Vaer aen birke - the Witcher
Chapitre 11 : Tedd Haos, le Temps du Chaos.
4626 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 09/04/2024 23:20
Année 1275, archipel de Skellige, Undvik.
Sur les plages de l'île d'Undvik, sous le regard de bois d'un immense drakkar, bien trop grand pour un équipage humain un couple court de toutes ses forces. La femme, toute de noir et blanc vêtue, souffle bruyamment, une main sur les côtes tandis que son compagnon, un grand homme aux cheveux blancs, la suit, son visage pâle et aux yeux dorés ne trahissent aucun efforts. La nuit est zébré d'éclair blancs bien que le ciel soit clair et sans nuage. Un amas d'énergies blanches tourbillonne loin au-dessus d'eux, comme si une deuxième lune dispute la place de l'originale, ses filaments éclatants embrasse les cieux.
– Il faut qu'on se concentre sur Ciri. Qu'est-ce que tu penses qu'Avala'ch veut d'elle ? Demande l'homme blafard, le visage dur.
– La même chose qu'Eredin, j'imagine. Lui répond Yennefer, en ignorant la douleur dans son flanc. L'utiliser pour ouvrir un portail entre les mondes.
Soudain, la terre se met à se convulser et à trembler, comme si le monde, pressentant une catastrophe imminente, cherchait à s'éloigner de l'épicentre des événements. Devant le couple, des soldats vêtus d'armures noirs et criant dans un dialecte de l'Ancien Langage, se dispersent confusément dans toutes les directions ou bien s’aplatissent au sol, implorant les dieux de les protéger. Alors qu'ils atteignent le Drakkar géant, le ciel devient soudainement rouge et une boule de feu s'écrase non loin du couple, pulvérisant quelques soldats. Une autre se fracasse brusquement sur l'énorme navire suivie de plusieurs autres.
– Bon sang... s'exclame Yennefer. Ce bateau est sur le point d'être désintégrer !
– Cache toi dans les creux sur le côté, vite. Lui crie l'homme aux cheveux blancs.
Et ainsi traversent-t'ils la gorge où brûle maintenant le drakkar, zigzagant de cachette en cachette tandis que la fureur embrasée du ciel se déchaine. Ils sautent par-dessus les cadavres calcinés des soldats en noir et les rares survivants qui appellent à l'aide et à la pitié. Quand ils réussissent enfin à sortir de la gorge, le spectacle qui s'offre à eux n'est guère meilleur, les forêts d'Undvik sont en feux et ses montagnes couronnées de flammes. Plus loin un camp militaire, dont les tentes arborent le fier blason au soleil doré de l'empire Nilfgaardien, est aussi en feu, hommes et bêtes fuient en tous sens en proie à la panique.
– Attrape un cheval, on gagnera du temps, crie la sorcière en exécutant des moulinets avec ses mains et en laissant échapper un murmure presque inaudible mais plein de puissance.
Les deux chevaux les plus proches, encore sellés, se calment aussitôt et attendent sans bouger que l'homme et la femme grimpent sur leurs dos malgré le fracas des boules de feux autour d'eux. Une fois en selle, le couple chevauche aussitôt vers Tor Gvalch'ca, la tour elfique au nord de l'île. Tiens bon, Ciri, pense l'homme, comme une prière. On arrive.
Leurs montures les portent à toute allure à travers les bois dévastés d'Undvik quand soudain, un portail gris apparait, comme une déchirure dans la réalité, et un immense humanoïde hideux, à peine couvert d'un pagne et avec un œil immense au milieu du front en surgit, criant sauvagement. Un Cyclope. Pense à nouveau l'homme tandis qu'il force son cheval à faire un écart pour esquiver la brute. Les sphères se rapprochent et les créatures se déplacent entre eux, comme pendant la Conjonction.
