Les contes de l'Oie Saoule

Chapitre 19 : L'île du Roi d'Or

4907 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 00:45

L’île du Roi d’Or

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A l’auberge de l’oie saoule…

Le capitaine de vaisseau revient souvent à Thalion, à la belle saison. Il y écoule des épices contre des lingots d’étain et de bauxite des collines rouges. Un peu échauffé par les âpres négociations de la matinée, mais satisfait d’avoir conclu avec ses interlocuteurs commerciaux, il s’est attablé à l’auberge, et régale à présent la cantonade d’un conte des mers lointaines.

Il lui est assez plaisant d’éduquer un peu la piétaille autochtone, d’égayer leurs mornes soirées paysannes de souvenirs flattant la majesté numénoréenne. Après une bonne lampée de cervoise, le loup de mer essuie ses moustaches mousseuses d’un revers de son bracelet de cuir, et plonge avec aisance dans des eaux infestées de légendes...

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A bord d’un baleinier d’Umbar, il y a bien longtemps[1]…

Dans la cabine exigüe aux boiseries précieuses, les officiers de bord partageaient un repas autour du carré du commandant. Le maître d’équipage, solide suderon basané, salua avec rudesse et sortit prendre son quart. Le commandant, serré dans sa tunique impeccable, lui rendit un salut guindé et poursuivit ses péroraisons :

-« Quelle gloire était la nôtre, Messieurs ! Imaginez la reine à la tête des plus belles dames de l’île, dispensant sa bénédiction sur les quais en liesse ! Imaginez nos mille vaisseaux appareillant au petit matin, dépositaires de la foi des hommes de la mer ! Imaginez mille proues fendant les flots de la destinée pour asservir l’ennemi ! »

Le fier regard aquilin du vieux marin se fit lointain. Son souvenir embrassait une apogée qu’une capricieuse fatalité avait dérobée depuis des lustres :

- « Nos valeureuses troupes, brillamment commandées, vainquirent la terreur des forces de l’ombre, enveloppant l’ennemi d’habiles manœuvres et imposant la supériorité de nos armes. Partout, du Harondor à l’Umbar, les tribus subjuguées reniaient leurs alliances abjectes et se rangeaient aux côtés de leurs libérateurs.

Notre roi, Ar Pharazôn le Vermeil, rassemblait les hommes moindres des terres du milieu. L’avènement de son règne universel ravivait nos lointaines parentés et subjuguait les faibles, appelés par la mansuétude impériale, à servir sa gloire pacificatrice.

Le noir ennemi des hommes, dompté, fit allégeance et se prosterna, chargé de chaines, aux pieds du Roi, après quoi il fut exilé en une honteuse captivité. Notre Roi Ar Pharazôn érigea une colonne d’or en Umbar, qui commémorait ces hauts faits et apportait chaque nuit, la lumière du salut numénoréen aux navigateurs égarés. Depuis, nos flottes conservent la maîtrise des océans et entretiennent l’espoir de notre renouveau ! »

Les grincements de la baleinière berçaient l’esprit des officiers au rythme de la houle, dans les glorieuses chimères de leur commandant, qui unissait leurs âmes en un faisceau ardant.

La porte du carré s’ouvrit soudain, rompant le charme. Un jeune homme, vêtu de soieries à la dernière mode, fit une entrée nonchalante :

-« Salut la compagnie !  Alors commandant, toujours plongé dans les gloires d’autrefois ? On dirait presque que vous avez participé à ces nobles réjouissances ! Peut-être devrions-nous rêver à des lendemains plus… réalistes ? »

Le commandant, dont les mâchoires rasées de près tressaillaient de spasmes offusqués, apostropha durement son second :

