Un combat de tous les instants

Chapitre 25 : Territoire hostile

3279 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:39

La dimension X était exactement telle que Mikey en avait gardé le souvenir. L'atmosphère était constituée d'une brume rosâtre et toxique, qui ne les empoisonnait pas grâce à leur filtre à oxygène. Il n'y avait pas de sol, pas de terre ferme, seulement des plates formes, et entre elles, le vide.

Les quatre tortues et les quatre humains se trouvaient sur l'une d'entre elle. Elle était petite, leur offrant tout juste assez d'espace pour eux huit, car des protubérances aux formes alambiquées, issues d'un matériau inconnu, en occupait une bonne partie.

- Alors c'est ça, l'univers kraang... murmura Marion.

Michelangelo avait beau lui avoir narré cette exploit dans ce monde une bonne centaine de fois, cela ne changeait rien à sa surprise. Il y avait une différence très nette entre le fait d'en entendre parler et celui de le voir de ses propres yeux. Elle était partagée entre l'admiration et l'appréhension.

- Cet endroit est immense. Comment allons-nous trouver Marianne ?

- Tu devrais plutôt dire comment allons-nous trouver Marianne et sortir d'ici vivants, rectifia Donatello. Il y a mille et une façons de se faire tuer dans cette dimension.

- Trop cool, non ? s'exclama Mikey. C'est comme dans un jeu vidéo, et il faut atteindre le boss de fin.

- Et comment allons-nous l'atteindre, ce boss de fin ? interrogea Karai avec son dédain naturel.

- Oh, ça, c'est facile. Il suffit de prendre un taxi.

La bouche du ninja orange se tordit étrangement pour lui permettre de pousser un cri tout aussi saugrenu. Durant quelques secondes, rien ne se produisit. Alors qu'ils s'apprêtaient tous à fusiller la tortue d'un regard désabusé, une forme se découpa à l'horizon. Casey pâlit, l'identifiant.

- C'est un... Un...

- Un kraathatrogon, ouais !

L'adolescent manqua de tourner de l'œil. Il n'avait pas oublié le petit séjour qu'il avait fait dans l'estomac de l'un de ces vers géants, que les extraterrestres avaient l'habitude de traire pour obtenir le composant de base à leur mutagène.

- À trois, on saute ! s'écria Mikey.

- Là-dessus ?

Même Marion n'était pas rassurée, pourtant elle était généralement la seule à lui faire confiance. Casey jetait des regards de tous les côtés, chercher une échappatoire, mais hélas pour lui, il n'y en avait aucune.

- Un. Deux. Trois !

Le benjamin des tortues prit son élan et atterrit sur le dos mou de la gigantesque créature. April et Marion s'encouragèrent mutuellement, puis bondirent à leur tour. Léo, Karai et Donnie les rejoignirent ensuite. Quant à Casey, il fut chargé sans ménagement par Raph sur son épaule, pour le contraindre à les suivre.

- Et maintenant, où allons-nous ? interrogea Léonardo.

- Euh... Marion, si tu étais ta sœur et que tu devais te cacher dans une dimension remplie de trucs bizarres et de cerveaux à tentacules hostiles, où est-ce que tu te cacherais ?

- À sa place, j'essaierais de trouver une sortie par tous les moyens, mais connaissant Marianne, je dirais qu'elle tente de rassembler des informations.

- Puisqu'elle t'a envoyé un message, elle doit avoir accès à la technologie des Kraangs, indiqua Donnie. Sauf qu'elle est certainement toute seule et que je l'imagine mal prendre le contrôle d'un labo extraterrestre ou d'un technodrome.

- Attendez... interrompit soudain April, ses mains plaquées sur ses tempes. Je crois que je sens quelque chose.

- N'oublie pas que tous les habitants de New-York sont quelque part ici. Si tu nous attires jusqu'à eux, les Kraangs nous attraperont.

- Non, je suis sûre que c'est Marianne. Je la sens, elle a une aura familière, à cause de celle de Marion que je commence à connaître. Par là !

Elle désigna un attroupement de plateformes qui semblait être situé à des kilomètres d'eux, même si les distances étaient totalement faussées dans cet univers. Mikey, qui contrôlait le kraathatrogon à l'aide de son kusarigama qu'il avait placé dans sa gueule, le força à changer de cap.

