The Legends

Chapitre 55 : Chapitre 49 Troisième partie

9066 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/08/2017 12:20

CHAPITRE 49 PARTIE 3 : LA FIN D'UNE HISTOIRE ? 

     

Sur la passerelle de commandement, le deuxième opérateur de T.S.F. Harold Bride rejoint le capitaine Smith en courant :

- Commandant ! Le "Carpathia" dit qu'ils font route à 17 nœuds ! Ils sont à toute vapeur, commandant !

- C'est le seul bateau qui a répondu ?

- Le seul qui soit proche, commandant... ils disent qu'ils ne seront pas là avant 4 heures...

Horrifié par cette nouvelle, le capitaine trahit son angoisse :

- Avant quatre heures ?

Voyant le visage surpris du jeune opérateur, il se détourne un moment pour se recomposer un visage rassurant puis congédie Bride en lui souriant paternellement comme à son habitude :

- Merci Bride...

Le jeune homme retourne à son poste et Smith s'effondre sur la passerelle du plus grand navire du monde maintenant officiellement en détresse, en sachant qu'il n'y a plus aucun espoir...

 

A bâbord, les premiers canots sont enfin prêts pour l'embarquement. Les officiers Charles Herbert Lightoller et Henry Tingle Wilde tiennent le commandement de ce côté et les matelots autour d'eux hurlent toujours pour surmonter le vacarme de la vapeur qui s'échappe :

- N'avancez pas !

Lightoller attend l'ordre de mettre les passagers dans les embarcations mais voyant le capitaine s'approcher comme un noctambule, ou comme s'il avait perdu la raison, il décide de demander l'ordre au lieu de perdre du temps précieux en attendant :

- Commandant ! Les premiers canots sont prêts à embarquer ! Ne devrions-nous pas faire monter les femmes et les enfants d'abord, commandant ?

Dépassé par les événements, le capitaine hoche doucement la tête comme si toute énergie l'avait quitté :

- Oui, les femmes et les enfants...

Il parle si bas que Lightoller est obligé de demander :

- Pardon ?

Avec un peu plus d'assurance, il répète :

- Les femmes et les enfants d'abord. Oui.

Lightoller et Wilde se regardent, puis le 2ème officier répond :

- Bien, commandant !

Ils s'éloignent pour suivre l'ordre mais tous deux savent que le capitaine John Edward Smith, le patriarche qui commandait les plus grands navires de la flotte White Star depuis 26 ans avec un heureux mélange de discipline, respect et bonté, n'est plus capable de gérer la situation et que c'est à eux de sauver le plus de vies possibles...

Pendant que Wilde passe à tribord pour informer Murdoch des ordres du capitaine, Lightoller hurle à l'intention des passagers :

- Mesdames et messieurs ! Votre attention s'il vous plaît ! Avancez par ici, s'il vous plaît, voilà ! Vous avancez vers moi, merci ! Bon.

Soudain, le bruit assourdissant de la vapeur arrête et le silence qui suit n'en est que plus effrayant. Le deuxième officier continue d'encourager les passagers :

- Pour le moment je vais demander seulement aux femmes et aux enfants d'embarquer. Messieurs, s'il vous plaît, restez où vous êtes !

Accompagné de ses musiciens, le chef d'orchestre Wallace Hartley, qui jouait sur le Carpathia pour un salaire moindre avant d'embarquer sur le Titanic, est monté sur le pont des embarcations, instruments à la main, et il donne ses instructions :

- Ici ça va. Bon, alors, messieurs, comme le commandant l'a demandé : quelque chose d'enjoué pour éviter la panique... "Danse de noces".

Lightoller continue de demander aux hommes :

- Messieurs, s'il vous plaît, restez pour l'instant où vous êtes !

Les premières notes du morceau emplissent l'air glacial et l'effet que produit la musique semble correspondre à ce qu'attendait le commandant Smith : les hommes se décontractent et les femmes s'inquiètent plus de monter dans les coques de noix que sont les chaloupes, qui descendent 18 mètres jusqu'au niveau de l'Atlantique, que de quitter leurs maris puisque la musique et le navire illuminé sont si rassurants. Non, il ne peut rien arriver à ce palace flottant brillant de toutes ses forces...

 

Hans et Elsa sortent du foyer près des musiciens et soudain Elsa essaye de faire demi-tour :

Hans se rappelle les paroles du constructeur et retient son bras avec une violence qui la surprend :

- Non, vous restez ici, Elsa !

Elle regarde attentivement celui qui l'avait t'en fait souffrir et la peur commença à revenir en elle.

 

Quelques stewards parcourent les coursives de troisième classe et distribuent des vestes de sauvetage en criant :

- Gilets de sauvetage ! Oui, vous mettez ces gilets de sauvetage ! Mettez vos gilets de sauvetage ! Tenez... mettez un gilet de sauvetage ! Tenez... allez !

Tommy attrape le dernier en passant et l'enfile, Fabrizio se retourne et constatant qu'il n'y en a plus, il continue sa course sans gilet. Les stewards implorent :

- Mettez ce gilet de sauvetage s'il vous plaît ! Je vous en supplie ! Restez calmes, il n'y a aucune raison de s'affoler !

Partout des gens encombrés de bagages et d'une multitude d'enfants bloquent les coursives. Un steward déclare :

- J'ai pourtant expliqué à ces imbéciles qu'ils ne doivent pas emmener leurs bagages ! 

Fabrizio et Tommy sont arrivés dans la salle de séjour des troisièmes classes qui débouche sur le pont ouvert C arrière, mais les portes d'accès sont fermées par des grilles en fer forgé ! Les passagers des entreponts ont senti la collision et inutile de leur faire un dessin : ils savent que le navire est en détresse, d'ailleurs nombre d'entre eux se sont retrouvés les pieds dans l'eau glacée dès leur réveil ! Mais les familles sont souvent nombreuses, comme John et Annie Sage voyageant avec leurs 9 enfants dont les plus jeunes, William et Thomas ne sont encore que des bébés. Ou les Panula qui comptent 7 têtes, les Asplund au nombre de 8, Alma Paulsson qui doit retrouver son mari en Amérique avec 4 enfants en bas âge et Margaret Rice qui voyage pour la même raison avec ses 5 fils. Pour tous ces gens il n'est pas question de quitter la famille, les amis de toujours ou ceux que l'on a connu depuis le début du voyage en Italie où encore en Suède... Avec leur baluchon pour seul bagage, qu'ils ne sont d'ailleurs pas prêts à abandonner puisqu'ils ont vendu tout ce qu'ils avaient en Terre Natale pour faire ce voyage, ils attendent que l'on ouvre les grilles, mais elles restent souvent fermées... de l'autre côté les stewards tentent d'apaiser les craintes :

- Ne criez pas, restez calmes, il n'y a aucune raison de s'affoler ! Ce n'est pas encore le moment de monter dans les canots ! Je vous en prie, restez calmes ! Ecoutez, s'il vous plaît ! Assurez-vous pour l'instant que tout le monde a un gilet de sauvetage ! Et Messieurs, s'il vous plaît, laissez passer les femmes et les enfants !

