Un combat de tous les instants

Chapitre 68 : Aux portes de la mort

2806 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/08/2020 21:54

- Et de deux ! s’exclama Casey après avoir vu les lumières du second canon s’éteindre en même temps que s’effondraient les droïdes kraangs alentour.

- Cap sur le dernier, tiens-toi prêt !

La navette furtive accéléra, survolant l’armée extraterrestre qui se dirigeait vers leur base. Elle était encore plus impressionnante que la description faite par Léo et April, mais Raph était confiant. Ils avaient déjà vu pire. D’un autre côté, toutes les fois où ils avaient vu pire, cela s’était soldé par une défaite et une fuite in extremis...

- Cible en vue ! annonça Raph.

Casey se munit du troisième pulsateur d’ondes. Il avait tellement bien visé, jusqu’ici, qu’il aurait même le droit à l’erreur, mais il n’avait pas l’intention d’en profiter. Il s’arma de sa batte de baseball, prêt à lancer le projectile.

- Euh... Raph ? C’est normal que ce machin brille autant ?

- Non. À mon avis, ils accumulent de la puissance pour nous tirer dessus.

- On tente le coup ou on décroche ?

Raphaël hésita. Son instinct lui hurlait de foncer tête baissée, comme toujours, mais sa raison lui soufflait que c’était une mauvaise idée. Une pensée pour Mikey, pour Splinter, et même pour cette sale peste de Karai le convainquirent de ne pas tenter le diable. Il bifurqua.

Le laser suivit néanmoins leur trajectoire, attiré par le vaisseau comme un aimant le serait par du métal. Le temps que Raph trouve une solution, il était déjà trop tard. L’énergie fut libérée, et la soucoupe explosa en vol.

***

Marion cessa de respirer et Léonardo arracha son communicateur au moment où la déflagration retentit. Depuis la plateforme sur laquelle ils se tenaient avec les androïdes, ils virent la fumée d’un noir violacé s’élever dans le ciel de la dimension X. Le vaisseau furtif, ou plutôt ce qu’il en restait, plongea en piqué.

- Viens vite, ordonna Léo dès qu’il se fut ressaisi. Ils sont peut-être encore en vie.

Comme Marion ne bougeait pas, il dut l’agripper par le poignet et l’entraîner derrière lui, tout en intimant aux robots de les suivre et d’éliminer tous les Kraangs qu’ils trouveraient sur leur route.

Grâce à l’étrange gravité de la dimension X, ils rejoignirent en quelques bonds la vaste surface où s’était immobilisée l’armada. Avec la brume épaisse dégagée par l’explosion, ils repérèrent facilement, au milieu de cette marée ennemie, l’endroit où leurs amis s’étaient crashés.

Léonardo dégaina ses ninjatos, Marion se munit de son épée et, ensemble, les androïdes dans leur sillage, ils commencèrent à pourfendre la technologie kraang afin de se frayer un chemin parmi eux.

- Léo ? fit Marion en dissimulant au mieux le tremblement de sa voix, tandis qu’elle tranchait simultanément les jambes de quatre exosquelettes. Même s’ils ne sont pas... Ils seront forcément blessés. Comment on va les ramener ?

Le ninja bleu ne répondit pas. Il lança deux shurikens en direction des nano-vaisseaux qui fondaient sur lui, puis abattit un biotroïd en enfonçant l’un de ses sabres dans ce qui lui servait de poitrine.

Comment ramener Casey et Raph ? Il n’en avait aucune idée. Les rejoindre semblait possible, malgré le mur compact d’adversaires, mais comment revenir en les portant tous les deux ? Ils ne pourraient pas à la fois soutenir leurs amis et repousser les Kraangs. Quant à tous les détruire, à deux seulement, c’était inenvisageable.

- Labo ? Ici l’équipe plateforme, finit-il par lancer dans son communicateur, qu’il avait remis en place. On a besoin de renforts tout de suite pour une évacuation immédiate. Raph et Casey sont très certainement blessés, voire... pire.

- Et l’armada ? répondit Donnie avec autant de neutralité que possible, malgré un léger trémolo.

