Luca 2

Chapitre 4 : Chapitre 2: préparation d'un nouveau voyage

2409 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/07/2021 14:05

Luca se réveilla avec la chaleur des rayons de soleil et le chant des oiseaux. Alberto était encore en train de dormir à côté de lui dans une position improbable. Bien qu'il se soit endormi sur le côté et la joue contre l'oreiller, on aurait dit, avec son menton relevé, sa bouche ouverte qui avait taché l'oreiller de bave et son bras derrière le dos, qu'il imitait grossièrement un dauphin. Luca sourit puis s'étira, un bras levé vers le ciel, tout en baillant. Il descendit de la cabane pour aller s'habiller quand il sentit une odeur de cornetto (sorte de croissant italien) et de chocolat au lait bien chaud. Elle provenait de la cuisine, dans laquelle Massimo préparait le petit-déjeuner. Luca ne put s'empêcher d'être guidé par ces émanations alléchantes et monta dans la pièce avec Massimo. Ce dernier sifflotait l'air de « Dimmi quando quando » de Tony Renis quand il aperçut Luca. Il ne s'étonna pas qu'Alberto ne soit pas encore réveillé, car il avait l'habitude de devoir le lever pour aller pêcher. Giulia, quant à elle, était partie courir vers le port, il y a une heure, pour « se maintenir en forme ». Massimo proposa le petit-déjeuner à Luca qui accepta en le remerciant poliment. Il trempa dans son bol de chocolat un coin du cornetto tout en contemplant la carte de l'Italie au-dessus du comptoir. Les photographies de poissons ressemblant à des pesconas qui étaient auparavant accrochées autour de la carte avaient été remplacés par des photos de pêche avec Alberto, et les couteaux par des punaises. Massimo s'assit à côté de Luca et croqua à son tour dans un cornetto. Il demanda au collégien : « Dis-moi Luca, as-tu déjà mangé des cornettos à Genova ? ». Luca réfléchit et répondit : « Non, mais Manon, une amie française de la scuola media (du collège), nous a une fois ramené des croissants à l'école. Ce sont des pâtisseries qui ressemblent beaucoup à celles-ci sauf qu'il n'y a pas de confiture à l'intérieur. ». « Mais ce sont mes cornettos qui sont les meilleurs, pas vrai ? » dit Massimo en faisant un clin d'œil que son interlocuteur peina à percevoir sous ses gros sourcils. « Hmm, et bien oui, la confiture remporte la partie. » répondit Luca en haussant les épaules d'un air faussement déçu. « J'en étais sûr ! » rit Massimo. Soudain, Luca se rappela de la promesse qu'il avait faite à ses parents. Il remercia Massimo pour le petit-déjeuner, s'habilla dans la salle de bain et sortit de la maison des Marcovaldo. Dans le jardin, il croisa Alberto qui venait de se réveiller, sa nouvelle boite de crayon de couleurs à la main et lui dit : « Ciao (salut) Alberto ! Tu as bien dormi ? ». Alberto répondit en baillant bruyamment : « Et bien, disons que le lit de Giulia est un peu plus confortable que le bois. » « Ouais, pareil, j'ai mal dormi... ». Les yeux de Luca se posèrent sur les crayons qu'il avait offerts à Alberto : « Tu vas dessiner ? » « Ah, euh oui... Et toi qu'est-ce que tu vas faire ? » « Je vais voir mes parents, je m'en veux un peu de ne pas avoir dormi chez eux hier soir... ». Alberto répondit : « Ok, je comprends... A toute alors ! ».