Un petit garçon questionne sa mère :

- Qu'est-ce qu'on fait, maman ?

La femme d'origine irlandaise lui répond :

- On attend, mon chéri... lorsqu'ils auront mis les passagers de la première classe dans les canots, ce sera notre tour... alors il faudra qu'on soit prêt ! C'est compris ?

Rassurés, le petit bonhomme et sa sœur hochent la tête tandis que leur mère observe le manège des stewards de l'autre côté de la grille avec une inquiétude grandissante. Fabrizio a repéré Helga et sa famille, bagages à la main, dans les escaliers et les rejoint en souriant. La majeure partie des émigrants ne comprend pas les ordres anglais et ils crient dans leur langue maternelle sans pouvoir se faire comprendre pour autant. Voyant les gens affluer et la nervosité s'amplifier, un steward envoie un autre :

- Il faut maintenir cette grille ! Va nous chercher du renfort !

 

Du côté tribord du pont des embarcations, c'est le premier officier Murdoch qui commande. Justement, le canot numéro 7 est mis à l'eau mais les matelots manquent de routine, les nouveaux bossoirs leurs sont inconnus. Murdoch agite les bras comme s'il voulait s'envoler :

- Allez-y ! Gauche et droite ensemble ! Les deux côtés ensemble, et doucement !

Un matelot crie :

- Doucement, doucement, doucement !

Un autre intervient :

- Attention ! Bâbord, vite ! Encore !

Un troisième ajoute en criant :

- Doucement !

Le canot penche dangereusement, menaçant de verser ses passagers terrifiés dans l'océan froid et noir et incroyablement loin du pont des embarcations ! Murdoch hurle :

- Arrêtez sur la gauche ! La droite uniquement ! Juste la droite, allez ! Juste le côté droit ! A gauche attendez ! Attendez, juste le côté droit ! Oui, voilà ! Et maintenant ensemble...

Le premier matelot encourage ses collègues :

- Doucement les gars, tout doucement...

Ils parviennent à redresser le canot désespérément sous-peuplé avec seulement 28 passagers pour 65 places, dont madame Washington Dodge et son fils Arthur, Paul Chevré, monsieur et madame Dickinson Bishop et l'actrice Dorothy Gibson et sa mère.

A 0 heure 45, dans un brouhaha général, la première fusée blanche explose au-dessus du Titanic et annonce officiellement que le plus grand paquebot du monde est en détresse et a besoin d'assistance immédiate, si rapidement qu'il appelle même les bâtiments assez proches pour voir les fusées alors qu'il dispose d'un poste de T.S.F. !

Tandis que les enfants sont ravis, les premiers passagers de première et deuxième classe commencent enfin à comprendre qu'il y a un vrai problème. C'est à peine si la partie peinte en blanc de la proue dépasse encore de l'eau...

Le visage pâle de Bruce Ismay trahit qu'il est en train de craquer. Pris de panique à la vue de la fusée, il se met à gesticuler et à commander aux officiers occupés à affaler le canot numéro 5 :

- Il n'y a pas de temps à perdre ! Faites descendre ! Faites descendre ! Allez, faites descendre !

Le plus jeune des officiers, Harold Lowe, âgé de 28 ans, hurle en ignorant qui il a devant lui :

- Dégagez d'ici, imbécile !

Contrarié, Ismay questionne :

- Savez-vous qui je suis ?

- Vous êtes un passager et moi je suis un putain d'officier sur ce navire ! Et maintenant reculez et faites ce qu'on vous dit !

Lowe s'adresse de nouveau aux matelots :

- O.K. les gars, occupez-vous de ces cordages !

Ismay réfléchit un moment puis recule en s'excusant :

- Vous avez raison... je suis désolé...

Il est redevenu un passager refusant toute responsabilité dans ce qui arrive...

 

Sur le pont des embarcations 5 étages au-dessus de lui, Jack peut entendre les pas et les voix lui parviennent également de très loin. Un homme crie :

- Il va couler ! Il faut évacuer tout le monde !

Depuis sa prison, Jack voit l'eau monter et emplir doucement le hublot devant lequel il est solidement attaché. Lovejoy est assis devant le bureau du capitaine d'armes et a retiré une balle du chargeur de son revolver en argent, qu'il laisse rouler du haut de la table dont le degré de la pente est évident maintenant. Soudain il remet la balle dans le chargeur, puis le chargeur dans le revolver d'un geste rapide et précis et regarde Jack :

L : Vous savez, je crois maintenant que ce paquebot peut couler !

Il se lève et rejoint le jeune homme :

L : On m'a demandé de vous donner ce petit gage de notre reconnaissance...

De toutes ses forces il envoie son poing dans l'estomac de Jack qui n'a aucun moyen de retraite. Le visage crispé par la douleur, il comprend que Lovejoy va l'abandonner à son sort dans cette cabine déserte dans un pont encore plus désert, personne ne sachant où le trouver, et ses amis ne sachant pas même qu'ils devraient le chercher : ils le croient avec Elsa et en sécurité, bien plus qu'eux mêmes d'ailleurs dans les ponts supérieurs... !

Lovejoy ajoute froidement :

L : Avec les compliments de monsieur Hans Hockley ! 

Content de lui, il s'empare de la clef des menottes, la lance en l'air et la place dans sa poche avant de partir, abandonnant Jack à son sort. Encore chancelant du coup qu'il vient d'encaisser, il ne regarde pas le majordome partir, mais il a compris qu'il risque de perdre cette partie...

 

Dans le canot numéro 6, Molly Brown encourage ces dames à l'imiter :

- Obéissez au monsieur, ma fille, montez dans le canot !

Un des officiers approuve :

- Montez dans le canot, ces messieurs vont s'occuper de vous !

 

Elsa, Hans et sa mère arrivèrent près d'un canot et Hans demande :

H : Une petite place pour un gentleman, messieurs ?

Lightoller tranche net :

- Monsieur ? Uniquement les dames, monsieur !

Etonné de se voir refuser l'accès au canot, il entend Une dame déclarer :

- Est-ce que nous sommes placés dans les canots selon la classe ? Oh, j'espère qu'il n'y aura pas trop de monde !

Elsa regarda la dame et ose l'affronter comme elle aurait dû le faire depuis longtemps : 

- Oh, la ferme ! Vous ne comprenez pas ? Cette eau est glaciale et il n'y a pas assez de canots ! Pas assez pour tout le monde ! La moitié des passagers de ce paquebot va mourir !

Hans ajoute ironiquement :

H : Pas la meilleure moitié !

Molly appelle la mère d'Hans :

- Venez, Ruth, dans le bateau ! Les 1ères classes sont placées juste ici !

Ruth monte dans la chaloupe tandis que Hans ajoute méchamment :

H : C'est dommage que je n'aie pas gardé ce dessin... il aura beaucoup plus de valeur demain !