D'autres portails font irruption et crachent à leur tour d'autres monstres, élémentaires de roches ou de feu, des insectes immenses, des draconides, cousins des dragons, et mêmes des espèces disparues du Continent depuis des générations comme les géants de glace. Peut-être à cause de la pluie incendiaire, des tremblements de terre ou l'afflux d'énergies magiques, les bêtes sont comme folles et s'attaquent aussitôt à la première chose qu'ils voient. Un groupe de soldats Nilfgaardiens, qui s'était abrité des boules de feux dans une petite combe, font maintenant face à un cyclope enragé tandis que plus loin, un élémentaire de feu crache ses propres flammes sur un géant de glace. Le vent souffle avec fureur comme si la nature elle-même essayait de balayer ces intrus de son sol. Le chaos s'est emparé du monde.
– "Et les géants affronteront les géants..." exactement comme dans les balades. Fait l'homme aux yeux dorés d'une voix calme comme si la folie ambiante ne l'affecte pas.
– Ce n'est pas Rahg nar Roog, pas encore, dit la femme, d'un ton plus inquiet, la Conjonction commence juste.
Ils continuent de galoper en direction du pic nord, entre les arbres et les monstres, évitant les impacts de feu et les coups des bêtes. D'autres flashs gris se dévoilent au loin dans les bois tandis que les incendient teintent de cramoisi la neige des sommets. En proie à une terreur irrépressible, les humains et bêtes se dispersent en tout sens ou tentent vainement de tenir des poches de résistance face à la fureur des éléments et les assauts d'immenses colosses. D'autres portails s'ouvrent sur la route devant le couple qui tente désespérément de rallier la tour.
– Mmh... Il y en a d'autres sur la route. Remarque l'homme. Même ses mutations ne peuvent plus amoindrir l'inquiétude dans sa voix.
– Il faut se dépêcher, crie Yennefer, La porte entre les mondes est en train de s'agrandir.
Alors qu'ils approchent enfin du pic, une découverte fait tiquer l'homme. Bizarre. pense t'il. Il fait froid ici, drôlement froid en dépit des incendies tout proches et des boules de feu... Il aperçoit alors des corps d'hommes étendus au sol, les traits épouvantés, luttant dans leurs derniers instants. Alors qu'il s'agenouille pour les examiner, il voit une des boules de feu tomber du ciel et disparaitre, souffler peu avant de toucher le sol, comme une bougie par la brise. Le Froid Blanc, réalise t'il, Tedd Deireadh... c'est vraiment la Fin des Temps. Ce n'est pas juste... après tout ce temps, tous ces efforts, après avoir tué Eredin, tout cela n'aura servi à rien ?
Comme si le destin l'avait entendu, l'air devient encore plus froid et le vent encore plus violent. De grandes volées de neiges sont soulevées par le souffle furieux, fouettant les yeux du couple et s’amoncelant autour des pattes de leurs chevaux à grande vitesse. Yennefer et l'homme aux deux épées descendent précipitamment pour se mettre à l'abri sous un rocher tandis que leurs chevaux tentent de redescendre dans la vallée, chaque pas plus difficile que le précédent.
– Bon sang, dit l'homme, cela va nous ensevelir.
– Attends, fait la sorcière, Gvares, tavel
Aussitôt un grand bouclier se forme autour d'elle et elle se met à avancer en direction de la Tour du Faucon. Le rempart d'énergie non seulement les abrite du vent mais balaye la neige sur leur chemin, leur permettant de progresser rapidement vers le sommet du pic malgré le violent blizzard. La tour fait bientôt son apparition, belle et élégante, une œuvre d'art elfique même à l'état de ruine. En son centre, sur son sol marbré marbre, une spirale d'énergie tourbillonne,enlaçant les murs dans une délicate caresse avant de s'élèver vers le ciel tandis qu'un immense bouclier la protège de la morsure du Froid Blanc. Le mur magique est si grand qu'il englobe toute la tour et une partie du promontoire rocheux, bloquant le chemin jusqu'à Tor Gvalch'ca.
– Mince, gémit Yennefer, la bouche tordue par une grimace alors que le blizzard se déchaine contre son bouclier. Avalla'ch a entouré toute la tour d'une barrière magique.
