Speak of the Devil
Chapitre 1 : Les séances d'Amenadiel et Linda
2719 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 19/06/2017 17:40
Speak of the Devil...
une fanfiction Lucifer, par OldGirl - www.fanfictions.fr
Le titre signifie en anglais "quand on parle du Diable aussitôt il apparaît" selon une croyance répandue au Moyen-âge. Il est très proche du français "Quand on parle du loup". Or puisque Lucifer est absent (à ce moment de la saison et dans le coeur des fans attendant la S3), c'est l'occasion pour ceux qui restent et qui lui sont proches, de parler de lui pendant qu'il n'est pas là. C'est donc une sorte de portrait en creux où la parole est donnée à des personnages secondaires. Nul doute qu'à force, les oreilles ont dû lui siffler et il n'a pas manqué de revenir très vite de la cité des étoiles (Las Vegas) à celle des anges (Los Angeles).
.
LES SÉANCES D'AMENADIEL ET LINDA
Amenadiel
Portant son carton sur la hanche, Amenadiel s'était trouvé debout devant la porte du cabinet professionnel du Dr Martin, légèrement intimidé. Il avait patienté quelques instants après la sortie du dernier patient de la matinée, par politesse. Pas trop longtemps pour qu'elle n'ait pas le temps de commencer son déjeuner ni de se trouver irritée d'être interrompue.
Il frappa doucement à la porte, à moitié persuadé qu'elle n'allait pas répondre, mais il entendit les trois loquets se déverrouiller tandis que l'huis s'entrouvrait prudemment.
La femme blonde à la cinquantaine pimpante levait son visage arrondi aux yeux perçants sur lui. Elle semblait minuscule en dépit de ses talons et le contemplait avec surprise derrière ses lunettes à monture noire stricte. Avec un sourire poli, elle inclina la tête de côté. Une mèche blonde rebelle glissa de son chignon dans le mouvement, et elle ouvrit la porte plus franchement en le reconnaissant.
— Amenadiel !
Le grand ange noir à l'impressionnante carrure répondit de même, avec une petite touche d'hésitation en attrapant sa boîte d'une main. Il portait les mêmes vêtements pratiques qu'il avait tout le temps, bien différents de la garde-robe ostentatoire de son frère : un pantalon cargo, un large sweat bourgogne sous une veste canadienne bleu marine, mais il avait toujours autour du cou cet étrange sautoir en argent en forme de Y. Épais d'un demi-centimètre et finement ciselé, ce bijou dénotait avec le reste de son apparence discrète – si tant est qu'un homme aussi grand et au visage si impressionnant puisse réellement passer inaperçu… Un jour, elle lui demanderait ce que signifiait ce collier pour lui, mais probablement pas aujourd'hui.
— Bonjour docteur, commença-t-il en interrompant ses réflexions, je vous demande pardon, je sais que c'est l'heure de votre pause déjeuner mais… j'avais cet ouvrage à vous rendre...
Sur le dessus du carton, il prit un livre intitulé "Les sens de la vie" qui était posé facilement accessible, avant de le lui tendre.
— … et aussi à vous dire au revoir.
— Oh ?... s'étonna-t-elle avec un léger froncement de sourcil. Mais comment ? Vous partez ?
— Et bien... oui. Comme vous le savez, j'avais loué ce bureau professionnel à côté du vôtre pour des raisons… (Il hésita). Pour des raisons qui n'ont plus lieu d'être… Le bail est arrivé à échéance et je vais le rendre.
Linda hocha la tête une fois pour signifier qu'elle avait saisi.
— Mais… vous restez en ville, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle, peu sûre. Ou bien avez-vous décidé de partir à la recherche de votre frère ? J'imagine qu'il est toujours aux abonnés absents...
Amenadiel comprit enfin ce que la psy voulait savoir en fait. Simplement de quel type d'adieu il s'agissait – sans doute afin d'offrir la réponse la plus appropriée en la circonstance.
A l'heure actuelle, il n'avait pas d'assurances quant à la faisabilité ou l'échéance du projet de sa mère de les faire tous retourner au Paradis, surtout maintenant que Lucifer se cachait on ne savait où. Mais l'ange voulait y retourner et le plus vite possible car il avait définitivement ce qu'on appelait ici le mal du pays.
