Un Peuple Oublié

Chapitre 24 : Chapitre 23 _ L'Ombre du passé

2861 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/06/2020 10:39

Au bout de deux bonnes heures, quand le soleil commença à descendre à l'horizon, ils renvoyèrent les soldats chez eux, épuisés de cette journée d'entrainement.

Aragorn était fatigué. Il n'était pas habitué à ce rôle de meneur, et cela lui demandait beaucoup d’énergie. Plus qu'il ne l'aurait voulu d'ailleurs. Il essayait de faire au mieux, de se mettre à la place de chaque soldat, pour voir comment il fonctionnait, et apprendre à les connaitre. Mais il commençait déjà à avoir le tournis. Ils n'étaient pas tous des soldats de formation, et pour certains, cela leur demanderait plus que 5 jours d'entrainement avant de s'accomplir en tant que tel. Il savait déjà que nombre d'entre eux ne tiendraient pas quatre coups face à un orc. Cela brisait son moral...

Ses pensées se tournèrent un instant vers Naé. Ou plutot Naélane, devrait-il dire. Cela semblait bizarre dans son esprit. Qui était cet étranger ? Bien sur, ayant grandit parmi les elfes, il était habitué à leur contact et leur beauté. Mais la sienne était... Particulière. Comme celle de son amie, finalement. Et pourtant, il dégageait quelque chose de singulier. Quelque chose de sombre, et de lourd. Comme si une volonté obscure et mystérieuse accompagnait ses pas. Et bien qu'il ne se faisait pas de soucis pour l'elleth, il n'arrivait pas à être serein quant à leurs retrouvailles.


Après un long moment à savourer le silence, ce fut le prince qui prit la parole. Et Aragorn fut surprit de se rendre compte que même lui avait l'air soucieux.

-Peut être devrions nous aller les chercher ? Proposa l'elfe.

-Pourquoi faire ? S'ils se retrouvent, ils ont sans doute beaucoup de choses à se dire, continua le nain.

-J'ai un mauvais pressentiment.

Gimli les regarda tour à tout, intrigué.

-Son cheval n'a pas bougé d'un poil, depuis qu'il l'a laissé là.

Ils se retournèrent, et virent que l'elfe avait raison.

-Tu as raison. Nous devrions le rentrer avec les autres pour la nuit.

-Je ne suis pas sur que ... continua l'elfe, puis il s'arrêta.

Fixant l'animal, il se mit d'un coup à courir vers lui, suivit de prés par ses amis.

-Regardez ses yeux.

Non seulement il n'avait pas bougé, mais en s'approchant suffisamment, chacun remarqua que quelque chose n'allait pas.

-Il n'a pas d'iris.

-Pas de pupille non plus, termina le prince.

Aragorn retint une grimace de dégout. L'œil était noir. Entièrement noir.

-Quel est ce maléfice ? Demanda Gimli.

Legolas s'en approcha encore, et murmura quelques mots en elfique, mais contre toute attente, il n'eut aucune réaction.

Alors il contourna la bête, et remarqua les pochettes en cuir noir, qu'il portait. Il jeta un coup d'œil à ses compagnons, qui ne surent quoi lui dire.

Intrigué, il détacha une sangle, et ouvrit l'une des sacoches.

Une odeur abominable lui monta au nez. Une odeur de mort écœurante, qui avait un peu trop traînée.

Se cachant le nez avec son coude, il plongea la main dedans, et en ressortit une tête, la tirant par les cheveux.

Une tête d'homme, décapitée, le visage figé en une expression horrifiée.

Il fit une grimace, puis lâcha la tête sur le sol, avant d'en sortir une deuxième, puis une troisième, du même sac.

-Quelle horreur, s'exclama le nain, en se bouchant le nez à son tour.

-Un mal est à l'oeuvre, ici, finit par dire le rôdeur, apeuré par la vision qu'il avait eu.

-Elle est peut être en danger.

A ces mots, ils se mirent à courir dans la direction où était partie leur amie quelques heures plus tôt.

Après quelques minutes, ils finirent par les apercevoir, au loin, assis dans l'herbe.

Se rapprochant encore, ils furent soulagés de la voir bien en vie, la tête posée contre l'épaule de l'inconnu, main dans la main. Cela arracha une grimace à l'elfe, qui accéléra sa course.




Voyant ses amis arriver, Naé se redressa d'un coup, lâchant la main de son ancien compagnon, et se remit debout.

