Un combat de tous les instants

Chapitre 72 : À l'abordage

2991 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 30/09/2020 22:41

- Tu es vraiment sûr qu’on sera indétectables ? Je te rappelle que les Kraangs ont perfectionné leur technologie de détection depuis qu’on a retourné contre eux leurs propres navettes furtives.

- Je...

Donatello en était sûr. Enfin, quasiment sûr. Le problème étant que sa confiance en lui avait été sérieusement ébranlée depuis l’accident de Michelangelo. S’il arrivait encore malheur à quelqu’un à cause de lui ou de sa négligence, il ne pourrait jamais se le pardonner. En fait, il ne se le pardonnait déjà pas.

Les bras croisés, Léonardo attendait une réponse à sa question, tout comme Marion et April qui l’accompagneraient lors de cette mission. Ils avaient choisi de miser sur les capacités extrasensorielles de l’adolescente plutôt que sur le supplément de force que Donnie aurait pu leur apporter. Quant à Casey, il n’était pas encore parfaitement rétabli, et Marianne avait jugé préférable pour sa santé qu’il reste ici.

- J’ai passé trois jours et trois nuits d’affilés à travailler sur ce système de furtivité, résuma le ninja mauve. Je ne vois pas comment je pourrais l’améliorer davantage, alors j’ai peur qu’il vous faille soit tenter le coup, soit mettre au point une autre stratégie.

Une autre stratégie ? Les trois partenaires échangèrent un regard. Ils n’en avaient prévu aucune. Ils avaient juste l’intention de s’approcher le plus possible du premier technodrome qu’ils croiseraient et de se glisser à bord en profitant de l’effet de surprise. Effet de surprise qu’ils perdraient si leur soucoupe était repérée.

- De toute façon, on sait à quoi on s’expose en abordant un technodrome, rappela April en haussant les épaules d’un air qu’elle voulait désinvolte, mais qui manquait de naturel.

- Et même si Marianne a dit qu’elle avait conscience qu’elle nous demandait beaucoup, elle ne m’a pas proposé de solution alternative, donc j’imagine qu’on n’a pas vraiment le choix, renchérit Marion. Il faut que ça marche, et si ça ne marche pas, il faut qu’on se débrouille pour réussir quand même.

Léonardo s’inclina devant les remarques des deux filles et n’insista pas. Il aurait tout de même préféré que Marianne supervise le travail de Donnie, mais accaparée par son projet secret, elle n’avait même pas daigné y jeter un œil. Elle se contentait d’émettre des exigences, sans lever le petit doigt.

Léo ravalait néanmoins l’acidité des pensées qu’elle lui inspirait, car il comptait sur sa promesse d’étudier le cas de Karai. Aussi hypocrite que cela soit, il ne pouvait pas se permettre de s’attirer les foudres de Marianne.

- Et pour vous, ça va aller ? demanda-t-il plutôt. Avec Casey qui n’est pas au mieux de sa forme, tu penses que vous arriverez quand même à vous en tirer en cas d’attaque ? On ne sait pas combien de temps on va être absent. Il nous faudra peut-être des jours pour dénicher un technodrome, et on risque d’être trop loin pour pouvoir revenir en cas d’urgence.

- Comme l’a si justement dit Marion... On se débrouillera.

Ils n’étaient pas vraiment convaincus, mais personne ne l’était plus depuis longtemps. Le regard de Léo passa une dernière fois de son frère à la navette furtive, puis il fut le premier à monter à bord, Marion dans son sillage, April fermant la marche. S’ils réussissaient, ce serait un pas de plus vers leur retour à New York.

***

- Ne t’inquiète pas, tu ne sentiras presque rien. Et même si c’est douloureux, je m’en moque. On ne peut pas dire que je t’apprécie.

Marianne enfonça une seringue dans le bras de Raphaël, toujours inconscient. Il avait donné des signes encourageants, quelques jours plus tôt, mais il n’était pas encore revenu à lui. Elle l’estimait néanmoins hors de danger, à présent. Malgré ses brûlures, toujours affreuses à contempler, il ne risquait plus d’attraper une infection.