Ils semblaient avancer terriblement lentement, comme si les secondes devenaient des heures et les minutes des jours. Enfin, alors qu'ils commençaient pour la plupart à trépigner d'impatience, ils approchèrent du premier îlot flottant. Ils abandonnèrent le ver géant pour regagner le sol.

- Tchao, bon vent ! lui lança Michelangelo pendant que la créature, libérée de ses passagers, poursuivaient sa route.

L'endroit était plus ou moins identique à celui où ils s'étaient matérialisés en pénétrant dans la dimension X. Il ne comportait aucune installation, seulement des végétaux étranges, pareils à des cristaux. Mikey les observa, des étoiles dans les yeux.

- Mes bombes à sifflement !

Il entreprit de faire le plein de munition quand un bruit les fit sursauter. Deux vaisseaux furtifs volaient dans leur direction. Ils s'empressèrent de se mettre à couvert, mais les Kraangs étaient visiblement au courant de la présence d'intrus, car ils entreprirent de sonder les environs.

- Il faut qu'on se sépare, chuchota Mikey.

- Quoi ? Hors de question ! protesta Léo.

- Nous sommes les ennemis jurés des Kraangs, c'est après nous qu'ils en ont. S'ils nous découvrent, ils se concentreront sur nous. Marion, April, Casey et Karai pourront filer de leur côté pour retrouver Marianne.

- Oh là, une minute ! intervint à son tour Raphaël. Tu veux laisser Karai avec eux ?

- Je ne mords plus, rappela cette dernière.

- Si tu fais référence à ta mutation, tu mordais déjà avant. Et pour moi, tu restes une vipère.

Ils échangèrent un regard meurtrier, pendant que les autres considéraient la proposition de Michelangelo. Donatello n'avait aucune envie d'être séparé d'April, surtout dans ce monde hostile, mais même si cela lui coutait de l'admettre, son petit-frère était le cerveau, ici. Dans la dimension X, ses idées, même les plus saugrenues, se révélaient toujours bonnes.

- Aussi étonnant que ça puisse paraître, je suis assez d'accord avec lui, indiqua le scientifique.

Raphaël et Léonardo paraissaient toujours aussi sceptiques, chacun pour des motifs différents, mais les quatre humains approuvèrent également sa proposition, ce qui les contraignit à capituler.

Mikey ramassa sur le sol des insectes repoussants, qu'il remit à chacun d'eux en affirmant que leur langue gluante faisait office de grappin. Casey fut secoué d'un petit rire, Marion et April s'en saisirent avec réticence et Karai prit le sien sans ciller.

- Éloignez-vous, à présent, conseilla le ninja orange. On va gérer la situation d'une main de tortue.

Accroupis derrière l'arbre étrange qui les dissimulait aux vaisseaux furtifs, le petit groupe se leva prudemment et entreprit de se diriger vers une autre cachette, située un peu plus loin. Marion allait emboîter le pas à Casey quand Raphaël la retint par le coude. L'air grave, il déclara à voix basse :

- Ne fais pas confiance à Karai. Jamais. Si tu as le moindre doute ou si elle vous menace... Pousse-la dans le vide.

- Si je fais ça, Léo me tuera, répondit-elle avec un sourire.

- Dans ce cas, je le tuerai aussi.

L'adolescente afficha une légère surprise et la tortue s'empressa de la relâcher, visiblement gêné par ses propres paroles. Marion rejoignit précipitamment son groupe, juste à temps, car Mikey lançait déjà l'assaut.

- Booyakasha !

Il jeta trois cristaux en direction de la soucoupe la plus proche, pendant que Donnie se mettait à siffler. Moins d'une minute plus tard, l'appareil extraterrestre explosait avec des Kraangs à son bord.

- Par ici ! s'exclama April, au moment où Léonardo sautait sur le second vaisseau.

Ils se déplaçaient à quatre pattes, au ras du sol, car des tirs fusaient dans tous les sens. La rouquine les conduisit jusqu'à l'extrémité de la plateforme, où elle en désigna une autre, plus grande, en contrebas.

