La Renaissance du Phénix
Jean Grey émergea de son sommeil dans un sursaut. Elle réalisa non seulement que, pour la première fois depuis longtemps, elle s’était endormie sans s’en rendre compte mais se sentait bien, apaisée.
Encore toute groggy, la jeune femme se redressa sur un coude. Elle se trouvait dans la chambre des invités du bâtiment annexe. Bien que n’ayant aucun souvenir, elle avait tout de même visiblement fini par remonter dans sa chambre, ramper sous les couvertures avant de plonger dans un sommeil profond et ininterrompu. Le soleil hivernal brillait intensément à travers la fenêtre dans un ciel totalement dégagé.
Il n’y avait pas d’horloge dans la chambre, elle n’avait par conséquent aucune idée de l’heure qu’il était. Mais, vu comme le soleil brillait, elle se dit qu’elle avait probablement fait le tour du cadran. Étrangement, la mutante se sentit calmée, momentanément vidée de toute colère et de tristesse. Elle sourit. Peut-être cette sensation de sérénité était-elle due à sa séance avec la louve de thérapie.
Doucement, la jeune femme se redressa pour se mettre dans une position assise et parcourut la chambre du regard. Rahne n’était plus là. Elle avait dû retourner dans sa chambre. Jean s’apprêta à tisser un pyjama avec ses pouvoirs télékinésiques lorsqu’elle eut une meilleure idée : elle se leva et se dirigea vers la salle de bain pour y prendre une bonne douche chaude.
Peu de temps après, la mutante descendit les escaliers, vêtue d’un chemisier bleu pastel, une longue jupe noire et une paire de bottes suédoises. Que des vêtements qu’elle avait invoqué juste avant de quitter sa chambre. En passant devant la porte du bureau de Hank, elle s’arrêta pour y jeter un coup d’œil. Ce dernier était assis à son bureau à s’occuper de papiers qu’il examinait avec un froncement de sourcils agacé. Sentant qu’on l’observait, il leva les yeux, vit Jean et afficha un grand sourire :
-Ah ! Enfin réveillée ! Tu as bien dormi, dis-moi.
-J’ai super bien dormi, lui confirma Jean. En fait, je n’arrive même pas à me souvenir de la dernière fois que j’en ai eu besoin.
-Peut-être que ta nature humaine reprend le dessus, maintenant que tes pouvoirs et tes fonctions corporelles ne sont plus impactés par un symbiote intersidéral, suggéra Hank.
-Et ça ne me pose aucun problème, répondit la rouquine qui pénétra dans le bureau.
Elle considéra Hank quelques instants d’un air songeur, puis afficha un sourire.
-Ta tête ne bourdonne plus du tout.
-Non, acquiesça Hank. Je crois qu’hier soir, te parler m’a soulagé d’un énorme poids. Je t’en remercie.
-Je t’en prie.
Jean le scruta minutieusement. C’était un de ces nombreux moments où lire dans les pensées du mutant à fourrure s'avérait extrêmement tentant pour la jeune femme. Toutefois, elle était légitimement certaine que quelque chose dans l'état émotionnel de son ancien coéquipier, ainsi que dans le sien, avait changé, et cela pour le mieux.
-Sean et Moira seront de retour cet après-midi, l’informa Hank. Ils m’ont tous les deux assuré que ta présence ne leur posait aucun problème.
-Ça me soulage ce que tu me dis, répondit Jean dans un soupir. Et tu as parlé à Charles ?
Hank hocha la tête :
-Il sera probablement là demain, à la première heure. Maintenant qu'il s'est remis de ses émotions et que je lui ai assuré que tu étais à nouveau totalement maîtresse de tes pouvoirs, il est vraiment content que tu sois de retour. Je le soupçonne même d’essayer de trouver une façon de formuler des excuses appropriées.
-Venant de Charles, la seule excuse qui me ferait plaisir, ce serait un câlin. Après ça, je serais prête à tout lui pardonner, déclara Jean.
-Dans ce cas, me permets-tu de prendre la même liberté ?
Le mutant bleu se leva de sa chaise et, après un moment d’hésitation, la prit dans ses bras. La jeune rousse accueillit cette étreinte et le lui rendit de bon cœur. Ils demeurèrent enlacés l’un à l’autre durant de longues secondes.
-Hank, je suis tellement, tellement désolée pour Raven, lui confessa Jean en soupirant tristement.
-Jean, c’est du passé. Je te pardonne. Je te pardonnerais toujours tout et n’importe quoi, sans condition. Ne laisse plus cette journée horrible te pourrir le cerveau. Je veux que tu arrêtes de culpabiliser.
Ils desserrèrent leur étreinte juste assez pour pouvoir se regarder dans les yeux. L'ancien X-Men lui sourit tristement :
-D'ailleurs, j’espère que tu voudras bien me pardonner pour certaines choses déplacées que j’ai dites sous le coup de la douleur, hier soir.
-Tout et n’importe quoi, lui répondit-t-elle en reprenant ses paroles. Toujours. Sans condition.
