Mon aventure avec le Sorceleur

Chapitre 28 : Yoyo émotionnel

3760 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/05/2020 18:27

Chapitre 28 : Yoyo émotionnel 


J'étais frustrée, j'avais lu son désir en écho à mon excitation et voilà qu'il s'était dérobé au dernier moment, me laissant en émoi. Il avait coupé court avec cet air goguenard qu'il arborait quand il avait décidé de me contrarier. Une vengeance légitime j'imaginais. Ceci étant dit, sa réflexion concernant Geralt était pertinente : il était convalescent et Mélusine infatigable, mieux valait s'assurer qu'elle ne dépasse pas ses limites.


Quand nous arrivâmes au chariot, Geralt était étendu au sol, implorant grâce à l'enfant qui essayait de le relever en le tirant par le poignet et en le suppliant de reprendre le jeu.


-Stop, ça suffit, je n'en peux plus! Tu es aussi coriace que la créature qui porte ton prénom [1] ! Tes parents ont bien choisi! 

-Alleeeeeez, s'il te plaaaaaît !!! Je veux encore apprendre à me battre…

-Demain matin si tu veux mais pour aujourd'hui c'est fini.

-Promis?

-Promis.

-Youpiiiiiiiiiii !


Mélusine entreprit une gigue endiablée autour de Geralt. Rodric tendit la main à ce dernier pour l'aider à se relever. Il était anormalement essoufflé. Je l'oscultai rapidement avant de farfouiller dans mes herbes et remèdes à la recherche d'un remontant. Tout en préparant la décoction, j'appelai :


-Mélusine, approche ma chérie.

-Oui maman?

-Tu te souviens ce qu'on a dit sur le stop? Là, tu as été trop loin. Geralt n'est pas encore guéri.

-Tu dois respecter les adultes, renchérit son père fermement.


Elle baissa les yeux honteuse. Je sentis mon cœur se serrer : pas toujours facile d'être mère, j'avais terriblement envie de la réconforter mais il fallait qu'elle apprenne à s'ajuster aux autres et à entendre les limites. La vie pouvait lui apprendre les choses tellement violemment...


Je me détournai un instant de ma fille pour faire la morale, d'un air faussement sévère, à mon patient également :


-Quant à toi on avait dit reprise de l'activité physique en douceur ! Je suis étonnée que tu te sois laissé déborder par une enfant de cinq ans!

-Il n'y a pas de quoi la blâmer. Je me suis laissé prendre au jeu, c'est tout. Allez petite, c'est oublié. On reprend ça demain matin, répondit-il nonchalamment.


Un grand sourire illumina le visage de Mélusine, effaçant l'émotion liée à mes remontrances et celles de son père. 


Geralt but sans sourciller ma préparation et sembla reprendre aussitôt meilleure mine. Je tentai de le convaincre de se ménager :


-Essaie de résister à ta nature profonde... Tu as encore besoin de repos pour pouvoir rejoindre Jaskier avant son départ pour Gors Velen. Quelque chose me dit que mieux vaut pour lui que tu l'accompagne… Même si ça peut s'avérer périlleux pour toi. 

-Je vais voir ce que je peux faire. Mais n'attends pas de moi que je devienne un patient idéal. Ça n'a jamais été mon fort. D'ailleurs je me sens déjà mieux avec ta boisson et de la viande m'aiderait à reprendre des forces plus vite. Ça te dit une partie de chasse, Rodric?


Je levai les yeux au ciel. L'interpelé s'offrit un instant de réflexion avant d'accepter. Je n'eus, bien-sûr, pas mon mot à dire. C'était vraiment étrange de les voir passer du temps ensemble et, non seulement je me sentais évincée, mais en plus je ne comprenais pas l'absence apparente de ressentiment de Rodric envers Geralt. A croire que pour lui ce n'était pas si important ce qu'il avait vécu avec moi...


Pendant ce temps-là Mélusine avait ramassé un bâton et elle essayait de reproduire des mouvements appris un peu plus tôt. Je la voyais fendre l'air, esquiver, recommencer. Geralt l'interpela sur un mouvement pour le corriger. C'était vraiment perturbant pour moi de voir ma fille jouer les guerrières : depuis qu'elle était née je l'imaginais guérisseuse, suivant la tradition des femmes de notre famille. Lui apprendre à se défendre semblait néanmoins pertinent étant donné le contexte. Son père et moi aurions des choses à lui enseigner en ce sens également. Elle deviendrait ainsi une femme forte, capable d'affronter les dangers qui se profilaient de plus en plus avec l'avancée du Nilfgaard dans le Nord. Mon coeur se serra de nouveau : j'aurais tellement aimé qu'elle puisse grandir dans un monde de paix et de sécurité. 


