Transcendance
Comme promis, un résumé du chapitre précédent (réservé aux adultes🔞). Luke se fait torturer par le président des Etats-Confédérés, Spencer Grailingstream. La panique brouille ses pensées jusqu'à ce qu'il remarque... qu'il sent Silyen à travers le lien. Cette prise de conscience lui redonne la rage de vaincre. Il réussit à se libérer, puis à s'enfuir, laissant le président pour mort. Mais est-il vraiment mort? ^^
Enya jeta un imperceptible coup d’œil à Chris, tout en écoutant ce que le chirurgien lui disait. Elle arrivait à le dissimuler, mais le simple fait de savoir le jeune homme à proximité lui tordait le cœur. La tristesse se mêlait à la frustration et au soulagement de le savoir en vie.
Enfin, c’était sans importance. Il avait des priorités, à commencer par le renforcement de la défense de Reading, déjà bien en place, mais qui ne résisterait pas à l’arrivée du bataillon Confédéré. Elle faillit se sentir dépassée par tout ça, avant de se forcer à se ressaisir. Dans tous les mondes où elle s’était rendue, elle avait déjà participé à des guerres. Ce n’était pas la première, et probablement pas la dernière, hélas.
Un sentiment d’urgence la saisit soudain à la gorge. Elle tourna la tête vers le hall, cria instinctivement : «Chris, attention ! », mais le danger provenait de l’arrière. Elle pivota. Trop tard. Le coup de crosse l’atteignit à la tempe. Un nuage de points blanc apparut devant ses yeux, tandis que le soldat britannique abattait son arme pour la deuxième fois. Ne pas s’évanouir. Ne surtout pas s’évanouir. Le monde était flou, les sons grésillaient comme ceux d’une radio mal réglée. Une forêt de pieds piétinait le sol, depuis l’entrée. Dans un effort, Enya réussit à comprendre: des soldats britanniques avaient dû les trahir, faisant entrer des Confédérés sous le dôme. Quelle idiote! Dire qu’elle s’était crue en sécurité ici! Elle avait mis son instinct en veilleuse.
Se réveiller. Allez…
Un pied lui écrasa le dos. Quelqu’un tira sur ses poignets. Pas pour lui passer des menottes mais quelque chose de plus doux, presque soyeux.
Une voix claqua, sèche, avec un fort accent confédéré.
- Ces trucs de gruach, ça ne sert à rien avec elle. On va plutôt essayer ça.
Les informations circulaient vite, songea amèrement Enya, qui banda ses muscles et roula sur le côté, griffant l’air dans l’espoir de trouver un bras, une jambe, mais son agresseur la plaqua derechef au sol. Quelque chose de pointu et de froid déchira sa peau ; l’aiguille d’une seringue. De la glace se propagea dans ses veines.
Son esprit se figea.
Les sons semblaient désormais venir de très loin.
- Voilà, nous avons rempli notre part du marché. C’était bien celle que vous vouliez? L’ange bleu?
Impuissante, Enya sentit des doigts se promener sur son dos, écartant ses cheveux, puis les empoignant à pleines mains. Elle voulut se débattre, mais son corps ne répondait plus. Des larmes de douleur dans les yeux, elle distingua une forme floue, dont la voix lui semblait familière. Puis ses cheveux la brûlèrent encore plus fort, comme s’ils allaient être arrachés de son crâne, et elle fut obligée de pencher la tête en arrière.
La voix susurra:
- Les Inégaux te connaissent, Enya. Je m’étais juré de te retrouver… Et te voilà… L’ange bleu. Tu n’étais pas si puissante que ça, en fin de compte.
Alors, tout lui revint d’un coup. La cave sombre où les Inégaux les avaient enfermés lorsqu’ils les avaient capturés, elle et Chris, il y avait une éternité de ça. Elle avait réussi à se libérer et prit un homme en otage pour s’enfuir, avant de le relâcher.
Voilà pourquoi elle avait reconnu cette voix.
- Si j’avais su, j’aurais fini le boulot. J’aurais pu te tuer ! siffla-t-elle.
Une explosion de douleur vrilla aussitôt le sommet de son crâne. L’homme, puant la transpiration et la fumée, la plaqua ensuite contre lui pour la maintenir debout. Comment tout avait pu aller si vite? Puis elle comprit. Une avant-garde… Si ça se trouvait, l’attaque d’Oxford n’avait été qu’une diversion pour prendre Reading. Et elle, elle n’avait rien vu venir.
- On va s’amuser un peu, toi et moi, d’accord ? Pour commencer, tu as crié quel nom, tout à l’heure? demanda l’Inégal.
