Transcendance

Chapitre 63 : LUKE

1446 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Luke se sentait vidé et avait mal absolument partout. C’était étrange, il avait toujours pensé qu’il se sentirait « bien » une fois mort, mais quelque chose clochait. Au lieu du monde noir - équivalent du purgatoire comme il l’avait découvert en voyageant à travers les mondes avec Sil -, il y avait un mélange de couleurs floues et une atmosphère de fébrilité. Peut-être avait-il zappé le monde noir et était-il arrivé directement à la « dernière étape », quelle qu’elle soit, là où se trouvait désormais son père. Sauf que quelque chose continuait à clocher. Il saisit au vol deux voix qui tourbillonnaient autour de lui, dont les intonations semblaient familières. Il se concentra…

Silyen et Abi?

Refusant de tirer les conclusions qui s’imposaient, à savoir qu’ils étaient eux aussi morts, il se contenta d’écouter.

-     Une déchirure dans le ciel…? Tu es sûre de toi, Abigail?

Luke n’entendit ni la réponse de sa soeur, ni le dialogue qui s’ensuivit, preuve que son ouïe douée n’était pas encore revenue - à moins qu’il ne soit vraiment mort et que tout ça ne fût un effet de son imagination. Il se redressa, promena son regard autour de lui. Il se trouvait sur un lit de camp, semblables à ceux où reposaient les dizaines de personnes qu’il avait soignées durant la guerre. C’était certainement un des hôpitaux de campagne de l’armée britannique. Puis son ouïe redevint normale et les voix d’Abi et de Silyen se précisèrent. Tous deux devaient se trouver juste derrière le mince rideau qui faisait office de porte.

-     Pourquoi toutes ces louanges? demandait Sil d’un ton brusque.

-     Eh bien, avec la guerre, Luke est considéré comme un héros…

-     Ah, cela explique «Le Bouclier». Le «héros de Millmoor» n’était sans doute pas un titre assez ronflant…

-      … Mais ce qui s’est passé au Parlement… Tu y es pour quelque chose, n’est-ce pas ? poursuivit Abi comme si elle ne s’était pas faite interrompre.

-      Tu es toujours aussi perspicace, Abigail, mais je dois te décevoir. C’est ton frère que qui a les réponses, pas moi.

Luke s’attendait à ce que sa sœur pose de nouvelles questions, mais il n’y en eut aucune. Silyen reprit alors la parole:

-      Tu ne m’interdis pas de voir ton frère? Pourtant, tu te comportais comme un chien défend son os, à l’époque. Avec ma modeste personne dans le rôle du grand méchant.

Un long soupir. Puis, à voix très basse:

-      Je pourrais te hurler dessus durant des heures. Ce n’était pas à Luke de défendre la Grande-Bretagne, c’était à toi de le faire. Tu n’aurais jamais dû le laisser voler ton Don!

-     Suis-je bête, pourquoi n’y ai-je pas pensé? Évidemment que j’aurais dû l’en empêcher. Je me serais bien passé de cette charmante expérience roturière, vois-tu.

Les voix rapprochaient. Luke fit un effort désespéré pour ajuster sa vue et le monde retrouva enfin toute sa netteté. Il ne rêvait pas, Abi et Sil étaient côte à côte, écartant le rideau pour entrer. Et ils n’avaient vraiment pas l’air morts.

Après avoir créé un bouclier, l’Egal toussota en regardant Abi d’un air éloquent:

-     Un peu d’intimité serait bienvenue, même si je conçois que cette notion est toute relative, dans un camp médical surpeuplé.

La jeune fille leva les yeux au ciel. Obéit quand même.

Luke aurait voulu protester, mais sa sœur avait l’air d’aller bien, et il avait besoin de demander à Sil s’il n’avait pas rêvé les derniers instants, sur son lit des décombres. Il n’aurait jamais dû pouvoir survivre dans son état, même avec une guérison douée. Un flot d’autres interrogations suivirent: comment Sil avait-il récupéré son Don? Comment la déchirure dans le ciel s’était-elle refermée?

