Bell de Bilgewater

Chapitre 1 : Partie 1 - Chapitre 1

2577 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 03/05/2021 20:57

           Souffle

Le vent marin soufflait dans ses cheveux blancs, les larmes perlaient ses brillants yeux violets et cachaient sa vue, mais elle ne les remarqua même pas, seule comptait la vitesse. Plus vite, plus vite, elle ne pensait qu’à cela. Elle les savait sur ses talons, et qu’à la moindre occasion, c’en serait fini d’elle. C’est ici que ça se corse lui dit une petite voix dans la tête. Et pour cause, les quartiers marchands de Bilgewater étaient bondés à ces heures de l’après-midi. C’est pourtant sans aucune hésitation qu’elle bifurqua dans une rue pleine d’habitants de la cité marine. Aucune importance, concentre-toi, personne ne te viendra en aide. Je ne dois pas me faire attraper se rappela-t-elle.

Elle s’élança dans la foule, se faufilant dans le remous incessant des promeneurs en quête de denrées. Elle n’avait que faire de ces étals colorés, elle pourrait toujours y revenir, si tant est qu’elle survive à la suite des évènements. Jetant des regards inquiets derrière elle, notre jeune amie remonta la rue à vive allure. En observant les maisons en bois, biscornues et serrées, une idée lui traversa la tête. Et si on pimentait un peu les choses ? Entre deux passants, elle s’élança sur une pile de caisses en s’accrochant aux aspérités d’un mur, qui jadis fut la coque d’un quelconque navire, avant de se glisser sur le toit. De son perchoir, elle aperçut d’un bref coup d’œil ses poursuivants.

 - Il va falloir être plus rapide si vous voulez me rattraper ! lança-t-elle à ceux-ci.

Plusieurs hommes s’arrêtèrent en bas du mur, toisant la yordle qui les narguait. Rapidement, ils tentèrent de se hisser en s’aidant de caisses et d’aspérités dans la construction pour rattraper la jeune fille.

 - On verra quand je te tiendrais vaurienne, grommela l’un d’eux.

Sans un mot de plus, Bell s’élança de nouveau, sur les toits, et de maison en maison, se laissant emporter par l’ivresse de la vitesse. Tout allait pour le mieux, rien ne saurait l’arrêter, elle allait si vite, elle était si libre. Les planches des embarcations qui composaient l’étrange variété de bâtiments craquait sous le poids pourtant léger de la jeune yordle. Elle ne ralentit pas la cadence, et ce ne sont pas les quelques bruits de pirates maladroits derrière qui la ferait ralentir, ni cette rue, creusant un écart d’une dizaine de mètres, en travers de son chemin. Sans même prendre le temps de réfléchir, Bell prit son élan, sauta de toutes ses forces et... disparut. Avant de reparaître sur le toit d’en face, et de continuer à courir, laissant derrière elle quelques étincelles violettes flotiller dans l’air.

Plus bas, la rue marchande et la foule avaient laissé place à une ruelle presque déserte, mais elle n’était plus qu’à quelques bâtiments de son objectif, elle serait enfin en sécurité. Les quelques gredins ayant réussi à la poursuivre sur les toits étaient resté de l’autre côté du précipice qu’elle avait passé grâce à son pouvoir. Elle dévala agilement un enchevêtrement de balcons et d’étendoirs à linge avant de rejoindre la terre ferme, de parcourir les derniers mètres qui la séparaient de sa destination, et pénétra dans une grande cour.

 - Enfin arrivée, je suis sauve ! s’exclama-t-elle, tout juste essoufflée.

 - Je n’en serais pas si sûr si j’étais toi, lâcha le nouvel arrivant, tu es finie.

 

***

 

 - Jay, tu m’as fait peur, soupira la jeune fille. J’ai cru qu’un de ces idiots avait réussi à me suivre.

 - En tout cas nous on en a eu du mal, répondit le garçon essoufflé en souriant.

         Bell rit, d’un part amusée de voir son ami d’enfance, les cheveux noirs de jais complètement ébouriffés, d’avachir contre une fontaine hors service.

 - Où est passée Cynthia au fait ? demanda la jeune fille. J’espère qu’elle ne s’est pas fait attraper…

 - Oh j’en doute, rétorqua Jay, elle n’est pas aussi folle que toi, mais sait se débrouiller. D’ailleurs tu pourrais éviter de toujours passer par les toits quand tu veux fuir ? On peut pas te suivre nous pense à nous un peu, ajouta-t-il avec une moue.

