Guren

Chapitre 1

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:39

Bonsoir tout le monde !
Avis aux fans ceci est une fanfic mettant en scène Shizuru et Natsuki. Que voulez-vous, je les aime bien !
Ceci dit, attendez-vous à moins de romance, plus de solitude et d'indépendance pour nos deux personnages favoris.
Un peu de OOC (Out Of Character, c'est-à-dire des comportements différents de ceux vus dans la série) peuvent éventuellement être à craindre au fil des chapitres, mais je tacherais de garder une certaine cohérence et éviter les gros dérapages sans un minimum d'explications.
Et enfin, réjouissez-vous, je tacherais de faire des chapitres assez longs cette fois-ci !

Un grand merci à Kohei qui a effectué la beta-lecture du premier chapitre et dont les remarques et corrections m'ont été bien utiles ! :)

Ah, dernière chose, je ne possède toujours pas la série Mai Hime...

Sur ce, enjoy...


Shizuru tira la porte et donna un dernier tour de clé.
Le tintement du trousseau et le claquement du verrou qui s’enclenche résonnèrent avec une étrange solennité dans le couloir désert.
L’ancienne présidente du conseil des étudiants mit un sac en bandoulière avant d’attraper le dernier restant d’une main et le soulever tant bien que mal du sol.

- Tu veux de l’aide ? demanda Natsuki, à ses côtés.

Shizuru resserra les doigts autour des poignées qui lui brûlaient déjà la main.

- Non, merci. Allons-y vite !

Natsuki n’insista pas. Elle n’insistait jamais.
Le couloir fut parcouru en quelques pas, dans un silence pesant et maladroit.
Dehors, le taxi attendait, les fenêtres ouvertes à cause de la chaleur inhabituelle pour la saison. Shizuru jeta ses sacs dans le coffre et rajusta sa veste. Le reste de ses affaires tenait dans une caisse qui lui serait livrée dans quelques jours.

Il n’y avait pas une âme visible à Fuuka. Les rares étudiants déjà installés en ces fins de vacances s’étaient tous barricadés à l’intérieur pour fuir le soleil brûlant et mis à part Natsuki et le chauffeur qui somnolait dans son véhicule, la cour principale était déserte.
Tant mieux, songea Shizuru.
Elle n’avait aucune envie de faire ses adieux devant tout le campus, ni de devoir faire des politesses à des gens qui n’étaient pour elle qu’un nom attaché à un visage.
La jeune femme balaya d’un regard les bâtiments dont la blancheur était d’une intensité douloureuse à cette heure.
Elle ne ressentit qu’une lassitude pesante et une amertume qui devenait habituelle.

Il était temps de partir, ou elle ne serait plus capable de se rappeler que malgré tout ce qui avait pu se passer, elle avait vécu de bons moments dans les murs de l’Académie.

Shizuru ramena ses cheveux en arrière et regretta de ne pas avoir de quoi les attacher quand elle sentit la moiteur de sa nuque.
Elle se sentait déjà épuisée, avant même d’entamer le trajet. Le voyage allait être un calvaire.
A ses côtés, Natsuki dansait nerveusement d’un pied sur l’autre.
Peut-être croyait-elle que Shizuru avait besoin de quelques instants avant de partir pour de bon et que cette preuve de nostalgie la mettait mal à l’aise.
Peut-être perdait-elle patience, tout simplement.

- En voiture, dit finalement Shizuru, sans entrain.

Le taxi se mit en route dans un crachotement de moteur et les deux passagères se hâtèrent d’ouvrir les fenêtres pour avoir un peu d’air.
La traversée de la ville se fit dans le même silence à couper au couteau, le vrombissement de la voiture comme seul bruit de fond.

Shizuru ne se sentait pas la force de faire une remarque qui aurait pu changer l’ambiance. Elle vivait peut-être sa dernière heure en compagnie de Natsuki et elle était incapable de feindre son habituel enthousiasme artificiel.
Et pourtant, elle s’était plusieurs fois laissée à penser à ce dernier voyage.

La plupart du temps, la Natsuki qui l’accompagnait à la gare était une jeune fille attentionnée, un peu peinée de la voir partir. Elle lui aurait demandé quand elle comptait revenir à Fuuka et peut-être même si elle pouvait l’appeler quand elle serait arrivée.
Mais ça n’était pas la réalité.
Shizuru avait vécu cette dernière heure des dizaines de fois, d’autant plus intensément qu’elle savait très bien, au fond d’elle, que ça ne se passerait jamais de cette façon.