-     Je… Tu… Comment c’est possible?

Silyen eut un grand sourire réjoui:

-     Grâce à mon nouveau Don. Je t’expliquerai tout ça, mais d’abord, dis-moi comment tu te sens.

Question inutile, car Luke sentit le pouvoir de l’Egal – son pouvoir ! – scanner son corps. Il tendit la main, toucha le poignet de Sil, chaud, dans lequel le pouls battait fermement. Avec l’impression de mourir de bonheur et de soulagement, il plaqua ses lèvres contre celles du jeune homme, qui poussa un glapissement très peu digne d’un Egal.

- Hé! haleta ce dernier en se dégageant.

Sans l’habituel coup d’œil prudent qu’il aurait jeté alentours, Luke l’attira à nouveau contre lui. Un curieux sentiment bourdonnait à la limite de sa conscience, comme un moustique dans la nuit. Quelque chose lui disait qu’il n’aurait pas dû être capable de faire ça. Une bribe surgie de sa mémoire, qu’il n'arrivait pas à saisir, comme si elle n’existait plus. Ou comme s’il tentait de se souvenir d’un rêve qui s’était déjà effacé.

-     Tu m’as l’air complètement remis, commenta l’Egal.

Le moustique disparut, mais des souvenirs luttaient pour émerger. Le Parlement. Les Doués confédérés. Les monstres. Pas question qu’ils brisent ces secondes de bonheur, alors Luke se pencha à nouveau.

-     Tu m’as tellement manqué, grogna-t-il entre deux baisers. Bon sang, qu’est-ce que je suis heureux que tu sois là. Euh… Tu as insonorisé ton bouclier?

-     Absolument pas. Je suis d’ailleurs surpris que les trois gorilles derrière le rideau n’aient pas encore débarqué.

À ces mots, Luke s’écarta aussitôt. Sil eut un petit rire:

-     Tu es toujours aussi crédule.

Malgré son ton ironique, la phrase fut comme une douche froide. Les souvenirs en profitèrent pour ressurgir définitivement.

-     Il n’y a plus de danger immédiat, je m’en suis assuré, comme promis, rassura l’Egal. Non, non, non, ne t’inquiète pas, je n’ai tué personne, simplement envoyé chez Morphée nos chers amis Confédérés.

Sil avait endormi tous les Confédérés présents à Londres ? Quelle sorte de Don avait-il récupéré ? Même Luke n’aurait pas été capable d’une telle prouesse.

-     Mais d’après ce que j’ai compris, la guerre n’est pas totalement finie, poursuivait l’Egal. Il semble que les derniers événements aient simplement permis d’obtenir un temps mort. D’ailleurs, qu’est-ce qui s’est passé ? Ta sœur m’a parlé d’une déchirure dans le ciel. Et sinon, j’aimerais infliger une bonne correction à ce qui t’a mis dans cet état.

-     Plus tard. Je t’expliquerai tout plus tard, répliqua Luke sans réussir à masquer sa frustration.

Tout ça pour rien. Il avait peut-être sauvé la Grande-Bretagne de ce géant venu d’un autre monde, mais la guerre était toujours là, les Confédérés restaient supérieurs en nombre et étaient arrivés à Londres. Même si Silyen était maintenant là, Doué, il ne voyait pas comment renverser la vapeur.

-       Tu as idée de ce qu’on pourrait faire? finit-il par demander.

C’était complètement absurde. Silyen ne savait quasiment rien de la guerre en cours, mais à sa grande surprise, ce dernier répondit par l’affirmative avant d’ajouter :

-     Suis-moi.



Note de l'autrice Un autre moment de tendresse pour se remettre des durs chapitres précédents. ;) Je me suis bien amusée à écrire le dialogue entre Abi et Silyen, sinon. ^^

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