passer directement à la partie de son plan où il n'y a plus rien entre elle et le trône qui lui revient.
Elle écarquille les yeux avec une horreur toute ingénue et crie :
- Morgane ! Attention !
La jeune princesse sursaute, se retourne et son regard horrifié rencontre le bras levé de Merlin.
La lune glisse sur la lame du poignard avec un éclat macabre.
Oh, Merlin. POURQUOI ?
Les saphirs se dérobent, coupables, devant les perles.
Et la seconde d'après, le fléau d'armes d'un des soldats frappe le torse de Merlin de plein fouet et l'envoie bouler dans les escaliers qui descendent aux cuisines. Le corps maigre du serviteur dégringole les marches comme un mannequin de tissu et s'effondre en bas, immobile.
A SUIVRE...