Pendant qu'une nouvelle fusée de détresse éclate en une pluie d'étincelles, Elsa, dégoûtée, comprend : Jack est passager de l'entrepont, il n'a aucune chance de s'en sortir. Et son emprisonnement était manigancé, elle en est sûre a présent :

E : Vous êtes un incroyable salaud !

Molly appelle Elsa, maintenant que Ruth est installée :

- Venez, Elsa chérie, il y a encore de la place pour vous... Allez, Elsa ! C'est à vous, ma chérie !

Ruth a repris son ton autoritaire habituel :

- Allez, montez dans le bateau, Elsa !

Hans ajoute :

H : Venez !

Voyant que la fille de sa défunte amie hésite, Ruth s'écrie :

- Elsa montez dans ce bateau ! Elsa !

Mais sa décision est prise et elle ne reviendra pas une seconde fois là-dessus : elle aime Jack et elle va aller le retrouver.

E - Au revoir, Ruth je suis désolé 

Ruth devient hystérique :

- Elsa ! Elsa ! Revenez ici ! Tout de suite !

Elsa s'est déjà détournée et a pris la direction du grand escalier quand Hans la rattrape et crie :

H : Mais où allez-vous ? Vous allez le retrouver ? Vous vouez être la putain d'un rat d'égouts ?

Les matelots font glisser les cordes du canot numéro 6 dans les bossoirs, tandis que Ruth hurle :

- Non ! Attendez ! Attendez !

Elsa l'entend elle aussi mais elle réplique :

E : Je préfère être sa putain que de venir avec vous !

Comprenant qu'elle a décidé de mourir avec Jack plutôt que de vivre avec lui, Hans hurle : 

H : Non ! Non ! J'ai dit non !

Il tient Elsa violemment par le bras mais elle se dégage et lui crache à la figure comme Jack lui a appris... puis elle s'enfuit.

Les cris de Ruth sont devenus plaintifs, mais elle persiste :

- Je vous en prie... arrêtez !

Un matelot déclare :

- Attention, on dépose ! Allez, descendez ! Retenez un peu le côté gauche !

Ruth pleure Elsa :

- Elsa ! Elsa ! Non, attendez ! Elsa...

Elle était déchirée car elle avait promis à la mère d'Elsa de toujours veillée sur ses enfants

 

Elsa aperçoit Hans qui la suit en courant. Elle s'adresse à deux gentlemen :

E : Cet homme tente de tirer avantage de moi dans la foule !

Indignés, les hommes arrêtent Hans qui se débat en vociférant. Mais Elsa a déjà disparu dans les entrailles du navire lorsqu'il parvient à se dégager et atteint l'entrée du foyer du pont des embarcations. Il dévale les marches en bousculant tout le monde et se retourne dans tous les sens, mais il n'y voit que des couples élégants le dévisageant avec étonnement...

 

L'Atlantique recouvre complètement le hublot devant Jack à présent, les premiers cordages pendent le long de la coque, inutiles depuis le départ du canot qu'ils ont transporté...

Jack comprend que son unique chance d'être découvert est d'appeler :

J : A l'aide ! Il n'y a personne qui m'entend ? Au secours ! Je vous en prie ! Au secours ! Est-ce que quelqu'un m'entend ? Est-ce que quelqu'un m’entend ? A l'aide ! Venez m'aider !

Il frappe les menottes contre le tuyau d'évacuation métallique pour faire un maximum de bruit, griffant la couleur blanche fraîche, mais les couloirs sont déserts... et l'eau a commencé à envahir les compartiments avant, doucement, tout doucement elle avance, silencieuse, froide et mortelle.

Elle emplit déjà les escaliers du pont F qui est complètement inondé...

 

Lentement le canot numéro 6 descend le long de la coque du Titanic. Par la dernière rangée de hublots illuminés au-dessus de la surface les occupants terrifiés voient les meubles flotter dans les cabines de deuxième classe...

Dès qu'ils amerrissent, Robert Hitchens, le maître de timonerie qui était à la barre lors de l'impact, encourage les matelots censés ramer :

- Allez, les gars, il faut nous éloigner le plus possible de ce vaisseau...

Regardant les hommes qui sont incapables de mettre les rames dans les cales prévues pour, Molly demande avec irritation :

- Est-ce qu'aucun de vous a jamais ramé ? Donnez-moi une de ces rames, je vais vous montrer ! 

Ecrasant un pied de Ruth elle change de place pour s'installer près de la coque du canot. 

  

Thomas Andrews contrôle systématiquement les cabines de première classe pour s'assurer que les occupants sont bien sortis sur le pont des embarcations. Elsa le cherche désespérément car il est le seul à pouvoir lui dire où et comment trouver Jack. Elle parcourt les coursives en appelant :

E : Monsieur Andrews ?

Celui-ci ordonne justement à un steward qui conduit deux de ses passagers vers la sortie :

- Steward, vérifiez les cabines de tribord !

- Oui, monsieur.

Une femme quitte tranquillement sa cabine en enfilant ses gants de cuir quand Andrews l'aperçoit et lui intime sévèrement : 

- Je vous en prie, madame, mettez un gilet de sauvetage et montez immédiatement sur le pont !

La femme reste sur place, stupéfaite de s'entendre parler de cette façon. Mais l'ingénieur a déjà repéré une des 18 femmes de chambre engagées par la White Star Line au service des passagers de première classe uniquement :

- Lucie, pour l'amour du ciel, mettez votre gilet de sauvetage ! Montrez le bon exemple !

- Oui, monsieur.

Animé par un sentiment d'extrême urgence, il s'attaque à la porte suivante :

- Il y a quelqu'un ici ?

Elsa apparaît au croisement des couloirs tout près de lui, appelant toujours :

E : Monsieur Andrews ? Monsieur Andrews ?

Soulagée de le trouver elle ne prend même pas le temps de reprendre son souffle et demande :

E : Oh, Dieu merci ! Où le capitaine d'armes enfermerait un homme qui a été arrêté ?

Il sait parfaitement de qui elle parle mais sachant que le temps presse, il tente de la dissuader de descendre dans les entrailles du navire :

- Mais enfin ! Vous devez tout de suite monter dans un canot !

E : Non ! Je le ferai avec ou sans votre aide, monsieur ! Mais ce sera plus long sans votre aide...

Résigné, il comprend qu'elle mettra son plan à exécution :

- Prenez l'ascenseur jusqu'au dernier pont. Allez à gauche. Descendez le couloir de l'équipage puis allez à droite. Et ensuite à gauche à l'escalier vous trouverez un long corridor...

E : Pont E.… gauche... droite... ça y est !

Hantée par la pensée que Jack n'est peut-être plus en vie, elle essaie désespérément d'enregistrer les indications pour le moins troublantes.

 

Ensemble, Molly et les deux matelots ont éloigné le canot de quelques centaines de mètres du Titanic qui penche manifestement de l'avant. Autour d'eux, l'évacuation bat son plein, 5 ou 6 canots flottent déjà autour d'eux. Les occupants du numéro 6 regardent l'étrave qui n'est plus qu'à un mètre de la surface de l'eau et Molly encourage les dames :

- Allez, les filles ! Ramez donc aussi, ça vous tiendra chaud !

