Le secret
Lorsque Kaidan et Garrus entrèrent dans le labo, Seven sortait du module, les larmes aux yeux.
- Cooper ! s’exclama Kaidan, vous êtes entrée là-dedans ? Vous allez bien ?
- ça va chef, répondit-elle en s’essuyant les yeux. J’avais… des choses à dire au commandant.
- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Je vous expliquerais tout, je vous le promets, mais pas maintenant. J’ai besoin de souffler un peu…
Alenko répondit à cette dérobade par un grognement. Mais sa curiosité pouvait attendre. Pendant son interrogatoire, les mercenaires avaient confirmé la mort des équipes de diversion. Ils n’avaient plus rien à faire ici. Tandis que Garrus communiquait avec Shepard au moyen d’un terminal et branchait l’artefact prothéen pour qu’elle puisse s’y transférer, Seven et Kaidan transportaient les éléments de la bombe dans la navette, heureusement garée dans le hangar du complexe. Le Turien les y rejoignit, et ils quittèrent la planète.
Une fois de retour sur le Cyclone, Alenko annonça un débriefing avec le Conseil dans cinq heures, et chacun d’eux parti un peu de repos.
D’un commun accord, les deux Spectres décidèrent de garder l’histoire de Shepard pour eux. Après la synthèse, le Conseil avait tenté de se dédouaner des actes du commandant et des conséquences du tir du Creuset, oubliant ces deux fois où Shepard avait sauvé leur vie, sacrifiant pour cela plusieurs milliers d’humains. Ni l’un ni l’autre n’avait pardonné cette traîtrise, et malgré leur statut, ils conservaient une profonde défiance envers les conseillers. Une fois le débriefing de la mission effectué, Cooper les rejoignit en salle des transmissions. Elle s’était assurée du bon déroulement des réparations, et avait envoyé des équipes inventorier le complexe et ramener les corps de leurs camarades. D’ici une journée, le Cyclone pourrait repartir. Il était temps d’établir un plan.
- J’ai envoyé un message à IDA, elle est prête à nous rejoindre n’importe où, commença Garrus.
- Vous lui avez dit pourquoi ?
- J’ai préféré ne pas m’étendre sur le sujet sur un canal non-sécurisé. IDA pourra nous confirmer que c’est bien Shepard, même si pour ma part, je n’ai pas de doutes. Mais après ça, je ne sais pas ce qu’on va faire… Peut-être un corps synthétique, comme le sien ?
Le défi qu’envisageait Garrus était colossal. Rendre un corps à Shepard coûterait beaucoup de temps, et des milliards de crédits. La tâche était peut-être impossible. Kaidan hésita, avant de déclarer :
- Je sais ce qui nous ferait gagner du temps. La clone.
- La clone de Cerberus ? demanda Garrus. Elle est morte sur la Citadelle en tombant du Normandy, on l’a vu tous les deux.
- Elle n’est peut-être pas totalement morte… avoua l’humain avec un peu de gêne, avant de s’expliquer, pressé par le turien. Quand l’Alliance a récupéré son corps, elle était en état de mort cérébrale, un peu abîmée mais encore en bon état. Ils l’ont placée en cryostase, par précaution.
- Pour servir de réserve d’organes, oui ! Les méthodes de l’Alliance ont parfois pas mal en commun avec celles de Cerberus… s’exclama Garrus.
- Pour cette fois, on ne va pas s’en plaindre. L’Alliance savait que s’il arrivait quelque chose à Shepard avant la fin de cette guerre, ce serait terminé. Et autant que je sache, ils ont toujours le corps. Deux ordres de réquisition signés de la main de deux Spectres héros de guerre devraient suffire pour le récupérer, mais il faudra aller se planquer ensuite. Le Conseil en aura forcément vent. Ils flaireront un truc louche.
- Et il va falloir un labo, des scientifiques… Des spécialistes en cybernétique, en génétique, en médecine… Et des crédits. Comment on va trouver tout ça ?
- Liara peut-être ?
- Pour une partie, oui. Mais pas pour tout, même Liara a des limites.
