Le Cercle de la Louve
-La Terre à Illy, tu me reçois ?
Roberto Da Costa agita la main devant le visage de sa copine. Le regard absent d’Illyana Rasputin se durcit alors qu’elle eut un sursaut.
-Berto ? Ouah, désolée… j’étais ailleurs, s’excusa-t-elle.
-Je confirme. Je sais pas où tu étais partie, mais on aurait dit que t’étais plongée dans tes pensées, fit Roberto.
-Ouais, tu n’as pas tort, admit la jeune blonde.
-T’as envie d’en parler ?
Cette journée était la plus courte de l’année, marquant le solstice d’hiver ; bien que le soleil venait tout juste de s’élever au-dessus des arbres, la matinée était déjà bien entamée. Au domaine annexe de l’Institut Xavier pour Jeunes Surdoués, les deux jeunes mutants étaient allongés l’un à côté de l’autre dans la chambre de Roberto. Voilà un moment que le couple était réveillé pourtant, aucun n’avait manifesté la motivation de sortir du lit, ni même de commencer la journée. Heureusement, c'était le week-end, même le milieu des vacances, signifiant pas de cours et encore moins de raison de se lever si personne n’en avait envie.
Illyana sourit à son petit copain :
-Je crois que je viens d’avoir une illumination.
Roberto fronça les sourcils.
-C’est moi qui te fais cet effet-là ?
Illyana lui donna une petite tape amicale.
-Je pensais à la discussion qu’on a eu en cours la semaine dernière, quand les professeurs nous ont parlé de penser à notre avenir.
Roberto se tint sur un coude.
-Et tu vois quoi, toi, en pensant au tien ?
-Je réalise que tôt ou tard, je vais avoir mon « diplôme », ou, du moins, les études, ça sera terminé pour moi et il faudra que je commence à faire autre chose.
La jeune blonde se redressa en position assise mais, ce faisant, frissonna involontairement. Le chauffage était allumé, mais cela n’empêchait qu’il faisait toujours plutôt froid dans la pièce et Illyana, sous les couvertures, était uniquement vêtue d’une camisole blanche en satin. La même tenue qu’elle portait la première nuit qu’elle avait passé avec Roberto. Comme elle lui avait expliqué à l’époque, elle ne possédait aucune lingerie et la camisole, qui lui servait également de robe de chambre, était ce qui s’en rapprochait le plus dans ses affaires.
Le jeune homme fronça les sourcils.
-Sérieusement, Illy… tu peux pas mettre un truc chaud ?
-Ça ne t’ennuie pas ? demanda-t-elle. En fait, quand j’suis sous les couvertures ça va, mais…
-Tu veux que j’te dise ? Tu porterais plus de dix sweats sur toi que j’men ficherais, lui assura-t-il. On est en hiver, mets-toi bien.
Il lui adressa ensuite un sourire de charmeur.
-J’adore quand tu portes ça pour moi, puis c’est vrai que tu es mignonne là-dedans. Mais attends l’été, t’auras tout le temps pour presque rien mettre, ou rien du tout…
-Ok, mais… on peut pas dire que mes pyjamas en dragon soient sexy.
-Illy, n’importe quoi devient sexy dès l’instant où tu le mets sur toi, déclara le jeune Brésilien.
La jeune élève le gratifia d’un sourire en se glissant hors du lit et, tout en bravant le froid, ôta rapidement sa camisole avant de sortir de la commode un haut et un pantalon de pyjama tous deux en laine et ornés de dragons violets en train de cracher du feu. Elle enfila cette tenue épaisse aussi rapidement que possible puis s’engouffra dans la chaleur du lit. Roberto l’attira contre lui pour l’enlacer en replaçant les couvertures sur eux.
-Pas mal ta tenue de combat, lui dit-il. C’est joli comme style.
-Hé ! Je t’interdis de te foutre de la gueule de mon pyj’ à l’effigie de Lockheed, rétorqua Illyana, c’est mon préféré.
-J’envisagerais jamais un truc pareil, lui assura son amoureux.
La jeune femme fut brusquement prise d'un autre frisson.
-Ouf… faut vraiment rappeler au professeur d’augmenter le chauffage à l’étage.
-T’inquiète, tu seras bien réchauffée en un rien de temps, lui promit le jeune brun avant d’émettre un petit rire. Pour une Russe, je pensais que tu serais plus résistante au froid.
-Je n’ai pas remis les pieds en Russie depuis que j’ai six ans, lui rappela-t-elle.
Elle fut à nouveau en proie à un frisson, léger cette fois-ci, mais se blottit étroitement contre le jeune mutant et, peu de temps après, se détendit en sentant leur chaleur corporelle les envahir rapidement tous les deux. La blonde poussa un énorme soupir de satisfaction.
-Alors, parle-moi un peu de ton illumination, dit Roberto.