Mon homme me picora de baisers dans le cou avant de m'embrasser langoureusement, me faisant frissonner et attisant l'émoi dans lequel il m'avait laissée. Je les regardai alors s'éloigner ensemble dans la forêt.


Je retrouvais pour la première fois depuis longtemps ma place au foyer. Ce fut l'occasion de reprendre la formation de Mélusine concernant les plantes en faisant l'inventaire de ce que j'avais à disposition en récolté et séché et de ce que nous pouvions trouver dans les abords proches du chariot.


J'en profitai également pour créer du lien avec les dryades : il était temps que je trouve ma place dans cette communauté puisque nous étions destinés à y passer le temps de la guerre. Qui sait si nous aurions un jour l'occasion de rentrer chez nous…


La Reine Ethnei nous accueillit, Mélusine et moi, avec le même visage sévère qu'à mon arrivée. J'avais cru comprendre que cette expression était le seul signe de son grand âge. Sa peau était lisse et tendue, juvénile et lumineuse. Le temps ne semblait en rien l'affecter. Elle accueillit en silence ma proposition de me rendre utile, puis avec un sec hochement de tête m'invita à la suivre. Elle me présenta Elenwëe, une jeune dryade aux cheveux merveilleusement mauves et aux grands yeux améthystes. Cette dernière avait l'air intimidée voire mal à l'aise. Elle s'adressa à moi en langue ancienne. Je ne comprenais pas. Mélusine traduisit spontanément :


-Elle te souhaite la bienvenue et espère faire du bon travail avec toi.

-Merci, répondis-je tandis que Mélusine traduisait pour moi. Parles-tu la langue commune ?

-Elle dit que non, juste quelques mots… traduisit Mélusine. C'est pas grave maman je vais t'aider à apprendre. 


Elle traduisit ce qu'elle venait de me dire et la dryade y réagit en indiquant son souhait d'apprendre en retour. Voilà qui promettait des débuts un peu laborieux mais une belle collaboration en perspective. Elle me montra alors le matériel qu'ils utilisaient, leurs préparations et m'invita à revenir le lendemain matin pour partir en cueillette ensemble. Mélusine me regarda indécise, visiblement partagée entre l'engagement qu'elle venait de prendre auprès moi de jouer les traductrices et la promesse de Geralt de lui apprendre à se battre. Je la rassurai :


-Ne t'inquiète pas ma chérie, Elenwëe et moi trouverons bien le moyen de communiquer pendant que tu t'entraîne avec Geralt. 

-Merci maman ! me répondit-elle soulagée en me sautant au cou avant d'expliquer joyeusement à la dryade que je serai là mais seule. 


Dieux qu'elle grandissait vite! Où était la petite fille que j'avais quitté un matin à peine plus d'un mois auparavant ? J'étais fière des capacités d'adaptation qu'elle montrait et de son avidité de tout apprendre, sans a priori, mais c'était un peu douloureux de constater qu'elle n'aurait vite plus besoin de moi.


Nous prîmes congé d'Elenwëe pour rentrer au chariot. J'avais du mal à appeler cet endroit "chez-nous", il faudrait l'aménager pour que je m'y sente vraiment bien, là nous étions les uns sur les autres dans une pièce unique n'offrant aucune intimité. Il faudrait que je vois avec les dryades s'il y avait possibilité de nous créer un espace de vie complémentaire avec leur magie. Je rajoutai donc mentalement cela sur ma liste des choses à faire. J'étais curieuse d'observer la magie mise en œuvre pour une telle création.


En attendant le retour des hommes de la chasse, Mélusine m'aida à aménager notre espace. Je dénichai une grande toile enduite et entrepris d'en faire un auvent pour un espace extérieur couvert. Le temps ne pouvait pas se maintenir sec éternellement. 


De jeunes dryades virent nous observer. Elles chuchotaient entre elles sans oser s'approcher. Mélusine s'agitait près de moi en leur jetant des coup d'œil nerveux. Bien qu'ayant deviné ce qu'il se passait, je lui laissai le temps de s'exprimer :


-M'man, j'peux aller jouer avec les copines ?

-Bien sûr ma chérie.

-Youpiiiiiiiiiii


Je pense qu'on dut entendre son cri de joie à travers toute la forêt. Elles étaient déjà parties en courant, disparaissant dans la végétation quand je lançai :


-Sois de retour pour le dîner !

-Oui, oui!