Mais Ruth et les autres n'ont d'yeux que pour ce grand navire dont les rangées de hublots forment un angle particulier par rapport à l'eau...

 

Dans sa prison, Jack commence à s'inquiéter sérieusement :

J : Ça devient grave maintenant...

Il ne croit pas aussi bien dire : quelques secondes plus tard, l'eau entre par-dessous la porte et il parvient à se réfugier sur un bureau. Mais il est parfaitement conscient que ses chances d'être découvert diminuent à chaque minute qui s'écoule :

J : Oh merde... oh merde !

  

Pour gagner du temps, au lieu de descendre les escaliers les 4 étages jusqu'au pont D puis un escalier réservé à l'équipage jusqu'au pont E, entravée par sa robe et son lourd manteau brodé de fleurs noires sur fond rose, Elsa se fraye un passage parmi les gens attendant devant les ascenseurs :

E : Excusez-moi ! Merci !

Le groom s'écrie :

- Les ascenseurs sont condamnés ! Désolé mademoiselle, mais les ascenseurs sont condamnés !

Elsa le bouscule jusqu'au fond de la cage lambrissée de chêne, sous les regards étonnés des autres passagers, et ordonne :

E : J'en ai marre d'être bien élevée, nom de Dieu ! Maintenant, faites-moi descendre ! Pont E !

Déconcerté, l'homme s'exécute immédiatement, pendant que la jeune fille ferme les grillages d'un geste décidé.

 

Jack tente de forcer le mécanisme des menottes, ses poignets gonflent mais il ne sent pas la douleur :

J : Ouvre-toi ! Allez, ouvre-toi !

L'eau monte imperturbablement...

 

L'ascenseur s'approche du pont E et l'eau s'engouffre tout de suite, avec une telle force qu'Elsa et le groom sont basculés contre le montant de la cage, l'Atlantique leur arrivant aux chevilles puis quelques secondes plus tard jusqu'aux genoux. En proie à la panique, le jeune homme s'écrie : 

- Il faut remonter !

Mais elle parvient à l'empêcher d'activer le mécanisme :

E : Non ! Non ! Non !

- Mademoiselle !

Elsa ouvre le portail et se retrouve dans le foyer du pont E, qui n'est plus desservi par le grand escalier et est beaucoup moins luxueux que les foyers des étages précédents. Le groom crie après elle :

- Revenez ! Il faut que je remonte ! Il faut que je remonte !

Elsa regarde sa dernière chance d'être sauvée remonter vers les étages supérieurs en déversant une cascade d'eau verte et limpide non sans inquiétude, mais décidée de retrouver Jack même au prix de sa vie. A sa gauche, une plaquette de cuivre annonce "Crew only", la coursive que monsieur Andrews lui a décrite :

E : Le couloir ! Couloir de l'équipage !

Des chaises et autres meubles flottent et entravent son chemin, elle les repousse impatiemment. L'eau lui entoure déjà les cuisses lorsqu'elle arrive à la fin du couloir de l'équipage qui se divise en un véritable labyrinthe de galeries identiques, recouvertes de linoléum rouge, les murs laqués de blanc. Son unique chance est de se faire entendre :

E : Jack ! Jack ! Jack ! Jack !

Soudain les lampes oscillent mais se rallument aussi vite, mais de loin elle croit avoir entendu la voix familière du jeune homme et reprend courage :

J : Elsa !

E : Jack ?

Jack cogne les menottes contre la tôle peinte pour qu'elle puisse trouver la direction, sans arrêter d'appeler :

J : Elsa ! Je suis ici ! Je suis ici !

E : Jack !

J : Je suis ici !

E : Jack !

J : Elsa !

Tout en criant son nom continuellement, elle approche de la pièce qui le retient prisonnier, et finit par trouver la bonne porte :

E : Jack, Jack ! Je te demande pardon ! Je te demande pardon, je te demande pardon !

Elle se jette dans ses bras en l'étouffant de baisers et il lui assure :

J : C'est Lovejoy qui me l'a mis dans la poche !

E : Je sais, je sais, je sais !

Une ombre sur la surface de l'eau deux mètres au-dessus du hublot attire leur attention. C'est un canot qui s'éloigne du navire...

Alarmé, Jack presse :

J : Ecoute, Elsa, il faut que tu trouves le double de la clef ! D'accord ?

E : D'accord !

Il lui indique une vitrine aux portes en verre accrochée au mur renfermant quelques dizaines de clefs :

J : Regarde ! Regarde dans ce placard-là ! C'est une petite clef en argent.

Elsa vérifie le contenu de l'armoire puis s'écrie horrifiée :

E : Celles-ci sont toutes en cuivre !

Il désigne le bureau du capitaine d'armes et dit :

J : Regarde dans le tiroir !

Pendant qu'elle fouille le tiroir, une question lui brûle les lèvres :

J : Elsa ?... Qu’est-ce qui t'a fait comprendre que j'étais innocent ?

Elle arrête d'inspecter le meuble pendant un instant et le regarde :

E : Rien du tout... j'ai juste réalisé que je le savais déjà...

Souriant, il l'invite à continuer de fureter après la clef des menottes :

J : Continue à chercher !

E : Oh...

 

Pendant que les matelots libèrent le canot numéro 1 des cordages, avec seulement 10 occupants alors qu'il est prévu pour quatre fois plus, Lucille Duff Gordon se lamente sur son sort :

- Je déteste les petits canots. Je sens que je vais avoir le mal de mer... oh mon Dieu, il y a un homme-là au hublot !

Le visage de Jack, déformé par les clapotis de l'eau, apparaît sous eux, dans un halo de lumière verte en provenance des étages immergés...

 

Le bastingage de proue du Titanic avec ses lettres dorées autrefois 15 mètres au-dessus de la ligne de flottaison, s'enfonce doucement dans les eaux noires de l'Atlantique Nord, tandis que les appels

- Allez ! Montez, montez ! Dépêchez-vous ! Allez ! Allez !

Résonnent sur la surface presque lisse de l'océan.

 

Impitoyablement, l'eau monte à chaque minute. Jack étant toujours prisonnier dans le bureau du capitaine d'armes, Elsa commence à paniquer :

E : Pas de clef ! Y a pas de clef !

S'efforçant de ne pas laisser paraître son désespoir, il essaie de la rassurer :

J : Bon, alors écoute-moi. Va chercher de l'aide auprès de l'équipage ! Tu vas y arriver !

Elsa l'embrasse encore une fois avant de quitter la cabine dans laquelle les meubles flottent maintenant :

E : Je reviens vite...

J : Je t'attends ici !

 

Tremblante de froid et de peur, Elsa avance péniblement dans l'eau qui lui arrive déjà jusqu'aux hanches. Elle repère un escalier de service qui mène au pont D et monte aussitôt :

E : Hé ho, il y a quelqu'un ici ? Hé ho ! Quelqu'un m'entend ici ? On a besoin d'aide ! Au secours ! C'est pas vrai... il y a quelqu'un ? Je vous en prie, au secours... au secours...