— Oui, j'ai encore deux trois choses à régler à Los Angeles. Seulement… nous ne serons plus voisins.
— Oh, évidemment... Amenadiel, vous avez l'air encore plus soucieux que d'habitude, ce qui n'est pas peu dire, observa-t-elle. Est-ce que tout va bien ? Voulez-vous entrer une minute ?
L'ange resta interdit avec son carton à bout de bras entre ses larges mains, ne sachant pas trop quoi décider à ce sujet. Si elle insistait, c'était peut-être pour lui demander quelque chose ? Il regarda un instant ailleurs, vers la bienveillante neutralité du paillasson qui n'entendait pas prendre parti dans cette affaire.
— Je ne voudrais pas vous déranger pendant votre déjeuner, répondit-il honnêtement. Je… je ne suis pas comme mon frère !
Devant ce sursaut d'orgueil inattendu et critique qui déboulait de nulle part, le Dr Martin eut un coin de sourire en ouvrant largement sa porte pour le laisser entrer dans son grand bureau aéré et bien éclairé par une large baie latérale. Il y était déjà venu plusieurs fois mais il réalisa que c'était sans doute la dernière occasion qu'il aurait de contempler les briques rouges du mur du fond, visibles à travers les étagères de livres et les diplômes accrochés bien alignés au-dessus...
Comme l'ange avait l'air un peu embarrassé de sa haute silhouette, elle lui prit d'autorité ses affaires des mains et les posa sur la table basse ronde qui faisait face au canapé droit où s'installaient ordinairement ses patients. Depuis qu'il ne jouait plus le rôle du faux confrère compréhensif, il semblait singulièrement et paradoxalement plus mal à l'aise. Il avait conscience d'avoir mal agi envers elle.
— Oh… fit-elle en apercevant dedans un petit sac à l'effigie d'un célèbre fabricant de sandwich. Si vous avez apporté votre déjeuner, peut-être pourrions-nous partager notre temps de pause ? Qu'en dites-vous ?
Amenadiel masqua une nouvelle fois sa confusion derrière un bref sourire blanc. L'événement était de taille. Il souriait excessivement rarement.
— Je… j'ai l'impression de profiter de votre trop grande gentillesse et je crois qu'un malotru par famille, c'est amplement suffisant, se risqua-t-il à dire.
Linda haussa une épaule et fit quelques pas en direction de son bureau où elle attrapa le Tupperware contenant sa salade et une petite fourchette en plastique. Elle revint s'asseoir sur le bord du sofa qu'elle tapota.
— Voilà, si je m'installe ici et non pas sur mon impressionnante chaise professionnelle, est-ce que vous croyez que vous pourriez être moins intimidé ? questionna-t-elle gentiment.
— Je ne suis pas intimidé ! protesta Amenadiel en gonflant un peu ses joues rebondies.
— Bien sûr, bien sûr, alors c'est très bien ! Parlons simplement de ce qui vous tracasse comme deux amis, acquiesça la psychologue en ayant soin de ne pas trop montrer son amusement car il était sans aucun doute un brin susceptible.
Amenadiel hésitait entre se sentir pris au piège et follement reconnaissant. Il soupira en pliant sa haute stature musculeuse en deux pour se mettre à l'autre bout d'un canapé, étirant le bras pour attraper le sac où se trouvait son repas.
— Merci docteur.
.
Linda
Patient : Amenadiel
Type : Archange / Sous-type : Déchu
Pouvoirs inhérents : immortalité, super force… ?
Anciens pouvoirs spécifiques : chronokinésie ?
Pseudo : Dr. Canaan
Profession : ?
Entourage
Situation maritale : célibataire ?
Enfants : ?
Famille : nombreuse, dysfonctionnelle (parents divorcés)
Rang dans la fratrie : 1 (adoption ?)
.
Amenadiel
Durant toute la durée de l'absence de Lucifer, Linda avait réussi à faire en sorte qu'Amenadiel et elle se revoient assez régulièrement, peut-être tous les trois jours, soit pour déjeuner informellement ensemble, soit pour une pause café, ou pour un verre en fin d'après-midi. Quant à la raison de ce comportement, l'ange n'était pas complètement stupide. Il se doutait bien que la thérapeute cherchait à savoir s'il avait des nouvelles de son plus remuant patient, disparu sans laisser d'adresse du jour au lendemain, sans prévenir ni sa famille, ni ses collègues.