-« Voilà, mécréant, le néant qui menace lorsque l’éthique des hommes de la mer est bafouée. Votre impertinent laxisme moral ne doit pas vous faire négliger vos devoirs et nos croyances !  Un jour notre Roi Ar Pharazôn[2] s’éveillera des abysses, pour réclamer au monde, ce que la gloire lui a promis ! Alors les hommes de l’Ouïstrenesse seront libérés du mensonge des Puissants de l’Ouest et de leurs séides les elfes. L’engloutissement de notre île bénie montre à quel point ces lâches nous craignent, accaparant les bienfaits du monde à leur seul profit. »

Le jeune homme rectifia sa mise, fit claquer les talons de ses bottes lustrées et déclara d’un ton dubitatif :

-« Voilà un manifeste bien usé ! Donner à l’humanité l’éternelle jouissance de son destin, rien que cela ? En attendant d’arracher ces secrets tant convoités, je suggère respectueusement de ne pas insulter l’avenir et de ménager les puissances de ce monde. Il se prépare un grain – des nuages sombres s’assemblent à une vitesse inquiétante. Votre présence est requise sur le pont supérieur ! »

Le commandant toisa le mécréant de son regard bleu acier, se leva avec raideur et quitta le carré, suivi de ses officiers.

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La houle visqueuse charriait des reflets sinistres. L’écume s’y étalait en trainées fielleuses. Au loin, une masse sombre volait sur l’océan anthracite, cavalcade menaçante qui fulminait en éclairs livides.

Des gouffres opalescents se creusaient sous les rafales, la baleinière prenait une gîte préoccupante. Déjà l’équipage en proie au découragement, agitait ses talismans vers la mer démontée. Le commandant donna ses ordres, raide comme la justice sur le gaillard d’arrière. Trois des équipes de quart montèrent dans les haubans et engagèrent le combat comme le vent commençait à mugir, tandis que le dernier quart arrimait les chaudrons. Des feux-follets se mirent à danser parmi les hunes, alors que de liquides lances de terreur s’abattaient sur le pont.

Subjugués par le calme souverain de leur commandant, les matelots se surpassèrent– les gabiers ramenèrent la toile, ferlèrent les voiles, hâlèrent les rabans et clouèrent les sabords[3]. Mais à peine les cargues nouées, un formidable ressac bouillonnait tout autour du vaisseau. Une vague gigantesque éleva ses épaulements difformes et déferla par le travers, balayant le tiers de l’équipage. Sous les haros assourdissant des embruns, le commandant, luttant lui-même à la barre, ordonna d’arrimer les matelots à une ralingue, et fit doubler les équipes aux pompes.

Aussitôt le second improvisa une ligne solide le long des emplantures de mâts. Mais l’ouragan, comme un exécuteur aveugle, écartelait le vaisseau. La mâture bientôt rasée et jetée à la mer, entraînait le navire par ses haubans, le tirant vers le fond avec une puissance surnaturelle. Un chef de nage, un harponneur et plusieurs matelots furent précipités par-dessus-bord avant qu’on parvînt à les sectionner.

Tout au long de cette lugubre nuit, la baleinière tangua sur les flots et dériva par des mers oubliées, l’équipage luttant pour sa survie sous les ordres de son inflexible commandant.

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Le grincement d’une poulie, aigu et lancinant, réveilla le second. La tête lourde, il se redressa et contempla les environs - une côte rocheuse dévoilait ses mornes éboulis dans une brume épaisse. Des vagues silencieuses baignaient mollement ce rivage irréel, tandis que le vaisseau gisait sur son flanc tribord, éventré sur des écueils affleurant à marée basse.

Quelques membres d’équipage, rescapés de cette nuit d’ordalie, répondirent aux appels du second. Hagards et dépenaillés, ils semblaient des parias décharnés, évadés d’un monde perdu. Le  commandant évanoui était encore amarré à la barre du bâtiment, comme un spectre dégingandé aux commandes d’un vaisseau fantôme.

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Lorsque les vivres sauvés du naufrage furent rassemblés à terre, les deux officiers restants tinrent conseil, et résolurent d’explorer le rivage.

