Mon aventure avec le Sorceleur

Chapitre 15 : Sentiments ambivalents

2466 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/05/2020 14:34

Chapitre 15 : sentiments ambivalents


Cette fois nous arrivâmes sans encombres à l'auberge dite du "Coq ébouriffé", qui affichait l'image haute en couleurs d'un coq aux longues plumes chatoyantes, dressé sur ses ergots et prenant de haut les passants de ses yeux rouges et agressifs. 


Nous poussâmes la porte. Comme souvent le brouhaha joyeux laissa place au silence curieux à notre entrée. Je jetai un oeil à mes compagnons pour constater leur allure déplorable. Jaskier, qui portait des vêtements de qualité à la coupe élégante, avait le pourpoint tâché de de son sang et ses braies apparaissaient poussiéreuses et passablement froissées. Il tenait toujours le mouchoir rouge de sang frais contre sa plaie au crâne, indiquant par là l'origine des marques qu'il avait sur le visage. De sa main libre, il tenait ce qu'il restait de son chapeau. Geralt quant à lui avait un air absolument féroce avec son blouson de cuir clouté et ses bottes assorties, mouchetés de sang sur lequel la poussière s'était collée. Il avait reçu des projections au visage en distribuant ses coups et, comme il s'était essuyé le front de son avant-bras, cela lui faisait une traînée rouge sombre semblable à une peinture de guerre. 


L'aubergiste blanc comme un linge, les mains tremblantes alors qu'il frottait son comptoir, nous indiqua d'une voix qu'il voulait sûre mais qui était presque inaudible :


-Notre établissement est complet. Toutes les chambres sont prises et les tables aussi. Merci de sortir. Nous ne voulons pas de bagarre ici. 


Il me sembla approprié de prendre moi-même la parole pour rassurer l'homme et parlementer avec lui :


-Bonsoir Monsieur. Excusez l'allure peu engageante de mes compagnons mais ils ont eut… un malencontreux accident. Le Sieur Jaskier ici présent a déjà une chambre chez-vous. Nous la partagerons si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Quant au repas, je vous propose de nous amener un assortiment de vos mets directement dans la chambre, ainsi nous n'importunerons pas vos autres clients. 


Je déposai quelques orins sur le comptoir puis reculai d'un pas tandis que l'homme hochait la tête, indiquant d'un geste empressé de la main la direction de la chambre en question. J'allais m'y diriger à la suite de mes compagnons quand je me ravisai, interpellant de nouveau le patron des lieux :


-Ah oui, j'allais oublier : faites nous également préparer un bain, une bassine d'eau claire et des chiffons propres s'il vous plaît. 


Un bain. Depuis que j'étais sur les routes c'était vraiment le luxe qui me manquait le plus et qui me manquerait certainement plus encore en forêt de Brokilone. Je saisissais donc chaque occasion qui se présentait, me délectant par avance de la sensation de l'eau chaude qui m'envelopperait. 


Je suivis les hommes jusqu'à la chambre qui s'avéra spatieuse et certainement lumineuse au vue de la taille des fenêtres. Des lampes à huiles et des bougies avaient été disposées. La célébrité du barde avait du bon. Le lit a baldaquin était grand, les draps rendus doux par un usage et un lavage répétés étaient clairs et propres. Un paravent permettait de dissimuler aux regards l'espace dédié à l'hygiène. Une table et deux chaises nous permettraient de manger au calme. Il nous faudrait juste une chaise supplémentaire. Je la demandai justement à la femme qui apporta la cuvette d'eau claire, qu'elle posa sur le meuble près du lit.


Pendant qu'elle et sa collègue faisaient des allers retours pour nous apporter tout ce dont nous avions besoin et remplir la baignoire, j'invitai Jaskier à s'asseoir pour prendre soin de sa blessure au crâne. Il n'en menait pas large, visiblement plus angoissé que douloureux. Je pris le temps de nettoyer à l'eau claire et au savon avant de désinfecter la zone et mes instruments pour faire les quelques points nécessaires. Je le voyais prendre sur lui, gérant son souffle pour ne pas gêner l'opération.


Je me concentrai sur le mouvement de l'aiguille incurvée, faisant abstraction du reste, pour une suture la plus discrète possible puis farfouillai dans mon sac à la recherche de mon baume contenant de la consoude, que j'appliquai sur la blessure. Je l'invitai alors à ôter sa chemise pour vérifier l'état de son épaule. Un bel hématome était déjà en train de sortir. Je palpai du bout des doigts, lui arrachant un gémissement étouffé, mais heureusement rien ne semblait cassé. J'appliquai un autre baume contenant de l'extrait d'écorce de saule, massant délicatement jusqu'à pénétration complète du produit.