Marianne supposait qu’elle aurait peut-être pu mettre au point un traitement à base de mutagène, afin d’aider la peau à se reconstituer, mais elle devait donner la priorité aux priorités, c’est-à-dire à Michelangelo. Atténuer la laideur des cicatrices de Raphaël n’avait rien d’une urgence, ni même d’une nécessité, d’autant qu’en tant que mutant, ce n’était guère plus rebutant que son apparence initiale.

La seringue se remplit du sang de la tortue, dont elle allait avoir besoin pour terminer son mutafix. Elle pensait avoir stabilisé l’agent transformant du mutagène, mais pour refaire de Mikey une tortue humanoïde, il lui fallait l’ADN d’une créature similaire, or qui correspondait mieux à ce critère que l’un de ses frères ?

Elle s’inquiétait néanmoins pour son cerveau. Enfin, façon de parler, étant donné ce que c’était... Certains mutants conservaient toutes leurs facultés mentales et intellectuelles après une transformation, mais d’autres les perdaient ou les voyaient s’altérer, et Marianne ignorait quel cas correspondrait à celui de Michelangelo lorsqu’elle lui aurait injecté le mutafix.

C’était cela qui la préoccupait. S’il ne redevenait pas le leader – étonnant – qu’il était en dimension X, alors elle aurait accompli tout cela pour rien, en plus de quoi ce serait sa sœur qui devrait se charger de diriger l’assaut final, or elle voyait bien que cette perspective l’angoissait. Elles avaient toutes deux conscience que Marion était faite pour se battre, pas pour commander.

Elle retira l’aiguille du bras de Raphaël et enfonça la seringue dans sa poche tandis des bruits de pas se faisaient entendre, annonçant le retour de Donatello, et par conséquent, le départ de Marion, April et Léo en quête d’un technodrome. Marianne s’empressa de tirer le rideau.

- Un problème avec Raph ? demanda aussitôt le ninja mauve.

- Non. J’étais venue effectuer un calcul sur l’ordinateur et j’ai cru l’entendre gémir.

- Marion dit que ça lui arrive, parfois. Même inconscient, je suppose qu’il doit beaucoup souffrir. Je vais essayer de mettre au point quelque chose qui calmera ses douleurs. Enfin, je ne devrais pas te dire ça à toi... Si tu répètes à Marion que j’envisage de me pencher sur un autre objectif que celui de rendre à Mikey son apparence, elle me tuera probablement.

- Fais donc ça, l’encouragea Marianne. Je ne dirais rien à ma sœur.

Il était surtout sot que Donnie poursuive ses travaux sur le mutafix alors qu’elle touchait au but. Si elle l’avait laissé travailler en parallèle à elle jusqu’à présent, c’était parce qu’elle n’avait pas encore obtenu de résultats concrets, mais puisqu’elle était désormais en bonne voie, il valait mieux que le scientifique se concentre sur un projet différent.

***

- Essaye par là-bas, Léo.

D’un geste de la main, April désigna l’épais nuage de brume qui se trouvait sur leur droite, l’autre étant plaquée sur sa tempe pour l’aider à se concentrer. Elle commençait à se sentir un peu fatiguée, à force de sonder les environs pour tenter de repérer un technodrome, mais elle serrait les dents et continuait. Sans ses facultés pour les aider, ce serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

- Les radars ne détectent toujours rien, marmonna le ninja après avoir jeté un regard sur l’écran situé presque devant lui.

Ils avaient quitté la base depuis deux jours, peut-être même trois. Le temps était si étrange, en dimension X, qu’ils ne pouvaient que se livrer à des estimations hasardeuses, d’autant qu’il n’y avait ni lever ni coucher de soleil pour leur donner un indice.

Soudain, le radar bipa, et les deux adolescentes se rapprochèrent du fauteuil de pilotage de Léo. Une demi-douzaine de points venait d’apparaître sur leur écran. À en croire leurs caractéristiques, il s’agissait également de navettes furtives.

- C’est sans doute une patrouille. Je la neutralise ou on continue ?

- Continue, conseilla Marion.

Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle aurait volontiers choisi l’option bagarre, mais avec un peu de chance, les Kraangs ignoraient qu’une partie d’entre eux avait quitté le laboratoire. S’ils les attaquaient et que les cerveaux parvenaient à donner l’alerte avant d’être vaincus, leurs semblables sauraient que les défenses du quartier général adverse étaient réduites.

