Un Peuple Oublié
Chapitre 36 : Chapitre 35 _ Le Couronnement
3041 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 10/06/2020 16:27
Le lendemain matin, annonçait l'aube d'une ère nouvelle.
Avant même que les premiers rayons de soleil n'éclairent la cité, la plupart du peuple était debout.
Certains n'avaient même pas dormi. Les gens se pressaient dans les rues, allant voir leurs voisins, leurs familles, quand tous les ouvriers étaient déjà à l'ouvrage. Le boulanger et le boucher n'avaient bien sur pas fermé l'œil.
Un peu comme Aragorn. Quand il avait enfin pu se débarrasser de ses invités, il était sorti prendre l'air, et savourer le calme de la nuit. Cette journée était tellement pleine de promesses pour lui, qu'il en avait déjà mal à la tête.
Néanmoins heureux, bien sur. Son couronnement signifiait avant tout la défaite de Sauron. De l'Oeil. Du mal. Un temps de paix approchait, et cela lui arracha un sourire.
Naé rentra au château. Doucement. Sans courir. Elle ne se pressa pas. Elle n'avait aucune hâte. Elle avait passé la nuit avec elle même, à réfléchir. Et elle en avait conclu que le magicien avait raison.
Evidemment, comment pourrait-il en être autrement. Malgré cela, cette journée était si pleine de promesses d'un avenir radieux, et paisible, qu'elle ne pouvait gâcher cela.
Elle serra les dents.
Elle monta directement dans sa chambre, et découvrit alors la robe qu'Eowyn lui avait préparée. Elle était superbe. Cette fois ci elle n'hésita pas. Si elle ne s'habillait pas convenablement aujourd'hui, quand le ferait-elle? Et puis elle avait fait l'aimable connaissance des invités de hautes naissances, et cela ne faisait aucun doute qu'elle se ferait crucifier sur place si elle osait ne serait-ce que penser y aller en armure. Elle leva les yeux au ciel.
A vrai dire, elle redoutait cette journée. Elle avait toujours détesté les bains de foules, et n'avait jamais été a l'aise avec les gens de la soit disant "haute société". Ceux qui croyaient bon de vous regarder comme un cafard de n'être QUE l'enfant de vos parents. Le dédain qu'ils transpiraient la mettait en rage, et à vrai dire, elle l'était déjà. Merveilleuse journée qui s'annonçait là. Elle ravala sa salive et respira.
Une fois prête, elle jeta un regard dans le vieux miroir poussiéreux et brisé toujours posé à l'entrée de la chambre.
Elle avait laissé ses cheveux détachés, attachant simplement le début de larges tresses sur les cotés de son crane. La robe avait de fines bretelles, puis la moulait jusqu'à ses hanches, avant de partir plus lâchement jusqu'à ses pieds. D'un blanc immaculé, cela faisait ressortir l'argent de ses cheveux, et le bleu de ses yeux. Ou devrais-je dire de son œil. Elle avait également revêtu un petit châle gris, pour recouvrir ses épaules, et ne pas être trop dénudée. Des petits souliers noirs lui avaient été fourni, cachés par la longueur de la robe.
Pour la première fois depuis longtemps, elle se trouva agréable à regarder.
Elle sortit alors, et rejoignit ses compagnons sur la grande place.
En ouvrant les portes, elle fut choquée du monde qui s'y trouvait déjà. Des Hommes, bien sur, par centaines, mais aussi des elfes. Elle reconnut immédiatement le seigneur Elrond, au loin, qui lui adressa un leger signe de tête en guise de respect, et cela lui arracha un sourire. Alors ce vieux desséché l'acceptait enfin en temps qu'être elfique? et bien il n'est jamais trop tard. Jetant un regard aux elfes celestes, elle ne put s'empêcher de leur envoyer un regard plein de dédain. Qu'ils étaient vilains. Avec leurs auras si pures, leurs grandes bouches et leurs sourcils trop fins.
Elle reconnut également Eomer, qui se déplaça pour la saluer, puis se rapprocha de Gimli, qui semblait bien seul face à tant de monde.
-Vous êtes perdu petit être?
-Et vous, vous l'êtes? ricana-t-il
Elle aperçut alors Legolas, un peu plus loin, avec une délégation qui semblait faite d'elfes sylvains.
Sans doute envoyé par Thranduil, qui n'avait pu se résigner à venir en personne. Elle eut le souffle coupé, mais n'en laissa rien paraître.
Il avait revêtu un habit de roi, digne de son père, que celui ci avait dû lui fait parvenir, car c'était beaucoup trop fin pour avoir été cousu par des hommes. Cela lui allait à merveille, évidemment, il semblait rayonner au milieu de ceux de son peuple, mais cela arracha une grimace à l'elleth.