Elle l’enlaça à nouveau, plus fermement que la première fois.
-Et toi, est-ce que ça va aller ?
-Oui, lui répondit-il d’un ton catégorique. Oui, ça va aller. Évidemment, c’est toujours douloureux. Mais je vais vivre avec. Ça va aller, Jean. Ça va aller pour moi. Comme adore le dire Illy, personne n’avance dans cette vie sans récolter quelques cicatrices.
-Ça, c’est sûr, acquiesça solennellement la jeune rousse qui desserra son étreinte avec réticence.
-J’ai cru comprendre que tu avais reçu la visite de notre louve de thérapie, cette nuit, lui confia Hank.
-Rahne t’en a parlé ?
Le professeur lui sourit tristement.
-À mon avis, tu vas rapidement t’apercevoir que dans un édifice aussi petit avec aussi peu d’élèves, la plupart des secrets ne font pas long feu, lui avoua-t-il. Rahne a l’air de penser que tu devrais rester ici indéfiniment. Et je dois avouer que lorsqu’elle m’a fait part de cette suggestion, j’étais entièrement de son avis. Mon offre tient toujours, Jean. Si, bien sûr, Scott et toi êtes intéressés.
Jean scruta son visage. Tout signe de la peine qu’il avait ressenti avait disparu. Le pardon qu’elle avait recherché y était gravé.
Hank jeta un œil à la pendule suspendue au mur.
-Bon, en revanche, je pense que tu devrais plutôt songer à te préparer, lui dit-il. Ton soupirant sera là d’une minute à l’autre, et je suis presque certain que tu n’as pas envie de louper son arrivée.
Jean jeta elle aussi un œil à l’horloge avant de s’exclamer :
-Oh, c’est pas vrai ! J’ai dormi autant de temps ?
Elle s’apprêta à sortir de la pièce en courant, puis s’arrêta dans son élan, fit demi-tour et embrassa le mutant sur la joue.
-Je t’aime, Hank McCoy.
-Je t’aime aussi, Jean. Allez, vas-y. Et salue Scott pour moi.
La jeune femme se précipita hors du bâtiment et descendit la longue allée pour se rendre au portail, se créant un manteau d’hiver de toutes pièces en chemin. L’air était doux, les rayons du soleil étaient chauds et presque toute la neige restante fondait à toute vitesse, signifiant au passage que les chemins et sentiers situés autour du manoir laisseraient bientôt place à des rivières de boue.
Jean atteignit le portail et attendit en trépignant d’impatience. Cependant, au bout de plusieurs minutes, son enthousiasme mal dissimulé fut gratifié par le ronronnement d’un véhicule cyclomoteur. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand Scott Summers apparût dans son champ de vision. Même à cette distance, elle put le voir pousser des cris de joie aussitôt qu’il l’avait aperçue.
Il arriva au niveau du portail, sauta pratiquement de son véhicule et se précipita dans ses bras. Les deux amoureux s’embrassèrent ensuite avec passion.
-Oh, c’est pas vrai, articula-t-il en pleurant. Jean… Je ne pensais pas que je te reverrai un jour.
La mutante l’embrassa de nouveau.
-Je t’avais promis de toujours revenir vers toi, pas vrai ?
-Je sais. Mais j’ai cru que tu étais morte et… j’avais perdu tout espoir.
-Je n’étais pas morte. Je m’étais égarée, dit-elle, et ils s’embrassèrent encore. Mais j’ai fini par retrouver mon chemin.
Quelques instants s’écoulèrent avant que les deux mutants ne reculent pour prendre le temps de se regarder. Scott avait facilement dix ans de plus depuis la dernière fois que la rousse l’avait vu, mais il était encore jeune, craquant et musclé. Il était évident qu’il était toujours autant fou d’elle. Toutefois, il finit par afficher une grimace attristée :
-Pardon. J’ai roulé et je t’ai foutue de la boue partout.
-Oh, Scott. Tu crois franchement que ça me pose problème ? pouffa Jean.
D’un geste de la main, celle-ci fit décoller la boue qui avait imprégné leurs vêtements avant de la faire gicler sur le sol trempé.
-Eh ben, c’est pratique, fit Scott en hochant la tête, impressionné.
-Pas mal, hein ? répondit sa partenaire en affichant un sourire. Tu verras que je suis habile dans encore beaucoup de domaines.
-Oh, j’en doute pas une seconde.
-Allez, viens, l’invita Jean en lui prenant le bras. Les autres sont impatients de rencontrer mon futur époux.
Scott ouvrit grand la bouche de stupeur.
-Ton futur… ?
-Mon époux, répéta la mutante en l’embrassant. Mon époux, mon époux.
Elle répéta ces paroles encore et encore en les ponctuant à chaque fois d’un nouveau baiser, leur apportant une plus grande valeur au fur et à mesure qu’elle les prononçait : un espoir, une promesse, un désire, un vœu. Une déclaration porteuse du plus important des engagements. Une bouffée de la joie la plus pure.