Luca arriva enfin sur la plage de galets, se déshabilla puis sauta dans l'eau. Son corps se métamorphosa presque instantanément en pescona : des écailles turquoise lui poussèrent sur sa peau devenue imperméable, ses cheveux prirent l'apparence de larges écailles bleu saphir et une longue queue leste se matérialisa sur le bas de son dos. Luca redécouvrit le plaisir de nager dans les eaux fraiches et salées de la mer méditerranée. Il fit un salto arrière, tourbillonna avec un banc d'allaches, ces petits poissons argentés méditerranéens, et slaloma entre les longues algues vertes et brunes presque aussi grandes que des arbustes. Il arriva ainsi joyeusement dans son village. Une voisine, qu'il salua, était en train de ramasser des anémones. Elle ne parut d'abord pas le reconnaître, puis finit par le saluer à son tour en continuant son travail. La plupart des voisins que Luca rencontra ne le reconnaissaient pas aux premiers abords, mais dès qu'il se fut présenté, étaient enchantés de le revoir et de prendre de ses nouvelles. Il croisa aussi Maria, une jeune pescona que ses parents avaient engagé pour garder les poissons à sa place. Elle était un peu plus jeune que lui et quand elle apprit qu'il était le fils de Daniela et Lorenzo Paguro, elle lui posa plein de question sur l'école humaine et la vie terrestre. Luca lui demanda des nouvelles de Giuseppe et des autres poissons qu'il gardait, mais, comme elle continuait de lui poser des questions, il dut mettre fin à cette curiosité insatiable en prétextant que ses parents l'attendaient. Il était tout près de chez ses parents quand il vit M. et Mme Branzino assis sur un petit banc de pierre, en train de nourrir leurs crabes, qu'il salua. Quand ils l'aperçurent, les deux pesconas se renfrognèrent, se levèrent et rentrèrent dans leur maison rocheuse. Luca fut d'abord surpris par cette réaction puis pensa que les Branzino avaient toujours soutenu ses parents lorsqu'il s'agissait de maudire les humains et la vie terrestre. Il se demandait s'ils ne voyaient pas d'un mauvais œil leurs séjours sur Terre. Il arriva enfin chez ses parents. Daniela, Lorenzo et Giunone, sa grand-mère, étaient enchantés de voir Luca. Ils s'installèrent autour de la table familiale et discutèrent un moment. Après avoir parlé de Maria, et d'autres voisins, Luca demanda à ses parents : « Ah d'ailleurs, j'ai croisé les Branzino en venant vous voir, ils ne comprennent pas qu'on puisse aller à la surface, c'est ça ? ». Daniela et Lorenzo se regardèrent tristement. Le père de Luca prit la parole : « Oui, ils trouvent que nous sommes plus qu'imprudents de faire confiance aux humains. Ils nous ont même dits que ta scolarisation était une décision stupide et dangereuse. Mais tu sais, Mme Branzino s'est fait blesser par un harpon il y a quelques années et a failli perdre l'usage de sa main. Je pense qu'il faudra du temps avant de pouvoir leur faire changer d'avis... ». L'image de la cicatrice qu'Alberto avait au bras gauche vint à l'esprit de Luca. Il lui avait raconté qu'il s'était aussi fait harponner par des humains, tout comme Mme Branzino. Daniela ajouta : « Oui et en plus, ils pensent que les humains sont responsables de la disparition des poissons. » « La disparition des poissons ? » s'enquit Luca. « Tu n'es pas au courant ? s'étonna Daniela, beaucoup de poissons disparaissent mystérieusement ces temps-ci. Certains pesconas pensent que c'est de la faute aux humains qui pêchent beaucoup trop, mais nous savons que même les pêcheurs n'arrivent pas à trouver de poissons... Seul Massimo s'en sort à peu près grâce aux conseils d'Alberto. » Luca remarqua qu'en réalité, il n'avait pas beaucoup vu de poissons depuis son arrivée au village. Il trouva cette nouvelle plutôt inquiétante. Il resta avec ses parents toute la matinée et mangea chez eux une salade d'algues avec des huîtres. Ce repas lui rappela son enfance, la période de sa vie où il ne connaissait que Ligune, son petit village, et où il s'occupait paisiblement des poissons, sans réels soucis ni problèmes. Même s'il gardait de bons souvenirs de ces temps qui lui paraissaient très anciens, il ne regrettait pas d'avoir choisi de vivre à la surface. Il avait à présent deux chez lui, mais il ne se sentait réellement à sa place que hors de l'eau. Il essaya d'expliquer ce sentiment à ses parents qui l'écoutèrent et comprirent. Le moment était alors bien choisi pour parler de son potentiel voyage avec Alberto : « Je me demandais aussi, est-ce que vous seriez d'accord si Alberto et moi, on voyageait un petit peu dans les environs ? Giulia viendrait peut-être aussi... On ne partirait pas tout l'été, juste quelques semaines... ». Daniela soupira et dit : « Luca, tu n'as que 14 ans, et même si j'ai confiance en tes amis, vous êtes trop jeunes pour partir seuls... » « Je pourrais les accompagner. » intervint Giunone. « Mais... Maman comment tu comptes faire le voyage ? Ce n'est pas sur votre petite moto rouillée que vous allez pouvoir tenir à quatre. ». « Sur une moto non mais dans une voiture oui ! » objecta la grand-mère. Lorenzo s'étonna : « Tu as une voiture Giunone ? ». « Oui. J'ai eu mon permis l'an dernier. Elle est garée chez mes amies. ». Daniela, choquée par cette révélation, s'exclama : « Mais enfin maman pourquoi tu ne m'as rien dit ? Et quelle utilité tu aurais eu d'une voiture ? » « Ça fait longtemps que je souhaite voir du pays moi aussi et je ne t'ai rien dit parce que j'ai le droit à mes petits secrets voyons... ». Après de nombreuses négociations, les parents Paguro acceptèrent que leur fils voyage avec ses amis et Giunone, à condition qu'ils partent dans une semaine et reviennent avant août. Il fut décidé qu'ils voyageraient sur le littoral sud. Giunone partit donc avec Luca à Porto Rosso afin de prévenir Alberto, Giulia et Massimo.

