Orphelins et Enfants Trouvés
Une légère rafale de neige accompagnait le soleil couchant quand Moira MacTaggert revint enfin de l’ambassade avec la nouvelle élève. Sam, Roberto, Dani et Rahne s’étaient tous réunis dans le salon en attendant l’arrivée de leur nouvelle camarade. Les garçons étaient assis autour de la table-basse située au milieu de la pièce et faisaient semblant de s’intéresser à un jeu de plateau. Dani et Rahne, sous sa forme louve, somnolaient sur le long canapé, couchées sur le côté le plus proche de la cheminée.
-Personne ne sait rien sur la nouvelle ? demanda Sam à Roberto.
-Si. Elle s’appelle Amara et le professeur Xavier avait organisé sa venue il y a de ça des semaines. Enfin… avant de disparaître.
-Quoi, c’est tout ? On ne sait pas d’où elle vient ? Rien sur sa famille ? Ni sur ses pouvoirs ?
Roberto secoua la tête :
-D’habitude, Illy aurait déjà farfouillé dans les fichiers informatiques et nous aurait dit tout ce qu’il y a savoir. Mais comme elle est malade...
-Ouais, c’est vrai qu’on a perdu notre principale source d’informations, acquiesça tristement Sam.
-Niveau traumatisme, cette fille doit être en haut de l’échelle. Sinon, pourquoi le docteur la ferait venir dans le bâtiment annexe ? réfléchit Roberto. Si elle était équilibrée, elle la ferait directement entrer dans le campus.
-Peut-être qu’elle l’aurait fait, mais vu ce qui se passe..., pointa Sam. En ce moment, on est dans le seul endroit de toute l’école où il y a un peu de vie.
-Non. Elle a été assignée ici, au domaine annexe. Cette fille est donc un putain de monstre de foire.
-Je m’oppose fermement à cette expression, déclara Dani depuis le canapé, les yeux toujours fermés.
-Ouais, enfin… tu vois ce que je veux dire, reprit faiblement Roberto. C’est peut-être une cinglée, ou alors... ?
-Ouais, c’est pas du tout blessant ce que tu dis, maugréa Dani.
-Ce que je veux dire, c’est que… ok, on a tous nos problèmes. Ça n’empêche qu’on s’apprécie tous et que la plupart du temps, il y a une bonne ambiance. Je n’ai juste pas envie que ça s’arrête.
-Et si tu attendais de la rencontrer avant de juger si cette fille pose un problème ? suggéra Dani. Ce serait pas bête comme idée.
La jeune brune ouvrit les yeux et s’assit.
-Il est super tard.
Sam jeta un coup d’œil vers le hall d’entrée.
-Je crois que j’entends la voiture ; elles ont dû s’engager dans l’allée.
Rahne leva la tête, les oreilles tendues pendant quelques secondes, puis bondit hors du canapé avant de trottiner vers la porte.
Dani lança un coup d’œil aux garçons.
-Je crois qu’elles arrivent.
Peu de temps après, la porte s’ouvrit et le docteur MacTaggert pénétra à l’intérieur du bâtiment. À ses côtés, une jeune femme d’une remarquable beauté et vêtue d’un long manteau d’hiver portait une grosse valise. Elle avait un teint pâle, une somptueuse chevelure blonde, des yeux bleus, et ses traits avaient tout l’air d’être ceux d’une nordique. C’était du moins ce que Dani en déduisit. Elle souriait, mais ce n’était que pure façade. Elle était manifestement angoissée à l’idée de rencontrer ses nouveaux camarades et de vivre dans un nouvel endroit étrange. Dani se mit en tête de faire tout son possible afin qu’elle se sente chez elle.
-Bonsoir tout le monde, dit le docteur MacTaggert quelque peu essoufflée. Nous sommes désolées pour le retard. Je vous présente Amara. Amara, voici Dani, Roberto, Sam et Rahne.
-Bonjour, dit timidement Amara en posant sa valise.
-Salut, l’accueillit Dani.
