Un Peuple Oublié

Chapitre 37 : Chapitre 36 _ Le départ

1741 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2020 16:28

Lorsque Naé ouvrit les yeux, il était tard. Le soleil avait commencé à redescendre depuis plusieurs heures déjà.

Mais elle se sentait bien. Depuis son lit, elle pouvait entendre les cris de la fête reprenant son cour.


14 Jours.

Cela faisait 14 jours.

14 Jours que la fête battait son plein, et il n'y avait plus de doute qu'aujourd'hui serait le dernier. Il n'y avait plus rien à boire. Et plus rien à manger.

L'elleth avait passé 14 jours de cette façon. Avec les gens du peuple. Avec ceux dont elle se sentait le plus proche. Avec qui il n'y avait rien à cacher, rien à redouter. Toujours avec les mêmes. Toujours au même endroit. Lorsqu'elle rentrait, il était toujours, très tôt, et le château était toujours endormi. Elle partageait alors un moment avec son amour, puis il repartait quand elle s'endormait.

Chaque moment dans ses bras était meilleur que le précédent, comme leurs corps apprenaient à se connaitre, et que le temps manquerait bientôt. Et plus les jours passaient, plus elle avait peur du moment où tout basculerait.


Les elfes celestes étaient partis les premiers. Ils s'en étaient allés dans le calme et la splendeur de leur forêt, qui contrastait avec n'importe quelle cité humaine, beaucoup trop bruyante pour leur petites oreilles délicates. 


Depuis, chacun leur tour, les invités s'en allaient. Eomer avait été le second à partir, ayant tout une région à réparer, il n'avait pu s'éterniser.

Puis se fut au tour des hobbits, qui avaient, malgré tout, hâte de rentrer dans leur petit chez eux si confortables, qu'ils avaient laissé depuis bien trop longtemps. A leur départ, beaucoup de choses changèrent. La cité semblait beaucoup moins joyeuse, beaucoup moins affamée. La communauté avait été dissoute. L'aventure incroyable qu'ils avaient vécu touchait à sa fin.


Et enfin, le matin du 14 eme jour, les elfes sylvains, ainsi que leur prince, avaient prévu de retourner chez eux.


La boule dans le ventre de Naé ne l'avait pourtant pas quitté depuis sa conversation avec le magicien.

Elle savait que ce moment finirait par arriver, et pourtant, elle n'avait aucun moyen de s'y préparer.

Evidemment, Legolas lui avait plusieurs fois proposé de partir avec lui. Mais elle s'était toujours contentée de sourire, et à chaque fois changeait de sujet. Il avait prit cela comme un accord tacite, au vu de leur relation, comme s'il n'y avait rien à demander que de rester ensemble. 


Il n'avait pas vraiment envisagé la suite, il voulait simplement que ce soit avec elle. 

Pour rien au monde il ne l'aurait laissé derrière, mais il constatait jour après jour que l'elleth semblait s'éloigner. Qu'elle était beaucoup plus distante.

Bien sur, il avait remarqué qu'elle ne se sentait pas à sa place à la cour du Roi.

Et cela l'avait plutôt fait rire au début. Lui non plus ne l'était pas vraiment, mais il s'y appliquait. Il aurait mille fois préféré passer les jours avec elle, et même Gimli, plutôt que de devoir tenir compagnie à ses vieux elfes grincheux et ennuyeux à mourir. Mais tel était son rôle.


Il avait été tant déçu que son père ne vienne pas. C'est comme s'il osait afficher publiquement son dédain. Son indifférence des autres. Et c'était alors son tour. A lui de faire attention de ne froisser personne, d'entretenir les relations politiques. A lui de féliciter les hommes pour leur victoire, sans qu'aucun de son peuple ne se soit donné la peine de venir les aider.

Il avait l'impression de n'être qu'une poupée de cire, manipulée par une force invisible, qui l'obligeait de nouveau à faire ce que les autres attendaient de lui.


Durant ces derniers mois, il avait oublié son rang, et les choses idiotes et ennuyeuses qui l'accompagnaient. Il avait été comme n'importe quel elfe, ou même n'importe quel homme. Libre de toute contrainte qu'il ne choisissait pas. Mais c'était fini. Il retrouvait à présent le monde qui était le sien, et déjà, après 14 petits jours, il en était lasse.


Après une nuit sans se dire un mot, profitant simplement de la présence et du corps de l'autre, ils étaient là.

Devant la grande porte, au matin, accompagnés du reste de leur amis, et de plusieurs soldats.

L'air était triste, comme à chaque fois qu'un membre de la compagnie partait. De la brume s'élevait doucement des pavés, évaporée par la chaleur matinale du milieu d'automne. La cité dormait encore, et un silence triste résonnait sur les pierres de la cité.


-Mon ami, vous et les vôtres serez toujours les bienvenus en Gondor, commença Aragorn avec un sourire tendre.

-De même que vous dans la cité de tous les elfes, renchérit celui ci.

Le jeune Roi mit alors la main sur son cœur, et la laissa aller dans le vent, dans la direction de son ami, et celui ci en fit de même. Preuve d'un respect mutuel, et d'une amitié qui ne connaîtrait pas de fin.


-Je passerais vous voir bientôt, continua le magicien, quand ce fut son tour de dire au revoir.