Cette brusque évaporation était indéniablement suspecte. La théorie d'Amenadiel était que Lucifer mijotait quelque chose. Ou peut-être qu'il boudait tout simplement. Mom lui avait rapporté combien il avait eu l'air dévasté en apprenant que la naissance de la jeune inspectrice avait été tout sauf naturelle et cela à un moment où son frère ne s'y attendait pas du tout. "Je me sens indestructible" aurait-il dit juste avant la catastrophe. Pour sûr, ça avait dû être un coup de massue et un retour brutal à la réalité…
Amenadiel avait tendance à penser que Lucifer faisait juste payer sa déconvenue aux autres membres de sa famille exilés ici. Sans lui, pas de retour possible à la Cité d'Argent, pour aucun d'entre eux. L'inquiétude qu'affichaient le lieutenant Decker ou le Dr Martin lui semblait injustifiée mais à leur décharge, elles ne connaissaient pas si bien l'énergumène, ni le projet de retour au Paradis. Elles tendaient à penser que son silence persistant signifiait qu'il avait eu des ennuis graves. Ça procédait d'une certaine logique, et sans doute que pour tout autre individu, cela aurait été une piste sérieuse à creuser.
Mais les doutes d'Amenadiel se fondaient sur un autre motif qu'il répugnait à expliquer aux deux femmes. C'était en rapport avec la relation particulière existant entre Maze et Lucifer. Une relation qui résistait furieusement à toute tentative de "métaphorisation" avec toutes les chances de les heurter si elles en avaient connaissance... A bien des égards, Maze était la créature de Lucifer. C'était une puissante lilim, sans doute l'une des plus puissantes pour avoir su gagner la place qu'elle occupait précédemment en Enfer.
Pour avoir connu la Lilith originelle, Am voyait très bien où son frère était allé chercher son inspiration pour créer Mazikeen... Il l'avait conçue pour être sa protectrice, son "démon-gardien". Et elle avait suivi cette mission à la lettre, parce qu'il était son maître. Qu'elle soit tout à fait disposée à lui complaire, en plus de le servir, ne changeait rien au fait que Maze n'était pas libre d'échapper à ses devoirs envers lui. Si elle avait pris dernièrement un peu de distance, c'était en réalité uniquement parce que Lucifer le voulait bien et qu'il avait besoin d'un peu de champ pour jouer les policiers transis. Mais qu'il se trouve en situation de grand danger physique et sa démone en serait alertée aussitôt par leur lien de subordination "spirituel". Or Maze avait avoué avec un grand mécontentement qu'elle n'avait rien perçu de la sorte depuis la disparition de son "patron". Il se sentait donc assez confiant dans le fait que Lucifer allait bien, ou suffisamment bien, physiquement parlant en tous cas.
Amenadiel avait beau détester son frère (du moins jusqu'à récemment, il le détestait toujours), il devinait que pendant longtemps, Luci n'avait eu très certainement qu'elle pour survivre en Enfer. Le Premier-Né n'arrivait pas à imaginer la souffrance que cela avait dû être de se retrouver à jamais dans un environnement aussi délétère aussi "contre-nature" pour un ange. En vérité, il avait longtemps refusé de l'imaginer. Mais sa propre expérience sur Terre, quoique sans aucun doute considérablement moins douloureuse, le frappait suffisamment durement dans sa dignité pour qu'un début de sympathie se soit insidieusement glissé dans ses pensées pour son cadet. Après tout, n'étaient-ils pas tous les deux des anges déchus ? Ni l'un ni l'autre n'auraient jamais imaginé qu'une telle chose puisse leur arriver. Lucifer avait toujours manifesté un élan et des envies perturbantes qu'ils appelaient ici "curiosité" comme si c'était la chose la plus banale du monde. S'il ne se réformait pas chacun pouvait deviner qu'il aurait des ennuis. Mais lui ? Le sage fils aîné de Dieu ? Bon soldat, bien obéissant ?