-Bienvenue à l’Institut Xavier, dit Roberto en affichant un sourire puéril.
Sam, visiblement bouche-bée, ne prononça pas un mot. Il demeura immobile, le visage figé dans un sourire niais.
Rahne frotta son museau contre la jambe d’Amara et, avec un petit gémissement, cette dernière posa un genou à terre et la caressa, croyant manifestement que Rahne était un gros chien.
-Elle est magnifique, s’exclama-t-elle. Elle est à vous ?
-Rahne appartient à Dani, répondit Roberto sans la moindre once d’ironie.
Amara demeura agenouillée un moment, le fait de caresser et de câliner Rahne lui procurant visiblement un effet thérapeutique. Dani ressentit une toute petite pointe de jalousie, mais la balaya. À la place de cette fille, larguée dans un endroit inconnu sans connaître personne, elle serait morte de peur. Rahne lui lécha la joue en guise de bienvenue, ce qui fit rire la jeune femme, visiblement ravie.
-Comme tu peux le voir, elle est très affectueuse, dit Roberto d’un ton malicieux.
Le docteur MacTaggert accrocha son manteau à côté de la porte du hall.
-Roberto, je n’ose même pas te demander pour le diner...
-Ne vous en faites pas, docteur. Le rôti est dans le four. Il me faut juste vingt minutes pour préparer les légumes et la salade. On pourra manger une fois que tout le monde sera prêt.
Le docteur MacTaggert afficha un sourire reconnaissant.
-Tu me sauves la vie, déclara-t-elle. Je ne sais pas comment je m’en sortirais sans toi. Comment va Illy ? Mieux ?
-Eh ben... son état n’a pas empiré.
-Je vais aller la voir, décida le docteur à voix haute. Dani, tu peux conduire Amara à sa chambre, s’il te plaît ? Et lui faire une petite visite rapide ?
-Bien sûr.
-Roberto, ça tient toujours pour les vingt minutes ?
-Si Sam me donne un coup de main, aucun problème.
Dani se tourna vers Amara.
-C’est tout ce que tu as comme bagage ?
-Non, j’en ai deux autres plus petits, mais ils sont dans la voiture.
-Dans ce cas, on va aller les chercher, répondit Dani avant de lui offrir son sourire le plus chaleureux et amical. Allez, viens.
Tandis que les filles retournèrent dehors, le docteur MacTaggert se précipita à son bureau, prit sa blouse sur sa chaise et monta à l’étage où se trouvaient les chambres.
-Ouah, s’exclama Roberto en secouant la tête d’un air admiratif. Honnêtement, je m’étais imaginé plein de trucs, mais... je m’attendais pas du tout à ce qu’on ait affaire à un top-modèle.
N’obtenant aucune réponse, le jeune homme se tourna vers Sam pour constater que son ami regardait toujours d’un air ahuri l’endroit où se tenait Amara quelques secondes avant qu’elle ne ressorte.
-Allô ? La Terre à Sam ?
Roberto agita sa main devant le visage du jeune élève qui commença à revenir à lui.
-Desolé. Tu me parlais ? murmura ce dernier qui avait l’air complètement perdu.
-Toi. Moi. Le dîner ? fit Roberto qui se mit à rire. Y a quelqu’un là-dedans ?
-Pardon, je suis desolé, s’excusa Sam en secouant la tête comme pour reprendre ses esprits. Ouais, c’est vrai. On doit s’occuper du repas.
-Ouah, s’étonna Roberto. À peine tu poses les yeux sur cette fille que t’as le cerveau qui part déjà en ébullition. C’est pas bon, ça. Il faut que tu te ressaisisses, mon pote.
Roberto donna une tape sur l’épaule de son ami et le fit pivoter en direction de la cuisine.
-Si tu veux ta chance, il faut au moins que tu sois capable d’avoir des pensées claires.
* * *
Ilyana leva les yeux vers le docteur MacTaggert qui entra dans la chambre.
-Je. Deteste. Les. VIRUS, déclara la jeune patiente, aigrie.