– Tu peux la défaire ? Demande son compagnon.
– La défaire ? Non. Je peux faire un trou dedans au mieux mais seulement pour un moment parce qu'il n'y a...
– Détails, Yen, Est ce que tu peux nous faire traverser tous les deux ?
– Non, Tu vas devoir y aller seul.
– Je reviendrai. Avec Ciri.
– Je sais, dit la magicienne, une confiance durement gagné dans la voix. Agored, teirgane Agored ! Le bouclier convulse et une déchirure se forme sur sa surface. Maintenant Geralt !
Le sorceleur n'hésite pas et traverse la brèche à toute vitesse. Derrière lui alors que la fissure se referme, il entend Yennefer, son grand amour, s'effondrer au sol.
– Je vais bien, vas y. Crie la magicienne en se relevant péniblement, son bouclier miroitant autour d'elle. et transmets à Avalla'ch mes plus sincères salutations.
Geralt de Riv, le Loup Blanc, lui sourit juste un bref instant, de ce sourire durement gagné, avant de se diriger vers la tour, son épée en fer dans la main.
Quelques semaines plus tard, Redania, Novigrad
Radovid le Sévère fronce les sourcils, ses lèvres étirées en une fine ligne. Entre ses mains, posée à plat sur le bureau du Hiérarque de Novigrad, une carte du Continent parsemée de figurines, de croix à l'encre et même de quelques couteaux. Bon nombres de ces figurines sont à la semblance des Noirs, l'armée Nilfgaardienne, et la plupart sont renversés. Le peu qui reste debout se trouve maintenant de l'autre côté du fleuve Yaruga, la frontière naturelle entre l'Empire et les Royaumes du Nord.
– ça ne va pas, murmure le roi, le front plissé, ça ne va pas.
Ses généraux, assemblés autour de lui, se jettent des coup d’œils nerveux. Certains ouvrent la bouche mais la referment aussitôt et le silence troublant continue, perturbé seulement par les murmures de Radovid.
– Votre majesté, craque enfin l'un des officiers, Pardonnez moi mais je ne comprends pas. L'ennemi est vaincu et se replie au delà de la Yaruga la queue entre les jambes. La guerre est gagnée et...
– Gagnée, vous dites. Fait Radovid en relevant la tête. Gagnée ? Avez vous passé les dernières semaines caché au fond de votre tente ou dans un bordel ? Continue t'il sans hausser la voix. Ne voyez-vous pas ? Ne vous rendez-vous pas compte que Nilfgaard n'est pas le véritable ennemi ?
D'un geste brusque, il saisit quelque chose dans le coffret sur la table. Le général fait un pas en arrière, la main crispé sur son épée, si rapide que la visière de son casque retombe à moitié sur son visage. Mais l'objet se révèle être une autre figurine, une femme, élégamment vêtue, une plume de chouette dans les cheveux, attachée à un poteau, des flammes rouges embrasant le bas de sa robe. Sans délicatesse, Le roi la pose sur la partie septentrionale de la carte, sur Kovir et Poviss.
– Avez-vous manqué les derniers événements ? Reprend Radovid. Le feu qui tombe du ciel, embrasant les cités, les monstres qui surgissent de nulle part dévastant des villages entiers, avez vous manqué ça ? Nilfgaard n'est pas notre véritable ennemi, L'adversaire, ce sont elles ! les magiciennes et leurs acolytes, les sorciers. Ce sont eux qui ont provoqué ce cataclysme. Ils ne peuvent plus nous manipuler pour arriver à leurs fins alors maintenant ils nous lancent des malédictions pour nous faire céder, pour nous détruire. Ils cherchent à prendre la place des rois et à dominer l'humanité. Ils ont déjà pris le contrôle de Kovir et Poviss, la Redania est la suivante. Mais nous ne nous laisserons pas faire. Nous allons montrer à ces fils de chiennes et à toutes ces catins que Redania ne se soumet pas. Nous allons les envahir, reprendre Kovir et Poviss et brûler ces sorciers jusqu'au dernier.