- Est-ce que tu sens quelque chose ? lui demanda Casey.

- Non, mais il faut qu'on s'éloigne d'ici avant que...

Un tir atteignit un tapis de cristaux, non loin d'eux, qui produisit une puissante déflagration. Sans hésiter une seule seconde, ils sautèrent avant d'être soufflés par une telle puissance. À cause de l'atmosphère étrange de cette dimension, leur vitesse demeura raisonnable au cours de leur chute et ils purent se réceptionner sans trop de mal.

Ils avaient beau ne pas être loin de l'affrontement qui faisait rage entre les tortues et le dernier vaisseau encore entier, le son du combat ne leur parvenait pas. Ils n'entendaient que le silence.

- Avançons, proposa April. Je repérerai peut-être à nouveau la trace de Marianne. Marion, donne-moi la main. Si tu me transmets tes ondes, ça sera peut-être plus simple.

L'adolescente s'exécuta et ils reprirent leur progression dans le territoire hostile de la dimension X. Casey et Karai ouvraient la voie, côte à côte, pendant que la rouquine essayait de détecter la disparue. Pendant plusieurs minutes, elle n'obtint aucun résultat. Enfin, alors qu'elle commençait à désespérer, elle sentit quelque chose.

- Elle se trouve en hauteur !

Aussitôt, les trois autres s'immobilisèrent pour lever les yeux. Il n'y avait pas de ciel, dans l'univers kraang, seulement leur étrange atmosphère rosâtre. De nombreuses autres plateformes les surplombaient, certaines très petites, d'autres gigantesques. Marion grinça des dents.

- Il y a peu de chance pour qu'on ne tombe sur aucun robot, là-haut.

- Casey Jones les défoncera, ma poule ! s'exclama l'intéressé.

- Commence par apprendre à cogner en silence, lâcha Karai avec son cynisme habituel. La discrétion est le principal atout d'un ninja. Toi, le babouin, je sais très bien que tu n'en es pas un, mais toi, April, tu es censé être une apprentie kunoichi. Splinter ne t'a donc pas enseigné ce précepte ?

Casey se renfrogna et l'adolescente n'osa pas répondre. Quant à Marion, elle se contenta de fixer l'ex-membre du clan des Foots avec suspicion. Les mises en garde de Raphaël étaient encore bien présentes dans son esprit et elle escomptait bien garder les yeux ouverts.

- Vous avez tous vos insectes grappins ? demanda-t-elle d'une voix plus dure qu'elle ne l'aurait voulu.

Ils acquiescèrent et se saisirent des créatures gluantes que Mikey leur avait remis avant de se lancer à l'assaut des vaisseaux furtifs. En courant, ils traversèrent la distance qui les séparait de l'extrémité de la zone sur laquelle ils se déplaçaient et, avec leur élan, bondirent dans les airs.

La langue visqueuse de l'insecte se déroula, pareille à celle d'un caméléon, à ceci près qu'elle mesurait plusieurs mètres de long. Elle s'englua au plateau situé juste au-dessus d'eux, puis se replia, propulsant les quatre adolescents vers l'étage supérieur. L'atterrissage fut un peu rude, mais pas pire que leur précédente chute.

- Euh... Les gars ? marmonna April, qui fut la première à se redresser.

Elle affichait une expression étrange, mélange de crainte et de dégoût, que le visage des trois autres ne tarda pas à revêtir également. Cette plateforme était différente des autres. Il s'agissait d'un nid de kraathatrogons. Deux énormes vers s'occupaient d'une portée de quatre larves, que le groupe observait avec répulsion.

- Je suggère qu'on se barre d'ici en vitesse, proposa Casey.

- Suggestion approuvée ! s'exclamèrent en chœur Marion et April, tandis que la plus imposante des créatures tournait son horrible face vers eux.

- Par ici !

Karai désigna des astéroïdes, qui lévitaient non loin de là. Sachant qu'il s'agissait de leur unique chance de s'échapper avant d'être avalés par l'un de ses monstres, les trois autres décidèrent de lui faire confiance et de la suivre. Les uns à la suite des autres, ils bondirent sur les roches volantes. Le kraathatrogon venait de les prendre en chasse.

