Spectres
À l’aéroport, Moira MacTaggert, qui se tenait derrière les portes de sécurité, trépigna d’impatience. Tout autour d’elle, l’interminable affairement de va et vient des voyageurs laissa place à un cocon de bruit de fond qui l'enveloppa. Elle fut soulagée d’apercevoir un visage familier au physique incomparable descendre la passerelle. Lorsque celui-ci l’aperçut, la jeune femme afficha un sourire. Peu après, ils se saluèrent avec joie.
-Hank McCoy, dit Moira en secouant la tête, toujours le sourire aux lèvres.
-Ah, ah ! Moira ! s'exclama Henry « Hank » McCoy qui écarta ses bras massifs avant d’entrainer la jeune femme à plus petite carrure dans une chaleureuse accolade.
-Hank, vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureuse de vous voir, murmura-t-elle.
-Plaisir partagé, répondit le nouveau venu en desserrant son étreinte, avant de fixer sa partenaire puis de froncer les sourcils. Vous avez réussi à vous libérer ?
En réponse, Moira lui donna une tape amicale.
-Lorsque vous m’avez appelée pour me dire que vous alliez quitter Yale pour revenir à l’Institut Xavier, j’ai pleuré pendant une heure entière, confessa-t-elle avant de lever les yeux vers lui, toute souriante et en larmes. Et maintenant que vous êtes là… je crois que… je pourrais repartir pour une heure supplémentaire.
-Je suis heureux de pouvoir vous aider, Moira.
-Je n’arrive même pas à trouver les mots pour vous remercier.
-Oh, c’est toujours un plaisir, lui assura Hank tandis qu’ils se mirent à marcher d’un pas lourd hors du terminal. Charles m’a souvent confié qu’il désirait que ce soit un de ses anciens élèves qui le remplace en tant que professeur, une fois qu’il aurait passé l’âge d’enseigner. Il m’avait d’ailleurs flatté en me confiant qu’il avait pensé à moi pour reprendre le flambeau. Enfin, c’était… avant qu’il ne rencontre Ororo.
Son sourire s’évanouit et il interrogea Moira du regard :
-J’imagine que vous n’avez toujours aucune nouvelle.
Moira secoua négativement la tête :
-J’ai envoyé Reed Richards passer chaque recoin du manoir au peigne fin avec toutes les sondes et appareils de localisation possibles dans l'espoir de trouver des traces de… de… de n’importe quoi. Le docteur Stephen Strange a été bien aimable de venir un après-midi pour faire une analyse similaire sur le plan magique. Dans les deux cas, aucun résultat. Si eux n’ont rien pu trouver, j’ignore qui le pourra. Je ne sais pas par qui ou par quoi les X-Men ont été emmenés, mais ils n’ont laissé aucun indice technique ni magique.
-Je vois, dit Hank en fronçant les sourcils, réfléchissant manifestement consciencieusement à cette information. Bon, une chose à la fois. On va se concentrer sur les élèves. Je suis sûr qu’en ce qui les concerne, on peut s’occuper de leurs problèmes.
Ils s’engagèrent sur le long escalator qui menait à la zone de récupération des bagages.
-Qu’avez-vous dit au doyen ? lui demanda Moira, curieuse.
Hank haussa les épaules :
-La vérité, en grande partie. Je lui ai expliqué que le mentor de mon ancien établissement était soudainement tombé malade et que je partais le remplacer provisoirement. Je suis en absence autorisée pour la fin du semestre.
-Et une fois que le semestre sera passé ?
-Si Charles ne revient pas d’ici-là ? Eh bien, nous nous arrangerons pour rallonger ma position.
-Vous seriez prêt à abandonner une prestigieuse bourse de recherche de Yale pour vous occuper de six élèves dans une école non-agrée ? fit Moira, bouche-bée de stupéfaction.
Hank se contenta de lui sourire :
-Vos élèves ont davantage besoin d’aide. Ou peut-être devrais-je dire nos élèves.
Moira fut de nouveau au bord des larmes :
-Hank…
-Moira, cette vie m’a déjà apporté plus de bonnes choses que ce que j’ai pu en demander, la coupa Hank. Je n’ai plus besoin qu’on m’offre de récompenses ou qu’on me serre dans ses bras. De plus, les opportunités pour mener des recherches se présenteront toujours. Pour l’heure, ce serait un honneur pour moi de vous être utile… ainsi qu'à ces jeunes gens.