Des pas retentissent et quelques secondes plus tard un passager de troisième classe apparaît, complètement paniqué. Elsa est seulement soulagée de voir un homme :

E : Ah, Dieu merci...

L'homme, un Croate peut-être ou Hongrois, passe sans se soucier d'elle et Elsa le retient par la manche de son habit :

E : Attendez, j'ai besoin de votre aide ! Il y a un homme dans une cabine en bas et...

Mais l'étranger ne peut comprendre sa langue et s'enfuit en criant "Non, non !" dans sa langue maternelle.

E : Attendez ! Attendez !

Mais l'homme est trop effrayé et continue sa course sans se retourner. Elsa perd courage et émet un son plaintif :

E : Au secours...

En proie au désespoir, elle s'appuie contre la paroi métallique blanche du couloir pour réfléchir quand les lumières brillent depuis en plus faiblement puis vacillent pour n'être plus qu'un reflet rouge. L'énorme pression des tonnes d'eau à l'intérieur et à l'extérieur du Titanic provoque un atroce bruit de tôle broyée qui glace la jeune fille au point à ne plus oser bouger. Mourra-t-elle ici, toute seule ? Hantée par cette pensée sa respiration se fait haletante, l'adrénaline submerge son corps tremblant, l'inquiétude pour Jack et l'adrénaline empêchait les deux gardiens à utiliser leurs pouvoirs, et aussi soudainement qu'elle a disparu la lumière revient, rassurante - du moins pour un moment. Elsa appelle encore :

E : Au secours !

Un steward de troisième classe accourt avec un paquet de gilets de sauvetage sous le bras et étonné de trouver quelqu'un aussi bas dans le ventre du navire mourant :

-Ah, mademoiselle, ne restez pas là !

E : Attendez s'il vous plaît...

Il ne l'écoute pas et l'entraîne dans sa course :

- Venez vite ! On va vous faire remonter... par ici, vite...

Elsa essaye de lui expliquer sa situation :

E : J'ai besoin de votre aide ! Il y a un homme là-bas, coincé dans une cabine !

L'homme pense qu'elle perd la raison mais lui-même est en proie à la panique et ne l'écoute toujours pas :

- Venez, venez par ici ! Oui, oui... d'accord ! Suivez-moi !

E : Je vous en prie !

- Pas de raison de paniquer ! Tout va bien, suivez-moi...

Elsa tente désespérément de se défaire de son étreinte et crie :

E : Non, je ne panique pas, mais vous n'allez pas dans la bonne direction !

- Bon, très bien... alors venez !

Voyant que c'est inutile d'espérer de l'aide de cet homme elle se débat :

E : Lâchez-moi ! Ecoutez !

Etonné par son obstination il lâche prise et elle lui envoie son poing en pleine figure. Incrédule, touchant son nez saignant, il lui souhaite :

- Allez au diable !

Il part en courant, abandonnant la jeune fille à son sort. Elsa s'adosse une nouvelle fois contre le mur et ferme les yeux... que va-t-elle faire maintenant ? Retourner auprès de Jack, sans aide, sans espoir ? Et mourir avec lui alors qu'il est encore temps de s’enfuir ? Seul un miracle peut le sauver maintenant...

Elle ouvre les yeux et le miracle est là... devant elle... un poste de prévention de feu... pourquoi ne l'a-t-elle pas vu plus tôt ?

Elle s'empare du tuyau et brise la vitre renfermant une hache dont elle se saisit et entreprend le chemin du retour vers Jack en courant...

 

Avec effroi, le capitaine Smith observe le travail destructif de l'eau qui passe déjà au-dessus des cloisons du pont C, pont promenade avant des troisièmes classes avec les deux cales au milieu. Il est 1 heure 15', 30.000 tonnes d'eau tirent la proue vers les abysses. Le nid de pie ressemblera bientôt à un poteau au milieu de l'océan, toute la plage avant qui l'entourait est en train de disparaître sous l'eau... la prochaine étape est la partie médiane avec la passerelle de commande à l'étage supérieur. Le vaisseau penche vers l'avant et sur le côté tribord au point à ce que même les passagers n'ayant pas du tout le pied marin devraient s'en apercevoir maintenant. Une autre fusée déverse ses flots d'étoiles blanches au-dessus du Titanic et éclaire l'agonie du vaisseau sous un ciel incroyablement étoilé.

 

Elsa est arrivée à l'escalier qui l'a menée au pont D et le retrouve inondé jusqu'à 50 centimètres du plafond. En pensant à Jack elle s'écrie :

E : Oh mon Dieu ! 

N'hésitant que quelques secondes, elle accroche son outil au montant métallique de la porte, enlève son manteau et reprend la hache puis attrape une conduite car elle n'a plus pied tellement l'eau monte haut... Elle avance péniblement, l'eau lui arrive à la poitrine, se tenant d'une main à un tuyau d'évacuation qui court tout le long du couloir, semblable à celui qui retient Jack prisonnier. Heureusement qu'ils ne sont pas en première classe car tous les plafonds y sont lambrissés ou stuqués, aucun tuyau n'est visible là-haut ! 

Lorsque l'électricité et l'eau se rencontrent au niveau des ampoules qui éclairent toujours le scénario perturbant, des étincelles jaillissent, effrayant la jeune femme pourtant si courageuse.

Enfin elle peut lâcher le tuyau et marcher dans l'eau moins haute dans ce secteur et elle appelle :

E : Jack !

Etonné de n'entendre que sa voix il questionne :

J : Elsa ? 

Elle entre dans la cabine et brandit la hache hors de l'eau en demandant :

E : Ça, ça va marcher ?

Jack comprend qu'elle n'a pas pu trouver d'aide et déclare :

J : On va bien voir... essayons... viens !

Elsa soulève l'outil tranchant, prête à frapper, mais Jack l'arrête :

J : Attends, attends, attends, attends...

La vue de Elsa, trempée jusqu'aux os, tremblant de froid, lui fait mal au cœur mais il imagine qu'elle n'a jamais eu le moindre outil entre ses mains et la chaîne entre les menottes est si courte...

J : Fais quelques petits coups d'essai d'abord là-dessus !

Il désigne une armoire et elle acquiesce :

E : Oui.

Elle frappe l'armoire de toutes ses forces et le tranchant va se planter profondément dans le bois du meuble. Jack apprécie :

J : Bien ! Maintenant, essaie de frapper au même endroit... vas-y Elsa, tu peux y arriver !

Elle hoche la tête, prend son élan et frappe. La hache atterrit à une trentaine de centimètres de l'empreinte du premier coup. Sceptique, Jack intervient :

J : O.K., ça suffit pour les essais ! Viens maintenant, tu peux y arriver. Ecoute : frappe très fort et frappe très vite !

Elsa empoigne de nouveau la hache et il corrige :

J : Non, attends ! Ecarte un peu plus les mains... oui...