Léo, en dépit du camouflage, fit une large boucle pour contourner l’escadron, qui ne parut pas les remarquer, et décéléra un peu une fois qu’ils furent à une distance sécuritaire. April s’assit sur le sol de la navette. Elle transpirait sous l’effet des efforts psychiques qu’elle fournissait et savoura le contact frais du métal.

Ils continuèrent à voler durant un long moment, sans détecter le moindre kraang. April avait peur que sa fatigue ne lui joue des tours et trouble ses perceptions, jusqu’à ce qu’elle se redresse brusquement. Comme Léo fit une embardée au même moment pour éviter la crête saillante d’une plateforme, elle perdit l’équilibre et Marion la retint par le bras, sans maîtriser sa force. April grimaça. Heureusement, son amie ne lui avait pas cassé l’os, mais ce n’était pas passé loin.

- Cette fois, je pense que c’est la bonne ! Vire à gauche, Léo !

Le ninja s’exécuta, et la navette changea de cap. Tous trois se penchèrent par-dessus le tableau de commandes, comme si cela allait faire apparaître plus vite le technodrome qu’ils cherchaient. Ils retinrent leur souffle au moment où il émergea de la brume d’un rose violacé pour pénétrer dans leur champ de vision, aussi immense que dans leurs souvenirs.

- Donnie, c’est le moment de nous prouver que tu vaux encore quelque chose en tant que scientifique, marmonna Léo.

Son frère n’avait plus vraiment eu l’occasion de briller depuis que Marianne avait intégré bon et surtout mal gré la bande, et ses erreurs récentes ne plaidaient pas en sa faveur, néanmoins il tenait l’occasion de se racheter – en partie. Prudemment, Léo s’approcha du technodrome et se plaça à moins d’un mètre de sa coque, en se calquant sur sa vitesse.

Avec le laser du vaisseau, il découpa une ouverture oblongue sur le flanc du gigantesque appareil, assez large pour permettre au leur de s’engouffrer à l’intérieur. Au moment où un pan de métal se détachait de la coque, l’alarme retentit. Les Kraangs n’avaient pas détecté leur soucoupe, mais leurs systèmes d’alerte n’avaient pu ignorer l’agression que la carcasse sphérique était en train de subir.

- Marion ? lança Léo.

- Parée. Tu peux ouvrir la trappe.

Il pressa un bouton et Marion n’attendit pas que le panneau se soit totalement abaissé pour sauter dans le long corridor où ils venaient de pénétrer. Elle dégaina son épée au moment où huit androïdes arrivaient au pas de course. Elle se rua sur eux en zig zag, afin d’éviter leurs tirs en rafale, et les neutralisa en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire.

La soucoupe, moins manœuvrable dans ce passage où elle frôlait les parois latérales, progressa dans son sillage. Une fois que Léo s’estima assez loin du trou qu’ils avaient percé dans le technodrome, il rejoignit Marion. Seule April resterait à bord, au cas où leur mission échoue et qu’ils doivent repartir en catastrophe.

Le succès fut cependant au rendez-vous. Avoir préservé l’effet de surprise jusqu’au bout leur avait offert un avantage non négligeable. Les Kraangs étaient désorganisés, et Marion et Léo purent les neutraliser les uns après les autres, en s’autorisant même le luxe de conserver le plus de robots intacts possible. Le résultat se révéla bien supérieur à leurs espérances.

- Euh... Léo ? lâcha Marion, une fois la zone sécurisée.

- Oui ?

- Les Kraangs ont sans doute eu le temps de transmettre l’alerte, n’est-ce pas ?

- Sans doute.

C’était même sûr. Bien qu’ils aient été éliminés les uns à la suite des autres, le délai avait été suffisant pour permettre à quelques cerveaux d’envoyer un message à leur semblable.

- Tu t’inquiètes pour le labo ? demanda le ninja.

- Et surtout pour nous. Le technodrome n’est pas équipé d’une technologie furtive, lui. On a passé inaperçu jusqu’ici, mais le retour va s’annoncer beaucoup plus compliqué, et on aura l’air fin, après avoir pris ce machin les doigts dans le nez, si on se fait abattre en chemin.