-Un problème ? Finit-elle par demander devant leurs mines affolées.

-Nous voulions juste vérifier que tout allait bien, déclara Aragorn, d'un ton calme.

-Elle est avec moi, il ne peut rien lui arriver. répondit Azazel d'un ton glacial.

-Sauf si vous la décapitez. Elle aussi.

La voix de Legolas était totalement inexpressive, et Naé ne put dire s'il était sincère ou s'il avait essayé de faire un peu d'humour.

Elle s'apprêtait à rire, lorsque son ancien compagnon ouvrit la bouche.

-Ils m'avaient manqué de respect, dit-il en s'adressant à elle, tu sais combien j'ai horreur de ça.

Le pire, fut qu'il avait dit ses mots presque en souriant, de la même façon que s'il lui avait reparlé d'un vieux souvenir amusant.

-Et vous gardez leurs têtes pour vous faire un collier ? Reprit l'elfe, dont cette fois ci le ton était aussi dur qu'agressif.

La jeune femme sentit un frisson la parcourir, en voyant le regard glacé se figer dans les yeux de feu de son ancien compagnon, et celui ci ne sut comment réagir.

Il n'aimait pas qu'on s'interpose. Il n'aimait pas qu'on l'interrompe.

Enfait, il n'aimait pas grand-chose qu'il ne contrôlait pas. Il fronça les sourcils.

-Vous êtes ?

Naé se précipita pour s'interposer.

-Legolas, fils de Thranduil.

-Prince d'une forêt mourante, finit-il à sa place, vous m'en voyez désolé.

Son sourire amusé réapparut.

-Je suis encore bien en vie.

-Vous voudriez parier ?

Un éclat de folie passa dans son regard.

Sentant la situation lui échapper, Naé se tourna vers Legolas, et, gentiment, elle lui mit une main sur le torse, l'incitant à reculer.

-Ce n'est qu'un jeu, doucement, ne le prends pas comme ça.

Sans s'en rendre compte, elle l'avait tutoyé, et si cela n'avait pas choqué les oreilles de Gimli ou Aragorn, cela signifiait beaucoup pour Azazel.


-Oh, pardon, monsieur l'amant, je n'avais pas saisi votre rang, il imita une révérence maladroite

Le prince Noir se retourna vers Naé,

-Je ne te savais pas si affamée.

-Pardon ?

-Il n'y a pas si longtemps tu aurais préféré mourir que de passer la nuit avec un Sindar.

-Et c'est toujours le cas, dit-elle avec toute l'assurance dont elle était capable.

-Tu ne m'en voudras donc pas si je t'en débarrasse ?

-N'essaies même pas de le toucher. Le menaça-t-elle, soudain effrayée à l'idée qu'il puisse lui faire du mal.

Un air réellement triste passa sur son visage, puis il éclata d'un rire mesquin.

-Moi qui ai fait tout ce chemin pour toi ...

-Je croyais que tu avais une cible. Mais tu t'en es surement déjà occupé...

-A vrai dire pas encore, mais puisqu'on en parle, il serait peut être temps que je me mette au travail.

Un silence s'en suivit, et elle fut terrifiée de voir qu'il fixait intensément Aragorn en disant cela.

Tout concordait.

Il était sa cible.

Elle ne voulait pas le tuer.

Elle ne voulait pas le combattre.

Le menacer ? Personne n'était en mesure de menacer un Prince Noir.

Elle connaissait mieux que personne les coutumes de son peuple.

Et elle savait que l'aptitude au combat excédait le droit du sang. Les Princes Noirs étaient donc les meilleurs combattants de cette ère.

Mais ça, ils seraient tous morts avant de s'en rendre compte...


-Partez maintenant, et nous vous laisserons la vie, cracha Legolas, qui sentait bien que la situation dégénérait.

Azazel se remit à rire, et un éclat de folie passa dans ses yeux. Il s'approcha de Naé, qui lui tournait le dos. Il approcha la main de son épaule, soulevant ses cheveux, et fit mine de renifler son odeur. Il ressemblait à un prédateur jouant avec sa proie, et sa bouche frôlant la peau de la jeune femme de façon presque vulgaire, il fit un clin d'œil à l'elfe.

-Peut être devriez vous d'abord la remercier d'être toujours en vie.