Le taxi s’arrêta devant la gare et Natsuki sortit pour ouvrir le coffre et récupérer les sacs de voyage, pendant que Shizuru payait le chauffeur.
Cette dernière heure tant attendue, redoutée, espérée…touchait à sa fin. Sans un mot.
Shizuru avait l’impression de se retrouver en compagnie d’une inconnue.

A bien y réfléchir, connaissait-elle vraiment Natsuki ?
Elle se demanda soudain si son imagination ou ses sentiments ne l’avaient pas empêché de vraiment comprendre la personnalité de la solitaire. Ce qui était très probablement le cas.
La jeune femme surprit le coup d’œil furtif que lui lança Natsuki avant de jeter un sac en travers de son épaule.
Triste, énervée, tendue, indifférente…elle qui taquinait la solitaire en lui rappelant sans cesse sa démonstrabilité était alors incapable de définir ce que son amie pouvait ressentir.
Et elle se sentit encore plus vide en réalisant qu’après tout, ça n’avait plus aucune importance.

Shizuru ne voulait plus en savoir davantage.
La seule chose qu’elle éprouvait en voyant le visage fermé de Natsuki, alors que le taxi s’éloignait, n’était plus qu’un détachement acerbe.

Elles se dirigèrent sans attendre vers les quais où le train était déjà prêt à partir.
Les sacs furent coincés dans les porte-bagages et Shizuru se retrouva devant Natsuki, dehors, à deux pas du marchepied, pour un dernier face-à-face.

- J’ai du mal à croire que tu partes aussi loin, déclara la solitaire de but en blanc, les mains callées dans ses poches.

Shizuru pouvait en dire autant.
Il y a peu de temps encore, elle ne se serait pas imaginée quitter l’Académie. Pas de cette façon. Les mois passant, elle s’était rendue compte que plus rien ne la retenait là. Cette réalisation avait été douloureuse avant de devenir insupportable. Elle ne pouvait pas continuer comme ça.

- Je retourne juste à Kyoto. Ce n’est pas si loin, tu sais.

- Fuuka va être d’un ennui mortel sans toi, lâcha Natsuki avec un petit sourire.

Le premier depuis des heures.

- Appelle-moi, si tu as envie de passer me voir, proposa Shizuru.

Natsuki hocha la tête. Shizuru savait qu’elle n’en ferait rien. Ou alors elle en serait la première étonnée.
Elle connaissait bien les grands départs et tous les « au-revoir » de ce genre, avec leurs promesses de retrouvailles rapides, de lettres et de coups de téléphone.
Les jours passent, les liens se défont, le contact se perd. Ainsi vont les choses.
Au point où en était leur relation, Shizuru ne pouvait pas espérer grand chose de plus.
Leur entente s’était fondée sur des mystères et un amour caché, avec des limites invisibles mais bien définies. A côté, la complicité spontanée et franche que Natsuki pouvait partager avec Mai ou Midori semblait plus solide.
Après tout ce qu’il s’était produit durant le festival, Shizuru se demandait sur quoi reposait désormais leur amitié et ce qu’il pourrait en rester dans les mois à venir.
Qui sait, d’ici un an ou deux elles en seraient toutes deux revenues au point de départ.
Shizuru avait suffisamment de recul pour savoir que c’était une issue très réaliste.

- Je vais y aller, dit-elle finalement.

Natsuki leva rapidement les yeux vers elle. Elle devait probablement s’interroger sur le comportement à adopter.
Une lueur de panique traversa son regard.
Shizuru s’approcha d’elle, posa une main sur son épaule et la serra affectueusement.
Avec ce simple geste, son cœur fit un bond dans sa poitrine.
Certaines choses ne pouvaient pas changer si vite.
Devant elle, la solitaire s’était figée.
Shizuru sentit sa gorge se serrer quand elle réalisa le gâchis qu’avait été ces dernières années. Des mois passés à poursuivre des fantômes.
Tout ça pour ce simple départ sur un quai de gare.

Une dernière fois, elle contempla le visage de la jeune femme qui lui faisait face. Ces mèches sombres dans lesquelles elle avait brulé de glisser ses doigts, ce regard étonné rivé au sien, ces lèvres entrouvertes sous la surprise… Tellement douces.

Shizuru grava cette ultime image dans sa mémoire, avec toute la tendresse que Natsuki pouvait encore lui faire ressentir.
En espérant que ce sentiment disparaisse pour de bon et ne soit plus qu’un souvenir touchant d’une autre époque.

- A plus tard, fit-elle avec un dernier sourire, avant de faire volte-face et monter dans le train, laissant sur place une Natsuki stupéfaite.

Les portes se refermèrent, les wagons avancèrent en grinçant et elle vit la gare s’éloigner rapidement par l’encadrure de la fenêtre.