Léo soupira et Marion se pinça l’arête du nez. Quelle idiote elle faisait ! C’était elle la chef d’équipe, et elle n’avait même pas songé à cela. Dire qu’elle trouvait la victoire trop facile... Heureusement qu’ils ne l’avaient pas criée trop vite.

***

Donatello ouvrit précautionneusement la bouche de Raphaël et y déversa un liquide de sa fabrication, avant d’étaler un nouvel onguent sur ses plaies. Il s’était inspiré de la recette de Marianne, tout en s’efforçant de l’améliorer. Le travail qu’elle avait fourni était excellent, mais sommaire. Après avoir mis au point des soins d’urgence, elle ne s’était pas repenchée dessus.

La mâchoire du ninja rouge se contracta un peu lorsque Donnie passa sur ses blessures les plus graves, et il devina qu’il serrait les dents pour ne pas glapir. Même inconscient, Raph restait Raph, orgueilleux au possible, bien que la douleur l’emporte parfois sur sa ténacité.

Une minute... Était-il si inconscient que cela ? Ses paupières ne venaient-elles pas de remuer ? Donnie s’empressa d’appliquer l’onguent sur les zones qu’il n’avait pas encore recouvertes, puis recula afin d’avoir une meilleure vue sur son frère. Ses lèvres remuaient faiblement.

- M... M...

- Marion ? Elle...

Donnie secoua la tête. Évidemment, il fallait que Raph revienne à lui au moment où elle était absente. Il avait reçu un message de Léo trois jours auparavant pour l’avertir qu’ils avaient pris possession d’un technodrome, mais depuis, il était sans nouvelles. Il espérait qu’ils n’avaient pas eu d’ennuis.

- Elle est en mission. Elle devrait bientôt rentrer.

Devrait. Le conditionnel était devenu systématique. Comme le futur simple lui manquait, dans tous les sens du terme !

Donatello alla chercher un peu d’eau – plus exactement, un liquide translucide kraang filtré pour éliminer sa toxicité – et humidifia le front de son frère, qui s’agitait désormais. Était-ce son remède qui faisait déjà effet ? Avait-il pu si vite endormir les maux de Raph pour lui permettre d’émerger du coma protecteur dans lequel il s’était laissé sombrer ?

Pourquoi pas, après tout ? Donnie s’était rangé de si bonne grâce dans l’ombre de Marianne qu’il en oubliait presque, par moments, qu’il était lui aussi un scientifique et un inventeur ingénieux. Pas à son niveau, certes, mais ses compétences avaient tout de même toujours été honorables.

Il songea à Marion. Son intervention auprès de Raphaël suffirait-elle à lui permettre de se racheter à ses yeux ? Non, elle ne devait rien savoir. N’était-ce pas ce qu’il avait demandé à Marianne ? Mettre en avant le fait d’avoir sauvé Raph au lieu de travailler sur la remutation de Mikey équivaudrait presque à lui demander de choisir entre l’un et l’autre, or un tel cas de figure risquerait de l’agacer plus que de la rendre reconnaissante. Il valait encore mieux qu’elle pense que le ninja rouge s’était régénéré de lui-même.

Un soubresaut plus intense que les précédents secoua Raph, bientôt suivi par d’autres, dont la violence allait crescendo. Donnie bondit sur ses jambes, craignant que son frère ne fasse une crise d’épilepsie. Quel idiot ! Il se voyait déjà réussir, mais s’il n’avait fait qu’empirer les choses ? Il n’était bon qu’à cela, actuellement.

Enfin non, pas tout à fait, puisque son système de camouflage avait permis à ses amis d’atteindre le technodrome en toute sécurité, mais il s’égarait. Ce qui comptait, pour l’instant, c’était Raph, et il se mit à paniquer. Devait-il appeler Marianne à l’aide, une fois de plus ?

Il était sur le point de s’y résoudre, craignant la nouvelle catastrophe qu’il était peut-être en train de causer – et qui signerait irrémédiablement son arrêt de mort de la main de Marion – quand Raphaël ouvrit son œil valide et se redressa brusquement, manquant de lui asséner un coup de tête au passage.

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