-Ben, en fait, j’ai commencé à y réfléchir juste après les cours. C’était après que Dani m’ait demandé si j’avais déjà pensé à entrer chez les X-Men.
-Ouais, je m’en souviens.
-À mon avis, elle a dû se dire que je m’y sentirais à ma place, vu que Piotr et Katya en font partie.
-Tu n’es pas de cet avis ?
Illyana se redressa un peu :
-Berto, je suis désolée mais si on parle, il faut que je puisse te regarder. Enfin… je suis super, super bien contre toi, c’est pas le problème…
-Si tu veux, on peut parler tout à l’heure. C’est comme tu veux.
-On pourra se remettre comme ça après ?
-Oh, avec plaisir.
Après un moment de réticence, Illyana se détacha du jeune homme pour reprendre place de son côté du lit afin d’avoir de l’espace pour lui faire face. Sous les couvertures, elle lui attrapa la main et la pressa fortement.
-Alors, comme ça, Dani t’a dit que tu devrais tenter ta chance chez les X-Men… ? reprit Roberto.
-Ouais, et j’ai direct envoyé balader sa suggestion.
-Pourquoi ? Moi, je trouve que c’est logique, non ? Ou c’est quoi… ? L’idée de travailler aux côtés de Katya ou de ton frère ne te met pas à l’aise ?
-Non, c’est pas ça, répondit la Russe. Après, c’est vrai que… mon frère ne m’a jamais vue dans mes pires moments, contrairement à vous tous. Et… ouais, faut dire ce qu’y est : lui comme moi, on sait tous les deux que je n’suis plus son « petit flocon » …
Elle afficha ensuite une grimace :
-Et puis, j’aimerais que Piotr puisse garder l’illusion que je suis à moitié normale aussi longtemps que possible.
-Je suis sûr que même si tu étais entièrement démoniaque, ton frère t’accepterait telle que tu es, déclara Roberto.
-Ouais, moi aussi. Mais j’aimerais vraiment pas en arriver là. Il comprend que j’ai un côté plus sombre mais le voir en vrai, c’est complètement différent.
-Alors, tu fais une croix là-dessus ?
-Non, pas du tout. Mais… en fait, je crois que j’ai une bien meilleure idée.
Le jeune homme fut aussitôt intrigué.
-Vas-y, je t’écoute.
-Le professeur Xavier se plaint toujours de ne pas vraiment avoir d'équipe de « Premier Contact » sous la main. Chaque fois qu’il recherche de nouveaux élèves, ou même qu’il en localise, il doit envoyer un groupe de X-Men chargé de les rencontrer. Mais ces contacts peuvent se trouver n’importe où dans le monde, et c'est le genre de mission qui peut prendre des jours, voire des semaines. Moi, je n’ai pas ce problème. Je peux me rendre où j’en ai envie, il me suffit juste de créer un disque de téléportation. Tous ces élèves, je pourrais les amener au campus en un rien de temps sans qu’il y ait besoin de mobiliser toute une équipe qui partirait une semaine.
-Donc, tu veux intégrer une Équipe de Premier Contact.
-En diriger une, oui.
-Illy, elle est géniale ton idée !
-C’est vrai ? Tu le penses vraiment ? demanda la mutante. J’essayais de réfléchir à une façon d’en parler au professeur, mais sans avoir l’air de me la péter. J’ai pas envie qu’il me trouve trop arrogante ou quoi…
-Je pense que tu devrais lui expliquer ce que tu viens de me dire. Ça suffirait, tu sais ?
-J’en sais rien… Je devrais peut-être travailler sur une façon de présenter mon idée, non… ?
-Illy, ne te prends pas la tête à faire tout un discours. Là, t’as déjà identifié un besoin légitime et ce que tu pourrais y apporter. Je suis sûr que si tu lui expliques tout ça, le professeur sera hyper motivé. Mieux, si ça se trouve, il va tellement accrocher à ton idée qu’il va te remettre ton diplôme en avance.
-T’es sérieux ?
-Par contre, il y a un truc sur lequel il va insister, c’est que tu ne sois pas toute seule. Il va mettre un point d’honneur à ce qu’au moins deux X-Men t’accompagnent… ou bien, au minimum, à ce que tu aies un partenaire.
-En fait, j’en ai justement un en tête, lui confia timidement Illyana.
-Ah ouais ? Qui ça ?
La jeune blonde fit la grimace.
-Si ce n'est pas à toi que je pense, tu me promets de ne pas te vexer ?
-Pourquoi je le serais ? Je suis ton petit copain, ok. Mais c’est pas pour ça que je dois absolument monopoliser tous les aspects de ta vie.
-T’es vraiment trop chou des fois… tu le sais, ça ?
Roberto afficha un sourire.
-Allez, dis-moi. À qui tu penses ? À Katya ?