-Je suis d’accord, il y a mieux, murmura le docteur MacTaggert avec bienveillance avant de poser la main sur le front d’Illyana. Tu as la voix moins rauque ce soir. Comment te sens-tu ?
-Comme un gros sac à merde de chien qui a été jeté au feu et qui...
-Euh... c’est bon, j’ai compris, la coupa le docteur. Je vois ce que tu veux dire. Tu n’as plus l’air fiévreuse.
Elle sortit un thermomètre de la poche de son blouson et le tint contre l’oreille d’Illyana.
-37 degrés, rapporta-t-elle. Tu n’as plus de fièvre. C’est très bien. Et ta toux ?
-Dégueue. Et ça fait mal.
-Mmmh… Roule sur le côté une minute. Je vais écouter ce qui se passe là-dedans.
Le docteur MacTaggert s’assit au bord du lit, sortit son stéthoscope et écouta rapidement les poumons d’Illyana pendant que cette dernière respirait profondément. Le docteur fronça les sourcils, inquiète.
-Ce n’est toujours pas brillant. Tu as bien pris tous tes antihistaminiques ce matin ?
-Oui, madame.
-Tu as mangé aujourd’hui ?
-Pas vraiment. Mais Roberto m’a apporté des trucs liquides toute la journée.
-Est-ce que tu as faim ?
-Je pense que je pourrais avaler un truc.
-Je l’enverrai te monter à manger tout à l’heure.
Illyana se remit sur le dos.
-Amara est là ? demanda-t-elle.
Le docteur MacTaggert acquiesça :
-Oui, elle est arrivée.
-Est-ce que je peux la rencontrer ?
-Ça ne serait pas très raisonnable pour l’instant, Illy. Peut-être demain.
-S’il vous plaît, insista la jeune mutante. Elle n’aura qu’à venir au niveau de la porte. Comme ça, je pourrai la voir et lui dire bonjour de loin. Je vous promets de pas lui refiler mes microbes.
Aussitôt après avoir fini sa phrase, elle fut prise d’une violente et douloureuse quinte de toux qui mit un certain temps à se calmer.
-Je te crois sur parole, dit le docteur MacTaggert d’un ton léger.
La jeune blonde s’assit pour cracher dans un mouchoir.
-Beurk ! Mon dieu ! C’est tout vert, c’est dégueulasse !
-Tes poumons commencent à se purger. Oui, c’est dégoûtant. Mais c’est une très bonne nouvelle.
La mutante se recoucha sur son oreiller et ferma les yeux en respirant péniblement pendant un moment.
-Au moins, je me sens suffisamment mieux pour en avoir ras-le-cul d’être malade.
-Lorsque tu retrouveras l’appétit et ton attitude, alors tu seras pratiquement guérie, approuva le docteur en se levant.
-Docteur MacTaggert ? l’interpela Illyana alors qu’elle avait atteint l’embrasure.
-Oui ?
-Merci, dit Illyana avant de marquer une pause. Enfin, je sais que vous faites votre boulot mais... je suis vraiment contente que vous soyez là. C’est bon de savoir que... quelqu’un en a quelque chose à foutre de nous.
Sa voix avait un ton inhabituellement plaintif. Le docteur MacTaggert resta un long moment sur le seuil de la porte, une expression indéchiffrable au visage.
-Repose-toi, dit-elle d’une voix douce.
-Oui, madame.
Le docteur MacTaggert atteignit le palier lorsqu’elle croisa Dani et Amara. Les deux filles marchaient dans la direction opposée avec la valise de la jeune blonde. Le docteur MacTaggert posa les yeux sur Dani avant de pousser un soupir en signe de capitulation.
-Je t’autorise à y aller juste le temps de lui dire bonjour, l’avertit-elle d’un ton sévère. Rien de plus. Et interdiction d’entrer dans la chambre.
La jeune élève sourit.
-Merci, docteur MacTaggert.
-Je suis sérieuse, Dani.
-Oui, madame.
Tandis que le docteur MacTaggert descendit les escaliers, Dani, toujours le sourire aux lèvres, se tourna vers Amara.