Pour l'avoir éprouvée lui-même, il comprenait intimement la séduction que pouvait exercer Mazikeen sur une âme désespérée et pleine de remords. En trois mots, foutu pour foutu, comme ils disaient ici. Apprenant à la dure quel goût avait l'irrémédiable, Amenadiel ne se voyait pas continuer à porter des jugements vertueux et manichéens à présent qu'il se sentait tombé aussi bas. Mais comment ne pas se sentir affecté de comprendre qu'après seulement quelques mois sur Terre, lui avait déjà perdu tous ses pouvoirs, tandis qu'après des siècles et des siècles en Enfer, Lucifer avait toujours conservé les siens ? Le regard qu'il portait aujourd'hui sur son frère se teintait de plus de respect. Pas pour ses actes passés, ni ses erreurs, mais bien parce qu'il commençait à comprendre qu'à sa place, lui-même ne s'en serait sans doute pas sorti si bien !... Et que quoi qu'en dise négligemment Lucifer, jamais au grand jamais, Amenadiel ne serait capable de diriger l'Enfer.
Sans doute Maze avait-elle eu sa part dans ce qu'était devenu Samael là-bas : une créature effrénée, un hybride sans précédent et sans égal, cumulant des pouvoirs dérangeants et nouveaux dont personne à la Cité d'Argent n'avait la moindre idée. Ni tout à fait encore un ange, ni un démon à proprement parler, il effrayait par sa mixité l'ensemble des créatures célestes (démons compris). Lucifer avait été précipité en Enfer. Une goutte de divinité était tombée dans cet océan toxique, et les vapeurs résultantes avaient engendré une réaction imprévue. A la surprise générale, il n'avait pas été annihilé et dévoré. Abominablement brûlé, marqué au fer, scarifié, il avait perdu la beauté caractéristique qui faisait sa fierté mais qui ne valait rien pour se faire un nom là-bas. L'endroit même avait altéré quelque chose de sa nature profonde pour produire ce "mutant" qu'il appelait le Diable. Samael ruiné, s'était pourtant relevé, s'était battu pour survivre et avait fini par régner sur ce monde infernal… Ça en disait suffisamment long sur qui était vraiment le bonhomme, au fond, derrière ses sourires et son apparente désinvolture.
Ce qui dérangeait Amenadiel, c'est qu'alors qu'il pouvait commencer tout juste à éprouver un minimum de considération pour le Diable et son rôle en tant que régent des Enfers, tout regrettable qu'il fût, son frère relocalisé insistait désormais pour devenir encore autre chose, et se lancer à corps perdu dans une nouvelle aliénation qui le prenait de court : devenir Lucifer Morningstar. Avec un nom, un prénom, une vie professionnelle bien remplie, et ce qui commençait à ressembler vaguement à des amis. Les cinq ans qu'il avait passés sur Terre en "vacances" avaient trompé Amenadiel. Ce n'était pas qu'une escapade boudeuse, vouée à se terminer vite, mais bien la phase préparatoire d'une nouvelle transformation en laquelle il n'avait pas voulu croire, parce que Lucifer n'était lui-même pas totalement lucide à ce sujet. L'idée même de la Cité d'Argent avait clairement perdu toute signification et valeur lorsqu'il en avait été banni, mais il n'en était pas nostalgique, bien au contraire. Chaque nouvelle transgression ou transformation lui semblait digne d'intérêt et il suivait hardiment une route où aucun retour en arrière n'était possible. Pour l'ange noir, c'était une idée horrifique. Pour le Diable, un soulagement.
Quand ils s'étaient retrouvés quelques mois plus tôt, Lucifer parlait encore de la Cité d'Argent comme étant son vrai foyer, refusant de retourner en Enfer. Mais tout était changé aujourd'hui. Ici, il était accepté, disait-il et pouvait être qui il voulait. Ici il avait pris d'autorité et à pleines mains jouisseuses le droit de décider de sa vie. Un droit qui n'appartenait à aucun ange.
Et la petite femme qui était devant Amenadiel était assurément un autre instrument redoutable qui l'encourageait dans cette voie. Dire qu'on faisait tout ce battage autour de Chloé… Mais une blonde pouvait-elle en cacher une autre ? Si l'une représentait le pourquoi, à n'en pas douter l'autre pourvoyait le comment.
(à suivre)