Le plus urgent était l’eau douce. On envoya plusieurs équipes, qui errèrent longtemps parmi les roches nues, sans trouver âme qui vive, mais avec un malaise croissant. Les promontoires semblaient murmurer leur effarement, des éboulements sournois entravaient leur progression, les failles exhalaient une sourde haine du vivant. Les hommes craignaient ces rumeurs, qu’étouffait la brume épaisse. Une volonté hostile semblait planer au-dessus de leurs têtes.

On se rendit compte au bout de quelques jours, que cette terre était une île entièrement ceinturée de rives rocheuses, continuellement dissimulées dans le brouillard. Le commandant fit solennellement proclamer que les hommes du Roi, héritiers de Numénor, prenaient possession de cette terre.

L’assurance de l’officier fit merveille, aussitôt ses hommes se sentirent soulagés, des fantasmes fugitifs qui avaient semblé traverser les brumes.

Alors les hommes découvrirent un mince ruisselet qui se perdait au fond d’un vallon stérile. Remontant la gorge, ils en localisèrent la source, qui suintait une eau âpre sentant le souffre. Il fallut s’en contenter.

Explorant plus avant, l’équipe déboucha dans une grotte, à l’entrée de laquelle se dressait une grande statue de pierre, qui semblait surgir de la roche. Frappés d’une crainte respectueuse, les hommes se prosternèrent devant ce terrible gardien, dont les yeux attentifs scintillaient à la lumière de leurs torches. La grotte regorgeait de richesses, dignes seulement du trésor des puissants rois de jadis – d’antiques pièces d’or, des joyaux, des armes de haute lignée gisaient là, sous le regard attentif du colosse. Ce haut roi couronné d’or tendait une main puissante et avide, pour saisir l’éternelle gloire, suivi de tout un peuple.

Malgré leur grande faiblesse, la plupart des gabiers revinrent chargés de richesses. Certains étaient habités d’une étrange sensation de grandeur, d’autres imbus d’un lourd sentiment de responsabilité. Mais la peur les tenaillait tous. L’un d’entre eux pourtant, solide harponneur, querelleur et gouailleur, évoqua dans un rire gras, les délices du harem qu’il pourrait entretenir avec ces richesses, et se chargea d’un lourd coffre de pierreries.

L’équipe n’avait pas sitôt quitté la grotte, que le harponneur, tout rutilant des colliers d’or amoncelés sur ses puissantes épaules, glissait sur un rocher instable, et se rompait le cou au terme d’une longue chute. Ses compagnons contemplèrent son cadavre désarticulé, flottant au-dessus d’un suaire d’oursins et de diamants.

L’équipe rejoignit le rivage en silence. Chez quelques-uns la discipline se raffermit, mais ces richesses inutiles jetèrent l’équipage dans un abattement superstitieux.

Aussi les deux officiers résolurent-ils d’explorer eux-mêmes l’île avec méthode, sans plus exposer leurs gabiers et harponneurs à ses maléfices.

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Le commandant et le second partirent le lendemain. Après avoir reconnu les grottes abritant le trésor, et ressenti l’appel pressant du Roi d’or, ils grimpèrent longuement dans la brume, environnés du silence de mort qui régnait à présent sur l’île. A l’altitude où se dissipait le brouillard, ils découvrirent un étrange refuge.

De luxueuses mosaïques dépeignaient une vie raffinée, savante et harmonieuse. Les pièces de la vaste demeure, aux murs ornés de riches peintures, étaient à moitié en ruine. Pourtant des reliques brisées, des antiquités dépareillées et des colifichets rafistolés les meublaient, ensemble hétéroclite qui semblait récupéré sur des épaves échouées pendant des siècles. Ils explorèrent les ruines et découvrirent une chambre décorée de maints objets féminins, mais sans jamais rencontrer leur hôtesse. Quelqu’un semblait vivre là, en ermite hantant un palais d’un autre âge, et tendant son filet de pêche entre deux statues de marbre. Les deux officiers, confondus par la grâce et la décrépitude de la demeure, reconnaissaient à maints détails des arts et techniques familiers, et souffraient les affres de l’exilé retrouvant sa patrie dévastée.