Moira serra fermement la main de Hank, les mots lui manquant sur le moment. Une fois qu’elle fut certaine d'avoir retrouvé l'usage de la parole, elle lui demanda :
-Hank… vous croyez qu’il y a une chance pour qu’ils soient encore en vie ?
Le mutant réfléchit longuement avant de répondre.
-J’aime à penser que, peu importe où Charles se trouve, lui et les autres sont sains et saufs et qu’ils essayent de trouver un moyen pour rentrer le plus rapidement possible. Il faut garder espoir, Moira. Le désespoir est un puissant adversaire.
Ils atteignirent la zone de récupération et attendirent avec une impatience à peine dissimulée que le tapis commence à délivrer les bagages.
-Alors, comment va Sean ? Bien, j’espère.
-Oui, il va bien, répondit Moira en hochant la tête. D’ailleurs, vous le verrez d’ici peu. Il est parti à l’île de Muir fermer le laboratoire pour, je pense, une longue période. Je lui ai demandé de venir me rejoindre, puisqu’il semble que je sois encore là pour un petit moment.
-Je serai ravi de le revoir.
-Vous aurez du mal à le reconnaître : il a pris des cheveux blancs depuis que vous vous êtes vus la dernière fois.
-N’est-ce pas notre cas à tous ? fit-il remarquer d’une voix traînante. L’aventure, c’est pour nous de l'histoire ancienne.
-Oui, et ce n’est pas plus mal, déclara vigoureusement Moira. Même s'il a fini par comprendre que le poids de l’âge ne lui permettait plus d’aller jouer les aventuriers, j’ai réussi à le convaincre qu’il nous serait d’une grande aide. Car nous avons absolument besoin que quelqu’un s’occupe du bâtiment et des écuries. Je ne peux pas continuer à solliciter mes élèves pour qu’ils maintiennent tout en état.
Hank fronça les sourcils.
-Des écuries ?
-Oui, nous ne logeons pas dans le manoir, mais au domaine annexe.
-Ah… vous parlez du vieux ranch Patterson ? Pas très loin de Salem Center ?
-Oui, exactement.
-Je suis passé devant plusieurs fois, lorsque je vivais encore à Westchester. J’ignorais que cet endroit appartenait à Charles.
-Il en a récemment fait l’acquisition. Il en a fait une unité dédiée aux élèves qui présentent des besoins particuliers.
Hank se racla la gorge en arborant un air désapprobateur :
-J’ai du mal à croire que d’autres de ses élèves aient besoin de traitement particulier.
-C’est pourtant le cas, lui assura Moira.
Le mutant récupéra enfin sa valise et, quelques minutes plus tard, lui et Moira furent tous les deux installés dans le minivan qu’avait loué la chercheuse et roulèrent en direction de Salem Center.
-J’ai jeté un œil aux dossiers que vous m’avez envoyés, expliqua Hank une fois certain que Moira pouvait se permettre d'atténuer sa concentration sur sa conduite pour instaurer une conversation. Les épreuves qu’ont dut endurer certains de ces jeunes donnent à réfléchir.
-Ce sont de bons élèves, Hank. Ils sont extrêmement intelligents et très sociables. Seulement, la plupart d’entre eux ont vécu des traumatismes pratiquement insurmontables.
-Oui, c’est ce que j’ai lu. Quatre d’entre eux ont vu la manifestation de leurs pouvoirs blesser ou tuer au moins un proche par accident. J’ai été surpris de constater que la jeune sœur de Piotr, Illyana, faisait partie de vos élèves.
-Je pense que pour Illy, il faudrait lui créer une toute nouvelle catégorie, soupira Moira. Ses traumatismes remontent à ses six ans, lorsqu’elle a été enlevée pour qu’on fasse d’elle une démone. Même si… elle a un comportement très typique pour une jeune de son âge. Mais elle a fréquemment des idées suicidaires, ce qui est très inquiétant. Mais, de ce que j’en sais, elle n’a jamais essayé de passer à l’acte. Je sais aussi qu’elle boit. Je ne l’ai jamais prise sur le fait et elle n’affiche aucun comportement typique d’une personne victime d’une dépendance. J’ai tout de même trouvé des bouteilles d’alcool dans sa chambre. Ce sont toujours des petites mignonettes ; j’en trouve une ou deux à chaque fois, pas plus. Je suis presque sûre qu’elle en verse dans son thé.