-Viens. Je vais te présenter à notre sorcière démone.
-Ton amie qui est malade, c’est une sorcière démone ? demanda Amara d’un air sceptique.
-Ça ne va peut-être pas tout de suite te sauter aux yeux, mais…oui.
Elles s’arrêtèrent devant l’embrasure de la porte de la chambre d’Illyana. Dani toqua doucement.
-Illy ? Je peux ouvrir la porte ?
-Tu m’apportes de la chair fraîche ? fit une voix rauque.
-La meilleure des offrandes, Votre Majesté.
-Alors, entre, continua Illyana qui n’eut aucun mal à imiter la voix d’un démon sorti d’un film d’horreur. Pour l’heure, cela lui demandait peu d’effort ; seulement de parler.
Dani poussa délicatement la porte et fit les présentations :
-Amara, je te présente Illyana Rasputin. Illy, voici Amara.
Illyana parvint à se redresser sur un coude et sourit d’un air fatigué à ses visiteurs.
-Salut. Bienvenue chez les inadaptés. Oh, tu es mignonne. J’sens qu’on va bien s’amuser avec toi.
Le simple fait d’avoir prononcé ces paroles déclencha une nouvelle quinte de toux. Illyana dut attendre un moment avant de pouvoir prendre à nouveau la parole.
-Désolée, dit-elle d’une voix rauque. Pardon. Je suis toujours malade. On fera mieux connaissance une autre fois. J’avais simplement envie de te voir, et aussi de te dire « salut » et « contente de te rencontrer ».
-Je suis ravie de te rencontrer moi aussi, murmura gentiment Amara. J’espère que tu seras bientôt rétablie.
-Ouais, j’espère aussi.
Visiblement, le fait d’essayer de parler s’avérait douloureux pour la jeune blonde. Dani fit donc signe à Amara qu’elles feraient bien de la laisser et commença à fermer la porte.
-Je passe te voir tout à l’heure, d’accord ? dit-elle à Illyana.
Cette dernière, en guise de réponse, leva faiblement le pouce vers le haut avant de rouler sur le côté pour essayer de contenir sa toux, ou pour qu’au moins les filles ne soient pas atteintes par ses crises.
-Ouah, murmura Amara, compatissante. Elle n’est vraiment pas bien.
-Ouais, la pauvre. Mais la bonne nouvelle, c’est que son état s’améliore, donc tu risques de pas mal la croiser dans quelques jours. Allez, viens. Je vais te montrer ta chambre.
Elles avancèrent jusqu’à atteindre le bout du couloir. Amara jeta un œil par-dessus son épaule.
-Il est long ce couloir.
-Ouais. Je crois que cet endroit a été conçu pour être un hôtel à une époque. Puis le domaine Xavier l’a acheté et l’a réaménagé. Ça y est, c’est là.
Elle ouvrit la porte et fit signe à Amara d’entrer. Cette dernière, après un moment d’hésitation, franchit le seuil, suivie de Dani.
La chambre était de taille décente, environ cinquante mètres carrés, et était meublée de façon simple mais confortable avec un grand lit deux places, une table de chevet, une commode avec un miroir, et dans un coin se trouvait un grand fauteuil rembourré avec un pouf, le tout dans un style campagnard.
-Elle te plaît ?
Amara parcourut la chambre du regard en hochant pensivement la tête.
-C’est... plus joli que ce que j’avais imaginé.
-Et derrière cette porte, tu as ta propre salle de bain, indiqua Dani d’un mouvement de tête. Ce n’est pas du cinq étoiles, mais au moins, tu l’as pour toi toute seule.
-Parce que les autres chambres ne sont pas comme ça ?
-Environ la moitié, si. Et à cet étage, juste avant les escaliers, il y a des toilettes, et deux autres au rez-de-chaussée. Il y a des gens qui viennent faire le ménage une fois par semaine mais, d’habitude, ils ne s’occupent que des salles de bains et des toilettes communes. Donc si tu veux qu’ils s’occupent de la tienne, il faut que tu les préviennes à l’avance.