Elle avait toujours su qu'il était prince, bien sur, mais il n'en portait jusqu'à présent que le nom. Ils avaient tous marché ensemble, soupé ensemble, dormi ensemble, et combattu ensemble. Et il n'avait jamais laissé paraître son rang . Face à l'évidence de sa noblesse à présent arborée, elle sut que les choses ne pourraient qu'être différentes.
-Comme au bon vieux temps mon cher ami, il n'y a plus que vous et moi.
Ils partagèrent un regard complice, et attendirent la cérémonie.
Le soleil tapait et cela lui sembla durer une éternité. Il y avait tellement de monde, qu'ils se retrouvèrent serrer les uns contre les autres, et cette proximité l'agaça. Gandalf fit un discours, mais elle ne l'écoutait pas.
L'elleth ne comprenait qu'on puisse faire tant de cérémonial pour une accession au trône. Lorsqu'un nouveau Prince Noir apparaissait, tout le peuple faisait la fête, ensemble, autour d'un énorme buffet et de beaucoup d'alcool. Il n'y avait ni chichi, ni courbettes. Elle leva les yeux au ciel, exaspérée par tout ce protocole.
Absorbée dans sa contemplation des nuages, elle ronchonna lorsque Gimli lui tapa dans la hanche. C'est alors qu'elle la vit. L'elleth entrelacée dans les bras d'Aragorn. Elle dégageait quelque chose de si pure, que Naé en eut le souffle coupé. Grande, mince évidemment, brune, superbe pour quelqu'un de son espèce. Arwen, présuma l'elleth.
Ainsi donc elle n'était pas encore parti pour les terres immortelles. Étrangement, Naé fut déçue. Déçue que l'objet de désir d'un homme aussi fort que l'était son ami ne se résume à ça. Magnifique, évidemment, mais commune. Enfin, comment être à la hauteur?
A la pudeur qui se dégageait de la Celeste, elle sut qu'elle ne pourrait jamais s'en faire une amie.
Lorsqu'enfin toute cette cérémonie toucha à sa fin, la foule se divisa, non sans que tous ne soient allés saluer le nouveau Roi du Gondor.
Les villageois repartirent chez eux, ou pour beaucoup à la taverne, histoire de fêter cette journée hors du commun. Les hommes les plus importants, ainsi que tous les invités se retrouvèrent dans la grande salle, dans laquelle un banquet était donné.
Aragorn avait prit soin de demander à ce que chacun des membres de la compagnie ait une place à sa table, surplombant toutes les autres. Il souriait, évidemment, c'était là son rôle, mais il ne pouvait s'empêcher surtout de ressentir la joie d'avoir retrouvé celle si chère à son cœur. Des hommes, et des elfes venaient sans cesse essayer de converser avec lui, ou simplement le féliciter, et il en arriva vite à souhaiter le lendemain, qu'il puisse retrouver un peu d'intimité avec celle qui lui avait tant manqué.
Naé était en bout de table, l'air grognon, elle n'arrivait pas à s'amuser, et cela contrariait grandement Gimli, assit à ses cotés.
-N'avez vous pas faim ? Ce serait bien une première! Lui demanda-t-il
Elle ronchonna une réponse inintelligible, avant de croquer dans le meilleur morceau de pain qu'elle n'eut jamais mangé.
-Vous savez ce qu'il y a de plaisant aujourd'hui?
Elle haussa alors un sourcil, intriguée.
-Il y a assez de bière pour nous saouler tous les deux! Et sans se prendre de remontrances de la vieille barbe blanche!
Elle ne put alors s'empêcher d'éclater de rire, et vida son gobelet cul sec.
Les heures qui suivirent passèrent alors rapidement. Elle ricanait avec le nain tels deux bécasses ivres, se moquant aussi discrètement qu'ils le pouvaient des autres invités.
Cela n'eut jamais l'air de déranger personne, comme de toute façon personne ne leur prêtait la moindre attention. Jusqu'à ce que les musiciens commencent à jouer pour ouvrir le bal, et qu'ils durent parler plus fort pour s'entendre. Certaines oreilles aiguisés d'elfes celestes se tournaient alors régulièrement vers eux, lançant des regards scandalisés par tant de vulgarité.
Lorsque la soirée était déjà bien avancée, Legolas finit par s'approcher de ses deux amis.
-Gaaaaaarde à vous! fit l'elleth en prenant un air bien trop sérieux pour ses pommettes rosies. Nous sommes maintenant en présence d'un prince!
Devant l'éclat de rire gras du nain, celui ci leva les yeux au ciel, et ne put s'empêcher de sourire.