-Mmmh. Reste à savoir comment elle s'y prend pour s'en procurer.
-En fait, elle peut se téléporter. Je ne serais pas étonnée qu’elle se rende en ville au milieu de la nuit pour aller en acheter dans une épicerie. Je ne lui en ai pas encore parlé car il n’y a aucun signe indiquant que son état s’aggrave. Mais je me fais du souci, c’est pour ça que je la surveille de près. Le gros problème avec Illy, c’est qu’elle est pratiquement incontrôlable… En mettant de côté sa capacité à se téléporter, elle possède également des pouvoirs que je n’ai même pas encore commencé à répertorier. Mais je dois admettre qu’elle a récemment fait d’énormes efforts pour se sociabiliser avec ses camarades, ce qui est très bon signe.
-Je vois. À vrai dire, votre élève qui m’intrigue le plus s’appelle… Danielle Moonstar, dit Hank en jetant un œil au dossier pour ne pas se tromper sur le nom. Je pensais avoir été témoin de toutes les mutations du monde, et je reste perplexe.
-Croyez-moi, Hank : Dani est capable de pénétrer dans le subconscient de ceux qui l'entourent, d’en faire ressortir les choses les plus horribles qu’il soit possible d’y trouver et de leur faire prendre forme.
-« Des projections psychiques totalement tangibles », dit Hank en parcourant les notes. C’est extraordinaire.
-Et je vous assure d’une chose : tout ce qu’elle invoque est mortellement dangereux.
-Il est indiqué que vous lui donnez un traitement afin d’inhiber son pouvoir. C’est vrai ?
-Je n’ai pas le choix, Hank. Dani n’a absolument aucun contrôle sur sa mutation. Elle n’y parvient pas. Lorsqu’elle se déclenche, des gens se font tuer. J’ai beau me creuser la tête, je ne parviens pas à trouver une solution, un moyen qui nous permettrait d’éventuellement mettre en place un espace de confinement afin qu’elle s’entraîne.
-Je vois. On dirait que j’ai du pain sur la planche. Dîtes-moi autre chose, poursuivit Hank. Quelque chose qui n’est pas indiqué dans ces dossiers. Je veux simplement avoir une idée de ce à quoi je m’engage.
-Eh bien, tous vos nouveaux élèves sont brillants, intelligents, désireux d’apprendre mais, plus encore, d’être épaulés. Ce qui est une bonne chose. Vous n’aurez aucune difficulté à les convaincre de s’appliquer.
-Bon, c'est une bonne chose, en effet.
-Le principal défi consiste à travailler sur leurs traumatismes personnels. Mais ils veulent de l’aide, c’est même ce qu’ils recherchent activement. Et ils sont prêts à s’investir.
-Et parlez-moi un peu de la dynamique de groupe.
-Deux de nos élèves sont en couple, et nous en avons deux autres qui ont une relation intime en plein développement. Je ne me suis interposée dans aucune d’entre elles. En toute honnêteté, il est préférable que je m'abstienne de m'en mêler tant que je le jugerai nécessaire. J’ai quand même ressorti tous les cours sur les rapports sexuels protégés, mais je n’ai pas envie non plus que les élèves s'imaginent que je leur donne la permission d'avoir une flopée de rapports irréfléchis.
-Oui, c’est une situation bien délicate, approuva Hank.
-À vos risques et périls, mais je crois que je vous passe le flambeau pour ce cas-ci, Monsieur le directeur, lui dit Moira en souriant. Autrement, ils s’apprécient tous et ont un bon esprit d’équipe. J’ai fait admettre Amara, une nouvelle élève, il y a seulement quelques jours. Les autres l’ont chaleureusement accueillie et elle s’est presque aussitôt très bien intégrée dans le groupe.
-Ils ont créé des liens. Ils se considèrent comme une équipe.