- On avisera. Pour le moment, on est deux contre une marée de Kraangs. Il faut que vous récupériez les gars.

- On arrive.

Cela impliquait de priver temporairement le laboratoire de toute sécurité, mais Léonardo fut soulagé d’entendre que Donnie n’avait pas hésité une seconde. Il leva le pouce à l’intention de Marion, qui venait de s’emparer de deux cristaux explosifs passés à sa ceinture. Chacun d’eux pulvérisa une demi-douzaine de Kraangs. Douze en tout, sur les centaines qui les entouraient.

***

- April peut rester ici, annonça Donnie. Et tu as une partie des androïdes. Même si le labo est attaqué, il tiendra jusqu’à mon retour avec la navette furtive.

Marianne acquiesça, sans conviction. Étant donné la tournure que venait de prendre la situation, elle était plus que sceptique. Les choses se déroulaient beaucoup trop mal pour que de simples paroles suffisent à la rassurer. Seules des garanties concrètes auraient pu y parvenir.

Donatello quitta le laboratoire, laissant la jeune femme seule avec April, qui caressait machinalement la tête écailleuse de Michelangelo en s’efforçant de retenir ses larmes. L’aurait-elle senti si Casey et Raph n’étaient plus de ce monde ? Si le tir des Kraangs leur avait été fatal ?

- Tu devrais aller en salle informatique, conseilla Marianne, et April mit quelques secondes à comprendre qu’elle s’adressait à elle. Pour surveiller les écrans.

Elle s’exécuta aussitôt. Garder les yeux rivés sur les moniteurs n’étaient pas la tâche la plus passionnante qui soit, mais si elle se concentrait suffisamment, elle parviendrait peut-être à cesser de songer au pire.

À peine eut-elle pris place sur le siège qu’un voyant rouge s’alluma sur le moniteur. Donatello n’avait pas encore décollé lorsqu’elle le joignit sur son communicateur. Affolée, elle voulut l’avertir du danger, mais il la devança :

- Six navettes furtives. Les Kraangs ont dû perfectionner leur système de camouflage pour approcher autant sans être détecter par nos radars, et...

Un grésillement désagréable s’éleva sur la ligne. April baissa le volume au minimum, tandis que Donnie concluait :

- Et ils viennent de commencer à tirer sur le bouclier. Combien de dégâts ?

April pianota sur quelques boutons de l’interface et ouvrit un diagramme qui indiquait l’état de leur protection. La barre était déjà entamée.

- Trois pour cents... Non, quatre. Donnie, qu’est-ce qu’on fait ? Ils sont six, tu es tout seul, tu ne peux pas les viser de l’intérieur tant que le champ de force fonctionne, mais si je le désactive, ils...

- Ils vont s’engouffrer à l’intérieur et concentrer leurs forces sur le laboratoire, trop vite pour que je puisse les abattre. Le problème, c’est que si on attend, ça se produira de toute façon. On ne peut bénéficier d’aucun secours extérieur, et Raph et Casey...

- Et les Foot-bots ?

- Inutiles. Ils ne pourraient rien contre des vaisseaux. Et je ne dis pas ça pour les garder sous le coude.

Marianne se tenait dans l’encadrement de la porte, les bras croisés. C’était elle qui venait de s’exprimer. Elle avait rejoint April pour voir ce qui se passait dès qu’elle avait entendu le signal d’alerte qui avait accompagné l’apparition des voyants lumineux.

- Tu... Il n’y a pas quelque chose que tu pourrais fabriquer pour nous sortir de ce pétrin ? s’emporta April sous l’effet du désespoir. Tu es un génie, non ? Alors trouve une idée !

- Je réfléchis, mais ça m’aiderait si tu arrêtais de me tempêter dessus. Je suis un génie scientifique, pas celui qui sort d’une lampe pour exaucer les souhaits les plus farfelus. Pour le moment, la seule option que je vois serait de désactiver le bouclier, mais les Kraangs sont trop près. Botticelli n’aura pas le temps de quitter l’enceinte avant qu’ils s’y engouffrent, et s’il s’en rapprochait au préalable, ils devineraient ses intentions.