-J’ai pensé à elle en premier, avoua la jeune mutante. Mais je suis quasiment certaine qu’elle dira non.
-Pourquoi ?
-Parce que je crois qu’elle compte quitter les X-Men pour devenir institutrice. Maintenant, ce qui lui dit, c’est de bosser tranquillement dans une salle de classe, plus de parcourir le monde pour risquer sa vie.
-Tu comptais au moins lui en parler ?
-Oh, évidemment. Mais comme première partenaire, je pensais plutôt à Jean.
Roberto fronça les sourcils un moment, à réfléchir à la réponse de sa copine.
-Ok. Je vois très bien pourquoi, fit-il en hochant la tête d’approbation.
-Vraiment ? fit Illyana en soupirant de soulagement.
-Ouais ! C'est vrai que ce serait la partenaire idéale pour ce genre de projet, répondit le jeune mutant. Elle est capable de lire dans les pensées. Ça vous évitera de vous tromper sur les élèves à aller chercher et de vous retrouver dans une mauvaise posture. De toute façon, si ça devait mal tourner, cette fille s’est déjà retrouvée face à des adversaires hyper-balèzes. En plus, c’est l’une des mutantes les plus puissantes qui soient. Vous deux, dans la même équipe, vous seriez invincibles.
-Ah, c’est vrai, je n’avais même pas pensé à tout ça, confessa la jeune blonde. Je pensais plus à elle car je la trouve très abordable. Moi, je sais que j’ai tendance à troubler un peu les autres et même à faire peur. Pourtant j’le fais pas exprès. Mais je me mets dans la tête d’un gosse : je viens de découvrir que j’ai des pouvoirs chelous qui sortent de nulle part et j’suis complètement flippée. Et là, tout d’un coup, il y a quelqu’un qui se pointe à ma porte et qui me dit « Je suis là pour t’aider ». Eh ben, je trouve que Jean est le genre de personne en qui je ferais tout de suite confiance. Elle me dirait que tout irait bien, je la croirais sans hésiter.
-Mmm, ok. C’est une raison valable, ça aussi, acquiesça Roberto.
Illyana lui sourit.
-Tu cherches à me tester sur mes arguments ?
-Non, mais ça fait jamais de mal d’être préparé, souligna-t-il. Enfin bref, ouais. Je pense que tu devrais aller la voir sans perdre de temps pour savoir si ça l'intéresserait.
-J’appréhende un peu de lui demander parce qu’elle vient juste de commencer son boulot d’enseignante avec Scott. Peut-être que ça lui convient.
-J’en suis sûr, acquiesça Roberto. Mais ça ne veut pas dire que ce que tu vas lui proposer va davantage lui convenir. Mais ça, tu ne peux pas le savoir… à moins d’aller lui demander.
-D’accord. Bon alors, maintenant, il y a une question que je dois te poser.
-Vas-y.
-Est-ce que tout ça, ça te poserait un problème ?
-Pourquoi ça ne m’irait pas ?
-Eh ben… imagine que le professeur dise oui, que Jean dise oui, et qu’on se mette aussitôt à travailler sur le terrain. Ça voudrait dire que toi et moi, on ne pourra plus passer nos journées ensemble, comme on le fait, là.
-Si tu attends que je te donne ma permission, ce n’est pas la peine, expliqua le jeune brun. C’est ta vie, Illy. C’est une décision qui t’appartient. J’avoue que ça me ferait bizarre de ne plus te voir de la journée, mais ça serait une super expérience pour toi. Non seulement tu vas peut-être t’engager dans un programme qui va aider l’école, mais qui va aussi t’aider à mûrir. Tu as le droit de t’accorder toutes sortes d’expériences auxquelles tu n’aurais pas accès dans d’autres circonstances. C’est clair que c’est pas le genre trucs auxquels tu vas avoir droit si tu restes assise toute la journée dans une salle de classe. Je vais te dire : ton idée, elle est géniale. Puis tant que tu prévois de revenir le soir pour me raconter toutes tes péripéties, il n’y a pas de problème. J’ai absolument pas l’intention de te tenir au bout d’une laisse.
Il marqua une pause.
-À moins que tu aies un jeu de rôle cochon en tête dont tu ne m’aurais pas encore parlé…
Le sourire d’Illyana s’élargit. Soudain, elle se rassit et commença à enlever son pyjama.
-Oulà ! Tu fais quoi ? On était en train de se réchauffer, protesta Roberto.
-Je sais, répondit la mutante en retenant un peu son souffle. Mais là, tout de suite, t’es trop parfait pour moi et je meurs d’envie de te baiser comme une sauvage !
Roberto gémit en feignant d’être consterné tandis que la jeune Russe finissait précipitamment de se déshabiller.
-Bon… si tu insistes, dit-il dans un soupir.