-Sans aucun doute. Dani est la leader incontestée ; elle est le pilier de ses camarades. Cette fille est remarquable, Hank. Et je ne dis pas ça uniquement par rapport à son pouvoir. Elle fait preuve d’un niveau de maturité dont je n'aurais jamais pu m'attendre de la part de quelqu’un d’aussi jeune, et d’aussi marquée. Elle affiche une telle empathie à l’égard des autres. Elle est même parvenue à inciter Illy à sortir de sa carapace, sans que je ne sache comment. Pourtant, j’avais pratiquement perdu espoir sur ce terrain-là, croyez-moi.
-Et en ce qui concerne les deux garçons ? Guthrie et Da Costa ?
-Sam a ses hauts et ses bas. Il y a des jours où il se sent bien, d’autres où j’ai pratiquement affaire à quelqu’un de catatonique. En plus, son pouvoir le blesse sévèrement chaque fois qu’il essaye de s’en servir, ce qui n’arrange rien… Et, bien sûr, il a cette culpabilité qui le ronge par rapport à l’accident de son père. Roberto est bien plus équilibré, c’est dû en grande partie au fait que son passé n’est en aucun cas lié à un événement traumatisant. Enfin… si on ne prend pas en compte rejet qu'il a subi de ses anciens amis lorsque ses pouvoirs sont apparus… Ses parents ont donné l’impression de le soutenir, mais…, exposa Moira avant de soupirer. Vous savez ce que c’est. La vérité, c’est que le fait que leur fils soit un mutant les horrifie.
-Une situation que l’on ne connait que trop bien, compatit tristement Hank.
-Roberto maîtrise parfaitement son pouvoir. Ces dernières semaines, il s’est occupé de l’entretien du bâtiment pratiquement à lui tout seul, et j’exagère à peine. C’est un excellent cuisinier, il s’assure que nous ayons régulièrement du stock. C’est un jeune homme responsable, digne de confiance et très galant. En toute franchise, si Charles était là, je recommanderais son transfert au campus principal. À l’heure actuelle, je ne vois aucune raison pour qu’il soit encore au domaine annexe.
-Je voulais justement vous demander quelque chose : il y a un problème avec le manoir ? Pourquoi vous ne vous êtes pas installés là-bas ? Vous appréhendez que ce qu’il s’est passé avec les X-Men puisse vous arriver ?
-Cette idée ne m’a même pas traversé l’esprit, répondit Moira en réprimant un frisson. Non, j’ai demandé aux élèves s’ils voulaient que nous déménagions mais ils m’ont tous confié qu’ils se sentaient plus à l’aise là où nous sommes. Nous sommes donc restés là-bas. Lorsque Warren arrivera plus tard dans la semaine, il aura pour projet de barricader tout le manoir. Au moins, jusqu’à ce que nous puissions décider de la marche à suivre.
-C’est vraiment dommage, soupira Hank. Je voudrais tout de même en parler avec lui, une fois qu’il sera là. J’aimerais que nous menions, à nous trois, notre enquête sur la propriété avant que nous décidions de tout fermer.
Moira hocha la tête.
-Je voulais faire déplacer des appareils vers le domaine annexe. Je sais aussi que vous et Warren savez bien mieux que moi quelles sont les installations à sécuriser et les meilleures façons de s’y prendre.
-Vous m’avez dégoté une chambre, j’imagine ?
-Vous aurez la suite principale. On la réservait à Charles comme il lui arrivait de nous rendre visite lors de ses jours de repos.
-Ce n’est pas là que vous logez ?
-Non, j’ai un petit appartement au rez-de-chaussée, et j’ai aménagé une chambre pour en faire mon bureau. Évidemment, si vous voulez utiliser une de ces pièces, je pourrais aller m’installer ailleurs.
-Cela ne sera pas nécessaire, lui assura Hank. Je suis certain que la suite me conviendra. Et pour le personnel ?
-On a une équipe qui vient faire le ménage une fois par semaine mais uniquement dans les pièces communes. Je suis toujours à la recherche de personnes qui viendraient se charger de la cuisine de l’école. Pour l’instant, tous les élèves se chargent de leur lessive, même si, comme je l’ai dit, c’est Roberto qui fait la plus grosse partie du travail étant donné qu’il cuisine pour nous. J’ai également demandé à Stevie Hunter de bien vouloir venir deux fois par semaine afin d’organiser des activités physiques pour les élèves ; d’être notre professeure de gym, si vous préférez. Elle m’a répondu qu’elle serait ravie de nous aider.