E : Comme ça ?

Voyant son incertitude vu les essais catastrophiques, il la rassure :

J : Voilà ! Ecoute Elsa : j'ai confiance en toi ! Vas-y !

Il cache son visage derrière le tuyau, pas seulement pour se protéger des étincelles que le métal de la hache provoquera sur le tuyau métallique...

Elsa ferme les yeux et rassemble tout son courage, tout son espoir et son amour et frappe de toutes ses forces, n'osant presque pas regarder le résultat de son coup...

Mais Jack est libre, une demi-menotte à chaque poignet il descend de son bureau, pour la première fois en contact avec l'eau, et la serre dans ses bras en jubilant :

J : Oh, oh... tu as réussi ! Vite, allons-nous en... oh merde, ce que c'est froid ! Oh merde, merde, merde...

Mais la joie cède rapidement à la peur ; arrivés près de la porte, ils se rendent compte que la coursive est presque inondée et Elsa désigne le passage impossible en déclarant :

E : La sortie est par là !

Jack regarde le couloir dans lequel les lumières brillent encore sous l'eau et décide :

J : Bon, alors il faut en trouver une autre ! Viens !

Prenant Elsa par la main il s'engage dans le sens inverse.

 

Les premiers canots ont quitté le Titanic et s'éloignent doucement. Vu d'une certaine distance, chacun comprend que l'insubmersible s'enfonce inévitablement dans l'océan, même si au moment de monter à bord du canot cela semblait absurde. Un homme crie :

- Tirez ! Tirez ! Où le canot va descendre ! Allez !

Molly Brown est assise près de Ruth Hockley et déclare solennellement :

- C'est quelque chose qu'on ne voit pas tous les jours !

Une autre fusée éclaire le vaisseau en détresse et de loin, où d'autres bateaux qui ne seraient pas équipés de T.S.F. pourraient se tenir, elle est aussi minuscule et inutile devant le ciel si étoilé que le Titanic illuminé se fond presque dans le décor de la galaxie infinie.

 

Les officiers tentent de maîtriser la désorganisation qui se mue en panique. Quelques femmes se sont mises à pleurer, d'autres crient qu'elles ne veulent pas quitter leurs maris. Le 2èmeofficier Lightoller s'empare d'une valise en criant :

- Qu'est-ce que ce bagage fait là ? Pas de bagages dans les canots ! Débarrassez-vous de ces bagages, jetez-moi ça ! Jetez-moi ça !

Il lance encore quelques sacs et valises par-dessus bord :

- Pas de place pour les bagages ! Jetez-moi ces bagages !

Perdant patience, il empoigne une femme et lui ordonne :

- Montez dans ce canot de sauvetage !

Un homme s'approche mais Lightoller lui intime :

- Vous, n'avancez pas !

La femme se débat et se met à pleurer :

- Non, non, je ne veux pas ! Non ! Non !

Lightoller se veut rassurant :

- Restez calme... il n'y a rien à craindre. Maintenant à vous !

Une autre femme pleure pour ne pas devoir quitter son mari :

- Non !

- Venez par ici ! Venez par ici ! Laissez-la passer ! Faites-lui un peu de place !

Et il la place malgré elle dans le canot avec les autres...

Mais ces adieux émouvants ne touchent pas Hans Hockley. Il parcourt le pont et trouve enfin son majordome :

H : Lovejoy !

L : Elle n'est pas non plus à tribord !

Conscient du danger, Hans regarde autour de lui, car il n'a pas la noble intention de sacrifier sa vie pour sauver celle d'une femme, quelle qu'elle soit :

H : Nous n'avons plus le temps maintenant ! Ce garde-chiourme arrogant ne laisse monter aucun homme !

Lovejoy suggère :

- Celui qui est de l'autre côté en laisse monter certains...

H : Bon ! Alors, c'est ce qu'il nous faut ! Mais il faut d'abord s'en assurer... venez !

 

Le passage sur le pont E appelé "Scotland Road" par l'équipage, qui fait presque toute la longueur du navire, est fréquenté aussi bien par les passagers de troisième classe que par les hommes de l'équipage : chauffeurs, pompiers, stewards, matelots...

Un steward presse un petit groupe de passagers de l'entrepont pour les rassembler dans la salle de séjour qui débouche sur le "welldeck" au niveau C arrière :

- Par ici, s'il vous plaît ! C'est au bout de la coursive !

Soudain, juste devant lui il voit une porte voler en éclats : quelqu'un la force à coups d'épaule ! Un instant plus tard, Jack et Elsa sortent du couloir sans issue, essoufflés. Révolté, le steward voit qu'ils continuent leur route sans même se retourner et crie après eux :

- Qu'est-ce qui se passe ? Dites donc ! Vous avez vu ce que vous avez fait ? Il va falloir payer les dégâts, vous savez... c'est la propriété de la White Star Line !

D'un même geste, Jack et Elsa se retournent et lui ordonnent :

- La ferme !

Sidéré, le jeune homme reste sur place, bouche bée...

Une jeune Irlandaise qui voit arriver une Elsa tremblante de froid lui donne une couverture à carreaux verts et marrons du Titanic qu'elle avait emporté de sa cabine en cas de besoin :

- Tenez, couvrez-vous...

Jack se met à frotter les bras d'Elsa dont les lèvres bleuies cachent les dents qui claquent.

Le mari de la jeune femme propose un coup de whisky :

- Ça vous réchauffera...

Elsa boit une gorgée et passe la bouteille à Jack qui prend un coup à son tour. Puis ils arpentent les coursives alentour, trouvant toutes les sorties bloquées par des grilles en fer forgé...

 

Le 2ème officier Lightoller se bat toujours pour persuader les femmes de monter dans les canots, mais elles ne veulent pas plus quitter leurs maris qu'elles croient que le Titanic peut couler. Et le pont se trouve à 18 mètres au-dessus du niveau de l'eau et donne une merveilleuse impression de sécurité. Une passagère de première classe déclare tranquillement :

- Voulez-vous retenir le bateau un moment, il faut que je retourne à ma cabine !

A bout de patience, Lightoller l'empoigne et la hisse dans le canot en criant :

- Asseyez-vous !

Il se retourne vers ses subordonnés :

- C'est la dernière !

Un matelot passe l'ordre à ses compagnons :

- Préparez-vous à le faire descendre !

Le chef-constructeur Thomas Andrews arrive droit sur eux, le visage grave :

- Monsieur Lightoller ? Pourquoi faites-vous partir des canots à moitié pleins ?

- Pas maintenant, monsieur Andrews !

Mais le créateur du géant des mers - contrairement au capitaine Smith qui arpente les ponts tel un fantôme, incapable d'assumer sa responsabilité - sait que la moitié des passagers est condamnée et tente désespérément de sauver au moins l'autre moitié :

- Regardez : 20 à peine dans un canot prévu pour 65 personnes, et j'en ai vu un avec seulement 12 personnes ! Douze personnes !