- Plus vite ! Plus vite ! conseilla la rouquine, qui fermait la marche.

La kunoichi s'immobilisa sur l'un des météores, permettant à Casey et Marion de prendre la tête du groupe. Elle tira hors de son armure une bombe fumigène, qu'elle jeta sur le ver géant sur le point de rattraper April, en léger retard. La poudre l'aveugla, mais accrut également sa fureur. Il s'agita violemment, venant frapper le rocher sur lequel l'adolescente s'était réfugiée.

Déséquilibrée, elle hurla. Elle tenta de se rétablir sur ses deux jambes, en vain. Comme elle était penchée vers l'arrière, le poids de son buste l'entraînait dangereusement vers le vide qui menaçait de la happer. Malgré un dernier effort, elle bascula, sans cesser de s'égosiller.

Elle entamait déjà sa chute, ralentie par l'étrange gravité qui régnait dans cette dimension, lorsqu'une main l'agrippa par le poignet. Le bras qui la surmontait était recouvert de plaques en métal et appartenait à Karai, déjà en train de la remonter sur le météore. April l'aida en contractant ses muscles, tout en la fixant d'un air désemparé.

Elle ne s'était pas attendue à voir la kunoichi lui sauvait la vie. En dépit du mal qu'ils s'étaient donné pour la retrouver et lui rendre sa forme humaine, ils éprouvaient tous de la défiance à son égard, à l'exception de Léonardo, ce qui lui avait bien souvent joué des tours.

- Dépêche-toi, nous ne sommes pas encore tirées d'affaire, ordonna Karai.

April acquiesça et la suivit sur l'astéroïde suivant, pendant que Casey sortait un palet explosif de son sac à dos. Il le jeta sur le kraathatrogon, mais l'explosion ne suffit pas à l'effrayer, pas plus que les blessures infligées par la déflagration.

- C'est pas vrai ! s'exclama le jeune homme. Comment on va se débarrasser de ce truc ?

- La dernière fois, on l'a eu avec du sel, rappela la rouquine.

- Super, tu vois une cafét dans le coin, toi ?

- Casey, garde tes blagues pour plus tard, lui lança Marion. La meilleure chose qu'on ait à faire pour le moment, c'est fuir !

Elle avait pris de l'avance sur les trois autres et avait pratiquement atteint la plateforme suivante. Il lui restait que quelques météores à parcourir pour la rejoindre. Karai, April et Casey pressèrent l'allure afin de la rattraper, profitant du bref répit que leur accordait le kraathatrogon, le temps pour lui de se remettre de l'assaut qu'il venait de subir.

Marion sauta sur l'îlot, pour découvrir avec stupeur qu'il était différent des autres. Il n'y avait pas de créatures étranges, pas de végétation extraterrestres, mais juste des cristaux qui formaient des sculptures étranges à perte de vue.

- Ouah ! s'exclama Casey lorsqu'il la rattrapa. C'est de la balle !

- Pas si fort ! répliqua l'adolescente, qui avait blêmi. Ce sont ces fameux cristaux qui explosent quand on siffle. Il faut s'éloigner d'ici au plus vite, tout en évitant les bruits stridents.

À peine eut-elle prononcé ces mots que Karai et April atterrirent à côté d'eux en poussant un cri. Ils s'empressèrent de plaquer une main sur leur bouche pour les faire terre, tandis qu'elles se redressaient.

- Il... Il... bredouilla la rouquine.

Le kraathatrogon apparut dans leur dos en poussant un rugissement bestial. À cette allure, ils allaient provoquer la détonation des cristaux avant même d'avoir eu le temps de faire un pas. Tout en secouant la tête, Casey geignit :

- Je ne pensais pas dire ça un jour, mais j'aimerais que Mikey soit là, parce qu'on a sacrément besoin de lui.

- Il faut réfléchir, marmonna Marion. Que ferait Michelangelo ? Que ferait Michelangelo... Il... Je sais ! J'ai un plan.

- Quel genre de plan ?

- Courez !

Sans demander leur reste, ils s'élancèrent tous à travers le champ de mines extraterrestre, tandis que le ver géant poursuivait sa traque dans leur sillage.

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