- Et si on le faisait quand même ? Ils causeront des dégâts, mais c’est ce qu’ils feront tôt ou tard, alors...

Marianne secoua la tête. Il y avait probablement un autre moyen, et elle allait le trouver. Elle trouvait toujours. Elle se mit à faire les cent pas, afin de mieux se concentrer, tandis qu’April ramenait son attention sur le diagramme.

- On vient de passer en dessous des quatre-vingts pour cent.

- Quatre-vingts... Mais oui, c’est ça ! Pousse-toi !

L’adolescente n’eut même pas le temps d’esquisser un geste que Marianne la projetait au sol pour s’emparer de sa chaise. Elle n’attendit pas d’être complètement assise pour se mettre à pianoter sur le clavier, sous le regard attentif de Mikey, qu’April avait installé à côté du tableau de commandes.

- À quoi est-ce que tu as pensé ? interrogea cette dernière.

Elle avait mal aux fesses et la façon dont Marianne l’avait violemment écartée lui inspirait de la fureur, mais elle était prête à fermer les yeux si cela leur permettait de se sortir de cette impasse. La jeune femme ne la renseigna pas immédiatement, trop occupée à rentrer des lignes de code complexe dans le logiciel de sécurité.

- Botticelli, tu me reçois ?

- Cinq sur cinq.

- Je vais sacrifier cinquante pour cent de l’énergie du bouclier pour en créer un second. Il va falloir que tu te places à mi-chemin entre le labo et l’extrémité de la plateforme pour être hors de son enceinte. Dès qu’il sera opérationnel, je neutraliserai le champ de force actuel, et tu devras détruire les navettes avant que le second cède, ce qui ne sera qu’une question de minutes.

- Euh... D’accord. Autre chose ?

- Mets-toi en position.

Donatello n’ayant pas enclenché le mode furtif de sa soucoupe, April put suivre sa progression sur l’un des écrans. Marianne tapait si vite que le mouvement de ses doigts était presque impossible à distinguer à l’œil nu.

- En place ?

- Placé.

- D’accord. J’active le second champ de force, et je désactive le bouclier principal... maintenant !

***

- Qu’est-ce qu’ils fabriquent, bon sang ? fulmina Marion.

Elle acheva de vider la batterie du pistolet kraang qu’elle avait ramassé sur un exosquelette et à l’aide duquel elle avait abattu à distance plusieurs adversaires. Cela n’avait pas suffi à clairsemer leurs rangs, mais avait permis aux deux alliés de se rapprocher considérablement de la navette fumante.

- Ici l’équipe plateforme, lança Léo. Donnie, April, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

- Léo, ici April. On est encerclé. Six navettes furtives se sont approchées sans être détectées. Marianne a trouvé une solution, mais Donnie n’a réussi à en abattre que deux, pour le moment, et le bouclier ne possède plus que vingt-huit pour cent de...

Léonardo coupa le son. Non pas qu’il ne se préoccupe pas du sort du laboratoire, mais parce que tout, absolument tout, jouait contre eux. La situation était bien trop dramatique pour qu’il souhaite en entendre davantage.

- Objectif en vue ! s’écria Marion.

En quelques coups d’épée, elle neutralisa les Kraangs qui lui barraient encore la route et fondit sur la navette, entourée par bon nombre d’exosquelettes inconscients. En voyant une main sanguinolente crispée sur un pulsateur d’ondes, elle comprit que Casey, puisant dans les forces qu’il avait réussi à sauvegarder, les avait enclenchés pour empêcher les extraterrestres d’approcher.

- Les gars, c’est moi, Marion. Vous êtes... Vous êtes vivants ?

Un mouvement à peine perceptible des doigts de Casey lui permit de conclure que oui. En revanche, elle n’obtint aucune réponse de la part de Raphaël, et l’adolescent n’était pas en mesure de la renseigner à son sujet.