Amara posa sa valise et examina lentement l’espace autour d’elle destiné à devenir le sien.
-Qu’est-ce qu’elle voulait dire par « chez les inadaptés » ?
-Oh, fit Dani en poussant un soupir. Fais pas attention. C’est juste que... ici, on est tous un petit peu... enfin... brisés, j’imagine.
-Ah oui ?
-On t’a beaucoup parlé de l’Institut Xavier ?
-Pas vraiment, je ne sais pas grand-chose en réalité.
La brune grimaça.
-Oh, euh... je vois, alors… Il y a le bâtiment principal, à environ huit kilomètres d’ici. Il est destiné aux mutants qui maîtrisent déjà leurs pouvoirs ou, du moins, qui les contrôlent suffisamment pour qu’on les autorise à vivre dans un environnement social normal. Et ici, c’est le domaine annexe…, expliqua-t-elle avant de marquer un temps d’hésitation, pour… les mutants qui n’ont pas appris à maîtriser leurs pouvoirs et qui sont susceptibles de représenter un danger pour eux-mêmes ou pour les autres. Ou alors… pour les mutants qui ont déjà blessé quelqu’un. Ou même tué quelqu’un. Ou encore, pour ceux qui sont tellement traumatisés par ce qu’ils ont fait qu’ils doivent rester isolés.
Amara mit quelques instants à digérer cette information.
-Et toi ? C’est pour quelle raison ? finit-elle par demander.
La jeune Amérindienne haussa tristement les épaules :
-Les deux.
-Ça veut dire que je suis...
Amara s’assit lourdement sur le lit, comme si on l’avait poussée.
-Amara, pardon, je ne voulais pas...
-Non, non, c’est rien. Si c’est ça, alors... je suis au bon endroit.
Dani sentit son cœur se serrer. Elle ne connaissait que trop bien cette expression. Elle l’avait vue suffisamment souvent à travers le reflet de sa glace.
-Écoute, Amara... je sais qu’on vient à peine de se rencontrer. Mais chacun de nous ici a traversé quelque chose d’horrible. Et quoique tu aies dû vivre, je te promets que personne ne te jugera. Et si on peut t’aider de quelque façon que ce soit, on le fera.
La blonde ne répondit pas. Elle continuait de fixer ses chaussures. Après quelques instants de silence pesant, Dani décida de tenter quelque chose.
-Tu aimes les chevaux ? demanda-t-elle timidement.
-Quoi ? fit Amara en reniflant discrètement.
-Tu sais monter ?
Amara leva ses yeux larmoyants.
-Il y a des écuries ?
Dani sourit. Elle avait trouvé un moyen de la consoler.
-Oui, il y en a, dit-elle. Et on a des chevaux. Si tu veux, demain matin, on pourra aller faire un tour jusqu’au bâtiment principal. Enfin... si le docteur MacTaggert est d’accord, bien sûr.
-Ça serait sympa. Oui, avec plaisir, acquiesça Amara, les larmes aux yeux.
-Super ! On lui en parlera ce soir.
On frappa délicatement à la porte et Rahne passa sa tête dans l’encadrement.
-Je peux entrer ? demanda-t-elle.
-Salut, Rahne. Bien sûr, entre, l’invita Dani. Amara, c’est ma copine, Rahne. Rahne, je te présente Amara.
La rousse entra dans la chambre, manifestement gênée. Toutefois, elle tendit la main à Amara en lui adressant un sourire chaleureux.
-Bonjour. Je suis contente de te rencontrer.
La nouvelle élève prit la main de Rahne avant de sursauter, les yeux plongés dans les siens.
-Oh. Mais attends. Le... le loup. C’était toi, non ? C’est toi que j’ai vue tout à l’heure.
-Oui, la louve, c’était moi, admit Rahne.
Amara, de toute évidence impressionnée, sécha ses larmes un instant.
-C’est... incroyable. Et là, tu es humaine ? Tu peux te transformer quand tu en as envie ?
-Oui, c’est ça.