 - Il faut avouer qu’on s’est bien amusés quand même, non ?

 - Je dirais pas ça…

 - Amusés !? lança une voix féminine.

         Non loin du duo, une jeune fille avançait d’un pas décidé vers la jeune fille.

 - Est-ce que notre très chère amie aurais l’extrême obligeance, commença-t-elle d’un ton aussi pompeux que sévère, d’informer ses humbles amis du vol qu’elle compte commettre AVANT de le commettre ?

 - Pourquoi tu insistes tant sur « avant » ? rétorqua Bell. La finalité est la même, tu as été mise au courant, et j’ai ce dont j’avais besoin !

         D’un air triomphant, la petite yordle, qui ne devait pas arriver aux hanches de son amie, sortit de son sac un appareil qu’elle montra fièrement aux deux autres.

 - Le souci, ajouta Jay, c’est que tu nous as prévenu, je sais pas, qu’au moment où tu prenais ton jouet de notre interlocuteur peut-être ?

 - Tu es sûre qu’il fonctionne au moins, soupira Cynthia.

 - Aucune idée, dit Bell en faisant la moue. Mais avec ça Papy sera content !

 - La prochaine fois évite simplement de casser ce que vend ton grand-père, railla le garçon. Et les pirates à qui on l’a dérobé, ils vont nous chercher non ?

 - Pas de souci, ils sont basés dans la crique ouest de l’île mère, et ils repartent dans deux jours, on aura qu’à faire profil bas !

 - Comment tu sais tout ça ? demanda Cynthia. Et puis voler à des pirates même s’ils repartent peu après c’est rarement une bonne idée.

 - J’écoute ce qu’il se dit près des tavernes, c’est toujours intéressant.

 - Et techniquement, ajouta Jay, on vole aux voleurs, ça s’annule non ?

         Les deux jeunes filles regardèrent le garçon, avant de partir d’un éclat de rire devant le visage sérieux de leur ami. Le soleil approchant de la ligne d’horizon indiqua cependant à la petite bande qu’il était temps de retourner chez ceux, tandis que l’air marin se faisait de plus en plus frais.

 

***

 

         La vieille porte en bois grinça lorsqu’elle pivota sur ses gonds, faisant tinter une clochette. Bell pénétra dans la boutique avec la prudence d’un aventurier qui aurait pleine connaissance du danger ambiant. Son objectif était l’arrière-boutique, à l’autre bout de l’étage. Maintenant qu’elle était là et qu’elle ne pouvait plus s’échapper, autant faire durer un peu les choses avant d’avoir à l’affronter… Elle divagua plusieurs minutes entre les vitrines et étagères pleines d’objets techniques en tout genre. Ils ne servent qu’à la crème des marins de notre ville lui avait-il dit. Elle prit le temps de regarder la grande carte de Runeterra sur un mur. Comme j’aimerais aller dans tous ces endroits se dit-elle, mais pour le moment j’ai une lourde épreuve à passer. Déterminée, elle serra le sac contre elle, et passa à la pièce lumineuse du fond de la boutique.

 

***

 

 - Mais regardez donc qui voici dans mon humble arrière-boutique, gronda une voix forte, Mademoiselle Bell me fait enfin l’honneur de rentrer.

         La voix semblait provenir de la personne assise au fond, penchée sur un complexe instrument. L’intruse en question s’approcha, les oreilles baissées et les yeux rivés sur ses chaussures.

 - Je suis désolée grand-père, s’excusa la jeune fille, on… enfin j’ai rencontré quelques problèmes sur le chemin…

         Le vieil homme se redressa soudain, et en posant ses outils, marmonna quelque chose d’inaudible.

 - Laisse-moi deviner, gronda celui-ci, tu as « accidentellement » abîmé, voir ruiné, la pièce maîtresse de l’appareil que je suis sensé fournir dans quelques jours n’est-ce pas ? Tu sais au moins que les navires d’exploration ont un besoin crucial d’appareils de navigation ?

 - Je sais papy… Je n’ai pas fait exprès… Mais la pièce est encore exploitable tu sais !

 - Qu’est-ce que tu en sais toi ? marmonna-t-il, serais-tu devenue une experte ?

 - J’ai pris le temps de l’observer et j’ai…

 - Assez ! tonna le vieil homme, le client devrait être encore présent sur les quais de la ville principale, tu vas toi-même aller lui dire que tu as brisé cette pièce, et peut-être retardé son départ. Propose-lui de l’aider cet après-midi pour te faire pardonner, cherche son navire, l’Espalier.