Seven, qui était restée silencieuse jusqu’ici, prit la parole :
- Moi je sais qui pourra nous aider. Orianna Lawson, Brynn Cole, Gavin et David Archer. Tous les anciens de Cerberus que Shepard a sauvés. Orianna a hérité de l’empire de son père, ça représente une fortune colossale : elle est certainement la personne la plus riche de la galaxie. Les scientifiques du projet Lazare sont tous morts, mais Miranda a transmis toutes les données du projet à Orianna lorsqu’elle a quitté l’organisation. Les autres ont travaillé sur les projets Cerberus, surtout Suprématie. Et Orianna est tout aussi capable que Miranda de mener à bien cette folie, croyez-moi.
Le silence se fit. Garrus attendait la réaction de Kaidan, qui semblait avoir du mal à digérer ces nouvelles révélations.
- Cooper… Comment vous connaissez tous ces gens ? finit par questionner le major. Comment pouvez-vous être aussi bien renseignée sur les activités de Cerberus ? Tout ce que vous venez de dire, les sœurs Lawson, les projets Lazare et Suprématie… Ce sont toutes des informations classées secret-défense, je crois bien que pour certaines, il faut même une accréditation de type Spectre. Alors, comment ?
Seven se tassa légèrement sur son fauteuil. Kaidan la fixait de ses yeux noisette, identiques aux siens, elle s’en rendait compte à présent. Cette fois, il n’y avait pas de colère dans son regard, mais de l’inquiétude, et pire, une légère défiance. La jeune femme savait que Cerberus était l’un des nombreux sujets sensibles de son supérieur. Il vouait une haine farouche à l’ex-organisation terroriste. Seven lança un coup d’œil à Garrus, qui hocha la tête et se leva.
- Le lieutenant a pas mal de choses à vous raconter, Kaidan. Je vous laisse entre vous.
Une fois le Turien sorti, Alenko se tourna vers sa subordonnée. Il fut surpris de constater qu’elle tremblait légèrement. D’une voix douce, il déclara :
- Parler vous fait peur, Seven ?
- Je crains que vous n’appréciiez pas tellement les révélations que j’ai à vous faire, monsieur, murmura la jeune femme.
- Cooper, nous travaillons ensemble depuis quatre ans, je vous confierais ma vie sans hésiter. Je l’ai fait à de nombreuses reprises. Vous êtes probablement l’une des personnes en qui j’ai le plus confiance dans cette galaxie. Alors allez-y.
Seven hocha la tête, avant d’annoncer :
- Je suis la fille de Shepard. Et la vôtre.
Sans laisser à Kaidan, bouche-bée, le temps de se reprendre, elle répéta rapidement son histoire, depuis sa naissance sur Lazare, jusqu’au moment où elle avait intégré l’Alliance.
- Je ne savais pas que ma mère et vous aviez eu une histoire. C’est Vakarian qui m’en a parlé pendant que nous étions prisonniers. C’est lui qui a compris que… vous étiez mon père.
Devant le silence du major, Seven poursuivit, de plus en plus vite :
- J’avais demandé à Jack, mais elle ne savait rien. Vega est un moulin à parole, mais une tombe sur les sujets personnels. Il y avait eu tellement de morts sur le Normandy SR1, je ne savais pas à qui m’adresser, je ne savais pas en qui je pouvais avoir confiance. Je n’ai jamais réussi à me retrouver au même endroit que Jeff Moreau, impossible de mettre la main sur Liara T’soni, ou d’aller faire un tour sur Rannoch pour parler à Tali’Zohra. J’ai envisagé Urdnot Wrex, vous savez que j’ai de bons rapports avec les Krogans, mais demander une permission pour Tutchanka… C’était impossible de rester discrète. Et quand j’ai commencé à travailler avec vous… J’ai vu comment vous réagissiez quand quelqu’un mentionnait le commandant. Je n’ai pas osé vous interroger, je me suis dit que c’était un sujet trop difficile pour vous, qu’il y aurait d’autres occasions, plus tard, peut-être…
A bout de souffle, Seven se tut. Statufié, Kaidan garda le silence. Et soudainement, il se leva, franchit la distance qui les séparait et serra sa fille dans ses bras. Après quelques secondes de surprise, Seven lui rendit son étreinte.
- Je suis un imbécile Seven. Je suis désolée que vous… que tu n’aies pas pu me parler. Je suis désolé qu’on ait perdu autant de temps.