-C’est génial.
-Euh... si tu le dis.
-Mais... pourquoi tu es ici ? laissa échapper Amara. Ton pouvoir est fantastique !
La jeune rousse haussa les épaules.
-Je n’ai nulle part où aller.
C’est alors qu’Amara remarqua l’horrible cicatrice sur son cou. Elle fit son possible pour masquer sa stupeur, mais les filles comprirent qu’elle l’avait vue. Rahne recula, profondément embarrassée.
-Je suis vraiment désolée, s’excusa immédiatement la blonde.
Rahne lui sourit tristement.
-C’est rien. Dani a raison : c’est un super endroit. Ici, j’ai des amis… et une petite amie, ajouta-t-elle timidement en jetant un coup d’oeil à la brune. Et personne ne veut ma mort. On aurait pu atterrir dans des endroits bien pires.
-Toi aussi, tu vas te faire beaucoup d’amis ici, Amara, je te le promets, lui assura Dani. Personne ne te fera de remarques sur tes pouvoirs, quels qu’ils soient.
-Sauf peut-être Illy, lui rappela Rahne.
-Oui, c’est vrai, admit Dani. Mais il ne faut pas faire attention à elle. Elle a un bon fond. Mais une fois qu’elle sera sur pieds, à tous les coups, elle essayera de trouver ta corde sensible. Et elle essayera jusqu’à ce qu’elle y arrive. Mais ne la laisse pas t’ennuyer. Elle cherche simplement à savoir ce qui te fait réagir.
-D’accord, c’est bon à savoir, répondit Amara, un peu hésitante.
-Enfin, bref. Ici, ce n’est pas seulement ta chambre, c’est chez toi. Tu es en sécurité. Personne ne viendra t’embêter. Si tu veux être seule, tu n’as qu’à fermer la porte et tout le monde te laissera tranquille. Si tu la laisses ouverte, normalement, ça veut dire qu’on peut venir te voir. À l’intérieur comme à l’extérieur, tu peux aller où tu veux tant que tu restes dans la propriété, à part dans le bureau du docteur MacTaggert. C’est le seul endroit où il est interdit d’aller.
Dani regarda autour d’elle un peu gauchement.
-Bon, je crois que ça y est. On a fait le tour. Rahne et moi, on va se préparer pour le repas. On se voit tout à l’heure, en bas ?
-D’accord. Ça marche.
-Tu veux qu’on laisse la porte ouverte ?
-Euh, je veux bien que vous fermiez. Je crois que j’aimerais bien me changer.
-Ok.
Dani se retourna.
Oh, encore un truc, ajouta-t-elle. Au cas où tu croiserais un petit dragon violet d’environ la taille d’un gros chat qui crache du feu, lui, c’est Lockheed. C’est un petit garnement, mais il ne te fera rien. Il est très gentil.
Amara n’était pas certaine d’avoir bien entendu.
-Vous... avez un dragon, dit-elle lentement.
-Oui. Un petit dragon. Il est gentil, t’inquiète pas.
À ce moment précis, Amara était trop abasourdie pour faire le moindre commentaire.
-Si tu as besoin de quelque chose, Rahne et moi, on est dans la chambre juste en face. Pense juste... euh... à frapper avant d’entrer.
-Ça marche. Merci beaucoup.
Dani s’arrêta sur le seuil de la porte.
-Bienvenue à l’Institut Xavier, dit-elle en toute sincérité. On est heureux de t’accueillir.
-Merci.
Dani sortit et ferma la porte derrière elle. Amara s’effondra sur le lit et contempla l’espace qui l’entourait. Elle soupira lourdement tout en essayant de retenir les larmes qui menaçaient de couler. Puis, elle laissa tomber sa tête dans ses mains, et se mit à pleurer en silence.
* * *
Dès qu’elles furent seules, Rahne enleva rapidement ses vêtements et les lança négligemment sur l’accoudoir du fauteuil rembourré qui se trouvait au coin de la chambre. Que ce soit sous forme humaine ou louve, la mutante aimait bien se sentir à l’aise. Elle se glissa dans le lit.