Shizuru frissonna, glacée. Elle se sentait exténuée et avait l’impression d’avoir déjà parcouru des kilomètres. Elle avança d’un pas hésitant à cause des cahots du train avant de se laisser tomber dans un siège en plein soleil. Elle s’endormit aussitôt.


Ce fut le sursaut brusque de la rame qui la tira de son sommeil.
Shizuru fit la grimace en sentant une migraine abominable lui frapper les tempes dès qu’elle ouvrit les yeux. La chaleur lui faisait payer cher sa sieste prolongée pendant le trajet.
Les autres passagers du wagon s’affairaient déjà. Un peu hébétée, Shizuru se redressa et rassembla ses affaires.

- Vous voulez un peu d’aide ?

Un homme se tenait devant elle, cheveux noirs et petites lunettes.
Shizuru se rendit compte qu’avec la montagne de sacs qui l’entourait, elle devait renvoyer une image assez désespérée.

- Oh…Oui, s’il vous plait. C’est vraiment gentil.

Il l’accompagna hors de la gare jusqu’à l’arrêt de bus en portant une partie de ses bagages, avant de l’abandonner là avec un regard d’excuse.
La ville autour d’elle n’avait plus rien de familier. Est-ce que tout était aussi bruyant lorsqu’elle avait quitté Kyoto ? Les panneaux lumineux aussi agressifs, les grondements des voitures aussi oppressants ? Seule au milieu de toutes ces personnes qui se hâtaient autour d’elle, Shizuru se sentait complètement perdue.

Les battements de son cœur s’accélèrent et elle ressentit un pincement bien connu quelque part près de son estomac. La même piqure d’angoisse que celle qui avait accompagné son départ de cette même ville. Alors que l’appréhension lui comprimait la poitrine, Shizuru se demanda tout d’un coup ce qu’elle faisait là.

A ce moment, le bus surgit du carrefour et s’arrêta devant elle dans un crissement de freins fatigués.
Ce n’était plus le moment de réfléchir.
Un homme vint de nouveau à son aide en la voyant se démener avec ses affaires et Shizuru se laissa emporter à l’intérieur par le flot de passagers.


Plus d’une demi-heure plus tard, Shizuru laissait tomber ses sacs devant la porte de sa future chambre.
Une superbe porte rouge toute neuve, arborant fièrement sur une plaque en plastique le numéro 308.
Ce qui signifiait qu’elle venait de gravir trois étages.
Sans ascenseur.

Elle était arrivée juste avant la fermeture du bureau du régisseur qui lui avait remissa clé en la détaillant de la tête au pied.
Quelques minutes de plus et elle aurait du passer sa nuit ailleurs. De ce point de vue, Shizuru se sentait tellement exténuée qu’elle aurait été capable de se rouler en boule au pied la porte de l’immeuble et s’endormir comme une masse.

Essoufflée et les paumes des mains en feu, la jeune femme ouvrit la porte avec un soupir de soulagement bien réel.
Enfin elle y était.
Son nouveau domaine.
La lumière dispensée par l’ampoule solitaire qui pendait du plafond était sinistre sur les murs nus et les étagères vides. Même s’il faisait presque nuit, elle se hâta de remonter le store et d’ouvrir la seule grande fenêtre de la pièce pour faire entrer un peu de vie et d’air frais.
Elle parcourut les lieux en quelques enjambées.

La chambre ne devait probablement pas faire plus de 12 m² et aurait eu besoin de quelques aménagements avant d’être qualifiée d’accueillante.
Shizuru se faufila dans la salle adjacente, microscopique, qui abritait malgré tout une douche, des toilettes et un lavabo de la façon la plus compacte qui soit.

Le reflet qui l’accueillit dans le petit miroir de la salle de bain quand elle activa l’interrupteur, lui fit faire la grimace. Avec ses traits tirés, les cernes qui commençaient à apparaître sous ses yeux, sa coiffure désordonnée et ses vêtements froissés, ce n’était pas étonnant qu’on ait insisté pour porter ses bagages.
Au moins la fatigue avait l’avantage d’avoir atténuée l’angoisse et l’amertume qu’elle avait pu éprouver plus tôt, constata-t-elle en s’observant dans la glace.

Shizuru se laissa tomber sur le lit étroit callé dans un angle, avec un ronronnement de bonheur et ferma les yeux.
Enfin un peu de calme !
Après les soubresauts du train, le brouhaha de la foule et son parcourt du combattant chargée comme un mulet, le silence agrémenté du crissement des grillons au dehors était une véritable berceuse.

