L'étrange anneau du Roi Isildur
Chapitre 1 : Le dernier jour d'un condamné
2000 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 03/02/2025 19:41
Troisième âge, an II
Minas Tirith
C'est jour d'exécution dans la belle cité du Gondor qu'on appelle encore Minas Anor. En ce début d'après midii, le soleil est au zénith. Au premier niveau de la ville, la jungle des maisons en pierres blanches et aux toits grisâtres s’arrête juste devant le mur d’enceinte. C’est dans cette petite clairière de pavé et de marbre que se trouve la place du marché. Une foule compacte se tortille et joue des coudes. Dans la fourmilière on s'insulte, on soupire, on s'énerve. Tout le monde veut la meilleure place pour assister au spectacle.
Il est 14h. C'est l'heure.
Trois hommes de la garde traînent avec eux un malheureux en chaines qui marche lentement en regardant ses pieds l’air résigné. C’est un jeune homme, il a le visage creusé par la fatigue et des grands yeux ahuris prêts à sortir de leur orbites. À voir les marques sur sa peau, on devine qu’il a passé une mauvaise nuit. Il est plutôt grand même s’il marche le dos courbé. Sa carrure passerait presque pour athlétique s’il n’était pas en si piteux état. Les gardes le font monter sur une petite estrade qui surplombe la place.
Sur la structure en bois, à côté de la traditionnelle potence, sont posés de curieux instruments qu'on a pas l'habitude de voir. Car aujourd'hui n'est pas jour d'exécution normale. La foule est tellement nombreuse qu'on a du dégager les étales des marchands qui s'installent d'ordinaire aux alentours. A leur grand dam, car l'évènement est bon pour les affaires. Tant pis pour eux. Les portes de la ville ont dues être fermées car meme les habitants des bourgs environnants voulaient assister à la sentence.
La raison de cet engouement est la suivante: le condamné n'a pas commis un crime banal. On ne se déplace pas en si grand nombre pour une simple pendaison. Lhomme que la foule dévisage d’une curiosité morbide à commis l'acte le plus grave qu'on puisse commettre. Ce faisant, il s’apprête à subir le plus dur châtiment prévu par la loi.
Quel crime a t-il commis ? Il a attenté au Roi Isildur en personne. Alors que le Roi visitait un hospice réservé aux vétérans de Dagorlad, dans la ville haute, un homme s’est jeté sur lui. Il a attrapé sa majesté au cou et a serré de toutes ses forces. Assurément le Roi des numénoréens ne saurait être inquiété par un vulgaire manant. Le Roi s’est défendu d’un gros coup poing dans les cottes du vilain suivit d’un puissant coup de coude dans la tête. Le fer trempé en mithrile de sa coudière à fait le reste. L’homme s’est retrouvé sonné, le visage en sang, face contre terre. Il a été arrété et jugé dans la foulée. L’histoire s’est répandue dans la ville aussi vite qu’un Oliphant en rute. S’en prendre au Roi ? Qui pourrait être assez fou?
Aussi loin que remonte la mémoire des hommes, aucun Roi n’a jamais été aussi respecté que l’est Isildur fils d’Elendil, en cette seconde année du troisième age. Grand vainqueur de la dernière alliance des hommes et des elfes. Pourfendeur du Mordor. Souverain du nouveau royaume réunifié du Gondor et de l’Arnor. Et puis surtout. Pour toute la terre du milieu et pour l’éternité, celui qui à tué Sauron de sa propre main. Même un Balroge y réfléchirait à deux fois.
Ses sujets l’aiment et ses ennemis le craignent. Alors le peuple a rendu son verdict à l’unanimité, ça ne peut être que l’oeuvre d’un fou.
Le condamné est attaché sur une table en forme de roue. Le bourreau entre en scène. Un petit homme ventru aux épaules et aux avant bras surdimensionnés. vétu d’une étoffe noir, il à l’air de prendre son rôle très à coeur. Quelques petits réglages de dernière minute et enfin le spectacle peut commencer.
Le bourreau attrape un long marteau qu’il montre à la foule d’un geste très théatrale. Puis de toute ses forces l’abbat sur le genoux du malheureux. On entend un grand “Poc” très sec suivi d’une voix grave hurlant à la mort qui résonne dans toute la cité. Rebelotte pour le deuxième genoux. D’abord proche du bariton, la voix se fait au fur et à mesure soprano. On lui brisera ainsi une douzaine d’articulations.
Une fois fini, le tortionnaire exhibe à la foule un nouvel instrument. Celui-ci est plus technique.
Il ressemble à l’outil qu’on utilise pour éplucher les légumes, mais en plus grand. Le bourreau le place lentement en haut de la cuisse. D’un grand coup net, il tire énergiquement vers lui en arrachant toute la peau avec. Le supplicié laisse échaper un cri strident et aigu, quelque part entre le “la” mineur et le “si” majeur. Plusieurs fois il faut asperger d’eau le condamné pour qu’il ne s’évanouisse pas. On lui donne même à boire de l’eau de vie. Passé la cuisse, on s’attaque au ventre. Les cris se font si insupportables, que dans l’assistance, on commence à se boucher les oreilles. On lui pèlera ainsi une bonne partie du corps. Le blanc de sa peau a laissé place à un tissu rose sanguinolant.