-Et moi qui croyait que tu ne pouvais pas être saoule!
Elle prit soudain un air outré devant ses propos et fit mine de réfléchir un instant.
-Et ben si. Et c'est la deuxième fois ce mois ci !
-Ahahah Ça en fait des saouleries à rattraper! S'écria le nain.
-Tu veux danser? reprit Legolas, sérieux.
Elle éclata de rire.
-La salle danse bien assez sur elle même, je ne vais pas m'y mettre aussi!
Il poussa un soupir, vaincu, avant de l'embrasser tendrement sur le front.
-Gimli faites attention à elle.
Naé le frappa alors dans le bas du dos,
-Je suis assez grande pour prendre soin de moi!
Il lui fit alors un clin d'œil.
-Ça je n'en ai jamais douté.
Puis il s'éloigna, retournant tenir compagnie au petit groupe de sylvains avec qui il était attablé. Certains parmi eux étaient des amis de longue date, et tous eurent l'air estomaqués de voir leur prince embrasser une elfe Noire sur le front, mais aucun n'osa en dire un mot.
Faramir vint à son tour proposer une danse à l'elleth, auquel elle répondit en lui tendant une choppe, et il se retrouva finalement prit dans leurs commérages de vieilles biques comme s'il avait été là depuis le début. Cela dura bien une petite heure, jusqu'à ce que Naé sembla en prendre conscience.
-Mais qu'est-ce que vous foutez là vous?
-Ben je ...
-Blablabla. Allez immédiatement danser avec la jolie blondinette! Sa compagnie sera infiniment meilleure que la notre je vous le garantis!
Tous trois éclatèrent alors de rire, et Faramir obéit sans se faire prier.
Elle avait parfaitement conscience d'être entrain de dépasser les bornes du convenable, mais à vrai dire elle s'en fichait.
Regardant les mines plus ou moins choquées par leur comportement, elle prit Gimli par la main, et le tira dehors.
Ils descendirent les rues, sans que le nain n'ose lui demander dans quoi il allait encore se retrouver fourrés. L'air frais leur fit du bien, et la marche sembla faire descendre un peu leurs taux d'alcoolémie, jusqu'à ce qu'ils arrivent à une petite place, où Naé s'arrêta sans prévenir, et laissa échapper un :
-Tadam! Ici personne ne nous trouvera inconvenant mon ami!
L'auberge du village n'avait jamais été aussi remplie de mémoire d'homme. L'ambiance était à la fête, et un petit groupe de musiciens s'affairait dans un coin à essayer de faire danser les gens. Certains s'étaient mit à danser sur les tables, tandis que d'autres, déjà trop saouls dormaient à même le sol. Les chants et les rires remontaient tout au long de la grande rue, et le tavernier avait fait amener des tables dehors, pour que chacun puisse s'asseoir. Certains avaient même amené leur propre chaise, et n'hésitait pas à monter dessus pour mieux chanter.
Lorsque Naé entra dans la taverne, les hommes cessèrent soudain de chanter, surprit de la trouver là. Mais très vite, ils se mirent à crier son nom, et chacun s'approcha pour lui toucher l'épaule. Le nain n'en crut pas ses yeux, mais se retint de dire quelque chose.
-Une tournée pour nos deux héros! Cria un homme apparemment pas encore assez ivre.
-Leur prochaine est pour moi ! Hurla un autre.
Gimli éclata de rire,
-Et bien! On aurait du venir plus tôt!
Les dix personnes autours de lui rirent à leur tour.
-Et bien alors Naé, on vous manquait? Nous qui aurions rêvé d'être la haut! déclara un homme en se rapprochant d'eux, et donna une tape sur le bras de son amie.
Elle lui rendit son geste, et répondit calmement.
-Boarf, et bien sachez qu'il n'y a là haut que des courbettes et des gens pour vérifier que vous vous courbez assez bas.
Il éclata de rire, et, d'un mouvement de main, fit signe aux musiciens de jouer plus fort. C'est alors que l'euphorie prit feu. Les pintes de bières fusaient derrière le comptoir, et alors que chacun tapait dans ses mains, Naé se retrouva sur une table à danser avec un des hommes.
Elle riait, comme elle n'avait jamais rit.
Elle était juste heureuse.
Elle profitait de l'instant, avec des hommes aux cotés desquels elle avait combattu. Des hommes qui avaient vu les mêmes horreurs qu'elle. Et surtout des hommes qui l'appréciaient.
Elle qui avait toujours été rejetée, de chaque peuple, à chaque fois, elle sentait que ces hommes là pensait comme l'une d'entre eux, et cela lui faisait un bien fou.