Quand tout fut fini, Jaskier sembla retrouver un peu de couleur. Il émit même l'idée d'écrire une ballade héroïque sur cette mésaventure, puis se mit à manger avec appétit tandis que j'insistai auprès de Geralt pour vérifier également son intégrité physique. Ce dernier m'envoya bouler sans ménagement, estimant que ce n'étaient pas quelques coups de gourdins qui allaient avoir raison de lui. 


Un poil vexée, je décidai d'aller profiter de l'eau chaude pendant qu'ils engloutissaient de concert la nourriture présente. Je pris tout de même le soin de me préparer une assiette pour éviter la mauvaise surprise de rester l'estomac dans les talons. 


Dissimulée derrière le paravent, je me dévêtis en écoutant les bavardages incessants de Jaskier, entrecoupés de bruits de couverts et de mastication ainsi que de grognements de Geralt en guise de réponse. C'était vraiment un drôle de numéro ces deux là ensemble : Jaskier était aussi bavard que Geralt taciturne, aussi expansif et émotionnel que Geralt dans l'impassibilité et le contrôle. Tout semblait les opposer et pourtant je sentais entre eux une connexion comme on en trouve rarement. Ils semblaient liés par une profonde amitié dont Geralt se défendait bien mais que Jaskier alimentait pour deux. Je me sentais presque de trop face à leur duo. 


Ces pensées me ramenèrent à Rodric et Mélusine. Je réalisai avec une certaine honte que je n'avais que trop peu pensé à eux ces derniers temps. Nous aussi avions une complicité toute particulière même si Rodric s'avérait souvent très absorbé par ses occupations. Bientôt je serai de retour auprès d'eux. Bientôt je laisserai cette expérience de ma vie derrière moi. Je m'étais fais la promesse de n'avoir ni regrets ni de remords. J'espérai pouvoir la tenir même si anticiper mon retour auprès de mes proches était à la fois doux et douloureux car cela impliquait de dire définitivement adieux à Geralt et de retrouver ma place d'épouse et de mère "modèle".


Tout en analysant l'ambivalence mes sentiments, je laissais mon corps se détendre dans l'eau chaude et savonneuse. Les yeux fermés je me laissai somnoler, bercée par la voix de Jaskier qui s'était mis à chanter, cherchant les paroles de sa ballade du jour. 


***


Je dus m'assoupir. C'est la fraîcheur de l'eau qui me réveilla. Le silence régnait dans la pièce. Je me lavai puis me séchai rapidement, me vêtissant d'une chemise de nuit un peu trop courte à mon goût au vu des circonstances. Je retrouvai la chambre vide, aucune trace des deux hommes. Mon assiette pleine m'attendait. Je mangeai sans appétit la nourriture refroidie puis pris le parti de me mettre au lit, me glissant avec délice dans les draps frais et parfumés qui se réchauffèrent rapidement au contact de ma peau.


Ils rentrèrent tard dans la nuit, visiblement alcoolisés, gloussant comme deux gamins tout en faisant "chuuuut !" pour ne pas me réveiller. C'était raté mais je fis mine de dormir encore. Ils avaient allumé une des bougies pour que Jaskier puisse y voir et qu'il arrête de se cogner dans les meubles. Il faut dire qu'il ne tenait plus correctement debout. 


Ils firent un détour par la baignoire pour se rafraîchir, pestant contre la froideur de l'eau tout en continuant de ricaner. Une part de moi regrettait de ne pas voir directement la scène mais j'en avais une assez bonne idée. Jaskier se plaignit que Geralt prenait toute la place. J'entendis alors l'eau clapoter vivement puis éclabousser le sol. Je les imaginais à deux dans le baquet et cela me fit rire sous cape. Oui, décidément une drôle de paire que ces deux là. 


Ce qui devait arriver, arriva : en voulant sortir, Jaskier glissa sur l'eau répandue au sol, faisant tomber dans sa chute le paravent. Je ne tins pas plus longtemps, éclatant de rire face à son air ahuri et vexé. Le fou-rire se propagea si bien qu'il ne parvenait pas à se relever, ni Geralt à l'aider. Ils finirent tous deux nus, assis au sol, essuyant les larmes qui ruisselaient sur leurs joues tandis que je faisais de même au chaud dans le lit. J'avais mal aux joues et aux abdos à force de rire. Toute la tension accumulée les dernières heures semblait en train de s'évacuer d'un coup. 