Ils sortirent du port, ouvrirent la petite porte en bois donnant sur le jardin des Marcovaldo et arrivèrent dans la cuisine. Ils furent surpris d'y voir une jeune fille aux cheveux coupés au carré lisses et noirs en train de discuter avec Giulia. Son visage semblait familier à Luca. Guilia, quand elle vit Giunone et Luca, les salua et dévoila la véritable identité de la jeune fille. Il s'agissait de Maria, la pescona que les Paguro avait engagé pour garder les poissons. Après avoir parlé avec Luca, elle avait décidé de visiter pour la première fois la surface. Ses parents ne s'y étaient pas opposés quand elle leur avait demandé, car ils avaient beaucoup entendu parler de la surface par les parents de Luca et étaient donc rassurés. Ils avaient accompagné leur fille à Porto Rosso ce matin et étaient partis faire un tour en ville pendant que Maria discutait avec Giulia. Cette dernière avait croisé la pescona sur le port avec ses parents en train de sortir de l'eau. Après leur avoir fait une brève présentation de la ville, elle avait proposé à Maria de venir chez elle pour parler de la vie terrestre alors que ses parents avaient décidé de rester en ville. Luca décida enfin de proposer à Giulia son projet de voyage : « Alors qu'est-ce que tu en dis ? ». Giulia répondit : « Je suis désolé Luca, mais je vais être obligé de refuser. Je viens à peine de retrouver Massimo et j'ai envie de réviser pour l'entrée a la scuola superiore (au lycée. - En Italie, d'après mes recherches, le collège ne dure que trois ans. - ) l'an prochain. Per questo (du coup), je vais rester à Porto Rosso ces vacances. Mais ne t'empêche pas d'y aller avec Alberto pour moi hein ? Tu m'enverras una cartolina (une carte postale) ! ». Soudain, ils entendirent des exclamations et des jurons provenant de l'extérieur. Quand ils sortirent de la maison, Massimo était déjà dehors, sur la grande place, et grondait de sa grosse voix : « Qu'est-ce qui se passe ici ? ». Luca reconnut Alberto et ce qu'il pensait être ses nouveaux copains avec de l'autre côté Ercole et sa bande, formés principalement de pêcheurs et fils de pêcheurs, des pancartes à la main. Sur les pancartes était inscrit « On ne veut plus de monstres dans notre ville ! » « Quand les monstres marins partiront, les poissons reviendront ! ». Un pêcheur plutôt âgé prit la parole : « Massimo, depuis que ce mostro (monstre) t'aide pour la pêche, - il désigna Alberto - on ne trouve plus aucun poisson. Nous sommes persuadés que ceux que vous appelez gentiment des « pesconas » ... ». Un autre pêcheur s'écria : « Des pesconati (mot valise formé avec pescona et conati qui veut dire haut-le-cœur, envies de vomir) oui ! ». Le vieux pêcheur poursuivit « ... Sont à l'origine du manque de poissons, qu'ils les cachent, ou que sais-je, exprès pour ruiner nos affaires. Mais on ne se laissera pas faire, on veut retrouver la paix et la prospérité que Porto Rosso avait avant l'arrivée de ces créatures ! On veut qu'ils restent chez eux et qu'ils nous rendent nos poissons !». Alberto protesta : « On n'a rien fait ! Et puis ce ne sont pas vos poissons, les poissons sont à tout le monde ! ». Ercole s'approcha d'Alberto : « Ah c'est vrai ça, les poissons sont à tout le monde, c'est pour ça que quand nous n'aurons plus de poissons pour nourrir nos familles, on finira par vous rôtir avant que ce ne soit vous qui nous mangiez... ». Luca s'interposa entre Alberto et Ercole et Maria lui tint tête : « On ne mange pas d'humain. Ce que vous dites n'a aucun sens ! ». Des hommes avec un uniforme bleu marine, la police de Porto Rosso, arrivèrent enfin et dispersèrent les manifestants. Luca demanda à Alberto si ça allait. Le jeune pescona lui répondit « Oui ne t'inquiète pas, ce ne sont que des menaces après tout... ». Il y avait un fond de doute dans sa voix. Les parents de Maria décidèrent de rentrer avec leur fille en arguant que ce n'était peut-être pas une bonne idée d'être sortis de l'eau. Puis, un des copains d'Alberto demanda s'il voulait continuer la partie. Alberto répondit : « Oui, commencez sans moi, j'arrive ! – il s'adressa à Luca – Tu voulais me dire quelque chose ? ». Luca raconta alors sa discussion avec ses parents à propos de l'organisation de leur voyage. Alberto s'exclama : « Mais c'est super Luca ! On part dans une semaine, c'est ça ? Avec ta grand-mère ? ». Luca dit en lui prenant instinctivement la main : « Oui ! Je suis trop content ! ». Alberto sentit le rouge lui monter aux joues retira avec précipitation sa main de celle de Luca et vérifia si ses nouveaux amis n'avaient rien remarqué. Comme il lui sembla qu'ils étaient tous occupés à jouer, il fut soulagé et répondit au grand sourire de Luca, qui n'avait fait attention à rien : « Ouais moi aussi !... »


Laisser un commentaire ?