Comme la carcasse du vaisseau crépitait et que des étincelles s’en échappaient, Marion allait devoir agir vite, de crainte qu’une nouvelle explosion se produise. La force surhumaine de son bras droit ne se serait jamais révélée aussi précieuse qu’en cet instant.

- Léo, couvre-moi ! ordonna-t-elle au ninja bleu qui l’avait rattrapée.

- Marion, il y a un problème à la base, indiqua-t-il en se positionnant dans son dos. Donnie avait raison, cette armada n’est qu’une diversion, et il...

- N’en dis pas plus.

Tout comme son partenaire, elle ne voulait pas écouter. Ils étaient mal, oui, mais elle préférait ne pas savoir à quel point, sans quoi le désespoir risquait de la submerger. À la place, elle retroussa ses manches pendant que Léo tenait les Kraangs à distance, et souleva un morceau de soucoupe trois fois plus gros qu’elle, dégageant Casey.

Une désagréable odeur de chair brûlée lui assaillit les narines. Les blessures infligées par Moka, le poussin mutant cracheur de feu, dans la forêt de North Hampton, n’étaient rien comparées à celles dont l’adolescent souffrait. Ses vêtements calcinés laissaient entrevoir les cloques rougeâtres de son épiderme.

- Mmm..., gémit-il faiblement quand Marion le tira avec toute la délicatesse dont elle était capable.

- Ça va aller, assura-t-elle, bien qu’elle ait autant besoin de s’en convaincre elle-même. Donnie va arriver. Il faut qu’il arrive.

Un regard par-dessus son épaule lui indiqua que Léonardo résistait, mais combien de temps tiendrait-il seul face à cette marée ennemie ? Elle chercha des yeux un pulsateur d’ondes fonctionnel, mais comme elle le craignait, Casey les avait tous utilisés. La tortue allait devoir résister le temps qu’il faudrait.

Marion s’étendit à plat ventre sur le sol et s’enfonça dans la carcasse, où il régnait une chaleur étouffante. Au moins, elle n’avait pas à souffrir de l’atmosphère polluée par la fumée, puisqu’ils portaient tous, en permanence, un minuscule filtre à oxygène au niveau du nez, fabriqué par les soins de Marianne.

Si Casey était dans un état grave, ce n’était rien à côté de Raphaël. Les membres du mutant n’étaient plus que des excroissances sanguinolentes, sa carapace était roussie et son visage était méconnaissable, à cause des brûlures dont il souffrait au niveau du crâne et de la joue droite. Son œil, s’il n’était pas déjà perdu, le serait bientôt.

Marion se demanda par quel miracle il respirait encore. D’un coup de poing, elle fit voler en éclats la partie du poste de pilotage qui s’était effondrée sur lui et le libéra. Contrairement à Casey, il ne réagit même pas lorsqu’elle le sortit du vaisseau. Il était inconscient, ce qui valait sûrement mieux pour lui.

Elle étendit les deux victimes côte à côte et les observa encore un bref instant, le cœur serré et l’estomac noué, avant de reprendre sa rapière en main. Elle avait fait tout ce qu’elle pouvait. À présent, il ne lui restait plus qu’à résister avec Léo jusqu’à ce que la navette furtive de Donatello apparaisse enfin dans le ciel rosâtre de la dimension X.

- Ça va aller, répéta-t-elle, plus pour elle que pour ses amis. Ça va aller.

- Marion ? fit Léonardo.

- Oui ?

- Ça ne va pas. Du tout.

Elle pivota sur elle-même, au ralenti, car elle n’était pas certaine de vouloir découvrir ce qui avait valu au ninja bleu de telles paroles. Elle eut l’impression de sentir l’air geler à l’intérieur de ses poumons lorsqu’elle porta son regard dans la même direction que lui, sur l’objet de ses angoisses.

Les Kraangs s’étaient scindés en deux groupes, ouvrant un passage large d’environ trois mètres. Un passage au milieu duquel d’autres exosquelettes avançaient, encadrant le canon que Casey et Raph n’avaient pas réussi à détruire, et qui s’apprêtaient à leur faire subir un sort identique.

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