Poursuivant leur ascension, ils parvinrent à un vaste espace plat, vide et silencieux. Le ciel immaculé, qu’aucun oiseau n’habitait de son vol, semblait observer l’esplanade.

Surplombant l’est de l’île, un beffroi couronné d’ors fatigués, projetait alentours ses nostalgiques rayons vainqueurs. A l’opposé, un grand arbre mort déployait l’ombre de ses branches dénudées au-dessus d’un catafalque, sur lequel trônait une étrange construction de pierre sombre. Des idoles hideuses y sacrifiaient des premiers-nés de toutes les espèces. Des totems obscènes proféraient là d’abjectes profanations muettes.

Troublés et pantelants, les deux officiers n’osaient imaginer l’impensable. Comme ils tentaient de se recueillir, des images violentes les harcelèrent - un couple majestueux se déchirait sous le regard maléfique d’une sombre figure drapée de malveillance contenue. Les deux hommes redescendirent la pente, incapables de formuler les folles hypothèses qui leur serraient la gorge.

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Au crépuscule, lorsqu’ils rejoignirent le palais, une lueur errante, semblable aux mirages qui leurrent les marins égarés, les fit rejoindre l’antique salle à manger. Les deux officiers y découvrirent un somptueux dîner, qui semblait les attendre. Ebranlés par un si grand mystère, ils n’osèrent se détourner et firent honneur à leur hôtesse invisible. A la fin du repas, la lueur les conduisit à une chambre, où ils succombèrent au sommeil.

Des songes de grandeur nostalgique les visitèrent. Un haut Roi vêtu d’or et empanaché d’orgueil, semblait leur ordonner de rebâtir la puissance numénoréenne. L’un d’eux se vit restaurant la dignité des Seigneurs de la mer, fort des richesses tirées des roches et sauvées des eaux de cette île. Une sublime Reine se tenait aux côtés du haut Roi, sa coiffe ruisselant de perles, et semblait pleurer des larmes de diamant, les suppliant de la délivrer de son supplice. L’autre officier se rêva champion de sa reine, renouant d’antiques alliances.

Le lendemain, habités de visions d’une hiératique gloire, les deux marins se réveillèrent à l’aube.

Une silhouette diaphane et encapuchonnée les veillait, dressée à leur chevet.

Saisis d’effroi, ils demandèrent ce que désirait leur hôtesse. Une voix féminine, légère comme un souffle et traînante comme les siècles de tourment, leur enjoignit, pour prix de son hospitalité, d’imaginer pour elle et de mener à bien quelque galant ouvrage.

Les deux officiers s’inclinèrent, l’un pour l’honneur, l’autre pour la grâce, et prirent congé.

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Par tempérament et par conviction, ces deux hommes n’étaient guère enclins à collaborer. Leurs rêves secrets s’accordaient trop mal. Aussi chacun se lança-t-il dans l’œuvre que dictait son cœur.

Le commandant choisit de consolider la tour dorée, dont les reflets radieux rappelaient la gloire de Numénor et guideraient les navires de ses héritiers. Il parvint à confectionner un mortier et redora le dôme renforcé.

Le second détruisit l’autel sombre, précipita les pierres maléfiques à la mer, et purifia par le feu le catafalque de marbre.

Mais les deux hommes s’opposèrent au sujet de l’arbre mort. Le second voulait le révérer comme une relique des temps anciens, le commandant souhaitant le brûler comme le signe d’une allégeance entachée d’opprobre.

