Résonances
Chapitre 6 : Skywalker, Jerry, Jon Snow et…
1933 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 03/10/2022 22:07
Musique conseillée https://www.youtube.com/watch?v=9xht4JIOfjU&list=RDEMmHn7rO-UPCU1-FBqOJ7aAA&index=9
Et pour l'illustration, c'est par ici ;) https://forum.fanfictions.fr/t/les-puissants-x-fiction-originale-fanfiction-resonances/4556/49
(Cette fois, ça y est, voici le dernier de mes chapitres. MegOu26 publiera l'épilogue de ce crossover sous forme de prompt :) )
La soirée se poursuivit curieusement bien. Les amis de Tom arrivèrent à leur tour, demandant immédiatement qui voulait une bière. Luke et Silyen, qui semblaient carburer au coca, refusèrent, tout comme Tom, ce qui toucha Alexis.
Luke fut immédiatement adopté par deux mecs du groupe, quand il expliqua qu’il venait de Manchester. Ce fut comme si on leur avait annoncé que Noël avait six mois d’avance. Tous deux le bombardèrent aussitôt de questions sur Manchester United dans un anglais plus ou moins potable, une équipe dont Luke semblait heureusement fan, parce que sinon, Alexis n’aurait pas donné cher de sa peau. Le football rendait toujours les gens un peu con. Quant à Silyen… Il resta à l’écart, plongé dans ses pensées.
Alexis ne tarda pas à le rejoindre, lassé d’écouter les bavardages futiles. Il y avait rarement une porte d’entrée pour s’intégrer à un groupe soudé, juste un tas de portes de sorties. Pour eux, il était et il resterait « le copain de », et après les questions standards « Tu viens d’où? » et « Tu fais quoi dans la vie? », la curiosité s’épuisait vite, parce que les private joke ou les énièmes récits « d’exploits » débiles étaient tellement plus faciles. D’habitude, quand ils étaient avec ses potes, Tom déployait des efforts surhumains pour qu’il ne se sente pas exclu, mais ce soir, Alexis préférait la méthode «Silyen». C’est-à-dire, totalement s’en foutre.
Il resta debout à côté de l’aristo, comme une sentinelle vêtue de noir, à observer le ballet des festivaliers. Aucune parole. Juste un silence confortable, celui des réflexions qui s’entrechoquent dans la tête. Comme un film qui défile image par image, les secondes se déroulaient paresseusement, alors que le contenu des verres diminuait. Puis les événements revinrent à la vitesse normale, quand ils allèrent voir le dernier concert, sur la grande scène. Pour une fois, le chanteur, Machine Gun Kelly, était bon.
Ce jeune dieu de la musique avait l’air cramé par la poudre: les yeux dilatés, il arborait des cheveux rose pétant, et bien plus de piercings qu’Alexis. Le son était puissant, libérateur, oscillant entre le rock et le pop punk. Alexis finit par plonger dans le moment présent, lâchant le fil de sa mauvaise humeur, qui s’envola dans le ciel obscur. Il se laissa entraîner par le tourbillon de son et de couleurs, parsemé d’éclats de rire, avec Tom vibrant de joie à ses côtés. Les scènes défilaient autour de lui, de plus en plus rapides: une fille qui hurlait à pleins poumons alors qu’elle n’avait plus de voix, un homme qui dansait comme un avion, puis son portable jouant les kamikazes, tombant de sa poche alors qu’il sautait comme un cabri. Lui qui s’en rendait compte après la fin du concert. Qui courait comme un dératé en arrière. La lumière du portable de Tom. Les brins d’herbe désespérément poussiéreux et déserts. Puis soudain, le miracle! Le carré de plastique et de métal, gisant par terre. Intact.
Alors qu’ils rejoignaient les autres devant le stand nourriture, deux potes de Tom revinrent en rigolant si fort qu’on comprenait à peine ce qu’ils racontaient. Ils avaient apparemment réussi à se faire offrir une bière au bar en mentant sur le nombre de verres consignés qu’ils avaient rendu. Puis tout le monde partit en direction du camping, alors que le festival se vidait comme le pont du Titanic en train de couler. Alexis, Tom, Luke et Silyen jouèrent les prolongations, assis à une des tables en bois. Leurs blagues devinrent de plus en plus décousues à cause de la fatigue. Ils eurent même la brillante idée de s’inventer des surnoms. Skywalker pour Luke, parce que Star Wars, Jerry pour Tom, parce que Tom & Jerry, Jon Snow pour Silyen, parce qu’il avait la même couleur de peau et les mêmes cheveux bouclés que le personnage dans Game of Thrones et… « Milka » pour Alexis, prétendument à cause de la couleur de ses cheveux. Hésitant entre la colère et la consternation, le jeune homme finit par rigoler si fort qu’il faillit s’étouffer.
Et puis il y avait les yeux dorés de Silyen, remplis d’ironie. Au moins, Alexis savait qu’il avait vu juste, ce type et Luke cachaient quelque chose. Il devrait s’en contenter, parce qu’il ne savait pas comment lui tirer les vers du nez pour l’instant.