La sensation était suffisamment agréable pour qu’elle s’endorme sur le champ mais, à ce moment précis, des rugissements furieux s’élevèrent de la chambre d’à côté, avant de se décomposer en accords effrénés, les basses faisant trembler les murs.

Shizuru grogna sans élégance et enfouit la tête dans son oreiller.
De toutes les chambres de toutes les résidences du campus, il avait falluqu’elle tombe à côté de celle d’un excité de pianiste metalleux, qui croyait probablement que monter le son de son synthé à fond sur les airs d’un quelconque groupe de néo-gothiques ne gênerait personne.
Sa fatigue fut la seule chose qui l’empêcha de se ruer sur la porte pour lui expliquer son point de vue à ce sujet.

Après un moment de retenue passé à compter jusqu’à 10, indispensable pour apprécier l’ironie de sa situation, Shizuru se leva péniblement pour aller faire connaissance avec son sympathique voisin.
Les accords moururent aussitôt et elle comprit que quelqu’un l’avait probablement devancé.
Elle s’en sentit très soulagée.
Les épaules douloureuses, ses bras lui paraissaient sur le point de se détacher. Sa migraine la lançait abominablement, ses yeux la brûlaient et elle ne se sentait pas capable de rester une minute de plus dans ses habits qui lui collaient à la peau.
Passer ses premières minutes ici à se brouiller avec le locataire d’à côté dans cet état était la dernière chose dont elle avait envie.
Une bonne douche et un repas convenable, suivi d’une douzaine d’heure de sommeil, c’était tout ce qu’il lui fallait pour l’instant.


Le lendemain, Shizuru fut réveillée par des bruits de pas empressés et de sacs glissés sur les sols.
Elle ouvrit un œil et il lui fallut un petit moment avant de se rappeler où elle était.
L’université de Kyoto. Dans sa nouvelle chambre. La veille de la reprise des cours.
Son cœur fit un bond.
Le bâtiment devait être infesté de nouveaux arrivants pressés de s’installer.
Shizuru se sentait bien plus en forme que la veille et pour cause : un coup d’œil à son téléphone lui informa qu’il était onze heures passées.
Elle se leva, attrapa quelques habits et sortit de ses sacs de quoi faire un petit déjeuner.

Quelques instants plus tard, elle observait sans y prêter réellement attention le cortège des nouveaux élèves, trois étages plus bas. Entre ceux qui ployaient sous des valises plus grosses qu’eux, les mères inquiètes qui observaient à distance et le reste qui courait dans tous les sens, c’était un joyeux désordre.
Pourtant, assise seule à son bureau collé contre la fenêtre, Shizuru était loin de se sentir d’humeur légère.

La barre de céréales qui constituait son repas du matin lui paraissait aussi mangeable que du carton. La bouche sèche et la gorge nouée, elle n’avait absolument aucun appétit.
L’angoisse de la veille était revenue, lancinante.
Les gens, en bas, lui rappelaient qu’elle avait quitté Fuuka pour une bien longue période. Qu’elle était seule à des kilomètres de ce qui faisait son ancienne routine. Sa chambre. Sa vie lycéenne. Ses amis. Natsuki.
Une gorgée de thé brûlant l’aida à faire passer la dernière bouchée.

Le picotement de ses yeux ne lui annonça rien de bon et Shizuru prit une inspiration hachée, mortifiée à l’idée de se mettre à pleurer.
Elle n’était pas une gamine sur le départ d’une colonie de vacances, sanglotant à l’idée d’être loin de ses parents, tout de même !
Heureusement, la main qui enserrait sa gorge se dénoua et Shizuru reprit un peu de contrôle.

Inutile de rester assise sans rien faire, à ressasser des idées noires en se lamentant sur son propre sort.
Shizuru ne voulait plus de ça.
Elle se leva et dressa mentalement une liste rapide des choses à faire dans la journée:

Ranger ses affaires et mettre un peu de vie dans cette chambre triste à mourir paraissaient être un bon début.
Une petite visite à l’administration s’imposait, avec un peu de chance on lui donnerait assez de paperasse pour s’occuper une bonne heure.
Faire quelques courses, une visite du campus… Tenter de reprendre contact avec ce qui lui restait de famille…peut-être.
Avec un peu d’appréhension, Shizuru se demanda où en étaient les choses de ce côté. Il était temps de faire le point.

Shizuru s’accrocha à sa détermination toute neuve et elle se sentit un peu mieux.
A cet instant, au milieu de cette pièce encore vide, elle se dit que, peut-être, son choix avait été le bon. Elle était seule mais elle était libre.
Une occasion de repartir à zéro.
Il y a des moments dans la vie où l’on doit évoluer pour ne pas se perdre.
Pour Shizuru, c’était maintenant ou jamais.

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