–Mais, votre majesté... Ose un autre officier, le visage pâle et la main tremblante. Nous venons à peine de bouter Nilfgaard hors des Royaumes du Nord... Temeria et Aedirn sont dans un sale état, bon nombre de leurs forteresses sont en ruines et leurs armées soit dissoutes soit incorporés dans les nôtres. Si nous nous précipitons pour faire la guerre à Kovir et Poviss sans reconstruire les défenses autour de la Yaruga et reconstituer les milices, Nilfgaard aura tout loisir d'attaquer nos arrières et...
Le général s'interrompt face au regard perçant de Radovid. Des gouttes de sueur coulent le long de ses joues tandis que le roi continue de l'observer sans cligner de l’œil un instant.
– Paroles de lâches et d'impies, S'exclame quelqu'un. Tous se retournent vers l'origine qui se trouve être un viel homme aux cheveux gris et à la corpulence massive. Malgré sa position assise, ses mains et ses jambes ne peuvent s'empêcher de trembler légèrement. Mais ses yeux restent vifs et brillent avec l'éclat du fanatisme. Il est vêtu de la robe rouge et blanche de l'église du Feu Éternel et détient dans sa main gauche un sceptre.
– Sa majesté a raison. Continue Cyrus Engelkind Hemmelfart, Hiérarque de Novigrad, de sa voix puissante. Nous ne pouvons pas laisser ces sorcières et ces mages comploter contre nous et imposer leurs désirs impies et immoralux sur la population. C'est le devoir du berger que d'abattre le loup qui menace ses troupeaux et nous sommes les bergers, les gardiens des roturiers et paysans qui comptent sur nous pour les guider à tout moment. Ces dernières semaines l'ont prouvés, les sorciers complotent contre nous et sont certainement de ligue avec ces païens du sud. Ils ont fait appel à des forces démoniaques mais la grâce du Feu Eternel a protégé la cité et ses plus vertueux champions. Il nous faut nous montrer dignes de cette grâce et brûler cette engeance dans leur antre empli de péchés avec ceux qui ont osé cracher sur la Foi et l'humanité en leur accordant l'asile.
Certains officiers, surtout les plus jeunes, murmurent leur assentiment tandis que les autres restent silencieux. Aucun n'ose élever la voix et l'officier se retire légèrement en arrière.
– Son Excellence parle avec la voix des dieux, fait Radovid en hochant la tête, approbateur. L'Empire est certes un dangereux adversaire mais pas autant qu'une confrérie de sorcières. Au pire, ils brûleront nos champs, nos cités et nous réduiront en esclavage. Mais un esclave peut toujours se rebeller et reprendre sa liberté. Les sorciers peuvent faire pleuvoir des calamités sur nous, calamités que nous ne pourrons combattre, n'ayant pas les moyens ou le savoir de faire ainsi. L'empire n'est pas la plus grande menace. Ni la plus immédiate, j'ai appris que la noblesse nilfgaardienne est en plein chaos, Emhyr var Emreis a été... disposé et maintenant tous se disputent le trône. Nous en aurons fini avec la menace de la magie avant que quelqu'un se démarque et prenne la place de la Flamme Blanche.
– Mais Sire, tente un autre officier, Je ne doute pas de votre stratégie mais il y a des dissentiments au sein de l'armée, notamment au sein des combattants commandos de Temeria et Aedirn. Et des rumeurs comme quoi les non-humains s'agitent. Les nains de Mahakam seraient en train de forger des armes pour alimenter une rébellion...