-Mmm. Je ne l’ai encore jamais rencontrée. Mais Charles m’en a toujours dit du bien. Elle n’a jamais travaillé pour lui, si je me souviens bien.
-Non. Elle possède un studio de danse en ville. Mais cela fait maintenant un moment qu’elle travaille en partenariat avec l’école. Tous les élèves la connaissent et l’adorent.
-Y a-t-il d’autres personnes ?
-Pour le moment, il n’y a que nous, Hank. À nous deux, on assure le fonctionnement de toute la faculté. Nous n’avons même pas d’infirmière.
-J’ai compris. On va voir comment ça va se goupiller, décida Hank. Si besoin, on pourra toujours engager plus d'enseignants. Je suppose que Warren a proposé de tout prendre à sa charge ?
-Oui, et je vous avoue que c’est un vrai soulagement, admit Moira. Je m’attends presque à ce que toutes les institutions bloquent les comptes de Xavier sitôt qu’elles auront appris sa disparition. Heureusement, tout ce qui concerne la gestion et l'entretien du campus principal a été configuré en paiements automatiques. Nous pouvons donc laisser ce problème au second plan, du moins pour le moment.
-Bien, et puisque que j’intègre votre école, qui est, à tout égard, la vôtre, avez-vous fixé des programmes pour les élèves ? Souhaitez-vous conserver des journées et certains cours en particulier ?
-Vous avez carte blanche pour fixer les programmes qui vous conviennent, Hank. Vous êtes le directeur, désormais. Je serai plus que ravie de vous épauler dans les choix que vous entreprendrez.
-Mmm. Bon, je pense que nous allons y aller doucement pour le début des cours. Je veux que les élèves prennent l’habitude d’avoir un enseignement classique, bien sûr. Mais pour, au moins, la première semaine, je vais commencer par mettre en place des entretiens en tête-à-tête. De cette façon, j’aurai une meilleure idée de l’approche la plus bénéfique à adopter pour chacun d’eux. Ensuite, nous pourrons officiellement organiser le programme des cours.
-Ils ont vraiment hâte de vous rencontrer, Hank. C’est important pour eux de savoir qu’un des premiers X-Men revient à l’école.
Hank sourit.
- « La popularité ? C’est la gloire en gros sous. », comme l’a dit Victor Hugo.
- « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison. », il a aussi dit ça.
-Oh, très bien, acquiesça Hank d’un air approbateur. J’adore cette citation.
-Vous ne devriez pas sous-estimer votre renommée, Hank.
-Oh, ce n’est pas mon genre. Je ne suis pas Charles Xavier, Moira, mais je suis légitimement certain de pouvoir venir en aide à ces jeunes. Je ne serais pas ici, autrement.
-Hank McCoy, en ce qui me concerne, vous êtes un ange, déclara Moira. Warren devrait vous prêter ses ailes.
Hank émit un petit rire :
-Je crois que ça ne lui rendrait pas service.
Moira lui offrit un grand sourire :
-Eh bien… en tout cas…. Vous êtes un véritable super-héros.
* * *
-Ah, tu es là. Je t’ai cherchée partout.
Dani Moonstar monta les marches menant au patio arrière. Vêtue de son plus épais manteau d’hiver, Illyana Rasputin se tenait penchée sur la rampe, occupée à observer la neige toujours aussi blanche — reste de la tempête qui avait eu lieu la semaine passée. Elle parcourait l’horizon du regard du mieux possible.
La jeune blonde ne fit pas savoir à Dani qu’elle avait remarqué sa présence. Mais lorsque l’Amérindienne se pencha à côté d’elle sur la rampe, Illyana poussa un soupir.
-J’essaye de comparer la neige d'ici avec celle qui tombait Russie, quand je vivais là-bas, dit-elle. Il me semble que c'était bien plus balèze. Mais j’étais beaucoup plus petite.
-Faudra que tu voies un peu celle qui tombe dans le Montana, un de ces quatre, lui suggéra Dani. Tu seras épatée.