Lightoller se justifie, et insulte les qualités du constructeur par la même occasion :

- Et bien, nous n'étions pas sûrs du poids, monsieur Andrews ! En haute mer ils peuvent plier !

Mais il a tort et Andrews insiste :

- C'est absurde ! Ils ont été testés à Belfast avec le poids de 70 hommes ! Alors remplissez ces canots, monsieur Lightoller, pour l'amour de Dieu !

L'épouvante se dessine sur le visage de l'officier, comme s'il calculait combien de places et donc de vies ont déjà été gaspillées. Il regarde autour de lui, et le nombre de gens lui fait peur : tant de vies sont en danger ! Il prend sa décision :

- S'il vous plaît ! Encore des femmes et des enfants !

Un couple âgé se tient près du canot et le vieil homme supplie son épouse :

- S'il te plaît, Ida, monte dans ce canot.

- Nous avons été ensemble pendant 40 ans, et j'irai ou tu iras. Ne te fâche pas avec moi, Isidor, tu sais que ça ne sert à rien...

Anéanti mais fier à la fois, Isidor Strauss, d'Otterberg près de Kaiserslautern en Allemagne, qui a émigré des années auparavant pour faire fortune en Amérique et qui a plutôt bien réussi, passe un bras protecteur autour des épaules de sa femme.

La quatrième fusée éclaire le ciel nocturne.

Plusieurs étages plus bas, une porte d'embarcation est ouverte par des matelots :

- Arrière ! Personne ne passe par là ! Y a pas d’issue ! Arrière !

Derrière eux, Fabrizio jette un coup d'œil à l'océan mais la lourde porte en acier se ferme avec un bruit sourd devant lui, le privant d'échappatoire ainsi que les autres passagers autour de lui. Sans défense, ils voient quelques canots partir au loin...

 

Enfermé derrière les grilles en fer forgé qui bloquent le passage vers le pont arrière, Tommy Ryan défie les stewards de l'autre côté :

- Vous ne pouvez pas nous garder parqués comme des animaux, le paquebot est en train de couler !

Une veste blanche réplique :

- Arrière ! Faites passer les femmes d'abord !

Puis il ordonne à un autre steward :

- Ouvrez cette grille.

L'homme exécute l'ordre et ouvre le grillage en disant :

- Uniquement les femmes !

Mais au pied de l'escalier les hommes poussent pour passer et deux ou trois passagers juste devant l'ouverture passent puis les stewards parviennent à la refermer :

- Les femmes ! Non ! Non ! Arrière ! Arrière ! Verrouillez cette grille ! Arrière ! Derrière les grilles ! Restez derrière les grilles ! Restez là !

Jack et Elsa arrivent près de l'escalier et entendent Tommy hurler :

- Pour l'amour du ciel, monsieur ! Il y a des femmes et des enfants derrière cette grille ! Laissez-nous monter ! Laissez-nous une chance !

Un des stewards dégaine son revolver et aboie :

- Ne poussez pas ! Arrière !

Tommy comprend que c'est en vain et descend les escaliers où il retrouve son ami :

T : Jack !

J : Tommy ! On peut sortir ?

T : Par là c'est sans espoir...

J : Bon, quoi qu'on fasse, il faut le faire vite !

Fabrizio rejoint le petit groupe :

F : Jack !

Il serre son ami, dans ses bras :

J : Fabrizio !

F ; Y a plus un seul canot !

Jack essaye de trouver une issue à leur dilemme :

J : Ce navire prend l'eau de toutes parts ! Il faut en sortir !

Mais Fabrizio sait :

F : Y a rien à faire par-là !

J : Bon ! Alors essayons l'autre côté ! Venez !

Fabrizio se retourne vers Helga qui attend toujours avec sa famille qu'on ouvre les grilles, priant de trouver des mots qu'elle peut comprendre :

F : Vous autres... tous... venez avec moi maintenant ! Nous allons vers les canots ! Les canots ! Capito ? Venez, tout de suite !

Elle ne comprend pas un mot mais elle voit l'urgence que ses yeux trahissent. Elle se retourne vers son père mais celui-ci secoue la tête, il ne laissera pas partir sa famille avec ce gars. Fabrizio supplie la jeune fille :

F : Helga... per favore... s'il te plaît... viens avec moi, je suis un gars qui a toujours de la chance... c'est mon destino d'aller en America !

Elle embrasse le jeune homme et retourne auprès de sa famille. Jack entoure Fabrizio d'un bras compréhensif et dit doucement :

J : Viens, il faut partir maintenant...

Un dernier regard, Un mot d'adieu :

F : Je ne t'oublierai jamais...

Jack emmène son petit groupe et en se retournant une dernière fois, Fabrizio voit le visage entouré d'un halo de cheveux blonds disparaître dans la foule...

 

Hans vide tranquillement le contenu du coffre-fort dans sa garde-robe dans les poches de son manteau, y compris le "Cœur de l'océan" :

H : Je crée ma propre chance...

Lovejoy désigne son revolver, qu'il porte dans une gaine sous son veston, en souriant :

- Moi aussi !

Hans sourit ironiquement, ferme le coffre-fort et ils quittent la suite pour la dernière fois.

 

Pont E, domaine des émigrants. Tommy veut se diriger tout droit :

T : Par ici !

Mais Jack a une autre idée :

J : Non, viens ! On va par-là !

Ils tournent à droite, passent devant des femmes assises au sol, pleurant leur désespoir, serrant leurs enfants et leur baluchon représentant tout ce qu'elles possèdent contre elles. Un père moslem essaye de traduire les mots " E-Deck berthing" à l'aide d'un dictionnaire. Jack dirige son petit groupe :

J : Par-là !

Ils aboutissent devant un escalier dont la grille est - bien sûr - fermée et surveillée par quelques stewards :

- Passez par l'escalier principal comme tout le monde et vos problèmes seront réglés comme pour tout le monde !

Les gens, piégés comme des animaux en cage, crient :

- Laissez nous passer !

- Mais ce n'est pas possible !

Mais le steward reste intransigeant :

- Tout le monde doit sortir par l'autre côté, alors retournez à l'escalier principal !

Jack bouscule les passagers pour atteindre la grille qu'il empoigne en criant :

J : Ouvrez cette grille !

- Retournez à l'escalier principal !

J : Ouvrez cette grille tout de suite !

Légèrement intimidé, l'homme insiste :

- Retournez à l'escalier principal comme on vous le dit !

Jack secoue la grille de toutes ses forces, mais elle est bien trop solidement implantée pour l'arracher hors du mur :

J : Salopard de fils de pute !

Mais le steward se sent bien protégé par la grille et recommence à ordonner :

- Reculez.

Tommy lui intime :

T : Ouvrez cette putain de grille !

- Reculez, retournez à l'escalier principal !

Comprenant que cet homme n'ouvrira pas la grille, Jack se retourne, ne sachant que faire, et soudain il repère un banc qui garnit la plate-forme près de l'escalier. Il tire un grand coup et le meuble s'arrache de son socle. Jack appelle ses amis à la rescousse :

J : Brizio, Tommy, venez me donner un coup de main !