Nul ne doutait de ses paroles, lui qui savait toujours à l'avance où il devrait se rendre...

-Et je serais heureux de vous recevoir, Mithrandir.

-Je me tuerais pour avoir dit cela, mais vous me manquerez beaucoup trop, mon ami, articula difficilement Gimli.

Chacun éclata de rire devant la tristesse évidente du nain. Et dire que ces deux là avaient passé bien des mois à se chamailler...

-Et moi c'est votre absence qui me tuera, lui répondit Legolas avec un clin d'œil qui n'avait pourtant rien de drôle.

Il se tourna enfin vers Naé, qui n'en avait pas décroché le regard.

-Viens avec moi, lui dit-il.

Elle prit sa main, et ils s'éloignèrent de quelques pas.

-Viens avec moi.

Un silence s'installa, et Naé eut l'impression de pouvoir entendre littéralement son cœur se briser lorsqu'elle répondit.


-Non.


Il hoqueta de surprise. Bien qu'elle n'avait jamais répondu à ses demandes, il avait toujours gardé l'espoir qu'elle le suive. Leur relation était à ses yeux bien trop ... Forte, pour qu'elle ne l'abandonne. Il chercha en pensées ce qui pouvait bien la pousser à rester.

Cherchant une explication rationnelle et logique qu'il pourrait contrer.

-Mon père finira par accepter, tu n'as pas à avoir peur, continua-t-il en lui caressant la joue.

Elle inspira profondément, et plongea son regard dans le sien. Elle se nourrit de ce bleu, comme si elle le voyait pour la dernière fois. Elle respira alors son odeur, et serra le poing, comme pour se donner du courage.


-Là n'est pas la question.

-Alors ou est-elle? demande-t-il avec un sourire tendre.

-La question n'existe tout simplement pas.

Ses yeux changèrent alors, se faisant plus gris qu'à l'accoutumé, et il la questionna du regard.

Elle avala sa salive, et prit le temps de calmer les battements de son cœur, qui semblait imploser.

Alors à son tour, elle caressa son visage, doucement.

-C'était très agréable, mais ce n'était que ça.

Cela eut l'effet d'un choc électrique. Il recula d'un pas, instinctivement, comme s'il avait peur d'avoir mal comprit.

Elle se mordit la langue après avoir prononcé ces mots, comme s'ils la rongeaient plus encore que celui qui les entendait.

-Mais... Je ... Naélane, tu es mon Alaar. Ne me demande pas de vivre sans toi.


Elle sentit le gout du sang dans sa bouche quand elle croqua dans sa joue pour ne rien laisser paraître.

Par les Valars que ces mots étaient les plus beaux qu'elle n'avait jamais entendu.

Et les plus douloureux aussi.

Elle eut alors l'impression que le monde rétrécissait autour d'elle.

Et que ses poumons se vidèrent d'un coup de la moindre molécule d'oxygène.

Le sol s'ouvrit sous ses pieds, et elle tomba. Comme une chute sans fin.

Un vertige qu'on ne peut combattre.

Des frissons grimpèrent le long de sa nuque.

Et elle eut froid.

Si froid.

Comme si tout devenait invivable autour d'elle en un instant, alors qu'elle prononça ces mots qui la glacèrent jusqu'à l'os.


-Et tu n'es pas le mien.


Elle n'entendit alors que le silence.

Comme un vide immense, tandis que son être se brisa en deux.

Se déchira.

Se fracassa.

S'écorcha.

Se broya.

Et elle ressentit son âme se déchirer.

Elle voulu hurler, mais elle n'était plus capable de rien. Comme si son corps ne lui répondait plus.

Elle vit alors le visage de celui qu'elle aimait se déformer par la tristesse, même s'il ne laissa cela paraître qu'une seconde, qui lui sembla durer l'éternité.

Puis il se reprit, et après un dernier regard rempli de détresse, il se retourna, et s'éloigna.


Tout était silencieux autour d'elle, comme si son corps n'avait plus été capable d'accepter le moindre son.

Il était parti. Et elle avait laisser faire ça.

Elle avait brisé leur lien. Avec une seule parole. Ne pouvait-il y avoir plus douloureux en cette vie?


Reprenant son souffle, elle tourna la tête, et vit le regard horrifié de tous ses compagnons.

Mais elle ne dit mot. Non.

Elle se mit alors à courir, jusqu'à la plus haute place de la cité.

Elle courut, sans s'arrêter, sans respirer.

Et lorsqu'enfin elle y parvient, elle regarda alors partir les chevaux elfiques, qui galopaient en direction de la forêt Noire.

Les larmes dévalèrent alors ses joues sans qu'elle ne puisse rien faire.

Elle s'interdit ne serait-ce que de cligner des paupière, voulant garder les dernières images de celui qu'elle avait rejeté.

Elle ne le reverrait certainement jamais. ..

Cette idée la brisa.


Elle entendit à peine le nain reprendre son souffle dans son dos.

-Je croyais que ce n'était qu'agréable, demanda-t-il, la voix pleine de reproche.

-Il est mon Alaar, murmura-t-elle alors. Comme si cela était une évidence, Gimli sourit tristement en entendant ces mots.

Il ne répondit rien, bien que les questions lui brûlaient les lèvres, il se dit qu'il attendrait. Il avança, et se plaça à coté de son amie, fixant l'horizon avec elle. 


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