– Dissentiments, uhm ? Très certainement alimentés par un certain chef des forces spéciales de Téméria ou plutôt ex-forces spéciales de Téméria. Ce Vernon Roche commence à devenir plus une gêne qu'un atout. Enfin, c'était inévitable, je sais ce qu'il veut et je ne le lui donnerai pas. Je ne viens pas de juste bâtir un empire plus grand et au destin plus glorieux que les quatre royaumes juste pour rendre leur indépendance à ses composants. Il faudra l'éliminer s'il ne parvient pas à voir l'intérêt supérieur qu'il y a à servir le nouveau régime du Nord. Quant aux non-humains, ils ne causent que de problèmes. Nos ancêtres ont eu tort d'essayé de les intégrer parmi nous, ils sont bien trop vicieux et sournois pour espérer une coexistence pacifique. Bien trop de mauvais sang a coulé le long des murs et des allées. Trop de sang coule encore, je peux l'entendre, plic, plic, plic...
Les généraux se regardent les uns les autres, interdits, tandis que le roi accompagne chaque mot d'un mouvement de son index. La fragilité mentale du roi n'est plus un secret depuis longtemps. Entre les officiers, on murmure que le souverain ne trouve plus le sommeil depuis la fuite de Philippa Eilhart de Loc Muinne et qu'il scrute chaque ombre avec suspicion. Mais sa victoire sur le puissant empire du Sud prouve que sa paranoïa n'a toutefois pas entamé son intelligence et les cruels et inventifs châtiments qu'il inflige aux conspirateurs et aux déviants en tout genre préviennent encore tout désir de rébellion.
– Les Chasseurs de Sorcières et les prêtres du Feu Eternel s'occuperont de purger nos cités de cette engeance et nos terres de leurs enclaves. Poursuit Radovid en se reconcentrant sur la conversation. Et une fois que nous aurons mis au pas Kovir et Poviss, ces états rebelles, nous nous chargerons d'éradiquer Mahakam et Dol Blathanna. Maintenant, je veux un rapport de nos forces armées et de l'équipement, que l'on prévoie des lignes de ravitaillement pour la prochaine campagne. Je veux que l'armée soit prête à partir dans trois semaines maximum. Compris ? Alors au travail.
1 mois plus tard, Aedirn, les alentours de Vengerberg
Le printemps a commencé à poindre le bout de son nez, couvrant de vert les champs qui s'étendent à perte de vue d'Est en Ouest. Les nombreuses haies où gazouillent des oiseaux invisibles et les ruisseaux, glougloutant sous des ponts de pierre, offrent un spectacle tout à fait charmant. Mais cette beauté masque à peine un terrible carnage, des troncs calcinés ou arrachés et des cratères noirs que l'herbe hésite à remplir. Et un peu plus au sud, , un village aux maisons de bois et de terre, aux toits de pailles et en ruine, se niche sur le côté d'une colline et traversé d'une route. Les toits sont partiellement brulés, des murs ont été défoncés, les portes arrachées. Ici et là de nombreux signes de violences, des marques de griffes, des outils et autres ustensiles gisent brisés. Parmi tous ces décombres, on peut parfois trouver les os de ceux qui vécurent jadis ici, porteurs de marques de coups et de crocs acérés.
Calened est ici, assis sur les restes d'un arbre, arraché par un être d'une force titanesque. Il observe, pensif. Quel carnage, quelle désolation. Tellement de morts. Est-ce que c'était nécessaire ? N'aurions-nous pas pu au moins les avertir ? Il repense à la discussion avec les Sages des Montagnes Bleues. Tous avaient reçu cette vision de chaos, de flammes tombant du ciel comme pluie au printemps et de monstres déchainés. Il avait été convenu alors d'avertir tous les membres de Hen Uniade afin qu'ils se préparent au mieux. Les Nains n'avaient pas été faciles à convaincre, se fiant peu aux visions et prophéties mais mêmes eux s'étaient barricadés dans leurs refuges souterrains avec les Gnomes et les Hommes-marmottes.
– Ce n'est pas très prudent, vous savez ? Fait une voix derrière lui. Nous avons aperçu plusieurs monstres dans le coin, surtout des goules et des nekkers. Ils se tiennent à distance de nos armées mais auraient peu de scrupules à attaquer des individus isolés.