Je savais qu'elle ne se laisserait pas mourir de faim -apparament elle s'était découvert une passion pour les termites, eurk- mais je la voulais près de moi le soir : qui savait ce qui pouvait se tapir dans ces bois enchantés ?


Je me retrouvais donc vraiment seule pour la première fois depuis très longtemps. Cela me laissa le loisir de repenser à tout ce que j'avais vécu de doux et de difficile et sur ce qui avait grandi en moi. Assise adossée à notre chariot, je repensais également à ce que Rodric m'avait raconté le matin même, attisant bêtement mon désir à nouveau. Je soupirai. Je ne me voyais pas apaiser cette tension seule et la journée allait être longue avant d'avoir une chance de retrouver un moment d'intimité avec mon mari… C'est en imaginant quelques scènes scabreuses que je sombrai sans m'en apercevoir dans le sommeil.


Malgré mes bonnes résolutions, le rêve que je fis concernait Rodric et Geralt simultanément, leurs mains, leurs bouches sur ma peau, leurs corps mêlés au mien… J'en tirai un si grand plaisir que cela déclencha une nouvelle projection astrale. 


Cette fois j'étais bien consciente du phénomène. Quand la brume se dispersa et que mes sens me furent rendus un à un, j'observais la scène avec attention : Rodric, son arbalète à la main avait mis en joue un grand cerf et s'apprêtait à appuyer sur la détente. Je ne voyais pas Geralt. Le trait partit net mais le majestueux animal, qui était en train de s'abreuver, fit malheureusement un pas en avant et fut blessé au poumon. 


Il réagit en bondissant vers l'avant, traversant le cours d'eau pour prendre la fuite, emplafonant, à ma grande horreur, violemment Rodric, le piétinant en chemin. Geralt s'élança alors, tranchant net la tête de la bête avant de se hâter vers Rodric. Je "croisai" son regard inquiet tandis qu'il prenait son pouls et l'examinait rapidement. Le désir d'agir et l'impuissance qui me prirent à bras le corps étaient insupportables. La brume revint m'arracher à la scène malgré ma lutte pour voir ce qu'il se passait. 


Je repris conscience paniquée là où je m'étais assoupie. Je jetai un oeil au ciel pour estimer le temps écoulé depuis leur départ : environ quatre heures. Inutile d'essayer de les rejoindre à pieds. Jetant mon arc et mon carquois sur mon dos au cas où et mon sac à remèdes sur mon épaule, je fonçai vers l'enclos des chevaux, sifflant Orage. Ablette la suivit et je me surpris à lui parler une nouvelle fois comme si elle comprenait tout :


-J'ai besoin de toi, mon homme est blessé, Geralt est avec lui. Tu me laisse te harnacher?


Elle sembla consentir en hochant vigoureusement la tête à plusieurs reprises en renâclant. Je sellai rapidement les deux juments, enfourchai la mienne tandis que Ablette suivait docilement en main. Je retournai jusqu'au chariot pour retrouver le début de leur piste. Par chance le sol était meuble et leurs empreintes se détachaient d'autant plus nettement qu'ils n'avaient pas cherché à les dissimuler.


Je mis pas loin d'une heure à les rejoindre, remontant leur piste, le coeur battant, les entrailles nouées par l'angoisse. C'est Ablette qui m'indiqua que nous y étions en se mettant soudainement à hennir. La voix lointaine de Geralt y fit écho :


-Ablette? Je suis là ma belle !


Je lâchai la jument qui pris le trot devant moi, me guidant jusqu'à son maître. Il était agenouillé auprès de Rodric, inconscient. Il était en train de lui recoudre une plaie à l'arcade sourcilière. J'avais sauté au bas de ma monture pour examiner mon mari. 


-Son avant-bras droit est cassé… J'ai réaligné les os mais il faut faire une attelle. Fouille dans mes sacoches, j'ai besoin de mes élixirs, me demanda-t-il tout à son ouvrage. C'est une chance que tu sois venue jusqu'à nous…

-Tiens. Une projection astrale fort à propos… Il est inconscient depuis combien de temps ?

-Trop longtemps. Il s'est fait piétiner. Je crains une hémorragie interne, son abdomen est dur. Prends le relais pour la suture. Cale-le sur tes genoux pour le surélever, je vais lui faire prendre de l'hirondelle.


Je fis ce qu'il disait, terminant les derniers points avant d'enduire la plaie de baume antiseptique à la consoude, tandis que Geralt avait trouvé ce qu'il cherchait et lui faisait avaler son remède. Rodric sembla reprendre des couleurs, sa respiration devint plus ample. La colère me monta au nez, j'apostrophai Geralt :


-Qu'est-ce qui vous a pris de chasser un cerf de cette taille ?! Vous êtes à pieds! Vous comptiez le ramener comment ?! Sur tes épaules de convalescent?! 