Vers 2h30 du matin, ils finirent par traverser un camping mi-endormi, mi-survolté. Apparemment, des festivaliers avaient eu la « bonne » idée de monter une mini-cantine qui se chargeait de l’after. Une musique tonitruante des années 80 se déversait du haut de la pente où la forêt éphémère de tentes avait poussé. Il manquait la lumière: Alexis n’apercevait que des silhouettes sombres qui se déhanchaient. Ils évitèrent les lieux, et descendirent sur le chemin principal. La sortie du camping marqua l’heure des adieux. Ce fut abrupt, tant ils s’étaient habitués les uns aux autres. Ils se regardèrent en se dandinant d’un pied sur l’autre, ne sachant pas s’il fallait se serrer la main, se faire un check ou se contenter d’un hochement de tête. Quatre garçons perdus dans la nuit et les conventions sociales.
– Vous avez pas de tentes? finit par demander Tom dans un anglais qui remplit Alexis de fierté.
Luke s’apprêtait à répondre, mais Silyen le devança:
– Nous avons mon jet privé.
Ah ouais, ils ne jouaient vraiment pas dans la même catégorie, songea Alexis en pensant à leur tente Quechua fatiguée, empruntée à ses parents. Elle tenait plus au moins debout, c’était déjà ça.
Luke expédia un coup de coude à l’aristo, qui haussa les épaules:
– Il fallait bien que nous dormions quelque part…
– Bon, fit Alexis d’un ton décidé. Bonne nuit.
– Ouais, c’était sympa de vous avoir rencontré les gars, lâcha Tom. Vous revenez demain?
Luke et Silyen échangèrent un coup d’oeil.
– C’est en négociation, lâcha Luke, qui prit aussitôt le numéro de Tom pour l’avertir si c’était le cas, tandis qu’Alexis se retenait de lever les yeux au ciel.
Ils repartirent tous les deux en sens inverse. La putain de pente n’était pas moins difficile à monter que de nuit que de jour, et les sardines formaient un dangereux labyrinthe. Le seul moyen d’y survivre était d’allumer la lampe des téléphones portables, parce que la lueur de la lune était trop faible.
Enfin, leur tente fut en vue. Elle pouvait tout juste contenir deux personnes, mais Alexis n’avait pas pu prendre plus grand, parce qu’officiellement, il était censé dormir seul là-dedans. Il se battit un moment contre la fermeture éclair. Un zip. Un pan en plastique qui se relève. Une moustiquaire qui suit le même chemin. Il fit tant bien que mal entrer sa longue silhouette dans le petit espace jonché d’affaires, qu’il identifia au toucher: des pulls, les deux tapis de sol et sacs couchages, des lunettes à soleil et du matériel de dessin - fallait bien éviter de s’ennuyer pendant la journée, quoi!
Il se poussa au maximum vers le fond, pour laisser de la place à Tom, qui dit d’une voix ensommeillée:
– Ils étaient sympas, ces gars. Et j’en reviens toujours pas pour ma cheville.
– T’as pas mal?
– Non, c’est comme si je me l’étais jamais tordue.
– Mouais. Un peu bizarres ces mecs, mais cools, dut reconnaître Alexis en faisant passer son sweat-shirt et son T-shirt par-dessus sa tête.
Il ramena ses jambes contre lui pour enlever ses chaussures.
Une basket. Une deuxième.
A côté de lui, Tom faisait de même dans la pénombre. Alexis l’imagina délaçant ses lacets, puis défaisant sa ceinture et le bouton de son pantalon, pour faire descendre le vêtement le long de ses jambes. L’air se chargea d’une tension presque palpable. Il fut bientôt en nage, se battant contre son jean noir qui ne voulait pas passer le cap des pieds, bloqué par ses foutues chaussettes. Il avait une conscience aiguë de la présence de Tom à côté de lui, de leurs corps qui s’effleuraient involontairement, parce que dans la minuscule tente, se changer sans se toucher aurait relevé du miracle. À chaque fois que leur peau se caressaient, c’était comme un électrochoc. Aucun d’eux ne parlait plus; le silence n’était brisé que par le déluge de son provenant de la tente-disco et leur souffle chaud et saccadé.
Lorsqu’il réussit enfin à envoyer son jean bouler plus loin, Alexis avait la bouche sèche. Les ténèbres les enveloppaient, douces et intimes. C’était comme ce qui se produirait cette nuit resterait enfermé dans le secret de cet instant hors du temps. Le message de Lola lui revint en tête: Tu es déjà passé à l’action avec le beau Tom? Bordel, il en avait envie depuis ce fameux après-midi, où ils avaient profité que sa maison soit miraculeusement déserte… Les souvenirs brûlants lui coupèrent le souffle. Son coeur s’emballa, cognant douloureusement contre sa cage thoracique.
Puis aux légers bruits qui envahirent les lieux, Alexis déduisit que Tom s’était allongé sur son tapis de sol. Il s’apprêtait à se laisser tomber à côté de lui lorsqu’un son s’éleva, totalement absurde. Noooon, Tom ne lui avait quand même pas fait ça? Mais un deuxième ronflement confirma ce qu’Alexis redoutait: son petit ami s’était bel et bien endormi. Il savait qu’il avait le sommeil facile, sauf qu’il n’aurait jamais pensé que c’était à ce point-là. Ravalant sa déception, il trouva l’ouverture de son sac couchage et glissa ses deux pieds à l’intérieur. Puis il songea aux étoiles, à l’échelle, à la cachette du toit, au dernier concert, au curieux humour de Silyen et aux étincelles fantômes. Non, tous les festivals n’étaient pas à jeter à la poubelle… Et tous les mystères n’étaient peut-être pas faits pour être résolus… Il tâtonna un peu et glissa sa main dans celle de Tom, souriant dans le noir.
La nuit était encore longue…