C'est un soupir collectif qui mit fin au fou-rire et les deux hommes en tenue d'Adam avancèrent vers moi, me laissant le loisir d'observer leurs différences de morphologie et de pilosité. Jaskier apparaissait fluet à côté de Geralt. Il était bien moitié moins large d'épaules mais laissait voire une musculature finement dessinée et un torse glabre contrastant avec la toison grisonnante de son ami. Contrairement à Geralt, son corps était quasiment dépourvu de cicatrices. Il était aisé de voir combien leurs modes de vie étaient différents. Jaskier semblait également nettement plus jeune que Geralt dont le visage, souligné par sa longue chevelure blanche, apparaissait marqué par la vie. Jaskier, lui portait des cheveux châtains coupés courts à l'exception d'une mèche plus longue sur le devant. J'observai par ailleurs les nouveaux hématomes impressionnants sur le corps de Geralt, témoins de la bagarre du début de soirée : son avant-bras apparaissait fortement meurtri mais j'avais appris la leçon : je ne lui en toucherai pas mot. Bien que j'étais curieuse de comparer le reste, j'essayais de garder mon regard sur les parties chastes de leurs corps. C'était déroutant de les voir comme ça face à moi. 


Le temps s'était comme suspendu. Je me demandai ce qu'ils attendaient au juste. Une invitation ? Même si cela était tentant, je n'avais pas pour projet d'aggraver encore mon statut d'épouse adultère. 


-Si vous voulez de la place dans le lit, merci de vous vêtir un minimum Messieurs. 


J'avais dit cela en repoussant inconsciemment les couvertures, révélant la nuisette qui me couvrait tant bien que mal (encore un cadeau de Rodric qui aimait ces vêtements minimalistes qui me faisaient paraître encore plus nue). Je sentis le regard des deux hommes se poser sur mes épaules et ma poitrine. Ils déglutirent de concert puis croisèrent un instant leurs regards pour me fixer à nouveau l'instant d'après. Un frisson me parcourut "Oh la la, dans quelle situation t'es-tu encore fourrée ?" me demandais-je en sentant ma peau se couvrir de chair de poule et mes seins commencer à pointer à travers le fin tissu de mon vêtement de nuit. 


Ils ne bougeaient toujours pas. Ils échangèrent à nouveau un regard éloquent et je sentis qu'il se passait quelques chose entre eux deux, comme un accord tacite, une autorisation délivrée, dont je m'offusquai intérieurement, en étant apparemment le sujet. Jaskier eut un sourire charmeur et gourmand. Il commença à me parler d'une voix douce tout en s'approchant tranquillement du lit. Geralt pris du recul, s'asseyant sur une chaise, observateur.


Je n'aimais pas du tout cette situation. J'avais la très désagréable impression d'être une brebi face à deux loups. Pire : d'avoir été offerte par Geralt à son ami. Malgré ses mots flatteurs, poétiques et enjôleurs, je ne me sentais pas séduite par l'attitude de Jaskier dont les yeux brillaient de désir et l'haleine exhalait une entêtante odeur d'alcool. Défensive, je réitérai ma demande de manière plus ferme encore.


-Vous passez un caleçon tous les deux ou vous dormez par terre, entendu ?!


Geralt haussa les sourcils puis les épaules et fit ce que je demandais tout en lançant un caleçon à Jaskier. 


-Excuse-moi Gaëlliane, après le petit numéro que tu m'as fait avec Triss, je pensais que tu serais partante… Tu montres depuis notre rencontre une certaine… gourmandise.

-J'ai vu vos regards entendus à tous les deux. Jusqu'à preuve du contraire c'est mon corps, ce n'est pas à toi de l'accorder à qui que ce soit. De toutes façons vous êtes plus saouls l'un que l'autre. Dormez. On en parlera demain. Et restez de votre côté où je vous pousse du lit.


Ils obtempérèrent, ronflant bientôt de concert l'un contre l'autre tandis que je ne parvenais pas à retrouver le sommeil. J'étais tellement en rage. Contre eux. Contre Geralt. Contre moi en fait. Difficile de regarder en face le fait que malgré mes bonnes résolutions j'avais envie de ce qu'ils m'avaient proposé, sans pression aucune d'ailleurs. Seule la manière dont ils s'étaient comportés, comme si je leur était acquise, m'avait permis de lutter contre mes pulsions. Je n'avais pas été juste avec eux, qui s'étaient, somme toute, montrés respectueux. 


Intérieurement, je me traitai à nouveau de salope et j'avais honte. Je me tournai et retournai sans cesse tandis que leur concert prenait de l'ampleur. J'étais troublée : j'avais là l'occasion de vivre une nouvelle, et probablement dernière, expérience inédite et certainement incroyable mais en franchissant cette nouvelle limite je risquais de ne plus savoir me regarder en face, ni Rodric d'ailleurs…


Plus le temps passait, plus l'idée faisait son chemin. Le sommeil, lui, continuait de me fuir. Je me surpris à compter les jours depuis mes dernières menstrues, évaluant le risque d'une éventuelle grossesse. Très élevé, trop élevé. Avec Geralt la question ne se posait pas, la stérilité des sorceleurs était un fait connu, mais Jaskier… A moins de… non quand-même pas... Si? Pratique agréable et sans risque côté grossesse… Humm… C'est en imaginant la scène que je me laissai glisser dans les bras de Morphée.


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