Même avec toute sa volonté, le sindar ne put empêcher la colère de se lire sur son visage. Il allait dégainer sa lame, mais son ennemi fut plus rapide, il avait déjà sorti sa dague, et la posa contre le cou son ancienne maîtresse.

-Allez beauté, viens avec moi et je ne les tuerai pas.

La gorge de celle ci se noua. Elle se figea, et tous ses muscles se crispèrent d'un seul coup. Ils n'en sortiraient pas vivant si elle n'acceptait pas.

-Ta place est à mes cotés, tu le sais aussi bien que moi.

Pendant qu'il parlait, Aragorn avait réussi à libérer une dague cachée sur son avant-bras, et sans réfléchir, il la balança au visage de l'ennemi.

Beaucoup plus rapide, celui ci lâcha sa proie, et esquiva facilement le projectile, d'un mouvement de coté.

Il lui envoya en retour la sienne, qui alla se planter dans l'épaule du rôdeur, et le temps qu'il accuse le coup, il était déjà inconscient sur le sol.

Naé restait immobile, incapable du moindre geste ou du moindre mot, le regard perdu, elle semblait tétanisée.

Ce fut au tour de Gimli de tenter sa chance, mais sa colère et sa lenteur le désavantagèrent encore plus que nécessaire, et il fut expédié au sol en trois coups.

-Tu veux donc que je les tue tous ? Tu ne dois pas vraiment tenir à eux, trésor.


Legolas se jeta à son tour sur l'elfe, et le combat commença. La violence de leurs coups était inouïe, et le bruit du métal qui s'entrechoquait devait résonner presque jusqu'au château.

L'un et l'autre se mouvaient avec une grâce incroyable, et chacun de leurs coups était d'une précision effroyable.

Bien qu'une certaine égalité était présente au début, Azazel prit rapidement l'avantage, son visage ayant retrouvé son air amusé.

Soudain des frissons parcoururent Naé, et les muscles de son corps lui répondirent.

-Arrête ! Hurla-t-elle

Son adversaire s'élança soudain à une vitesse incroyable, passant la garde du sindar, et trancha sa peau en une longue estafilade sur le torse. Puis il termina son geste par un puissant coup de pied, l'envoyant s'écrouler au sol quelques mètres plus loin.

Il se retourna ensuite vers son ancienne compagne,

-Tu retrouves la raison ?

-Elle ne m'a jamais quittée.

Un rictus de colère déforma ses lèvres, et il se mit en position de combat. Puis, suivant son regard, il se dirigea vers l'elfe assommé sur le sol.

-Il m'avait dit que tu ne viendrais pas. Que tu ne voudrais pas. Mais je ne l'ai pas cru. Moi je croyais en toi.

-Qui t'a dit ça ?

-L'oeil!

Il avait hurlé ce mot, et Naé sentit un frisson parcourir son dos en voyant ses yeux s'éclairer d'un rouge malsain.

Elle comprit à cet instant que la folie avait envahit son ancien amant, et que sa mort était inévitable.


Il attaqua le premier, avec une force hors du commun, même pour quelqu'un leur race. Chacun de ses gestes était calculé plusieurs coups à l'avance, et dés le début, Naé eut du mal à parer ses attaques. Déboussolée, perdue dans ses émotions, elle n'arrivait pas à laisser agir son instinct.

Elle reculait, coup après coup, pas après pas.

Elle sentait le choc de l'acier résonner en elle et faire vibrer ses membres. Plus les coups pleuvaient, plus son adversaire semblait en colère, jusqu'à en perdre son sourire abject.

Elle crut voir à plusieurs moments comme des traînées de noirceur, s'effacer derrière lui quand il bougeait trop vite. Comme s'il était possédé, par quelque chose de bien plus fort que lui. Par une force sans nom qui lui glaça le sang quand elle en prit conscience.

Plusieurs fois, elle n'échappa que de quelques centimètres à une mort certaine, mais elle se reprenait.

Elle savait néanmoins qu'elle ne pourrait pas tenir indéfiniment, et que son corps se fatiguerait vite à cette allure de combat.

Par réflexe, elle jeta un coup d'œil derrière lui, désespérée qu'un de ses compagnon ne vienne l'aider, et ce fut sa première erreur.

Elle reçut un violent coup d'épée qui lui entailla profondément la cuisse. Elle retint une grimace et recula encore, cherchant à retrouver un équilibre malgré la blessure.

Le sang chaud lui coulait le long de la jambe, et la douleur engourdit ses membres, si bien qu'une autre entaille se dessina vite le long de son ventre.