Elsa pousse les gens, les forçant à dégager le passage : 

E : Il faut vous écarter ! Ecartez-vous tous !

Les garçons déchirent le sol et arrachent le banc d'un commun effort, encouragés par Jack :

J : Allez, tirez ! Tirez !

Enfin, ils tiennent le banc comme un bouclier et s'apprêtent à défoncer la grille. Elsa crie :

E : Ecartez-vous ! Laissez-les passer ! Ecartez-vous !

De son côté, le steward prend peur :

- Reposez ça ! Remettez ça ! Remettez ça s'il vous plaît !

Mais Jack n'a pas l'intention d'arrêter :

J : Un... deux....

- Ne faites pas ça ! Arrêtez !

J : Trois !

Ils foncent dans la grille qui ne cède pourtant pas. Jack crie :

J : Encore !

Le steward panique :

- Vous ne devez pas monter !

Cette fois, le coup abat la grille et Fabrizio l'escalade en premier, suivi d'Elsa poussée par Tommy :

F : Allez, viens... monte !

En passant devant le steward Elsa lance de son ton le plus impérieux :

E : Si vous avez l'intention de garder votre boulot pathétique à la White Star Line, je vous conseille d'escorter ces gens au pont des embarcations tout de suite !

Jack prend la main d'Elsa et l'entraîne, pendant que le steward continue de supplier :

- Vous n'avez pas le droit de monter ! Vous ne pouvez pas faire ça !

Un coup de poing de Tommy le fait taire. Suivis des quelques autres passagers qui attendaient qu'on leur ouvre cette grille, les jeunes gens s'enfuient pour les ponts supérieurs.

 

Les passagers sur le pont des embarcations finissent par se rendre à l'évidence : le Titanic sombre et la plupart des canots sont déjà loin...

Pour la première fois, un mouvement de panique s'empare des passagers restés à bord :

- Y a pas assez de canots...

- Reculez ! Reculez ! En arrière, allez !

Lightoller hurle :

- Ne poussez pas ! Reculez ! En arrière !

Les passagers se bousculent et une femme trop près du bord est poussée au-delà du navire et se retient de justesse à un canot qui descendait tout près d'elle.

Un matelot repousse les hommes à l'aide d'une rame :

- Reculez !

Un homme se penche dangereusement au-dessus du bord et attrape la femme pour la faire revenir sur le pont A.

Lightoller continue de rugir des ordres :

- Reculez tout le monde ! J'ai dit : reculez ou je vous abats tous comme des chiens ! Je veux de l'ordre ici !

Il pointe son revolver sur la foule déchaînée devant lui :

- J'ai dit : je veux de l'ordre ! Monsieur Lowe ! Affalez le canot !

Il se tourne vers l'océan et prend des cartouches dans la poche de son manteau pour charger son arme qui ne contenait aucune balle. Jusqu'ici, ses menaces n'étaient que du bluff :

- Bon !

Lowe essaye d'apaiser les gens intimidés par le 2ème officier :

- Un peu de calme ! Pas de panique !

 

Hans et Lovejoy observent la mise à l'eau d'une chaloupe. Un matelot repousse les gens :

- Restez en arrière !

Hans commence à s'agiter :

H : On arrive trop tard !

Lovejoy prend la situation en main :

L : Il y a encore des canots à l'avant. Restez avec cet homme, Murdoch. Il semble avoir le sens pratique !

Hans hoche la tête en regardant au-dessus du bastingage. Sur la surface de l'océan, le canot numéro 13 essaye en vain de se dégager du canot numéro 15 qui est affalé juste au-dessus de lui. Les 15 tonnes de la chaloupe, qui est surchargée avec ses 70 personnes puisqu'elle est prévue pour 65, manquent d'écraser le canot en dessous avec ses 64 personnes mais au dernier moment les hommes parviennent à se dégager du flanc du Titanic qui les aspergeait d'un puissant jet d'eau que les condensateurs des machines à vapeur crachaient juste au-dessus de la ligne de flottaison et les chassait ainsi sous le canot numéro 15. Parmi les gens du 13, le professeur d'école Lawrence Beesley, le chauffeur Fred Barrett, le vigie Reginald Lee qui était avec Fleet dans le nid de pie au moment de la collision, quelques femmes de troisième classe, la petite Ruth Becker qui a été séparée de sa maman emportée par le canot numéro 11...

De l'autre côté du navire, à bâbord, le 5ème officier Lowe se tient debout dans le canot numéro 14 que quelques hommes essayent d'attraper pendant qu'on l'affale. Lowe tire trois coups de feu en l'air pour décourager les autres en criant :

- N'avancez pas ! Tout le monde en arrière ! Tout le monde en arrière ! Arrière tout le monde !

Il est 1 heure 30 du matin et les 5 places vides dans le canot le resteront... encore 5 vies gâchées. 

Hans et Lovejoy qui sont à tribord entendent les coups de feu et Hans déclare :

H : Je crois que tout fout le camp... nous n'avons pas beaucoup de temps !

Il voit le premier officier approcher et le rejoint :

H : Monsieur Murdoch !

Sans s'arrêter, Murdoch répond :

- Monsieur Hockley ?

Il repère deux matelots et leur ordonne tout en continuant de marcher :

- Vous deux, avec moi maintenant !

Hans ne se décourage pas, malgré que l'officier ne s'intéresse pas outre mesure à lui :

H : Je suis un homme d'affaires, comme vous le savez. Et j'ai une proposition intéressante pour vous...

Encore une fois, une fusée explose en une pluie d'étoiles blanches, signalant une capitulation technologique...

 

Une porte s'ouvre sur un escalier de service juste devant la troisième cheminée à l'arrière du pont des embarcations et Elsa, Jack et les autres s'en échappent. Jack tient toujours la main d'Elsa :

J : Viens, Elsa !

Ils jettent un coup d'œil au-dessus du bastingage et Elsa s'écrie :

E ; Les canots sont tous partis !

Elle repère le colonel Archibald Gracie qui accompagne deux jeunes femmes sans chaperon :

E : Colonel ! Y a-t-il des canots de ce côté ?

Tranquillement, celui-ci répond :

- Non, mademoiselle. Mais il y en a encore deux je crois, à l'avant. Je vais vous y conduire...

Sans un mot, Jack et Elsa partent en courant, suivis de Tommy et Fabrizio. Ils passent près des musiciens qui terminent justement un morceau, et le violoniste que l'on vient de bousculer violemment, constate :

- A quoi bon, personne ne nous écoute de toute façon...

Mais le leader Wallace Hartley contredit :

- Mais ils ne nous écoutaient pas non plus pendant le dîner... Jouons mes amis, ça nous tiendra chaud ! "Orphée".

Les jeunes gens passent à côté d'eux et Tommy ne peut s'empêcher de remarquer :

T : De la musique pour se noyer ! Là, je sais que je suis en première classe...

 

 

A SUIVRE....


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