Elle était bien. Juste bien. Elle se permettait d'être elle même, ce qui lui avait été interdit toute la journée. Oh bien sur, elle avait prit cette permission, mais à quel prix.
Elle savait déjà que les émissaires de Thranduil ne l'accepteraient jamais, ni les elfes celeste, évidemment, ni les haut dignitaires venus de loin. Non. Après tout, elle n'avait jamais prétendu le contraire. Elle n'avait toujours été qu'une orpheline, alors elle se sentait à sa place dans cette taverne. Elle tapait dans ses mains, au rythme de la musique. A en avoir mal aux paumes, mais elle riait.
Gimli avait finit par partir se coucher, ne tenant plus sur ses pieds, tandis qu'elle était restée. Dans une grande farandole, elle avait chanté à ne plus avoir de voix. Elle avait dansé, à ne plus avoir de pieds.
Et à présent, alors que les premiers rayons du soleil perçaient lentement l'horizon, elle regarda autour d'elle. La majorité des hommes étaient partis. Certains dormaient par terre, tandis que d'autres criaient des paroles incompréhensibles. Alors, doucement, Naé remercia l'aubergiste d'avoir tenu aussi tard, et lui vida sa bourse sur le comptoir. Il y avait là de quoi financer plusieurs auberges, mais elle n'en avait que faire. Rien n'avait plus d'importance. Elle sortit alors de l'établissement, et respira, doucement. L'air frais, encore une fois, lui fit du bien.
Elle n'était plus saoule, non. Ou juste assez pour être joyeuse. Ou malheureuse. Et malheureuse, elle ne voulait pas l'être, non.
Alors elle sourit. Remerciant non pas les Valars mais le Monde d'être encore en vie. Elle marcha tranquillement jusqu'au château, pour aller retrouver le lit qui lui avait été attribué. Elle prit son temps, savourant chaque pas. Chaque bruit. Dans sa tête tournait encore la chanson du Pelenor, qu'elle avait chanté toute la soirée. Lorsqu'elle entra dans le château, il y régnait un silence de plomb.
Evidemment, tout le monde était allé se coucher. Des gens qui ne savent pas rire ne vont jamais dormir bien tard. Elle rit à cette pensée, et avança sans un bruit jusqu'à sa chambre. Elle poussa alors doucement la porte, et soupira de soulagement lorsqu'elle entrevit son lit.
En s'en approchant, elle réalisa soudain qu'il n'était pas vide. Legolas y dormait, paisiblement.
Nu, comme à son habitude, sa respiration était lente et régulière.
Elle fut alors incapable de bouger. A quelques centimètres de lui, elle le contempla soudain, incapable d'en détourner les yeux.
Elle regarda chaque trait de son visage, à la fois si paisible, et lointain.
Et encore une fois qu'il était beau.
De cette beauté qui continuait à lui couper le souffle, jour après jour.
Elle sentit des frissons le long de sa nuque. Sa poitrine était nue, et découverte. Rien qu'en la regardant, elle pouvait deviner la douceur de sa peau, qu'elle connaissait si bien.
Elle sourit. Elle s'assit alors, tout doucement, sur le coin du lit, ne pouvant en détourner les yeux.
Elle se rassasia de cette image. La dévora. Comment pouvait-on être si beau? Si agréable à regarder? C'était une activité à part entière. Se remplir de lui.
Se remplir de lui comme si elle ne pourrait plus jamais le revoir.
Alors elle resta là, pendant des heures. Le regardant. Essayant de frôler sa peau mais sans le réveiller.
Pour se souvenir.
Elle prenait tout ce qui lui était offert.
Tout.
Chaque courbe.
Chaque trait.
Chaque respiration.
Si bien qu'à l'instant où il ouvrit les yeux, elle était tremblante de froid, et de fatigue.
Alors, sans dire un mot, il l'attira contre lui, et la prit dans ses bras. Lui transmettant toute a chaleur, et sa douceur. Elle ferma les yeux et respira son odeur. Encore, et encore.
Et, sans qu'elle n'y pense vraiment, une larme coula sur sa joue. Et une deuxième. Là voila qui se mettait à pleurer.
Alors, plutôt que de dire n'importe quel mot, qui aurait semblé dérisoire, il embrassa son front. Puis sa tempe. Puis sa joue. Puis son menton. Puis ses lèvres. Et ils se retrouvèrent de nouveau. Comme s'ils étaient enfin complet. Mais pour la première fois, il n'y avait aucune passion. Aucune violence. Juste une tendresse et une douceur infinie. Il enleva très lentement sa robe. Puis se rassasia à son tour de son contact. Avant de lui faire l'amour, comme il ne l'avait jamais fait. Avec des caresses, des murmures et une sensibilité toute singulière.