Il haussa les épaules l'air désinvolte. 


-Ne t'en prends pas à moi. Un accident ça arrive. Il va s'en sortir ton homme. Il est fort. Regarde, l'hirondelle fait son effet. Apparemment il la supporte bien.


Il me dévoila l'abdomen bleui de Rodric où les hématomes semblaient disparaître sous mes yeux.


-Comment ça, apparemment il la supporte bien?!

-Chez certains humains l'effet peut être épouvantable…

-Epouvantable comment ? Souffla Rodric en entrouvrant un oeil. 

-Agonie lente et douloureuse, informa placidement Geralt, qui évita sciemment de regarder mon air aussi furieux qu'épouvanté. Comment tu te sens?

-Comme si j'avais été piétiné par un cerf… Quel con de l'avoir loupé comme ça ! Il s'est sauvé ?

-Tu as failli mourir et ce que tu demandes c'est si le cerf s'est sauvé ?! M'écriai-je oscillant entre soulagement, colère et hystérie.

-Je l'ai achevé, repris Geralt comme si de rien n'était. Tu pourras garder le trophée en souvenir. 


Rodric répondit par un grand sourire. Il ouvrit cette fois ses deux yeux immensément bleus pour contempler mon visage inquiet au dessus de lui :


-Je suis content de te voir ma chérie, ça aurait été con que je meure juste après ton retour près de moi…

-Oui ça aurait été très con. Je vous en aurais voulu à tous les deux, répondis-je en me penchant pour l'embrasser. 


Il me rendit mon baiser. C'était doux, chaleureux, j'avais l'impression de le retrouver vraiment. Il voulut lever les bras pour toucher mon visage mais cria de douleur.


-Je suis désolée… Ton avant-bras droit est cassé. On va te mettre une attelle. Heureusement que tu es gaucher… 


Geralt qui s'était éloigné revint avec des branches solides qu'il tailla de façon à immobiliser le membre blessé. Je l'aidai à fixer l'atèle à l'aide de bandes de tissus que j'enroulai tout autour, aussi serré que possible, tandis que Rodric, de nouveau très pâle, luttait pour ne pas laisser échapper de plainte.


-As-tu mal autre part ? 

-Un peu partout mais ça devrait aller. On regardera ça en détail à la maison.


Je l'aidai à s'asseoir complètement pour me dégager de sous son corps puis lui proposai un peu d'eau et des écorces de saule à mâcher en attendant de pouvoir en faire une décoction. Après lui avoir installé le bras en écharpe pour l'immobiliser au mieux, je restai agréablement blottie contre lui le temps de le laisser récupérer.


Pendant ce temps-là, Geralt dépeçait méthodiquement leur cerf, prélevant la peau, la viande, les organes, la graisse et les tendons. Il fixa la tête aux bois majestueux, sur les flancs d'Ablette, enveloppa le reste dans la peau de l'animal pour la fixer à son tour à la selle. Il ne restait plus que les viscères et les os, qu'il enterra, un vrai travail de professionnel. 


-Êtes-vous prêts à repartir ?

-Pas vraiment le choix… J'ai demandé à Mélusine de rentrer pour le repas du soir, j'espère qu'on arrivera avant elle… 


Nous aidâmes Rodric à se mettre debout. Sa douleur était un peu apaisée par l'écorce de saule mais il était affaibli. Il eut un étourdissement et il nous fallut assurer son équilibre. Geralt l'aida à monter sur Ablette, montant derrière lui au cas où il perdrait à nouveau connaissance et je pris la tête avec Orage. J'avais hâte d'être de retour au chariot pour m'assurer que tout allait bien du côté de Mélusine, je distançai donc les hommes en laissant ma jument prendre le petit trot. Je savais que Geralt veillait sur Rodric malgré tout. Je lui en voulais un peu pour cette prise de risques, même s'il n'avait pas tort sur le fait qu'un accident pouvait arriver et, y ayant assisté, je savais que s'en était un.


J'avais du mal à réaliser que j'étais passée à deux doigts d'être veuve! Sans la projection astrale, Geralt n'aurait pas eu ses élixirs et jamais il ne l'aurait ramené à temps pour le soigner… Une vague d'angoisse et de tristesse me submergea, je me payais le contrecoup de l'adrénaline. Je ne voulais pas craquer maintenant. Il fallait que je reste forte pour ne pas inquiéter Mélusine.


