Résonances
Chapitre 1 : Le cauchemar des festivals
1045 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 09/09/2022 11:58
Ok. C’était pour la bonne cause, parce que Tom lui cassait les oreilles depuis tellement de temps avec la programmation incroyaaaable d’un festival français qu’Alexis n’avait pas dû chercher très loin, pour son cadeau d’anniversaire.
Sauf que voilà. La date fatidique était arrivée et Alexis se sentait aussi enthousiaste qu’une crevette agonisante. Il se maudit pour la 10 000ème fois. Pourquoi, bordel, n’avait-il pas pensé qu’offrir un billet à Tom impliquerait que lui, Alexis, devrait le suivre? Il en allait de son rôle de petit ami. Et qu’est-ce qui lui avait traversé l’esprit, quand il s’était dit qu’il arriverait peut-être même à s’amuser? S’amuser… Il ricana. Lui qui ne supportait pas d’être dans une pièce avec plus de vingt personnes, ça faisait longtemps qu’il évitait les festivals comme la peste…
Rien que la première étape semblait impossible. Ils devaient traverser tout le camping pour rejoindre les potes de Tom. Là, non plus, Alexis n’avait pas eu le coeur de refuser, tant le regard de son petit ami, quand il lui avait posé la question, avait été suppliant. En attendant, il se demandait comment les campeurs avaient réussi à couvrir le moindre mètre carré d’herbe. Il avait l’impression de progresser dans un champ de mines, où il fallait éviter ficelles, joueurs de foot et de frisbee et cadavres de bouteilles. Merde, comment allait-il survivre? Parce qu’en plus, ce foutu festival ne durait pas qu’un jour, mais deux complets. Raison pour laquelle ils avaient pris la tente. Officiellement, Tom et lui avaient dit à leurs parents qu’ils partaient camper avec des amis, cachant soigneusement le fait qu’ils allaient dormir ensemble.
Le soleil, écrasant, la montée raide rendaient la progression plus que pénible. Et c’était sans parler des sacs à dos et des cabas remplis de nourriture qu’ils trimballaient. Le supplice complet. Enfin, ils arrivèrent en vue d’une tonnelle peuplée d’autant de bordel que de gens. Une des filles hurla le nom de Tom comme si sa vie en dépendait et lui sauta au cou avec tant d’enthousiasme qu’elle faillit le faire tomber. Alexis allait lui expliquer sa façon de penser quand il remarqua que les autres étaient en train de… non, sérieusement?! Mais oui, il ne rêvait pas. Ils étaient en train de tenter une pyramide humaine plus que vacillante. Se retenant de secouer la tête, il laissa son regard dériver sur la table où se serraient des bouteilles renfermant des alcools plus nauséabonds les uns que les autres, à côté de sachets de chips à moitié entamés. Ceci expliquait peut-être cela. Des cadavres de bière jonchaient le sol. Quant à l’odeur… Bref, ça devait être l’odeur des festivals.
Les gens finirent par le saluer en agitant la main, et la palme de l’originalité revint sans aucun doute à celui qui émit un rot sonore, faisant s’esclaffer les autres. Non, mais qu’est-ce qu’il foutait ici? se redemanda Alexis pour la 10 0001ème fois. Mais après une demi-heure, il dut reconnaître que les autres étaient quand même sympas. Au moins, ils ne l’assaillaient pas de questions et lui fichaient plus ou moins la paix.
Il dut quand même céder à Ana, la fille qui avait accueilli Tom avec tant d’enthousiasme et qui voulait ab-so-lu-ment lui couvrir le visage de paillettes. Apparemment, c’était la brillante idée déco du groupe. Alexis ferma donc les yeux, en songeant que sa petite soeur Aria aurait tout donné pour être à sa place, et trouva le résultat final plutôt joli, même s’il ne l’aurait avoué pour rien au monde. Ses pommettes étincelaient comme des écailles de poisson, lui donnait un petit quelque chose de magique. Tom était encore plus beau: ses paillettes bleues, turquoises, argentées et blanches accrochaient chaque rayon de soleil, parfaitement accordées à ses yeux couleur océan. Sans réfléchir, Alexis se pencha et déposa un rapide baiser sur ses lèvres. L’air surpris, Tom eut un sourire incertain, puis carrément chaleureux lorsque leurs bouches se séparèrent. Le coeur d’Alexis fit une embardée, puis se mit à battre plus vite, tandis qu’une douce chaleur, aussi agréable qu’un bain brûlant par une froide nuit d’hiver, se répandait dans tous ses membres. Il s’enfonça dans sa chaise de camping. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien. Presque à sa place.
Les choses se gâtèrent dès qu’ils entrèrent dans l’enceinte du festival. Il fallait longer le camping et passer sous une arche, où des agents de sécurité contrôlaient les sacs. De longues files de festivaliers s’étiraient, des ados exhibaient leurs pectoraux rougis par l’été et des filles en débardeur arboraient des colliers à fleur et de larges chapeaux. Il y avait même un homme déguisé en cigogne. Alexis eut pitié pour lui, en espérant qu’il avait perdu un pari. Quasiment tout le monde avait des paillettes sur le visage ou les bras, à croire que c’était un festival à thème. Le seul avantage, c’était qu’il ne passait plus pour le seul abruti - vu qu’il se fondait désormais dans la masse.
Les files se refermèrent autour d’eux. Le brouhaha des conversations palpita aux oreilles du jeune homme comme un deuxième coeur. Il aurait voulu pouvoir arracher cette désagréable sensation de lui. Ses mains devinrent moites et un frisson glacé le parcourut. Il détestait les foules et les foules le détestaient, lui, l’ovni de service. Un contact doux et chaud l’apaisa soudain. Tom lui avait agrippé la main. Avec ses crises d’angoisse, son petit ami appréciait encore moins que lui la sensation d’être oppressé. Et c’est ensemble qu’ils franchirent le contrôle de sécurité.