Ils tirèrent l’épée, et sans doute le sang de l’un d’eux aurait-il à nouveau souillé le catafalque, si un goéland n’avait à ce moment jeté son ombre rapide et gracieuse entre les combattants. Sous la protection de l’oiseau de mer surgi du soleil, la raison l’emporta donc, lorsque les deux marins se rendirent compte, que le vénérable bois pourrait permettre de radouber leur vaisseau.

Contre toute attente, ils travaillèrent donc ensemble, rameutant les restes de leur équipage. En quelques jours le tronc avait été débité en planches et billots, ramenés au rivage. Le charpentier du bord, par bonheur, était encore des leurs. Ils confectionnèrent une grue de bois, redressèrent le navire à la faveur d’une marée, et achevèrent le radoub. Enfin les deux plus belles branches de l’arbre antique, firent de passables mâts.

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Les naufragés épuisés allaient donc pouvoir s’échapper.

La discorde, cependant, éclata à propos du trésor. Il fallut aux deux officiers, faire preuve d’une extrême fermeté, pour empêcher l’équipage d’alourdir de trop d’or et de pierreries, un navire qu’il ne pourrait manœuvrer qu’avec difficulté.

Le matin de leur départ, comme les hommes poussaient le navire, dans l’eau jusqu’à la taille, la brume se leva, pour la première fois depuis leur arrivée dans l’île. Comme le brouillard se retirait, une forme encapuchonnée s’approcha de la proue dans un profond silence, y déposa un rameau vert[4], et s’en retourna vers la grève. L’équipage fut tellement accablé de terreur, qu’on oublia les dernières velléités d’embarquer plus d’or et de joyaux.

La marée montait, la brise s’engouffrait dans le gréement de fortune, et le vaisseau s’écartait de l’île. C’est alors qu’ils entendirent des oiseaux de mer, qui peuplaient enfin le ciel de leurs vols gracieux et de leurs cris joyeux.

Comme les marins observaient l’île s’éloigner, escortée de ses nouveaux habitants, il leur sembla qu’une haute vague venait s’abattre sur la crique où subsistaient les richesses abandonnées et les traces de leur passage. Comme la vague refluait, ils crurent apercevoir, lovée au creux des rouleaux d’émeraude, une rapide nageuse, image vivace de "Tar-Miriel, la Reine plus pure que l'argent, l'ivoire ou les perles."[5] Mais le mirage fugitif s’évanouit, comme la haute vague refluait vers l’occident, et que les brumes enveloppaient à nouveau l’île de leurs illusions.

Les rescapés voguèrent donc, une lune durant, leurs vies confiées aux restes d’un vieil arbre. Le jour où fana le rameau à la poupe du vaisseau, la vigie annonça la fin de leurs supplices.

De retour à Gobel Mirlond, leur port d’attache à l’embouchure de la rivière Harnen, le commandant et le second, qui s’étaient tolérés le temps de la traversée, se séparèrent bientôt.

Comme vous l’imaginez, cette aventure courut dans les tavernes de Gobel Mirlond à Umbar et même au-delà ! Nombreuses furent les expéditions à destination de l’île[6]. Mais l’on raconte dans le sud, que la malédiction du Roi d’Or poursuivit férocement tous ceux qu’il trouvait indignes de convoiter ses richesses.

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A l’auberge de l’oie saoule…

Le capitaine recrache une chique malodorante qu’il mâchouillait pendant son récit. Un jeune paysan en profite pour demander le sort des deux officiers.

-« Evidemment, le moussaillon veut savoir s’ils ont profité du trésor ? Hé bien soit !

Il est dit que le commandant prit le pouvoir dans la principauté du Harnen, grâce à sa part du trésor. Il fit un souverain tout-à-fait décent, animé de hautes convictions un peu vieux-jeu de gouvernement, même s’il ne parvint pas à rallier la cité rivale du Ramlond. Aucune épouse ne voulut de lui – trop austère, trop sévère ! – mais il régna avec rigueur et justice, même si ses rêves de grandeur le poussèrent parfois à des équipées dispendieuses.