J'arrivai juste avant elle au chariot et elle demanda à monter avec moi pour ramener la jument à l'enclos. Cela permit à Geralt et Rodric de rentrer sans l'inquiéter. En revenant, j'envoyai Mélusine cueillir des plantes aromatiques pour apprêter la viande pendant que je pelais quelques légumes et autres tubercules. Bientôt une bonne odeur de cuisine flotta dans l'air depuis l'intérieur du chariot. 


Notre fille s'inquiéta un peu de voir son père blessé mais nous minimisâmes la chose, jugeant inutile de lui dévoiler qu'il avait failli mourir piétiné par le cerf. Elle s'avéra fascinée par le trophée qu'elle examina longuement, sous toutes les coutures.


Quand le repas fût prêt et le reste de la viande mis à conserver, nous nous attablâmes tous les quatre pour déguster ensemble le fruit de la chasse du jour. Mélusine se fit alors une joie d'aider son père à couper ses aliments, fière de pouvoir se rendre utile et d'inverser les rôles. Cette nourriture chaude et consistante me fit du bien. Cela me détourna un peu de mes émotions. J'avais hâte de mettre la petite au lit pour retrouver de l'intimité avec son père et enfin accueillir le raz-de-marée émotionnel que je contenais depuis le matin.


Sitôt le repas terminé, je couchai Mélusine, lui indiquant que j'avais besoin de prendre soin de son père. Elle se montra étonnamment docile et s'endormit vite. Accompagnée de Geralt et Rodric, j'allai ensuite chez Elenwëe pour savoir s'il était possible de bénéficier de l'eau de leur source magique pour soigner mon mari. 


Quand elle nous vit arriver, son visage blêmit et celui de Rodric s'empourpra. Il nous informa à voix basse qu'elle était la dryade avec qui il avait été indélicat. Geralt arca un sourcil à cette information. J'étais embarrassée pour lui. 


Elenwëe se tenait face à nous, fixant Rodric visage fermé, lèvres pincées, les poings sur les hanches. Rodric se montra d'une humilité que je ne lui avait jamais vu : malgré son bras en écharpe, il s'agenouilla devant la dryade, baissa les yeux honteux.


-Je te prie de m'excuser pour le mal que je t'ai fait… J'espère ne pas t'avoir blessée…


Elenwëe prononça une phrase en langue ancienne que je ne compris pas. Geralt lui répondit dans la même langue. Il parlait lentement avec quelques hésitations mais elle semblait le comprendre, elle fixa à nouveau Rodric un instant avant de répondre, puis reporta son attention sur Geralt qui parlait à nouveau. 


Le visage de la dryade changea d'expression à plusieurs reprises durant leur échange qui dura quelques minutes : hostilité, tristesse, agacement, puis le charme de Geralt sembla opérer et elle se mit à sourire en coin puis à rire franchement. Tout en suivant la tournure de l'échange, je croisai à plusieurs reprises le regard de Rodric qui semblait aussi décontenancé que moi, incapable de comprendre ce qu'ils se disaient. 


Elenwëe fit signe à Rodric de se relever. Geralt indiqua :


-Elle accepte tes excuses malgré son sentiment d'humiliation. La seule chose qui l'a retenue de te tuer c'est que tu es sous la protection de la reine. Elle ne veut plus jamais avoir affaire à toi et a dissuadé ses sœurs de tout contact charnel. Tu vas devoir te racheter pour trouver ta place dans la communauté. 

-Ça me paraît équitable, souffla Rodric l'air contrit. Remercie-la pour sa magnanimité.

-Remercie-la de ma part aussi, s'il te plaît, et fais lui part de mes regrets pour cette situation… demandai-je.


Geralt traduisit, Elenwëe hocha la tête, ajouta quelque chose et il reprit :


-Elle accepte de nous guider jusqu'aux bassins où coule leur source. L'eau y a des vertus magiques puissantes. 

-Je n'en espérais pas tant. Quelque chose me dit qu'elle ne t'a pas offert gratuitement cette invitation, intervins-je. 


Geralt eut ce franc sourire coquin que je lui connaissais, me confirmant qu'il allait donner de sa personne pour réparer le mal commis par mon époux. Elenwëe se blottit contre lui, se mettant sur la pointe des pieds pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. Je vis les yeux de Geralt s'allumer de désir et cela raviva à nouveau le mien envers Rodric. J'avais hâte d'arriver à ces fameux bassins! 


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[1] créature ayant une queue de serpent et des ailes de chauve-souris


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