La jeune brune resta près d’Illyana pendant quelques instants, cherchant manifestement à débuter une conversation sans savoir comment s’y prendre. Ce fut la jeune Russe qui brisa le silence.
-Tu voulais un truc ? demanda-t-elle. J’me doute que c’est pas par plaisir que t’es sortie braver ce froid de Sibérie.
-Tu as raison. Je suis là car j’ai un service à te demander.
-Ok.
-Un grand service. Un énorme, même.
-Vas-y.
Dani expira fortement :
-Je voudrais que tu m’affrontes.
Croyant avoir mal compris, Illyana fronça les sourcils avant d’éclater de rire.
-Tu te fiches de moi, là ?
-Pas du tout.
-Tu me demandes de te botter le cul ?
La blonde se tourna vers Dani : visiblement, son amie était on ne peut plus sérieuse.
-Il faut que je trouve un moyen de contrôler mon pouvoir, expliqua calmement la brune. Je crois que… qu’il faut que j’invoque l’Ours Démon.
Illyana leva un sourcil.
-Ok, c’est maintenant clair : t’es barje. Dani, ta bestiole a failli tous nous tuer.
-Je sais. Je suis au courant. C’est pour ça que je dois apprendre à la maîtriser. Mais si le contrôle m’échappe, il n’y a que toi qui aies assez de puissance pour l’arrêter.
-Dani, c’est n’importe quoi. Et si jamais…
-Laisse-moi finir, s’il te plait, l'interrompit Dani. Si je parviens à contrôler mon Ours, ça veut dire que je pourrai aussi apprendre à maîtriser d’autres aspects de mon pouvoir. Je serai capable d’empêcher mon subconscient de rôder la nuit, d’entrer dans vos têtes et de faire ressurgir vos pires cauchemars.
-Et en quoi ça va régler les choses que je te foute une raclée, exactement ?
-Il faut que j’invoque l’Ours. Il faut que je voie si je peux arriver à le faire réagir consciemment à ma volonté, même si c’est sous la contrainte.
-Et si t’y arrives pas ?
-Alors, j’aurai besoin que tu interviennes et que tu l’affaiblisses suffisamment pour que je puisse reprendre le contrôle.
-C’est du délire, dit Illyana en secouant la tête.
-Je t’en prie, Illy. Je sais que ce que je te demande, c’est énorme. Le truc, c’est que c'est pas une petite séance d’entraînement qu’il me faut, mais un combat où tous les coups seront permis ; tes pouvoirs contre les miens.
-Il y a des jours où je sais vraiment pas quoi faire de toi. D’abord, tu veux qu’on devienne amies. Maintenant, tu veux qu’on se foute sur la tronche. Y a rien de logique dans ce que tu fais, Moonstar.
-En fait, c’est à toi que je dois d’avoir eu cette idée, dit Dani en affichant un sourire.
-Moi ? Qu’est-ce que j’ai fait encore ?
-L’autre soir, avec le Cercle de Vérité, tu as dit qu’apprendre à maitriser nos pouvoirs ne dépendait que de nous et que ce n’était qu’en faisant qu’on apprenait. Plus j’y ai réfléchi, plus j'ai réalisé que tu avais raison.
Illyana la fixa avec des yeux nouveaux.
-Je n’aurais jamais imaginé que tu puisses vraiment prendre au sérieux un truc que j’ai dit, avoua-t-elle. Mais tu sais très bien que j’suis pas du genre à retenir mes coups en combat, pas vrai ?
-Oh, je sais, lui assura la brune. Je compte justement là-dessus.
-T’es vraiment pas en train de déconner.
-Absolument pas. Par contre, il y a de grandes chances qu’une de nous deux soit blessée. C’est même possible qu’on le soit toutes les deux, en fait... et assez sérieusement. Mais je sais à quel point tu en as marre des entraînements et que ça fait un moment que tu rêves d'avoir un vrai combat. Physiquement, tu es plus forte que moi. Puis on a toutes les deux la même rage de gagner. Tu n’abandonnerais pour rien ni personne. Et je sais aussi que la perspective de me mettre une raclée te démange, dit Dani en affichant un sourire, avant de tout de suite reprendre son sérieux. J’ai besoin de ton aide, Illy. Tu es vraiment la seule personne en qui je peux avoir confiance pour ça.
