L'Obscurial
AUDREY
Nous sortîmes et payâmes l'hôtel sans un mot. Le concierge nous ne le rendait bien, on avait payé un peu plus que nécessaire mais nos noms n'étaient pas inscrits dans le registre. Je me tournais vers Norbert :
- L'argent fait tout ici.
- Oui mais méfie toi, il peut tout défaire à la même vitesse.
Il n'avait pas souvent un air si grave mais cela était compréhensible. Nous partions vers l'inconnu et nous ne savions même pas par où commencer.
Dehors le jour s'était pleinement levé et la ville était baignée dans la lumière. Parfois le reflet d'une montre où d'une vitre venait m'éblouir mais personne n'y faisait vraiment attention. Quelle ville décidément bien étrange.
- Nous ferions bien de commencer par là où tu l'as vu pour la dernière fois.
- Tu as sûrement raison.
A peine avait-il dit cela que Norbert fila à travers la foule d'un pas rapide. Plus on s'approchait du but plus il était tendu, je le sentais. Nous tournions à droite puis à gauche avant de filer droit pendant un moment pour finir par tourner presque à gauche encore. Il tenait la valise dans son sillage et se frayait un chemin avec les épaules, je me plaçais juste derrière lui pour pouvoir profiter de l'ouverture qu'il avait ainsi ménagée. Nous marchions depuis peut-être une demi-heure lorsqu'il de retourna pour me dire que nous étions bientôt arrivé, comme s'il pensait que j'allais le laisser filer par manque de patience.
Tout à coup je sentis l'orage. J'attrapais le bras de Norbert. Derrière moi un passant surprit par mon arrêt soudain m'évita brutalement - sans manquer de me mettre un léger coup de coude dans les côtes au passage – en grognant contre les touristes qu'il affublait de joyeux noms d'oiseaux.
Norbert me regardait, les sourcils froncés mais ne disait encore rien. Il me connaissait assez pour savoir que même s'il me demandait quelque chose je n'aurais pas répondu. Toute mon attention était concentrée sur ce que je sentais, un orage, une tempête, mais le ciel était bleu et l'air de la mer d'hier ne m'avait rien dit d'un tel changement de temps. Lorsque je me concentrais cela devenait encore plus étrange. Ce n'était pas comme d'habitude. Normalement l'orage se ressent comme une atmosphère pesante qui écrase tout mais ici cette tempête était comme une brise. Je pouvais presque la sentir couler comme un fleuve impalpable. Je me laissais entraîner par ce torrent, Norbert sur les talons toujours silencieux mais aussi attentif qu'un chien aux aguets.
Nous nous engageâmes dans plusieurs petites ruelles. Elles devenaient de plus en plus exiguës et la lumière du jour avait de plus en plus de mal à atteindre le sol. Il ne faisait pas vraiment sombre mais la nuit aurait pu être tombée que cela ne m'aurait pas étonné. Je m'arrêtais devant une intersection. En face je sentais l'air frais revenir mais à ma droite c'était un cul-de-sac. L'atmosphère y était bien différente de ce que j'avais senti jusque là. La tempête ne coulait plus elle s'était totalement amassée dans cet endroit. Si je fermais les yeux j'aurais pu jurer être en pleine tempête mais il n'y avait ni vent ni pluie ni éclair. Tout était calme, trop calme pour ce que je ressentais. Je fis un pas dans la ruelle.