 - Mais je devais aller…

 - Sur les quais, et nulle part d’autre. Ce n’est pas négociable jeune fille.

 - Mais… plaida celle-ci.

 - Il n’y a pas de « mais » qui tienne, et estime toi heureuse que je ne te fasse pas dépoussiérer tout le magasin en prime, la sermonna son grand-père, ou peut-être souhaites tu le faire en rentrant ? Ton affinité avec ces instruments ne changera rien à la corvée.

         Devant le regard dur du vieux bricoleur, Bell ne put que s’incliner et se dirigea vers la porte.

 

*** ***

 

         Dans l’archipel de la Cité de la Marine, tout le monde peut trouver sa place, personne ne cherchera à connaître votre passé, à moins d’être un proche, ou de vouloir vous dérober quelque chose. Le capitaine Morgan, d’une des flottes d’exploration et d’échanges commerciaux les plus réputées de Bilgewater, faisait partie de ces nombreux hommes ayant trouvé refuge au sein de la cité du crime. D’aucuns parlaient de graves crimes, tandis que d’autres rumeurs tendaient à dire qu’il avait fui la guerre et les massacres Noxiens. En tout cas, ce capitaine reconnu était enfin de retour chez lui, prêt à écumer, après les océans, les tavernes de sa ville.

         Cependant le devoir d’un bon capitaine est de guider ses hommes, et les siens sont destinés à la mer, il était donc important de prévoir, et ce malgré son récent retour, son prochain voyage. Ainsi, Morgan se dirigea, en compagnie de Jenkins, son atypique et effrayant second, vers les docks, où l’attendait son armateur.

 

***

 

         C’est devant un grand entrepôt que Morgan s’arrêta. Imposant bâtiment, cet édifice sert à stocker le butin, prévoir les vivres des prochains voyages. Celui-ci n’appartient à nul autre que l’un des plus imposants et prestigieux arm..

 - EH BAH ENFIN MORGAN TE VOILA ! Je me demandais si t’étais pas encore allé te saouler au lieu de m’aider gredin.

         Devant l’homme dont la carrure en imposait par… sa largeur surtout, Morgan sourit de toutes ses dents et se précipita lui serrer la main.

 - Mais voyons vieux brigand tu me connais, j’honore toujours mes devoirs avec le plus grand sérieux ! dit-il.

 - Comme ce jour où tu as « malencontreusement » oublié de partir avec ton équipage et qu’il a fallu affréter une frégate pour te conduire à ton navire ? rétorqua le boniment bonhomme.

 - Tout de suite les grands mots, tu sais très bien que l’on ne quitte pas une dame sans lui dire promptement au revoir, plaida le capitaine.

 - Mais bien sûr.

         Devant le regard dur et terriblement moustachu de son ami, Morgan détourna le regard et observa les denrées entreposées.

 - Dis-moi tout Baldassare, quelle est notre prochaine destination, combien de temps dois-je partir, que dois-je ramener ?

 - Toujours dans le vif du sujet, plaisanta l’armateur, mais avant, Monsieur Jenkins vous aviez quelque chose dont vous vouliez me faire part si j’ai bonne mémoire.

         Sortant de derrière Morgan, une étrange créature, qui semblait être un épouvantail animé par un esprit, se présenta à l’homme, et expliqua de sa voix croassante.

 - Notre navigateur, Jäl, a choisi de séparer sa route de la nôtre. Son âge avançant, sa famille devient sa priorité et il a décidé de rester sur la terre ferme, je pense qu’il t’aidera. De ce fait, nous n’avons plus de navigateur, ajouta la créature.

 - N’avez-vous pas les moyens d’utiliser les instruments par vous-même ? demanda Baldassare.

 - Les appareils sont exploitables par n’importe quel marin, argumenta le capitaine, mais ce dont nous avons besoin c’est d’un navigateur, dit-il en appuyant bien sur le terme.

 - Un bon navigateur ne se fie pas qu’aux instruments, ajouta Jenkins, il se doit de se connaître et de connaître ses capacités d’improvisation, d’user de ruse et de suivre son instinct.

         L’armateur poussa un profond soupir et acquiesça.

 - Je sais je sais… répondit-il, je vais tâcher de vous trouver cela, allez au repos je viendrais vous trouver pour vous informer sur votre prochain départ, mais sachez tout de même que Targon sera la destination.

 - Bien Monsieur ! Saluèrent en chœur le capitaine et son second, avant tourner les talons et de se diriger vers leur prochain voyage : la taverne.

 

*** ***


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