Dani fronça les sourcils.
-Pourquoi tu fais ça ? On descend manger dans vingt minutes.
-Justement, Rahne fit un signe de tête. On a vingt minutes devant nous.
Dani la regarda pendant un instant sans comprendre, avant de finalement réagir.
-Oh, s’exclama-t-elle. J’ai compris !
Elle ôta rapidement ses vêtements et se glissa sous la couette à côté de sa compagne, la rapprochant d’elle.
-Salut, toi, murmura-t-elle.
-Salut, toi, susurra Rahne.
La brune donna un petit baiser sur les lèvres de sa copine.
-Je me suis ennuyée de toi cette nuit.
-Et moi, encore plus.
-C’est adorable ce que tu as fait.
La jeune rousse haussa les épaules.
-Illy a passé le plus dur. Berto peut veiller sur elle maintenant, ou bien lui baver dessus. C’est à lui de voir.
-Je sais pas trop, je crois que ça me déplait pas tant que ça qu’Illy se sente faiblarde. Elle est beaucoup plus facile à supporter.
-Tu trouves ?
-Pas toi ?
-Je pense qu’elle se fait beaucoup de soucis pour son frère.
-Moi aussi. À sa place, je serais vraiment inquiète, reconnut Dani.
-Dani, et si...
Rahne marqua une pause, ayant du mal à exprimer ce qu’elle appréhendait le plus.
Et si on ne revoyait jamais le professeur ? Et si lui, les X-Men et les autres élèves ne revenaient jamais ?
-Tu crois que c’est ce qui risque d’arriver ?
-J’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que ça fait longtemps qu’ils sont partis, et j’ai peur. Même le docteur MacTaggert a peur. Elle ne veut pas le montrer, mais je le sais.
-Moi aussi, j’ai peur, Rahne.
-Et si il n’y avait plus que nous maintenant ?
-Au moins, on sera ensemble. Avec Sam, Roberto, le docteur MacTaggert...
Dans un geste de réconfort, Dani fit glisser ses doigts entre les cheveux roux foncés de Rahne.
-Tu crois qu’Illyana va rester avec nous si son frère ne revient pas ? demanda cette dernière.
-Je ne sais pas. Où est-ce qu’elle irait ?
-J’ai toujours l’impression qu’un jour, elle va invoquer un de ses cercles magiques et disparaître sans prévenir. Quelquefois, j’ai peur qu’elle ne nous apprécie pas beaucoup.
-Moi, je suis sûre que si, dit Dani d’un air songeur. Mais ce que je pense aussi, c’est qu’elle a du mal à l’avouer. Surtout, à elle-même.
-Je ne veux pas qu’elle s’en aille. Je sais qu’elle est parfois méchante, mais il y n’a personne d’autre au monde qui sait faire ce qu’elle fait. Elle est vraiment géniale.
-Oui, je suis d’accord, acquiesça Dani.
-J’ai envie de perdre aucun d’entre vous, dit Rahne. Quand j’ai rencontré Amara tout à l’heure, ça m’a rappelée qu’ici, c’est chez moi, ma maison. Et je veux que ça le reste. Je veux que tout le monde reste.
Dani lui pressa la main pour la rassurer.
-On va rester, lui promit-elle. Quoiqu’il arrive Rahne, on va s’en sortir. On trouvera un moyen de rester ensemble.
-Je t’aime, lui chuchota Rahne.
-Je t’aime aussi.
Dani se pencha, et les deux filles partagèrent un long et langoureux baiser. La jeune brune afficha un sourire.
-T’as encore les yeux qui se transforment.
-Tu es sûre que ça ne te dérange pas ? s’inquiéta Rahne.
-Je les trouve magnifiques, déclara Dani. Je trouve que tu es magnifique.
Elle se positionna délicatement au-dessus de Rahne avant de l’embrasser avec passion. Les minutes qui suivirent, les deux amoureuses oublièrent tout : Illyana, Amara ainsi que le reste du monde.