Illyana laissa échapper un grognement :
-Très bien. Tu veux que je te foute une raclée ? Pas de problème.
Presque instantanément, la jeune mutante invoqua son épée.
-Allez, ma grande. C’est parti.
-Non, pas tout de suite ! protesta Dani en levant la main. Je dois d’abord réussir à convaincre le docteur MacTaggert d’arrêter de m’injecter le produit qui inhibe mes pouvoirs. Et même si j’y arrive, il faudra attendre deux ou trois jours, le temps que le sérum ne fasse plus du tout effet dans mon sang.
-Oh, c’est pas vrai, Moonstar…, gémit Illyana. Tu me fais marcher... J’étais prête, moi.
L’épée disparut aussi rapidement qu’elle était apparue.
-Ça en vaudra la peine, Illy, tu as ma parole. Si ça marche, alors je pourrai enfin arrêter de prendre toutes ces foutues injections et commencer à maîtriser mon pouvoir. Je serai de nouveau libre.
Illyana lança à son amie un regard grave :
-Tu penses vraiment que ça va t’aider ?
-Je dois essayer, dit la jeune Cheyenne. Autrement, je devrai passer le restant de mes jours avec une seringue pleine de sérum au bras. J’ai besoin de toi, Illy. Je te le demande en tant qu’amie. Tu veux bien faire ça pour moi, s’il te plaît ?
Illyana resta penchée sur la rampe à réfléchir aux paroles de Dani durant un long moment. Elle finit par pousser un soupir.
-Après, c'est vrai que… si tu réussis vraiment à contrôler ton pouvoir… ce serait assez incroyable. Avec une puissance comme la tienne, pense à tout ce que tu pourrais faire. Tu serais imbattable. Alors… pourquoi pas. Ça doit valoir la peine de verser un peu de sang, réfléchit-elle à voix haute en hochant lentement la tête. D’accord. Tu me tiens au jus pour le feu vert, et on s’y met. Tout ce que j’espère, c’est qu’on ne va pas avoir à le regretter.
Elle marqua une pause puis reprit la parole :
-En fait, tout ce que je demande, c’est qu’on s’en sorte vivantes.
-Merci, Illy, répondit Dani reconnaissante.
La jeune Russe émit un grognement, mais offrit ensuite un de ses rares sourires à son amie.
-Quoi ? Tu crois que tu me fais peur avec ton nounours en peluche ? la taquina-t-elle. S'te plaît... J’vais lui couper sa tête bourrée de puces et la faire défiler dans tout le bâtiment comme une putain de reine viking jusqu’à ce que son sang imprègne chaque recoin de tapis. Après, j’la ferai empailler avant de l’accrocher juste au-dessus de mon lit en guise de trophée.
Tout en ignorant si sa camarade plaisantait ou non, Dani ne put s’empêcher de rire à la provocation de la jeune blonde.
-La vache, t’as un sérieux problème, déclara-t-elle, avant de la serrer naturellement dans ses bras. Je t’adore, t’es géniale.
-Ouais, ouais, si tu le dis, ronchonna Illyana. Le répète à personne, mais la plupart du temps, moi aussi, je t’aime bien. La plupart du temps.
-Ok. Je te laisse tranquille maintenant. Merci, Illy.
Dani s’apprêta à repartir lorsqu’Illyana lui attrapa la main.
-Tu peux rester un peu, si tu veux, dit-elle. Ça ne m’ennuie pas.
Le sourire de la brune s’élargit :
-Avec plaisir.
Elle revint et se pencha de nouveau sur la rampe, à côté de son amie.
-D'ailleurs, juste histoire que tu comprennes, il y a un ordre à respecter pour ce genre de trucs, râla Illyana. On est censées d’abord se battre, et ensuite se réconcilier. Il faut que tu arrêtes de faire les choses à l’envers. Idiote.
Elle fit mine d’être énervée mais pressa affectueusement la main de Dani dans la sienne.
-J’essayerai de m’en souvenir, promit solennellement cette dernière.
Illyana posa sa tête sur l’épaule de Dani et, leurs mains toujours jointes l’une dans l’autre, les deux amies se tinrent à la rampe dans un silence plaisant, contemplant le vaste horizon de neige qui s’étendait devant elles.