Calened se retourne et aperçoit Isengrim, vêtu d'une armure de cuir peintes de vert et de brun et d'une cape à capuchon au vert sombre. Derrière lui se trouve plusieurs scoia'taels qui observent prudemment les environs.
– Je ne suis pas sans défense, sourit le Sage, mais j'apprécie l'avertissement.
Le chef Scoia'tael hoche la tête avec un sourire... ou une grimace. Sa cicatrice rend parfois délicat de lire les expressions de son visage. D'un cercle de la main, il ordonne à son commando de vérifier et sécuriser les alentours, le laissant seul avec le Sage.
– Encore un triste spectacle, commente l'elfe scarifié en s'asseyant à côté du Sage. Les éclaireurs et mes commandos rapportent un grand nombre de villages anéantis partout en Aedirn, les bâtiments brûlés jusqu’aux fondations et les habitants dévorés ou disparus et il semble que ce soit pareil en Téméria. Il est heureux que vous autres Aen Saevhernes nous ayez prévenus à l'avance, comparés aux humains, nous nous en sommes bien sortis. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé si cette... Conjonction nous était tombée dessus à l'improviste. Ça me fait de la peine pour les Dh'oines.
– De la peine, Vous ? S'étonne Calened, un sourcil arqué au-dessus de son œil vert. Le Loup de Fer, qui a passé plus de 10 ans à guerroyer et torturer les Dh'oines avec des méthodes si cruelles que je ne les nommerais pas, éprouve de la compassion pour les Humains ?
– Oui, répond Isengrim, la voix ferme. Ce que j'ai fait contre les Dh'oines... J'ai fait ce qui était nécessaires pour obtenir des informations et décourager les humains de nous pourchasser. Mais j’admets que mes actions n'étaient pas toujours motivées par la seule nécessité. J'avais tellement de rancœur et de rage à l'époque, je ne voulais pas juste qu'ils parlent, je voulais qu'ils souffrent, leur faire payer les massacres de Loc Muinne, Est Haemlet, le massacre de nos jeunes à Shaerrawaedd, les pogroms, la destruction de nos royaumes... j'en tirait beaucoup de satisfaction. Mais depuis la fin de la guerre, j'ai eu beaucoup de temps pour repenser à tout ça. Quand je suis parti à Haâkland, j'étais accompagné de deux humains, en fuite eux aussi, on s'est entraidés, battus ensemble, vivant aussi de la charité des tribus nomades... j'ai eu beaucoup de temps pour repenser à l'hypocrisie du combat des Scoia'taels pendant la guerre, combattant les humains pour les humains. Au final, je me demande si je me battais vraiment dans l'espoir d'offrir un futur pour les miens ou purement, simplement, par vengeance sans regards pour les conséquences sur notre futur. Ne vous y trompez pas, si c'était à refaire, je le referais. Aussi atroces qu'ont été mes actions, elles ont quand même contribué à nous rendre la Vallée des Fleurs, l'espoir vit pour nous grâce à ça. Mais peut-être pas... je pense que j'éviterais de céder à mes plus basses pulsions comme j'ai pu le faire.
Calened lui jette un regard en coin. Les yeux du Scoia'tael regardent le village sans vraiment le voir, perdus dans le passé. Des yeux plus vieux qu'ils ne devraient l'être.
– Je suis content de vous l'entendre dire. Parce que le seul futur possible en ce monde passe par l'entente avec les humains. J'espère que vos Scoia'taels comprennent ça ?
– Pas tous. Beaucoup sont ravis de se battre pour plus que la simple vengeance. D'avoir un but au-delà du combat. Mais la haine est forte chez certains, surtout les plus jeunes. Et tous ne sont pas ravis de recevoir des ordres de moi. Ils pensent que j'ai abandonné le combat en fuyant en Haâkland. Certains auraient préféré que Iorveth ou Yaevinn prennent les commandes. Mais surprenamment; ils m'ont soutenus ce qui est une excellente chose. Un conflit pour le commandement nous aurait divisés et affaiblis et les dieux soient loués qu'ils soient assez sages pour le voir. Vos plans, fait l’Écureuil en se tournant vers Calened, ont aussi beaucoup aidés. C'est surprenant, surtout de la part de Iorveth mais les membres les plus chevronnés des commandos cherchent maintenant un nouveau but eux aussi.