Il ricanait face à elle, comme la vu du sang semblait l'exciter. Une troisième blessure au cou la fit tomber au sol, où elle prit quelques secondes pour reprendre son souffle.


Soudain, Legolas, bien que couvert de son propre sang s'interposa entre eux, et se mit en garde sous le rire amusé du prince noir.

-Serais-tu donc si pressé de mourir ?

En quelques coups, il écarta une seconde fois le sindar, l'envoyant au sol. Naé ne s'était toujours pas relevée, et demeurait, impuissante et désarmée, sur le sol.

Elle le regarda s'approcher lentement du prince, et sentit des larmes de haine couler sur ses joues.

Elle n'y réfléchit pas.

Elle ne pouvait pas.

C'était simplement une haine pure, et brûlante qui s'empara d'elle.

Qui s'installa dans chaque membre de son corps quand elle comprit qu'il allait achever chacun de ses compagnons.

Lentement, elle se redressa, résignée, poussée par une adrénaline jusqu'alors inconnue. Lentement, elle s'avança vers lui, et dégaina sa dague en croisant son regard.

-Tu pleures ? Dit-il, sincèrement surprit, comme si la raison lui était revenue.

Elle resta immobile, et il éclata soudain d'un rire glacial.

-Je remercierai Morgoth de ne pas t'avoir placé à mes cotés, tu es faible. Je te tuerai lentement.


Détournant son attention du sindar, il se jeta sur elle, laissant abattre sa lame sur la courte dague de Naé, qui le repoussa avec difficulté.

Elle s'était retrouvée.

Elle ne pensait plus.

Elle avait oublié la douleur lorsque la colère était montée. Son instinct avait toujours été sa meilleure arme, et elle venait de la retrouver. Ses coups n'étaient plus réfléchis, et de ce fait, il ne pouvait plus les anticiper. Le combat était beaucoup plus équitable. Malgré la douleur et la rage, malgré tout ce qui avait pu les réunir un jour, elle était là, telle une machine, plus capable de ressentir quoi que ce soit. Ses larmes s'étaient arrêtées, son visage était plus neutre qu'il ne l'avait jamais été.

Elle ne ressentait plus. Elle ne tressaillit même pas lorsque la lame s'enfonça dans son épaule, ni quand elle en ressortit.

Elle ne sourit même pas quand elle réussit à lui taillader le visage, lui arrachant un cri de rage.

Son regard était inexpressif, et pas un frisson ne la parcourut lorsque la lame enragée de son adversaire lui trancha la main.

Elle ne sentit pas le sang s'échapper de ses trois derniers moignons de doigts qui pendaient mollement au bout de sa main droite. Azazel ricana, toisant l'elleth à présent désarmée devant lui. Il savourait les derniers instants de la victoire évidente qui s'offrait à lui.

Levant son épée, il fit un mouvement vertical, qu'elle aurait paré avec facilité si elle avait eu son arme.

Mais elle ne l'avait plus.

Et le pas qu'elle fit en arrière fut trop lent.

Elle avait évité le coup fatal, mais elle ne put s'empêcher d'hurler cette fois ci quand elle sentit la morsure glacée de la lame courir sur son visage en emportant son œil.


Elle se laissa tomber au sol, la vision diminuée de moitié. Le sang coulait le long de son visage s'insinuait dans sa bouche. Elle cracha le goût âcre, et le prince se pencha sur elle, l'empoignant par les cheveux.

-Tu n'es qu'un souvenir, Naélane.


En un dernier sursaut de courage, elle retira le minuscule poignard qu'elle gardait caché dans le haut de sa botte, et de sa main gauche, elle l'enfonça d'un coup sec sous le menton du prince, en le regardant dans les yeux.

Celui ci hoqueta, laissant du sang gicler au visage de son ancienne maîtresse, et s'effondra sur le sol lorsqu'elle retira l'arme.


Naé déglutit, essayant de se relever, mais elle retomba bien vite au sol, où elle vomit violemment.

Incapable de reprendre son souffle, elle semblait s'étouffer sous le poids de toutes les sensations qui lui revenaient d'un coup.

Portant sa main valide à son visage, elle hurla, essayant d'enlever tout le sang qui s'échappait de son orbite vide.

Prise de violents tremblements, elle se recroquevilla sur le sol, des larmes roulant sur sa joue droite. 


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