Enya n’avait plus assez de force pour lui enfoncer son coude dans le ventre.
- Alors ? répéta l’homme en la tournant vers les immenses portes d’entrées.
Malgré les soldats qui avaient envahi les lieux, tous vêtus de l’uniforme confédéré, il y avait un espace vide, où une silhouette aux cheveux blond sable gémissait de douleur. Chris. Qu’étaient-ils en train de lui faire? Se forçant à ne pas céder à ses émotions, Enya scruta le sol autour de lui. Quatre petites sphères y étaient posées, le coupant probablement de son Don.
Elle fut traînée en direction de Chris, captant au passage les mots « fille Hadley» et «continuez à chercher ». Bien sûr. Les Confédérés étaient aussi venus pour elle. S’ils la capturaient, Luke se rendrait aussitôt.
Puis son ravisseur jeta Enya si brutalement au sol qu’elle poussa un cri. Tremblant de tous ses membres, Chris leva les yeux. Comprit qu’ils étaient aussi impuissants l’un que l’autre.
- Non! Laissez-la partir! Je suis le fils du président! Vous devez m’obéir! cracha-t-il.
Enya secoua la tête en lui lançant un regard d’avertissement, parce que ce genre de phrase ne servait à rien. Un scintillement sur l’épaule du jeune homme attira alors son regard. Elle cligna des yeux et s’aperçut qu’il était emmêlé dans une sorte de filet doré et translucide, émis par les quatre sphères. Encore un de ces maudits filins de gruach. Si seulement il était possible de le détruire… En attendant, elle leva la tête. Cria:
- RUF IHN!
Appelle-le. Enya espérait qu’Abi, qui parlait aussi l’allemand, soit encore dans les parages et l’ait entendue. Car Luke était désormais leur seul espoir.
Une gifle lui explosa la lèvre.
- Tais-toi! aboya l’homme de la Résistance.
- RUF IHN! hurla-t-elle encore plus fort.
Une douleur horrible lui traversa la cage thoracique. Horrifiée, elle s’aperçut que l’Inégal lui avait enfoncé un couteau dans le flanc.
Chris cria son nom, se débattit comme un fou dans son filet.
- Intéressant, commenta l’homme. Voyons comment tu réagis si je fais la même chose avec lui…
- C’est le fils du président, balbutia Enya, en luttant pour ne pas s’évanouir de douleur. Vous ne pouvez rien lui faire.
Ce fut un des Doués confédérés, qui regardaient tranquillement la scène, qui répondit:
- Qui te parle de le tuer? On nous a demandé de lui donner une petite correction… Les ordres viennent de Spencer Grailingstream en personne. Après, on le ramènera bien sûr chez lui.
Le filet se mit à cracher et à crépiter, émettant des arcs dorés, et Chris hurla si fort qu’Enya sentit des larmes de rage et d’impuissance lui monter aux yeux.
- Non! Arrêtez! implora-t-elle, sachant que ça ne serait pas plus utile que les suppliques de tout à l’heure.
Mais contre toute attente, le filet cessa de crépiter. Tremblant, Chris enfouit la tête dans ses mains, les cheveux poisseux de sueur.
- Pourquoi je devrais arrêter, l’ange bleu? demanda le Doué confédéré d’un air narquois?
La bouche d’Enya était complètement sèche. Elle n’avait plus assez de salive pour articuler une seule phrase, alors elle regarda l’homme avec toute la haine dont elle était capable. Il devait être tellement fier de lui, avec son menton carré et la tranquille assurance que lui conférait le Don. On racontait que les soldats Doués étaient formés à n’éprouver aucune pitié et à pousser leurs pouvoirs à leurs extrêmes limites. On disait aussi que certains s’entraînaient sur des prisonniers des guerres ou des condamnés à mort…
- On t’a posé une question! aboya l’Inégal.
- Parce que c’est le fils du président, murmura Enya.
- Mauvaise réponse, ricana l’autre.
Et il infligea une nouvelle série de décharges à Chris.
Incapable d’en supporter plus, Enya chercha désespérément des étincelles de Don dans l’air. Mais tout était à nouveau flou. En plus, la blessure qui palpitait dans son flanc ne l’aidait pas à se concentrer. L’odeur nauséabonde de son sang commençait à imprégner les dalles de l’hôpital. Quant à tenter de contrôler l’Inégal… Elle fit une tentative, mais n’arriva même pas à toucher son esprit.
Luke. S’il te plaît. Dépêche-toi, pria-t-elle avant de crier :
- Arrêtez! Vous allez le tuer!