Pour la suite, c’est un grand seau en bois qu’on fait admirer au publique. La vapeur qu’il dégage laisse deviner un liquide bouillant. Sans plus de suspense, le bourreau verse très lentement une huile visqueuse à ébulition sur le corps du supplicié. Le malendrin est pris de spasmes frénétiques. Ce qu’il reste de sa peau se met à faire des petites bulles qui exploses et changent de couleurs. Du rouge au violet, puis du marron au noir. Une odeur péstilencielle se répend dans l’atmosphère. Il faut maintenant se boucher le nez. Les cris, eux, se sont tus. Dans le publique on murmure, est-il encore en vie ? la foule est circonspecte. Le spectacle est-il finit ?
Le moment est enfin venu de faire entrer les chevaux. On en place un de chaque côté du condamné. Ses bras, qui avaient été jusque là épargnés, sont attachés à l’arrière train d’un canasson. Un grand coup de fouet est donné et les chevaux s’activent. Le corps résiste d’abord. Il tangue un coup à droite et un coup à gauche pendant plusieurs secondes. Puis soudain, les deux articluations lachent en même temps. Le supplicié s’éguosille comme un animal. Sa voix n’a plus rien d’humaine. On croirait entendre les cris d’un cochon qu’on égorge. Un grand “Aaaah” de soulagement s’échappe de la foule, le condamné est encore en vie. Ouf! Le supplice peut continuer.
Ses bras pendent désormais comme des vieux torchons.
Pour clore le spectacle, on décide enfin de le pendre. Le corps fumant et désarticulé est
détaché puis monter sur la potence. On lui met la corde au cou. Rien de plus classique, on
en serait presque déçu.
Le semi-cadavre gigote doucement dans le vide, attendant que sa dernière goutte de vie s’évapore. C’est alors que dans un ultime geste grandiloquent, le bourreau attrape une hache. Il l’a fait tournoyer plusieurs fois dans les airs pour le plus grand plaisir de la plèbe et d’un geste aussi fort que préçis, tranche la tête du condamné. Celle-ci reste accrochée à la corde tandis que le reste du corps s’écrase au sol comme un gros tas de purin. La foule se fend en applaudissement.
- Voilà une exécution qu’on est pas prêt d’oublier !
L’affaire n’est pas encore terminé, il reste une dernière chose. Il est de coutume de laisser le bourreau dépouiller le cadavre du condamné, mais pas cette fois. Pour marquer le coup, il a été décidé qu’un homme du publique serait désigné au hasard pour cet honneur. L’exécuteur se met à scanner la foule. Les mains se lèvent. Les gens crient à l’unisson:
- Moi ! Par içi ! Moi! Moi!
Il sent monter sa colère et son exaspération. La moitié de la ville est sous ses yeux, et il doit choisir une seule personne ? Quelle tannée !
S’ils s’imaginent que je vais me faire des noeuds à la cervelle… je n’ai qu’à prendre le premier que je vois avec une tunique noire.
Plusieurs secondes passent et quelque part dans le dixième rang.
- Toi là bas !
L’homme dans la foule, en tunique noire, ne parait pas y croire.
- Oui toi !
Mille visages aigris le prennent d’assaut du regard.
- Le cadavre est pour toi ! Viens ici et montes !
L’homme s’éxécute.
Il monte sur l’estrade tout embarassé. La foule, déçu, a commencé à se dispercer. La suite ne les intéressent plus.
Le tas boueux et sanguinolant git là. À sa vue l’homme est pris d’un haut le coeur.
- Je vais vraiment devoir fouiller ce machin ? demanda-t-il au bourreau l’air inquiet.
- Non crétin, on t’as mis tout ce qu’on a trouvé sur lui dans cette sacoche. Prends là et vas t’en.
L’homme à la tunique noir ne se fait pas prier. Il prend la sacoche et s’en va dénicher un endroit plus calme à l’abri des regards. C’est un petit gringalet aux oreilles décollées et au visage simple, les mauvaises langues diraient simplet. On devine à son expression qu’il n’a pas inventé l’eau chaude. Il passerait volontier pour un honnête jeune homme, mais sa petite moue roublarde laisse penser qu’il faudrait tout de même s’en méfier.
Alors qu’il se fend un passage dans la marée humaine, il se met à réver de pièces d’argents et de beaux bijoux.
Si je trouve une belle bague en étain ou un collier en or, quelques pièces de cuivres et d’agrent, je pourrais m’acheter mes propres outils et me mettre à mon compte. Je n’aurais plus besoin de quémander du travail au quartier des cordonniers comme un vulguaire mendiant.
Une fois trouvé un petit passage désert, il s’arrête. Tout excité il déballe son butin. Son euphorie est de courte durée. Il vide la sacoche et n’y trouve que trois babioles sans valeurs et un parchemin.
- La peste !
Il fouille encore et encore, retourne la sacoche dans tous les sens, rien n’y fait. Pas de trésor pour aujourd’hui.
C’était trop beau ! idiot que je suis. Un homme qui a de l’argent ne se jette pas au cou d’un Roi...
Le pauvre est dépité… Par acquis de conscience il ouvre le parchemin. Alors qu’il déchiffre le papier d’un air dubitatif, son visage se fige comme s’il venait de voir un Nazgul.
Ça ne peut pas être sérieux
Il lève les yeux aux ciels incrédule.
Et si ça l’était ?
je ne connais qu’une seule personne qui pourrait m’aider...
Il range prestement son parchemin, lance quelques regards furtifs pleins de méfiance autours de lui et s’engouffre à toute vitesse dans les ruelles de Minas Thirit.
Sur le parchemin est écrit:
“Avis aux rodeurs et chasseurs de primes du Gondor.
10 000 pièces d’or à celui qui volera le petit anneau doré du Roi Isildur.
Signé
le rodeur du Harad.”