Ils restent silencieux pendant un moment. Calened en profite pour admirer la silhouette et les traits pointus du jeune elfe. On peut encore deviner sa beauté malgré la cicatrice, pense furtivement le Sage. Aaah, si j'avais 400 ans de moins... mais bon, quel intérêt ? Les choses sont ce qu'elles sont, le temps a passé, il n'y a aucune chance qu'il s'intéresse à un vieil Aen Elle comme moi... Et puis, il y a plus important.
– Au moins, fait Isengrim, cette Conjonction nous a facilité les choses. Les grandes villes et les villages qui ont survécu sont dans un tel état qu'ils se rendent sans faire trop d'histoires. Ils ne nous font pas confiance mais la plupart savent qu'ils ne peuvent pas nous résister avec leurs murs et palissades détruits. Beaucoup des quelques soldats que Radovid a laissés derrière se sont fait dévorer pendant la Deuxième Conjonction ou ont déserté. Ceux qui restent ne sont absolument pas de taille contre nous. Alors les humains préfèrent tenter leur chance et saisir la voie de sortie qu'on leur donne. Quoique, mes Scoia'taels doivent rester hors de vue désormais, certains humains se rebiffent dès qu'ils apprennent qu'il y a des écureuils dans notre armée.
– Ne nous demandons pas pourquoi. Je pense qu'on devine facilement leurs raisons. Réplique Calened. Toutefois, j'ai bien peur que Vengerberg ne se montre pas aussi raisonnable que les autres cités. Elle reste la capitale et le siège de bon nombres de familles nobles d'Aedirn... enfin, celles qui ont survécut à la deuxième Invasion de Nilfgaard et la reconquête de Radovid. À propos de reconquête, l'armée doit avoir fini de s'installer, non ? Et si vous m'escortiez jusqu'au camp ?
– Avec plaisir, Aen Saevherne.
Alors qu'ils se lèvent, les autres Scoia'taels font soudainement leur apparition quoiqu' encore hors de vue du Sage. D'une rapide succession de signes discrets, Isengrim leur fait comprendre de rester hors de vue pendant qu'il raccompagne seul l'elfe roux. Inconscient de ce qu'il se passe, Calened commence à gravir la colline herbeuse, bientôt rattrapé par Isengrim. Au sommet, c'est un tout autre paysage que celui de la campagne champêtre qui s'offre aux elfes. Installé entre la voie royale et un bois, à bonne distance des faubourgs de Vengerbeg, se dresse le camp des armées combinés des Elfes, des Vrans, des Bobbolaks et les milices de volontaires Halfelins, une mosaïque de tentes ordonnée, vert et argent, noir et rouge, blanc et turquoise. Plus au sud se trouve la capitale du royaume d'Aedirn, Vengerberg, blessée mais fière. Les arbres et l'herbe des plaines sont peu présents laissant place à des manufactures de diverses sortes et à des maisons aux toits rouges. Ses remparts sont abimés mais encore debout et certains même en voie de réparation. On peut deviner les silhouettes des gardes et soldats restants de la capitale. Plusieurs de ses bâtiments sont encore dans un triste état, même de loin, on peut voir sa Pinacothèque en partie effondrée. Son marché est désert en dehors de quelques ombres furtives. Bien au-delà, le palais royale se dresse, majestueux dans la distance.
– Rentrons au camp, Dit Calened, je ne doute pas qu'on nous recherche déjà pour préparer la bataille de demain.
Isengrim hoche la tête et ils commencent à descendre la colline en direction du camp. Ce sera la première bataille d'Hen Uniade, j'espère que nous sommes bien prêts.