Le Doué éclata de rire et l’intensité des crépitements augmenta encore. Chris hurla sans discontinuer.
- Le petit Grailingstream est plus résistant qu’on le croirait. Après, tout, il a bien réussi à soulever la moitié de la populace. Et toi, l’ange bleu ; donne-moi une bonne raison d’arrêter…
A la torture, Enya regarda Chris, recroquevillé en position fœtale. Ces soldats étaient fous ! Un tel déferlement de pouvoir aurait déjà tué un homme normal, et le Don du jeune homme était muselé par les colliers de gruach. Elle ne pouvait pas les laisser continuer.
- Vous allez arrêter parce que… se força-t-elle à dire, arrachant chaque mot de sa bouche… Parce que je… je tiens à lui.
L’autre eut un sourire goguenard:
- À quel point?
Le dos de Chris s’arqua sous l’effet de la souffrance.
- Beaucoup! cria Enya, aiguillonnée la panique
- T’as le béguin pour lui, pas vrai?
Les mots refusèrent de sortir. Consciente du jeu cruel qu’on la forçait à jouer, Enya rassembla ses dernières forces pour les expulser hors de ses lèvres:
- Oui…
Les crépitements s’arrêtèrent aussitôt.
- Voilà la bonne réponse, commenta l’autre, apparemment satisfait de son humiliation. Hé, tu as entendu, petit?
Mais Chris gisait, immobile, la tête toujours enfouie contre ses genoux repliés. Une onde d’inquiétude, comme une brise froide, agita les trois autres Doués confédérés, et Enya sentit son cœur sombrer dans sa poitrine. A cet instant, elle aurait tout donné pour avoir un lien avec lui, comme Luke avec Silyen - elle aurait au moins su s’il était toujours en vie. Puis elle remarqua le mouvement infime sur son flanc, qui montait et descendait. Un immense soulagement l’envahit. Il était juste évanoui, ou il faisait semblant.
Un des Doués confédérés était tout aussi observateur. Il dit aux autres ce qu’Enya avait remarqué et la tension se dissipa aussitôt.
- Bon, achève ta part du marché, grommela le Doué qui avait torturé Chris.
- C’est qu’on voulait s’amuser un peu avec elle avant…, répliqua l’Inégal.
- Si tu ne le fais pas, je m’en charge moi-même! Cette garce est dangereuse. TU VEUX QUE JE TE DISE COMBIEN DE MES HOMMES ELLE A TUÉS ? cria l’autre.
Enya fit discrètement jouer les muscles de bras et de ses jambes, qui semblaient composés de guimauve - la substance faisant encore effet.
Puis elle sentit qu’on l’empoignait à nouveau par les cheveux.
- Très bien. Qu’elle crève, gronda l’Inégal.
La jeune fille se débattit en sentant la pointe d’un couteau se promener sur son ventre puis remonter jusqu’à sa gorge. À ce moment-là, plusieurs choses se produisirent. Chris se redressa d’un coup, criant son nom, apparemment déterminé à se dégager du filet. Un immense flash de lumière dorée illumina le hall d’entrée. Les quatre boîtiers explosèrent, puis un nouveau flash doré aveugla tout le monde. Les quatre Doués hurlèrent, exactement comme quand Gavar Jardine utilisait son Don, sauf que Gavar était mort, ce voulait dire que Luke… Luke était enfin arrivé.
Puis soudain, Enya se retrouva dans les airs. Elle écarquilla les yeux pour comprendre ce qui se passait et vit un menton fin, des cheveux blonds et des yeux bleus, exténués. Chris. Il la portait et elle ne comprenait pas comment il en était encore capable. « Tiens-le coup », crut-elle entendre. Elle devait être en train de délirer, parce qu’au-dessus, de grosses lézardes apparaissaient dans le plafond, comme s’il était sur le point de s’écrouler.
Note de l'autrice Avouons-le, ce chapitre m'a été inspiré par Divergente. J'avais été tellement impressionnée par la scène où Tris doit dire la vérité, chez les Sincères, que j'ai voulu reproduire ce schéma. ;) Tous les klimax sont en train d'arriver et vont s'enchaîner jusqu'au dénouement, préparez-vous! ;) Merci infiniment de continuer à me lire, ça signifie énormément pour moi. 🥰
PS: Avez-vous noté la petite ref à Star Wars et la princesse Leia, à un moment? Que j'adore ces films et livres. 🥰
Pour info, je fais une petite pause d'une semaine, car ma vie se met en mode rouleau compresseur (les joies des journées de boulot où j'enchaîne avec les soirées, à couvrir des assemblées). L'art de faire involontairement monter le suspense, oupsi. ^^