Le second, quant à lui, un romantique un peu rêveur, a rejoint les rangs gondoriens. On dit qu’il est devenu le gardien d’anciens lieux consacrés, sur l’île de Tolfalas. »

- « Et vous, Capitaine, avez-vous tenté votre chance ?

- En voilà un moussaillon bien curieux ! Mais c’est bien là toute la question, la fin de ce conte ! Pourtant c’est à vous d’y répondre ! Défieriez-vous la malédiction du Roi Doré, et que feriez-vous de son trésor ? »

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NOTES

[1] Le port d’Umbar fut, au cours du Second Age, l’une des principales bases navales des numénoréens en terre du milieu. L’idéologie impérialiste de l’île fit progressivement de ce comptoir commercial, une tête de pont militaire de premier ordre. Lorsque Numénor fut submergée, la flotte et les colons numénoréens de la rade d’Umbar restèrent fidèles aux idéaux des « hommes du Roi », s’opposant aux « fidèles » exilés en Arnor et Gondor. Durant des siècles, ces nostalgiques de la toute-puissance numénoréenne firent la guerre au Gondor, jusqu’à ce que le Roi Earnil 1er capturât la cité en TA 933.

[2] Ar-Pharazôn, en quenya Tar-Calion, c'est-à-dire le Vermeil ou le Doré, fut le vingt-cinquième et dernier Roi de Númenor. Il prit la tête de la faction des "hommes du Roi", qui reniait l'antique allégeance aux Valar et l'amitié avec les elfes. A la mort de son oncle Tar-Palantir, il prit le pouvoir en épousant contre son gré, et au mépris des lois de l'île, la fille de ce dernier, Tar-Míriel, usurpant ainsi le titre de Roi. Ambitieux et orgueilleux, il voulait conquérir la Terre du Milieu toute entière. Il accosta donc à Umbar avec une flotte si gigantesque que les serviteurs de Sauron en furent apeurés. Ar-Pharazôn exigea de Sauron qu'il se soumît à la puissance de Númenor. Celui-ci quitta alors sa forteresse de Barad-dûr et se soumit à Ar-Pharazôn, qui l'emmena captif dans l'Ile de l'Étoile. Mais Sauron ensorcela le Roi et devint un membre influent de son conseil. Les Fidèles furent persécutés, l’arbre Nimloth fut abattu dans la cour d’Armenelos et des sacrifices humains furent pratiqués en l'honneur de Melkor. Enviant l’immortalité des elfes, le roi écouta les insinuations de Sauron, lui enjoignant de s'attaquer à Valinor, le continent occidental des Puissants. Ar-Pharazôn arma alors la plus formidable escadre jamais vue en ce monde et transgressa l'Interdit des Valar. Lorsqu'il posa le pied en Aman, les Valar firent appel à Illúvatar, qui engloutit Númenor et toute la flotte de guerre, épargnant uniquement les neuf vaisseaux d'Elendil et de ses fils.

[3] … les marins (équipiers de mâture) diminuèrent la surface des voiles et les plièrent, tirèrent sur les filins d’attache et bouchèrent les ouvertures (mille milliards de mille sabords !). Mais à peine les ficelles attachées (celles qui servent à ficeler les voiles repliées, au mât ou aux autres pièces de mâture)…

[4] Oïolaïre : Rameau du Retour, une branche d’un arbre à feuillage persistant et aromatique, qui restait verte à proximité de l’eau de mer. Ce rameau était placé comme  porte-bonheur à la proue des navires numénoréens, en général par une femme de la famille du capitaine. Cette coutume avait été importée dans l’île par les elfes d’ossiriand. Le rameau était un signe d’alliance avec Uinen, la maïa des eaux marines.

[5] Akalabeth, Tolkien

[6] Cette « île » pourrait bien être le pic du Meneltarma, sommet de la haute montagne qui culminait au centre de Numénor avant sa submersion. Mais personne n’a jamais pu le vérifier…

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